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Date : 20160621


Dossier : IMM-4447-15

Référence : 2016 CF 698

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 21 juin 2016

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

SHERIKA COLEENA GREEN

CASEY LANAE BRYAN

(une mineure représentée par sa tutrice à l’instance, Sherika Coleena Green)

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), vise à faire annuler la décision rendue le 9 septembre 2015 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), qui a rejeté l’appel interjeté par les demanderesses à l’égard d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR. La SAR a rejeté la demande d’asile des demanderesses après avoir jugé que celles-ci n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger en vertu respectivement des articles 96 et 97 de la LIPR.

[2]               La SAR est parvenue à cette décision après un réexamen de la demande. La décision défavorable initiale de la SAR a été renvoyée pour réexamen par la juge Catherine Kane dans l’affaire Green c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 536 [Green]. Je suis d’avis que la SAR a de nouveau omis d’examiner la question de la crédibilité dans son analyse de la protection de l’État. La présente demande est accueillie et l’affaire est renvoyée pour un deuxième réexamen pour les motifs énoncés ci-après.

A.                Faits

[3]               Les demanderesses sont Sherika Coleena Green (demanderesse principale) et sa fille de 6 ans Casey Lanae Bryan. Elles sont toutes deux citoyennes de la Jamaïque.

[4]               Les demanderesses ont présenté une demande d’asile au Canada, la demanderesse principale craignant d’être victime de violence conjugale. Les demanderesses disaient craindre l’ancien petit ami de la demanderesse principale et père de Casey, Hannif Bryan. Les demanderesses ont déclaré que la relation entre la demanderesse principale et M. Bryan a débuté en avril 2007; ce dernier a toutefois commencé à être violent, et les menaces et le harcèlement se sont intensifiés après que la demanderesse principale est devenue enceinte de Casey.

[5]               La demanderesse principale dit avoir été étranglée par M. Bryan, en octobre 2009. Selon la demanderesse principale, ce fut la dernière fois que les demanderesses ont eu un contact direct avec M. Bryan; ce dernier a toutefois continué d’essayer de communiquer avec la demanderesse principale et la mère de la demanderesse principale, par messages texte et par courriel. M. Bryan a également tenté à deux reprises d’enlever sa fille Casey alors qu’elle était à la garderie et, à deux occasions distinctes, la demanderesse principale a été victime d’une attaque au couteau par des agresseurs inconnus.

[6]               Les demanderesses ont quitté la Jamaïque à destination du Canada en décembre 2012 et elles ont présenté une demande d’asile en avril 2013.

B.                 Décisions antérieures

(1)               Décision de la SPR

[7]               La SPR a rejeté la demande d’asile des demanderesses, estimant que la question déterminante en l’espèce était de savoir si les demanderesses pouvaient se prévaloir d’une protection adéquate de l’État et concluant, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse principale n’avait pu réfuter la présomption que la Jamaïque puisse leur offrir une protection adéquate.

[8]               La SPR a estimé que la demanderesse principale n’était pas un témoin entièrement crédible, notant qu’elle avait altéré la réalité lorsqu’elle a décrit ce qu’elle craignait que M. Bryan fasse subir à Casey. La SPR a jugé que la demanderesse principale n’avait pas fourni de réponses directes à cette question et qu’elle n’avait pas témoigné d’une manière franche et spontanée. La demanderesse principale a invoqué la nervosité pour expliquer ce comportement, mais la SPR a rejeté cette explication. La SPR n’a cependant pas mis en doute les allégations de la demanderesse principale concernant les actes de violence conjugale commis par M. Bryan.

[9]               En sa basant sur sa conclusion quant à la crédibilité des demanderesses, la SPR n’a pas accepté les allégations de la demanderesse principale qui, durant son témoignage, a déclaré avoir déposé une plainte à la police cinq ou six fois; la SPR a plutôt estimé que la demanderesse principale n’avait déposé une plainte à la police qu’une seule fois, visite qui a été corroborée par un rapport de police (rapport de police). La SPR a également rejeté la thèse de la demanderesse principale, là encore en se basant sur sa conclusion antérieure quant à la crédibilité de la demanderesse, lorsque celle-ci a allégué que le rapport de police contenait des renseignements erronés sur cette visite car, contrairement à ce qui y était indiqué, on ne lui avait jamais conseillé de faire appel aux tribunaux pour qu’une sommation pour menaces soit délivrée contre M. Bryan.

(2)               Première décision de la SAR

[10]           La SAR a rejeté l’appel des demanderesses, même après avoir relevé des erreurs dans l’évaluation faite par la SPR de la crédibilité des demanderesses (première décision de la SAR).

[11]           La SAR a notamment estimé que la conclusion de la SPR concernant le manque de crédibilité de la demanderesse principale n’était pas suffisamment corroborée. Qui plus est, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas dûment tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, même si elle avait reconnu que la demanderesse principale avait été victime de violence conjugale. En dépit de ces observations, la SAR a déterminé qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que la demanderesse principale n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. La SAR a en effet noté que la SPR avait tenu compte de la situation de la demanderesse principale qui, même si elle s’était adressée aux autorités, avait omis de déposer une plainte officielle à la police au sujet des menaces présumées comme on le lui avait recommandé. La SAR a ensuite énoncé les conclusions de la SPR concernant la protection de l’État et elle a conclu que ces conclusions étaient raisonnables, car la DP n’a pas donné suite aux conseils de la police bien qu’elle soit une personne instruite et débrouillarde.

(3)               Décision dans Green

[12]           La juge Kane a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par les demanderesses à l’encontre de la première décision de la SAR, jugeant que la SAR avait commis une erreur 1) en exerçant une fonction qui relevait davantage du contrôle judiciaire que de l’appel et 2) en s’appuyant sur des conclusions en matière de crédibilité qu’elle a jugées déraisonnables pour établir que la demanderesse principale n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État.

[13]           La juge Kane a noté que la SAR avait pris acte du fait que la SPR avait déclaré avoir fondé ses conclusions concernant la protection de l’État sur ses conclusions en matière de crédibilité. La juge Kane a également noté que la SAR, en estimant que les conclusions en matière de crédibilité étaient déraisonnables, n’avait aucune raison de confirmer la conclusion de la SPR selon laquelle les demanderesses n’avaient pas réfuté la présomption de protection adéquate de l’État.

[14]           La juge Kane a renvoyé l’affaire à la SAR pour réexamen.

C.                 Décision faisant l’objet du contrôle

[15]           Lors du réexamen de l’affaire, la SAR a de nouveau confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demanderesses n’ont ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger (réexamen de la décision par la SAR).

[16]           Les demanderesses ont demandé à présenter de nouveaux éléments de preuve à la SAR, sous la forme d’un affidavit expliquant que le stress et l’anxiété avaient influé sur leur témoignage devant la SPR. La SAR a toutefois estimé que l’affidavit portait sur des éléments de preuve qui avaient déjà été examinés à fond par la SPR et qu’il ne s’agissait donc pas de nouveaux éléments de preuve au sens du paragraphe 110(4) de la LIPR. En rejetant ces nouveaux éléments de preuve, la SAR a également rejeté la requête d’audience présentée par les demanderesses en application du paragraphe 110(6) de la LIPR.

[17]           La SAR s’est ensuite penchée sur la nature de son rôle, s’appuyant pour ce faire sur la décision rendue par le juge Michael Phelan dans Hurugulica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, aux paragraphes 54 et 55, 30 Imm LR (4th) 115. La SAR a conclu qu’elle devait instruire l’affaire comme une procédure d’appel hybride. La SAR a indiqué que son rôle était de passer en revue tous les aspects de la décision de la SPR et de faire une évaluation indépendante de la demande d’asile des demanderesses, tout en reconnaissant qu’elle peut respecter les conclusions de la SPR sur les questions de crédibilité lorsque la SPR jouit d’un avantage particulier.

[18]           La SAR a ensuite confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demanderesses n’avaient pu réfuter la présomption de protection adéquate de l’État en Jamaïque et la demanderesse principale n’avait pas fait d’efforts raisonnables et sincères pour se prévaloir de cette protection. La SAR a conclu, sur la base de la preuve matérielle, que les victimes de violence conjugale ou sexuelle en Jamaïque peuvent se prévaloir d’une protection adéquate de l’État et que les demanderesses seraient donc en mesure d’obtenir cette protection si elles étaient menacées par M. Bryan. Bien qu’elle ait reconnu que [traduction] « la SPR avait exprimé quelques réserves quant à la crédibilité des demanderesses », la SAR n’a pas examiné plus en détail les conclusions de la SPR en matière de crédibilité, se limitant à mentionner dans l’analyse de son rôle que la SAR peut [traduction] « reconnaître et respecter les conclusions de la SPR sur des questions comme la crédibilité ».

II.                Position des parties

A.                Position des demanderesses

[19]           Les demanderesses font valoir que la SAR a commis une erreur en refusant d’admettre en preuve les nouveaux éléments proposés par la demanderesse principale pour expliquer son état d’esprit durant l’audience devant la SPR. Selon les demanderesses, ces nouveaux éléments de preuve étaient liés à des questions d’équité procédurale découlant du déroulement de l’audience; ils n’étaient donc pas disponibles avant l’audience.

[20]           Elles sont également d’avis que la SPR a commis une erreur en considérant que la crédibilité et la protection de l’État étaient des questions distinctes, la juge Kane ayant au contraire conclu dans Green que la SPR s’était fondée sur ses conclusions relatives à la crédibilité pour tirer ses conclusions concernant la protection de l’État. Les demanderesses soutiennent qu’en vertu du principe de préclusion pour même question en litige et de la doctrine du stare decisis, la SAR ne pouvait conclure autrement lors du réexamen sans tout au moins tenir compte des conclusions de la juge Kane.

[21]           Elles soutiennent par ailleurs que, même si la SAR n’était pas liée par la conclusion de la juge Kane dans l’affaire Green, le défaut de la SAR d’examiner la question de la crédibilité constitue une erreur déraisonnable dans l’évaluation des éléments de preuve présentés. Les demanderesses disent avoir soulevé auprès de la SAR la décision défavorable rendue par la SPR au sujet de leur crédibilité; elles estiment donc que la SAR a commis une erreur lors de son réexamen en ne tenant pas compte de la question de la crédibilité. De l’avis des demanderesses, aucun motif raisonnable ne permettait de conclure que les conclusions de la SPR concernant la protection de l’État n’étaient pas fondées sur celles liées à la crédibilité.

B.                 Observations du défendeur

[22]           Le défendeur soutient que la SAR a fait une évaluation indépendante des éléments de preuve, faisant preuve de déférence à l’égard de la SPR sur la question de la crédibilité et parvenant à la conclusion raisonnable que les demanderesses pouvaient se prévaloir d’une protection adéquate de l’État en Jamaïque.

[23]           Le défendeur soutient que la SAR n’était pas liée par la décision de la juge Kane dans son évaluation indépendante des éléments de preuve aux fins du réexamen, et donc que le principe de préclusion pour même question en litige ne s’applique pas. Il soutient également que la juge Kane n’a donné aucune directive concernant le réexamen et n’a tiré aucune conclusion de fait quant au caractère raisonnable de l’analyse de la crédibilité de la SPR. La SAR n’a donc pas fait abstraction de l’affaire Green ni enfreint le principe du stare decisis.

[24]           Le défendeur soutient également que les demanderesses ont mal interprété la décision de la juge Kane en déclarant que la crédibilité était un élément central de l’appel auprès de la SAR. Enfin, le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que l’affidavit proposé ne constituait pas un nouvel élément de preuve au sens du paragraphe 110(4) de la LIPR.

III.             Questions en litige et analyse

[25]           Bien que les demanderesses aient soulevé un certain nombre de questions, la question déterminante en l’espèce est le fait que la SAR n’a pas examiné les conclusions de la SPR sur la crédibilité, malgré : 1) le fait que la SPR a établi un lien entre la crédibilité et la protection de l’État et 2) les arguments invoqués par les demanderesses devant la SAR, selon lesquels les conclusions défavorables de la SPR concernant leur crédibilité ont influé sur ses conclusions relatives à la protection de l’État.

[26]           En tirant sa conclusion concernant la protection de l’État, la SPR s’est fondée sur les deux observations principales suivantes : 1) la demanderesse principale n’a porté plainte à la police qu’une seule fois alors qu’elle a dit s’être plainte cinq à six fois et 2) la demanderesse principale n’a pas suivi les directives énoncées dans le rapport de police, malgré ses allégations voulant que ce rapport soit erroné. En rejetant les éléments de preuve de la demanderesse principale sur ces deux questions essentielles, la SPR s’est fondée expressément et sans équivoque sur ses [traduction] « conclusions précédentes en matière de crédibilité ».

[27]           Il ne s’agit pas ici d’une affaire où la SPR a jugé que les demanderesses n’étaient pas crédibles lorsqu’elles disaient craindre d’être persécutées ou d’être exposées à des risques, puis a conclu que les demanderesses pouvaient malgré tout se prévaloir d’une protection adéquate de l’État. Il s’agit d’une affaire où les conclusions relatives à la crédibilité sont liées à la pertinence opérationnelle de la protection de l’État, car la SPR n’a pas mis en doute la crainte de persécution des demanderesses ni les risques auxquels elles étaient exposées.

[28]           En l’espèce, la SPR n’a pas mis en doute les allégations de la demanderesse principale selon lesquelles elle avait été victime de violence conjugale, M. Bryan avait tenté d’enlever Casey et la demanderesse principale avait été attaquée à deux reprises par des agresseurs inconnus. La SPR a plutôt rejeté les éléments de preuve de la demanderesse principale concernant ses efforts pour obtenir la protection de l’État, en se fondant sur ses conclusions précédentes quant à la crédibilité des demanderesses. Ayant rejeté ces éléments de preuve, la SPR a conclu que les demanderesses n’avaient pu réfuter la présomption de protection de l’État.

[29]           En interjetant appel de la décision de la SPR auprès de la SAR, les demanderesses ont constamment fait valoir, tant lors de l’évaluation initiale que du réexamen, que la SPR avait commis une erreur sur la question de la crédibilité et que ses conclusions sur cette question allaient à l’encontre des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Les demanderesses ont également invariablement fait valoir que les conclusions de la SPR en matière de crédibilité l’avaient amenée à conclure, à tort, que la demanderesse principale ne s’était plainte à la police qu’une seule fois et que le rapport de police était un compte rendu fidèle de la réponse de la police à cette occasion.

[30]           Comme les demanderesses avaient déclaré que les conclusions de la SPR en matière de crédibilité avaient influencé son analyse de la protection de l’État, la SAR était tenue d’examiner les erreurs alléguées lors de son réexamen de l’affaire (Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 93, au paragraphe 103).

[31]           Cependant, dans sa décision au terme du réexamen, la SAR n’a fait que reconnaître que [traduction] « la SPR a exprimé quelques réserves quant à la crédibilité des demanderesses ». Elle a ensuite fait abstraction de ces préoccupations lorsqu’elle a examiné ce qu’elle a qualifié de question déterminante de l’issue de la demande, à savoir la protection de l’État.

[32]           Bien qu’elle n’ait pas vraiment examiné ou analysé les conclusions de la SPR relativement à la crédibilité, la SAR les a appuyées implicitement, en se fondant sur le rapport de police pour conclure que les demanderesses pouvaient se prévaloir d’une protection adéquate de l’État. Il n’est toutefois pas clair comment la SAR est parvenue à cette conclusion après réexamen, ni sur quels motifs elle s’est fondée pour ce faire.

[33]           Le fait que la SAR, lors du réexamen de l’appel, n’a pas examiné les questions mêmes qui, selon les demanderesses, étaient au cœur de l’appel interjeté à l’encontre de la décision de la SPR est une erreur susceptible de révision qui mine la transparence de la décision de la SAR et la rend ainsi déraisonnable.

[34]           Eu égard à ma conclusion, je ne suis pas tenu d’examiner les conséquences en droit de la décision de la juge Kane dans Green.

[35]           Les demanderesses soutiennent également que la SAR a commis une erreur en refusant d’accepter leurs nouveaux éléments de preuve. Avec tout le respect que je dois aux demanderesses, je ne suis pas d’accord. Je suis convaincu que la SAR a pris une décision raisonnable en refusant d’admettre les éléments de preuve présentés en vertu du paragraphe 110(4), pour le motif que cette preuve avait déjà été examinée à fond par la SPR et qu’elle figurait dans le mémoire des faits et du droit présenté par les demanderesses à la SAR.

IV.             Conclusion

[36]           L’affaire est renvoyée pour un deuxième réexamen devant tenir compte du fait que les conclusions de la SPR concernant la protection de l’État sont subordonnées et directement liées à ses conclusions sur la crédibilité.

[37]           Les parties n’ont pas relevé de questions aux fins de certification.

V.                Dépens

[38]           Durant sa plaidoirie, l’avocat des demanderesses a soutenu que cette affaire méritait l’adjudication de dépens conformément à l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22.

[39]           L’élément fondamental de son argument est que le défendeur a inutilement et de manière déraisonnable prolongé l’instance, en refusant de renvoyer l’affaire pour un deuxième réexamen en raison d’une erreur manifeste. L’article 22 s’énonce comme suit : « Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens ».

[40]           La jurisprudence a établi que le critère de l’existence des « raisons spéciales » est rigoureux et que la question doit être évaluée en regard des circonstances particulières de chaque affaire (Dhaliwal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 201, aux paragraphes 29 et 30, 384 FTR 261 [Dhaliwal]).

[41]           Il a déjà été établi que des « raisons spéciales » existent lorsque la conduite d’une partie prolonge inutilement et de façon déraisonnable l’instance. Cependant, la jurisprudence a aussi clairement établi que l’opposition du ministre à une demande de contrôle judiciaire ne donne pas naissance à une raison spéciale justifiant l’adjudication de dépens (Dhaliwal, au paragraphe 33). Bien que je sois sensible à la situation des demanderesses en l’espèce, j’estime que le défendeur n’a pas agi d’une manière inéquitable, abusive ou inadéquate ni n’a prolongé de façon déraisonnable l’instance en rejetant la demande de contrôle judiciaire (Johnson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1262, au paragraphe 26, 52 Imm LR (3d) 76). Vu l’absence de raisons spéciales, aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour réexamen.

3.      Durant le réexamen de l’affaire, la SAR doit :

a.       reconnaître que les conclusions de la SPR quant à la protection de l’État sont subordonnées et directement liées à ses conclusions concernant la crédibilité;

b.      prendre en compte ces motifs et les motifs de la juge Kane dans Green c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 536.

4.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

5.      Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4447-15

 

INTITULÉ :

SHERIKA COLEENA GREEN, CASEY LANAE BRYAN et al. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mai 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

DATE DES MOTIFS :

Le 21 juin 2016

COMPARUTIONS :

Jason Currie

Pour les demanderesses

Ian Hicks

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jason Currie

Avocat

Windsor (Ontario)

Pour les demanderesses

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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