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Date : 20160620


Dossier : T-1462-15

Référence : 2016 CF 688

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 juin 2016

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

JOGINDER SINGH LALLY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Le demandeur, M. Joginder Singh Lally, est un citoyen de l’Inde qui était conducteur de grand routier. Il est arrivé au Canada en juillet 2001 et est devenu résident permanent en juillet 2006. Il a demandé la citoyenneté canadienne le 12 septembre 2008.

[2]               Après avoir examiné la demande de M. Lally, son questionnaire de résidence et d’autres documents, l’agent de la citoyenneté a relevé certaines préoccupations quant au dossier de M. Lally. En effet, il manquait d’éléments de preuve pour étayer la présence effective au Canada de M. Lally durant la période visée, et celui-ci s’est souvent absenté du pays. L’affaire a donc été renvoyée à une juge de la citoyenneté (la juge) qui a tenu une audience avec M. Lally, où elle l’a interrogé et a abordé les préoccupations relatives à sa résidence au Canada. La juge n’était pas convaincue que M. Lally respectait les obligations de résidence lui permettant de devenir citoyen canadien, parce qu’elle ne pouvait pas déterminer combien de jours il avait été effectivement présent au Canada durant la période visée. Elle a donc rejeté sa demande de citoyenneté.

[3]               M. Lally a demandé un contrôle judiciaire de cette décision. Il affirme que la juge a commis une erreur en refusant de lui accorder la citoyenneté et en concluant qu’il n’était pas crédible. En guise de réponse, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) soutient que la décision de la juge est raisonnable et amplement étayée par les éléments de preuve qui figurent au dossier.

[4]               La seule question à trancher consiste à déterminer si la conclusion de la juge, selon laquelle M. Lally n’a pas satisfait aux exigences en matière de citoyenneté, est raisonnable.

[5]               La demande de contrôle judiciaire que M. Lally a présentée est rejetée pour les motifs qui suivent. Je ne suis pas convaincu que la décision de la juge n’appartient pas aux issues possibles acceptables ou que les motifs sont suffisants pour justifier l’intervention de la Cour. Je conclus aussi que les motifs de la décision expliquent adéquatement comment la juge est parvenue à la conclusion que M. Lally n’avait pas satisfait aux exigences relatives à la résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi).

II.                Contexte

A.                La décision de la juge

[6]               Dans sa décision datée du 8 juillet 2015, la juge s’est fondée sur l’obligation de résidence en vertu de l’alinéa 5(1)c) de la Loi, comme il est décrit dans l’arrêt Pourghasemi (Re) (1993), 62 FTR 122 (CFPI) [Pourghasemi]. Aux termes de cet alinéa (version en vigueur au moment où M. Lally a présenté sa demande de citoyenneté), le ministre doit accorder la citoyenneté à toute personne qui, durant la période visée de quatre ans ou 1 460 jours, a accumulé au moins trois années (ou 1 095 jours) de résidence au Canada.

[7]               Après avoir résumé les étapes de la procédure menant à sa décision, y compris son examen du questionnaire sur la résidence et des documents présentés par M. Lally ainsi que la comparution de celui-ci à une audience devant elle, la juge a conclu que les éléments de preuve qu’a fournis M. Lally étaient incomplets et peu crédibles. Plus précisément, la juge a fait ressortir les contradictions suivantes dans les éléments de preuve présentés par M. Lally :

  • M. Lally a lui-même déclaré 1 119 jours de présence et aucune absence, mais a déclaré quatre absences partielles dans son questionnaire sur la résidence.
  • Le passeport de M. Lally contenait quatre timbres d’entrée aux États-Unis, mais aucun timbre correspondant de rentrée au Canada.
  • M. Lally n’a déclaré que 778 jours de présence au Canada dans sa demande initiale, ce qui représente tout juste un peu plus de deux ans.
  • M. Lally a présenté des éléments de preuve quant à deux adresses personnelles différentes au Canada : l’une à Brampton, en Ontario (depuis août 2006), et l’autre à Montréal, au Québec (depuis janvier 2007). M. Lally ne pouvait pas préciser combien de temps il avait vécu à l’une ou l’autre de ces adresses, et il a modifié sa réponse à maintes reprises lors de l’audience. Notamment, il s’est contredit au sujet de la durée de résidence à Brampton, mentionnant qu’il y était resté trois ans, puis quatre ans et, enfin, peut-être sept ans.
  • M. Lally n’a fourni que 12 fiches du conducteur pour toute la période visée de quatre ans, et ces fiches ne portaient que sur l’année 2008, la dernière de la période. Il a expliqué cette quantité limitée d’éléments de preuve en déclarant qu’il s’était fait voler ses effets personnels, mais il n’a pas présenté de rapport de police à ce sujet.

[8]               La juge a souligné qu’il était impossible de faire le suivi des jours d’absence qu’avait déclarés M. Lally dans sa demande initiale et son questionnaire sur la résidence, et que M. Lally n’avait pas pu expliquer pourquoi il avait laissé vides certaines parties du questionnaire. De plus, elle a conclu que le manque de diligence raisonnable dont a fait preuve M. Lally pour ce qui est de fournir des renseignements exacts avait miné sa crédibilité.

[9]               La juge a conclu qu’il n’est pas possible de déterminer le nombre de jours durant lesquels M. Lally était effectivement présent au Canada parce qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve de sa présence effective continue au cours des périodes pendant lesquelles il prétend avoir été au Canada. Elle a donc déterminé que M. Lally n’avait pas satisfait aux exigences de résidence selon le critère de Pourghasemi.

B.                 Norme de contrôle

[10]           Il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux décisions prises par un juge de la citoyenneté est raisonnable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Baccouche, 2016 CF 97, au paragraphe 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Bayani, 2015 CF 670 [Bayani], au paragraphe 17; Huang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 576 [Huang], au paragraphe 26.

[11]           En se fondant sur cette norme de contrôle, la Cour doit veiller à ce que la décision d’un juge de la citoyenneté satisfasse au critère de clarté, de précision et d’intelligibilité et à ce qu’elle soit étayée par une preuve acceptable qui peut être justifiée en fait et en droit. La norme de la décision raisonnable exige non seulement que la décision en cause fasse partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, mais aussi qu’elle tienne à la justification de la décision, à la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel (se reporter à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[12]           De plus, il est acquis en matière jurisprudentielle qu’il revient à la personne présentant une demande de citoyenneté de prouver que les conditions énoncées dans la Loi à l’égard de la résidence ont été remplies : El Falah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 736 [El Falah], au paragraphe 21). Le juge de la citoyenneté ne saurait s’en remettre aux seules prétentions du demandeur à cet égard, plus particulièrement en présence d’éléments de preuve contradictoires (El Falah, au paragraphe 21). Une demande doit être étayée par une preuve claire et convaincante (Atwani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1354, au paragraphe 12). Il en est ainsi parce que la citoyenneté canadienne est un privilège qu’il ne faut pas accorder à la légère (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Pereira, 2014 CF 574, au paragraphe 21). Cette exigence vaut indépendamment du critère de résidence appliqué par le juge de la citoyenneté, que le critère soit quantitatif ou qualitatif (Abbas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 145, au paragraphe 8).

III.             Analyse

[13]           M. Lally soutient que la juge a mal interprété les éléments de preuve et mal appliqué le critère de Pourghasemi. Il affirme qu’elle n’a pas bien compris la nature de son travail de conducteur de grand routier. M. Lally soutient que la juge a commis une erreur susceptible de révision en concluant qu’il n’avait pas besoin d’être au Canada pour gagner sa vie, alors que les éléments de preuve démontrent qu’il transportait des biens au Canada pour une entreprise de l’Ontario, et qu’il se rendait à l’occasion aux États-Unis. Il affirme que cette description de son travail est étayée par les timbres qui figurent dans son passeport et les registres de voyage.

[14]           M. Lally allègue également que, s’il s’était rendu fréquemment aux États-Unis, son passeport comporterait plus que quatre timbres. On doit aussi s’attendre à ce qu’il n’y ait pas de timbre de sortie, parce que les autorités frontalières canadiennes apposent rarement un timbre dans le passeport des citoyens de retour et des résidents permanents. De plus, M. Lally allègue que la juge avait l’obligation de consulter le rapport du Système intégré d’exécution des douanes pour confirmer sa présence au Canada, mais qu’elle ne l’a pas fait. Ses registres de voyage montrent aussi qu’il n’a jamais passé plus de 24 heures aux États-Unis, ce qui concorde avec la nature de son travail. Enfin, M. Lally déclare que la juge a commis une erreur en ne tenant pas compte de son explication évidente selon laquelle il avait deux appartements à la fois, toujours en raison de la nature de son travail.

[15]           Je suis en désaccord avec la position et les arguments de M. Lally.

[16]           Je conclus plutôt que la juge n’a pas commis d’erreur en concluant que M. Lally ne s’était pas acquitté de son fardeau qui consistait à démontrer qu’il avait rempli les exigences de résidence énoncées dans la Loi. Les éléments de preuve qu’a présentés M. Lally sont incomplets, contradictoires et non crédibles. La juge a dû se fonder sur ces éléments de preuve pour déterminer si M. Lally s’était acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, et il était de son ressort d’évaluer et d’apprécier les éléments de preuve tel qu’elle l’a fait. De toute évidence, la décision de la juge fait partie des issues possibles acceptables.

[17]           La Loi ne définit pas le terme « résidence ». Voilà déjà quelque temps que la Cour se livre à un débat sur ce que ce terme et l’alinéa 5(1)c) de la Loi veulent vraiment dire. Trois écoles jurisprudentielles sont ressorties de ce débat, et les juges de la citoyenneté disposent donc, dans une affaire donnée, de trois critères pour évaluer si les exigences en matière de résidence ont été respectées [Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Patmore, 2015 CF 699, au paragraphe 13; Huang, aux paragraphes 17 et 18; Sinanan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1347, aux paragraphes 6 à 8].

[18]           Le premier critère prévoit le comptage strict des jours de présence effective au Canada, qui doivent totaliser 1 095 jours dans les quatre ans précédant la demande. Ce critère est souvent appelé critère quantitatif ou critère Pourghasemi. Le deuxième critère évalue la qualité des attaches du demandeur avec le Canada et reconnaît qu’une personne peut être résidente du Canada même si elle en est temporairement absente, dans la mesure où son mode de vie est centralisé au Canada et reflète l’intention d’établir une résidence permanente au pays. Ce critère, moins rigoureux, est habituellement appelé critère Papadogiorgakis (Re Papadogiorgakis, [1978] 2 CF 208). Enfin, le troisième critère, qui prend assise sur le deuxième critère, définit la résidence en tant qu’endroit où l’on a centralisé son mode de vie. Dans la jurisprudence, ce critère est appelé critère de la décision Koo (Re Koo, [1993] 1 CF 286). Les deux derniers critères sont souvent décrits comme des critères qualitatifs (Huang, au paragraphe 17).

[19]           Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les juges de la citoyenneté peuvent choisir parmi ces trois critères celui qu’ils souhaitent appliquer, et qu’on ne peut leur reprocher d’avoir choisi l’un plutôt que l’autre (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Lin, 2016 CF 58, au paragraphe 12; Bayani, au paragraphe 24; Pourzand c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 395, au paragraphe 16; Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 700, au paragraphe 16). La Cour ne doit donc pas intervenir à moins que le critère choisi n’ait été appliqué d’une manière déraisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Demurova, 2015 CF 872, au paragraphe 20). Bien qu’ils puissent choisir entre les trois critères, les juges de la citoyenneté doivent au moins indiquer quel critère de résidence a été utilisé et en quoi le critère a été rempli ou non. L’omission de le faire constitue une erreur susceptible de contrôle : Bayani, au paragraphe 30; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Jeizan, 2010 CF 323 [Jeizan], au paragraphe 18. La décision d’un juge de la citoyenneté est suffisamment motivée lorsque les motifs sont clairs, précis et intelligibles, et quand elle reflète une compréhension des points soulevés par la preuve et indique pourquoi la décision a été rendue : (Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, au paragraphe 46; VIA Rail Canada Inc. c. Canada (Office national des transports), [2001] 2 CF 25 (CAF), au paragraphe 22; Jeizan, au paragraphe 17).

[20]           En l’espèce, la juge a clairement choisi le critère quantitatif énoncé dans l’affaire Pourghasemi, ce qui prévoit un comptage strict des jours de présence de M. Lally au Canada. Je ne suis pas d’accord avec M. Lally pour affirmer que la juge n’a pas compté comme il se doit ses jours de présence au Canada et ses jours d’absence. Cette affaire ne présente pas des faits semblables à ceux de l’affaire Hussein c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 88 [Hussein], au paragraphe 16, sur lequel M. Lally s’est appuyé dans ses arguments. Dans l’affaire Hussein, le juge Leblanc a conclu que le juge de la citoyenneté avait accepté, comme point de départ, le nombre de jours de présence effective déclaré par la demanderesse, nombre qui dépassait le seuil de 1 095 jours. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Dans la présente affaire, la juge a tenté de compter le nombre de jours de présence et d’absence déclaré par M. Lally, mais elle n’a pas pu le déterminer. Selon moi, elle a expliqué de manière compréhensible en quoi les diverses incohérences dans les éléments de preuve qu’a fournis M. Lally et le caractère incomplet de ceux-ci l’empêchaient de calculer les jours de présence effective de M. Lally au Canada, et en quoi M. Lally n’a pas rempli le critère quantitatif. Sa décision avait les caractéristiques requises en matière de justification, de transparence et d’intelligibilité.

[21]           Je suis convaincu que les motifs de la décision indiquent quel critère de résidence a été utilisé par la juge et pourquoi ce critère n’a pas été rempli (Hussein, au paragraphe 16). Dans sa décision, la juge a affirmé que M. Lally avait lui-même déclaré 1 119 jours de présence et aucune absence, et qu’il ne manquait pas de jours. Toutefois, elle a ensuite souligné que le questionnaire sur la résidence faisait plutôt référence à quatre absences, et que M. Lally n’avait déclaré que 778 jours de présence dans sa demande initiale. Par ailleurs, je note que le dossier ne contient aucun élément de preuve démontrant que M. Lally était présent au Canada durant la première partie de la période visée.

[22]           Une présence effective au Canada est requise pour que le critère de résidence soit rempli, et il incombait à M. Lally de prouver cette présence (El Falah, au paragraphe 21). Si cette présence effective n’est pas démontrée, la citoyenneté canadienne ne peut être accordée. Contrairement à ce qu’a allégué M. Lally, l’impossibilité pour la juge de déterminer le nombre de jours de présence effective de M. Lally au Canada constituait précisément la conclusion de fait qui justifiait et étayait la conclusion de la juge selon laquelle il n’avait pas satisfait aux exigences de résidence de la Loi, selon la prépondérance des probabilités.

[23]           Comme il est mentionné dans l’affaire Pourghasemi, l’objectif sous-jacent des dispositions de la Loi en ce qui concerne la citoyenneté est de veiller à ce que toute personne qui s’est vu accorder la citoyenneté canadienne se soit « canadianisée ». Dans cette décision, le juge Muldoon a illustré cet objectif dans un langage coloré, faisant référence aux cas où la personne côtoie les Canadiens « au centre commercial, au magasin d’alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d’automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l’ascenseur, à l’église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple » (Pourghasemi, au paragraphe 3). Essentiellement, cela reflète le besoin pour un demandeur d’établir et de prouver une présence concrète et effective au Canada. Voilà, selon l’évaluation de la juge, ce que M. Lally n’est pas parvenu à faire.

[24]           Je ne suis pas convaincu que la juge a mal interprété certains éléments de preuve. Il est du ressort du juge de la citoyenneté d’apprécier et d’évaluer les éléments de preuve, et la Cour doit manifester une grande retenue à l’égard de telles conclusions. Le dossier étaye la conclusion de la juge selon laquelle M. Lally a présenté un témoignage vague concernant ses adresses et des éléments de preuve insuffisants quant à sa présence effective au Canada. Je suis d’accord avec le ministre pour affirmer que les documents qu’a fournis M. Lally étaient de toute évidence insuffisants pour appuyer raisonnablement ses déclarations selon lesquelles il était physiquement présent au Canada durant la période visée. Il n’y a pratiquement aucune trace de la présence de M. Lally au Canada, sauf pour les quelques périodes que concernent les éléments de preuve limités qu’il a présentés.

[25]           Je dois également souligner que, si un tel degré de déférence est exigé à l’égard des conclusions relatives à la crédibilité auxquelles arrivent les juges, c’est que ces derniers sont mieux placés pour [traduction] « rendre une décision basée sur les faits pour ce qui est de savoir si la question de seuil de l’existence d’une résidence a été établie » [Martinez-Caro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 640, au paragraphe 46].

[26]           Compte tenu de l’insuffisance des éléments de preuve qu’a présentés M. Lally quant à sa présence, la juge ne pouvait pas se fier aveuglément aux arguments de M. Lally au sujet du nombre de jours où il était présent au Canada et du nombre de jours où il était absent. Je reconnais qu’il est possible qu’au-delà d’un certain point, on puisse considérer comme déraisonnable l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la part d’un juge de la citoyenneté. Cependant, ce point n’a pas été atteint en l’espèce puisque la piètre explication invraisemblable qu’a donnée M. Lally pour justifier ses absences était insuffisante pour appuyer l’octroi de la citoyenneté.

[27]           Pour ce qui est du caractère suffisant des motifs de la juge, j’ai affirmé ceci, dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Abdulghafoor, 2015 CF 1020, aux paragraphes 30 à 36 : « Le droit applicable a grandement évolué depuis l’époque où l’arrêt Dunsmuir a été rendu en ce qui concerne le caractère adéquat des motifs d’une décision administrative, tant pour ce qui est du niveau de détail de l’analyse auquel devraient être assujetties les décisions reposant sur des faits, comme celle qui nous intéresse en l’espèce, que pour ce qui est du caractère suffisant des motifs en tant que raison justifiant à elle seule le contrôle. » Le décideur n’est pas tenu de mentionner tous les détails qui étayent sa conclusion. Il suffit que les motifs permettent à la Cour de comprendre le fondement de la décision et de déterminer si la conclusion appartient aux issues possibles acceptables. Selon la norme, la décision doit être raisonnable, et non parfaite. La Cour devrait s’en remettre à un juge de la citoyenneté pour ce qui est de l’appréciation de la preuve et des conclusions relatives à la crédibilité, tant qu’elle est en mesure de comprendre pourquoi la décision a été rendue. C’est précisément le cas en l’espèce.

IV.             Conclusion

[28]           Pour les motifs énoncés précédemment, la demande de contrôle judiciaire de M. Lally est rejetée. Le rejet par la juge de la demande de citoyenneté de M. Lally constitue une issue raisonnable selon la loi et les éléments de preuve. Selon la norme de la décision raisonnable, il suffit que la décision faisant l’objet d’un contrôle judiciaire appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, et qu’elle soit justifiée, transparente et intelligible. Dans sa décision, la juge a abordé toutes les préoccupations soulevées par l’agent de la citoyenneté, et elle a fourni des motifs suffisants.

[29]           Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification. Je conviens qu’il n’y a pas de question de cette nature.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1462-15

INTITULÉ :

JOGINDER SINGH LALLY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 février 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

LE 20 JUIN 2016

COMPARUTIONS :

Isabelle Sauriol

Pour le demandeur

Sherry Rafai Far

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand Deslauriers, Avocats

Avocats

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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