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Date : 20160622


Dossier : IMM-5060-15

Référence : 2016 CF 705

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2016

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

JIAWEI WANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS 

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 28 octobre 2015 confirmant une mesure de renvoi prise contre le demandeur par la Section de l’immigration (SI) au motif qu’il a été estimé interdit de territoire pour fausses déclarations en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (la Loi).

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen chinois âgé de 31 ans. Il est entré au Canada en septembre 2002 à l’âge de 18 ans muni d'un visa étudiant. Il a épousé une citoyenne canadienne le 16 septembre 2006 et a obtenu la résidence permanente le 16 septembre 2007. Le 15 juillet 2009, le demandeur et son épouse ont divorcé. Aucun enfant n’est issu de cette union.

[3]               En 2008, le demandeur a rencontré son épouse actuelle, Mme Jing Ren, une citoyenne canadienne. Ils ont eu leur premier enfant, Bonnie, en mai 2011. Un deuxième enfant est né de cette union en juin 2014.

[4]               En mai 2009, le premier mariage du demandeur et le parrainage subséquent sont devenus l’objet d’une enquête de grande envergure sur les mariages de complaisance menée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). En juillet 2010, un rapport a été publié contre le demandeur conformément au paragraphe 44(1) de la Loi, affirmant que le demandeur était une personne visée par l’alinéa 40(1)a) de la loi au motif qu’il avait contracté un mariage de complaisance contre rémunération et avait omis d’informer Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) ou l’ASFC qui il n’avait jamais vécu avec sa première femme.

[5]               Une déclaration solennelle signée par la première épouse du demandeur précise les détails suivants de l’arrangement :

[traduction]

- Présenté à Christine par James en 2006. Un mariage a « été arrangé » entre moi et Jia Wei Wang.

- À notre première rencontre, on nous a demandé d’apporter 10 tenues différentes pour refléter les 4 différentes saisons et on nous a demandé de nous livrer à une séance de photos visant à faire croire que nous nous connaissions depuis des années.

- En outre, on nous a demandé d’ouvrir des comptes bancaires [...] et de le faire au nom de l'autre.

- Cette journée-là, j’ai été payée 500.

- Environ une semaine plus tard, nous avons eu la cérémonie (16 septembre 2006) et j’ai été payée 3000. À ce moment j’ai signé les papiers de divorce et les reçus de paiement.

[6]               La SI a estimé que le demandeur était interdit de territoire pour fausses déclarations en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi et a rendu une mesure de renvoi contre lui en décembre 2012.

[7]               Dans son appel de la mesure de renvoi devant la SAI, le demandeur a reconnu la validité juridique de la mesure, mais a demandé une dispense spéciale pour motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’alinéa 67(1)c)de la Loi.

[8]               Tout d’abord, la SAI, évoquant la décision de notre Cour dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059 [Wang], a conclu que les facteurs à prendre en considération dans les cas impliquant de fausses déclarations comprenaient : (i) la gravité des fausses déclarations, (ii) les remords exprimés, (iii) le temps passé au Canada par l'appelant et son degré d’enracinement, (iv) la présence de membres de la famille de l'appelant au Canada et les conséquences que le renvoi aurait pour la famille, (v) l’importance des épreuves que subirait l'appelant s'il était renvoyé du Canada, y compris la situation dans le pays où il serait probablement renvoyé.

[9]               Pour ce qui est du premier facteur, la SAI a conclu que les fausses déclarations faites par le demandeur étaient directes, délibérées et importantes, et a estimé que les fausses déclarations de ce genre sont particulièrement graves, car elles minent l’intégrité du système d’immigration du Canada. Elle a en outre conclu que, « En refusant d’admettre sa culpabilité et sa responsabilité et en n’exprimant aucun remords pour ses actes », le demandeur place la barre très haute pour pouvoir demeurer au Canada.

[10]           La SAI a ensuite conclu que le demandeur n'avait aucunement droit à la résidence permanente en raison du temps qu'il avait passé au Canada, car son séjour illégal au Canada ne devait pas être récompensé. La SAI a examiné l'établissement du demandeur au Canada et a jugé improbable qu'il soit en mesure de payer son hypothèque et d'assurer son propre bien-être et celui de sa famille, comme seul soutien de la famille, en gagnant un salaire de seulement 30 000 $ par an et des commissions. La SAI a accepté que le demandeur se soit établi au Canada dans une certaine mesure, mais a considéré que ce facteur n'était pas important au point d’être déterminant quant à l'issue de l’appel.

[11]           Au sujet de la famille du demandeur au Canada, la SAI a souligné que sa fille Bonnie a reçu un diagnostic de la maladie de Kawasaki en avril 2014. La SAI a reconnu que Bonnie était en bonne santé, mais que sa santé pourrait se détériorer si elle connaissait un nouvel épisode de la maladie de Kawasaki. Le fils du demandeur, Luca, avait un an et demi au moment de l’audience de la SAI. Dans son témoignage, le demandeur a affirmé que Luca avait un poids inférieur à la normale à la naissance et souffrait d'une perforation cardiaque, et qu'il faisait l'objet d'un suivi pour déterminer s'il aurait besoin de chirurgie à l’avenir. Pour ce qui est de l’intérêt supérieur des enfants, la SAI a reconnu que le renvoi du demandeur aurait probablement une incidence négative sur ses enfants. La SAI a également estimé que les enfants n’avaient pas besoin de soins de courte durée, et qu’ils pourraient obtenir des soins adéquats en Chine s’ils devaient s’y installer, et pourraient facilement s’adapter à la vie en Chine.

[12]           Enfin, la SAI a conclu que le demandeur ne subirait pas beaucoup d'épreuves s’il devait retourner en Chine, car il a le soutien financier de ses parents et de ses beaux-parents. Elle a également fait observer que l'exclusion pourrait n'être que temporaire puisque sa femme pourrait faire une demande de parrainage du demandeur.

[13]           La requérante soutient que la SAI a appliqué le mauvais critère dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire et n’a pas évalué et soupesé les facteurs énoncés dans Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1986), [1985] DSAI no 4 [Ribic]. À cet égard, le demandeur soutient que la SAI n’a pas évalué les facteurs individuels du demandeur associés à un impact positif ou négatif et qu’elle a simplement conclu qu’il n’y avait aucun facteur pouvant l'emporter sur les fausses déclarations et le manque de remords du demandeur.

[14]           Le demandeur fait en outre valoir que la SAI a commis un manquement aux règles d’équité procédurale en présentant et en s’appuyant sur une preuve extrinsèque, à savoir, faire référence à sa décision rendue dans Zhao c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, TB1-15834, 10 juin 2014 [Zhao].

III.             Question en litige et norme de contrôle

[15]           La question à trancher en l'espèce est de savoir si la SAI a commis une erreur susceptible de révision au sens du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F­7.

[16]           Il est bien établi que la norme à appliquer lors de l’examen de la décision de la SAI de ne pas prendre de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire est celle du caractère raisonnable (Philistin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1333, au paragraphe 17; Uddin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 314, au paragraphe 19; Li c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 451, au paragraphe 20 [Li]). Il est également bien établi que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339 [Khosa]).

IV.             Analyse

A.                La décision de la SAI était raisonnable

[17]           La prise de mesures spéciales en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi est exceptionnelle et de nature discrétionnaire (Khosa; Charabi c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1184, au paragraphe 21; Li, au paragraphe 26). Cette disposition se lit comme suit :

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

67 (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

[...]

[...]

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[18]           En examinant s’il existe des motifs d’ordre humanitaire qui justifient la prise d’une mesure spéciale à l'égard d'une mesure de renvoi, la SAI doit se laisser guider par les facteurs établis dans Ribic (Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 SCR 84 [Chieu]; Li, au paragraphe 26). Ces facteurs sont non exhaustifs et le poids à accorder à un facteur donné dépend des circonstances particulières de chaque cas (Chieu, au paragraphe 40).

[19]           Il est aussi bien établi que la SAI a un vaste pouvoir discrétionnaire pour examiner et évaluer les facteurs selon les circonstances particulières de l'affaire (Chieu, précité, au paragraphe 40; Khosa, précité, au paragraphe 65). Par ailleurs, la jurisprudence de notre Cour a établi que l'évaluation des facteurs énoncés dans la décision Ribic constitue un exercice qualitatif plutôt que quantitatif (Dhaliwal c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 157, au paragraphe 106 [Dhaliwal]; Ambat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292, au paragraphe 32, 386 FTR 35 [Ambat]).

[20]           Comme indiqué précédemment, dans le cas qui nous est soumis, la SAI a évalué les facteurs d'ordre humanitaire suivants : a) les fausses déclarations et le remords; b) le temps passé au Canada et le degré d'enracinement; c) l'établissement de l’appelant; d) la famille au Canada; e) la famille à l’étranger; f) les épreuves; et g) l'intérêt supérieur des enfants.

[21]           Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur de droit en appliquant les facteurs énoncés dans la décision de notre Cour dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1059, 277 FTR 216 [Wang], par opposition aux facteurs de Ribic. Selon moi, cet argument doit être rejeté. Bien que les facteurs énumérés dans Wang ne comprennent pas (i) le soutien que l'appelant peut obtenir de sa famille et de la collectivité; et (ii) les intérêts supérieurs d'un enfant directement touché par la décision, je suis d'avis que cette différence est sans conséquence puisque la SAI a évalué ces deux facteurs dans sa décision puisqu'elle a manifestement considéré l'intérêt supérieur des deux enfants du demandeur et qu'elle a formé l'opinion qu'il semblait y avoir [traduction] « des ressources familiales importantes disponibles pour l'appelant et sa famille en Chine » et qu'il était « peu probable que l'un des deux couples de parents abandonne l'appelant ou sa famille s'ils devaient retourner en Chine ».

[22]           Le demandeur soutient également que la SAR a erré dans son évaluation des facteurs d’ordre humanitaire. Selon moi, cet argument doit également être rejeté. Comme indiqué ci-dessus, la SAI a évalué l'impact des facteurs pertinents comme suit :

1a.

La gravité des fausses déclarations

Négatif

1b.

Le remords du demandeur

Négatif

2a.

Le temps passé au Canada

Négatif

2b.

Établissement

Neutre

3.

Présence de la famille au Canada et impact du renvoi sur la famille

Positif

4.

L'intérêt supérieur des enfants

Positif

5.

L'importance des épreuves

Négatif

[23]           Le demandeur se fonde sur Jiang c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 413 [Jiang] pour appuyer ses observations selon lesquelles la SAI a tenu compte de ses fausses déclarations à deux reprises, commettant ainsi une erreur susceptible de révision. À cet égard, le demandeur allègue que la SAI a réduit le poids positif de la durée de temps passé au Canada en invoquant des passages de la décision de notre Cour dans De Melo Silva c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 941, qui énonçait que le « Le nombre d’années passées au Canada ne constitue pas en soi, au regard du droit en matière d’immigration, un motif pour récompenser des demandeurs qui s’y sont établis ici illégalement » (au paragraphe 8), et que « [U]n tel mépris à l’égard du système d’immigration lui enlèverait toute intégrité; une telle chose serait inacceptable. Par conséquent, les motifs CH invoqués en l’espèce sont tout à fait inappropriés » (au paragraphe 11).

[24]           Bien que Jiang confirme le principe selon lequel la SAI commet une erreur susceptible de révision si elle compte en double les fausses déclarations pour réduire le poids d'autres facteurs d'ordre humanitaire, notre Cour a récemment distingué Jiang dans Dhaliwal où le juge Keith Boswell a refusé d'infirmer la décision de la SAI « juste parce que la SAI a fait une partie de son analyse d’évaluation sous la mauvaise rubrique » (au paragraphe 108). En distinguant Jiang de cette affaire, le juge Boswell a déclaré ce qui suit :

[106] Cependant, l’évaluation des facteurs énoncés dans la décision Ribic n’est pas un exercice quantitatif ou de mesure; il ne s’agit pas simplement d’additionner les facteurs positifs et de soustraire ceux qui sont négatifs. Il s’agit plutôt d’une évaluation qualitative ou relative, et la SAI « a toute latitude pour évaluer chaque facteur et il lui est donc loisible de n’accorder aucun poids à un facteur déterminé selon les circonstances » (Ambat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292, au paragraphe 32, 386 FTR 85).

[107] Cela consiste naturellement à comparer les facteurs les uns aux autres, et la demanderesse n’a pas contesté sérieusement le raisonnement que la SAI a suivi pour décider que la fausse déclaration avait plus de poids que les difficultés. Comme l’a déclaré le juge Mosley à propos d’une demande présentée en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi, « [l]es fausses déclarations [...] soulèvent des questions d’intérêt public touchant l’intégrité du système d’immigration » et « ces demandes ne sauraient toutes obtenir une dispense spéciale, en dépit de la séparation familiale et des difficultés qui en résultent puisque cela enlèverait toute signification au Règlement » (Kisana c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 307, au paragraphe 32, conf. par 2009 CAF 189, au paragraphe 27, [2010] 1 RCF 360).

[...]

[108] C’est donc dire que l’argument de la demanderesse se réduit simplement au fait que la SAI a effectué le processus d’évaluation trop tôt dans son raisonnement. Mais le fait d’infirmer la décision juste parce que la SAI a fait une partie de son analyse d’évaluation sous la mauvaise rubrique ressemble au genre de « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » que la Cour suprême a critiquée dans l’arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54, [2013] 2 RCS 458). Dans la mesure où on ne peut pas distinguer la décision Jiang de la présente espèce, je m’abstiens de la suivre.

[25]           Je suis d'accord avec les points de vue exprimés par le juge Boswell dans ces paragraphes.

[26]           Je suis également d'avis que la prétention du demandeur selon laquelle l'analyse de la SAI de l'intérêt supérieur des enfants n'est pas conforme aux enseignements de notre Cour dans Li doit également être rejetée. Mon collègue le juge Michel Shore a écrit ce qui suit au paragraphe 25 de Li concernant l'évaluation de la SAI de l'intérêt supérieur d'un enfant :

[25] Dans Kanthasamy, précité, la Cour suprême a indiqué que, en vertu du paragraphe 25(1) de l'analyse de la LIPR, le décideur doit faire plus que de simplement mentionner qu'il a pris en considération l'intérêt supérieur de l'enfant; le décideur doit bien déterminer, définir et examiner – avec beaucoup d'attention – eu égard à la preuve, l'intérêt de l'enfant (Kanthasamy, précité, au paragraphe 39). En l'espèce, la SAI n'a même pas précisé qu'elle a pris en considération l'intérêt supérieur de l'enfant; la SAI a simplement mentionné que l'enfant est à naître et, qu'en soi, ne revêt aucun intérêt. À tout le moins, la SAI aurait dû tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant d'être avec sa famille au Canada [voir l'alinéa 3(1)d) de la LIPR]. Par conséquent, l'analyse de la SAI de l'intérêt supérieur de l'enfant, en elle-même, est déraisonnable (Hamzai, précité, au paragraphe 33; Kim, précité, au paragraphe 58).

[27]           Dans la présente affaire, la SAI, en supposant que la famille allait déménager en Chine pour rester unie avec le demandeur, a fait observer que les enfants n'ont pas particulièrement besoin de soins de courte durée et aucun élément de preuve n'a été présenté pour établir que les enfants ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé en Chine. La SAI a également conclu que Bonnie pourrait probablement s'adapter à la vie en Chine puisqu'elle parle le mandarin et l'anglais, et qu'étant donné le jeune âge de Luca, il est comme une ardoise vierge sur laquelle la culture et la langue chinoise peuvent être tracées. La SAI a également examiné la perspective de la femme et des enfants du demandeur demeurant au Canada et a conclu que le demandeur pourrait être parrainé par sa femme pour revenir au Canada. Bien que la SAI ait conclu que l'intérêt supérieur des enfants était en jeu et que le renvoi du demandeur aurait probablement un impact négatif sur eux, elle a décidé que ce facteur n'était pas déterminant de l'appel. En somme, la SAI a conclu que les fausses déclarations du demandeur l'emportaient sur l'intérêt supérieur de ses enfants.

[28]           À mon avis, l'évaluation de la SAI ne peut pas être décrite comme ayant été superficielle. La SAI a défini et examiné l'intérêt supérieur des enfants, en tenant compte de l'intention des membres de la famille de rester unis malgré le renvoi du demandeur.

[29]           Comme indiqué plus haut, il convient de faire preuve d'une grande déférence au poids qu'a accordé la SAI aux facteurs d'ordre humanitaire. À mon avis, il était raisonnable que la SAI conclue que les fausses déclarations et le manque de remords du demandeur, de même que les épreuves qu'il rencontrerait s’il devait retourner en Chine l’emportaient sur l’intérêt supérieur de ses enfants, sur l’incidence de son renvoi sur sa famille au Canada et sur le nombre d'années qu’il a passé ici. En fin de compte, le demandeur est insatisfait de la façon dont la SAI a évalué les facteurs d'ordre humanitaire. Cependant, cela ne peut constituer un fondement justifiant l'intervention de notre Cour (Ambat, aux paragraphes 32 et 33).

[30]           Cela étant dit, le demandeur prétend que la décision de la SAI est également susceptible de révision pour des motifs d’équité procédurale. Je ne suis pas d'accord.

B.                 Aucun manquement à l’équité procédurale

[31]           Le demandeur fait valoir que le fait que la SAI ait invoqué sa décision dans Zhao constituait un manquement à l'équité procédurale parce qu’elle a été citée comme preuve contre lui. Le paragraphe de décision de la SAI invoquant la décision Zhao se lit comme suit :

[28] Il est de notoriété publique que, dans la décision Zhao c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (TB1‑15834) de juin 2014, l’appelant a menti sur sa situation à partir du moment où il a appris qu’il était soupçonné d’avoir fait de fausses déclarations jusqu’à sa comparution devant la SI en 2011, où il a maintenu son innocence à l’égard des allégations faites contre lui. M. Zhao faisait face à plusieurs des mêmes éléments de preuve qui sont présentés à l’appelant dans la présente affaire, mais M. Zhao a cessé de clamer son innocence lorsqu’il a comparu devant la SAI, et il a admis sa culpabilité et exprimé des remords pour ce qu’il avait fait. Ce qui n’est pas le cas de l’appelant en l’espèce qui maintient fermement, devant la solide preuve à l’effet contraire, que son mariage avec PAM était authentique et que tout ce qu’il a dit devant la SI était vrai. L’appelant n’a aucune crédibilité à cet égard.

[32]           Il est bien établi que les principes d’équité procédurale « exigent que l’on communique à un demandeur les renseignements sur lesquels on s’appuie pour prendre une décision, de façon à ce qu’il puisse présenter sa version des faits et corriger les erreurs ou les malentendus qui auraient pu s’y glisser » (Maghraoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 883, au paragraphe 22 [Maghraoui]). L’objectif de la divulgation est double, car il (i) assure que le demandeur a la possibilité de participer pleinement au processus décisionnel, en prenant connaissance des informations qui lui sont défavorables; et (ii) fournir au demandeur l’occasion de présenter son point de vue (Maghraoui, au paragraphe 22; Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (TD), [1995] 1 CF 720, au paragraphe 22).

[33]           Par dérogation à ce principe général, les renseignements accessibles au public ne sont pas considérés comme une preuve « extrinsèque » tant que la preuve n’est pas nouvelle (Jiminez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1078, paragraphe 19; Holder c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 337, paragraphe 28; Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 CF 461, au paragraphe 11).

[34]           À mon avis, la décision de la SAI dans Zhao ne peut être considérée comme une preuve extrinsèque pour les motifs suivants. Premièrement, la décision est de notoriété publique et est aisément et facilement accessible au public. Deuxièmement, la citation de la décision Zhao ne révèle aucun nouvel élément de preuve ou information relié au demandeur. Troisièmement, il ressort du passage cité ci-dessus que la SAI a cité Zhao en passant, comme justification, pour décider que l’absence de remords du demandeur constituait un facteur défavorable à l'égard du demandeur étant donné qu'il a continué à nier qu’il avait conclu un mariage de complaisance. Il est également manifeste à la lecture de la décision de la SAI dans son ensemble que, comme le fait valoir le défendeur, elle était fondée sur une appréciation de tous les facteurs en l’espèce et ne dépendait pas des faits ou de l'issue de quelque autre décision.

[35]           Par conséquent, je conclus que la SAI n’a pas commis de manquement aux règles d’équité procédurale en invoquant sa décision dans Zhao.

[36]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été posée aux fins de certification. Aucuns dépens ne seront accordés.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5060-15

INTITULÉ :

JIAWEI WANG c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 mai 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 22 juin 2016

COMPARUTIONS :

James Morton

POUR LE DEMANDEUR

 

Kevin Doyle

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morton Karrass LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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