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Date : 20160622


Dossier : IMM-3737-15

Référence : 2016 CF 700

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

RYCHEN DOLMA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse, Mme Rychen Dolma, demande le contrôle judiciaire d’une décision datée du 29 juin 2015 rendue par une agente des visas (l’agente) au Haut-Commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, qui a rejeté sa demande de résidence permanente.

[2]               La demanderesse a déposé sa demande à titre d’épouse accompagnant Karma Dorjee, une personne protégée vivant au Canada. L’agente a estimé que le mariage de la demanderesse et de M. Dorjee n’était pas authentique, et qu’il avait eu lieu principalement en vue d’obtenir la résidence permanente au Canada.

[3]               La question déterminante dans le cadre de la présente demande est de déterminer si les droits d’équité procédurale de la demanderesse ont été respectés et, plus particulièrement, si la demanderesse savait quel fardeau elle devait démontrer compte tenu de la préoccupation de l’agente concernant la date figurant sur un document de voyage.

[4]               Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de décision correcte et, par conséquent, aucune déférence n’est accordée à la décision de l’agente : arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, et décision Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, au paragraphe 53.

[5]               L’agente avait des préoccupations à l’égard du témoignage incohérent de la demanderesse concernant la première fois où M. Dorjee lui avait rendu visite au Népal. Elle a d’abord affirmé que M. Dorjee lui avait rendu visite en janvier 2011, puis a indiqué qu’il lui avait rendu visite de décembre 2011 à janvier 2012. L’agente était étonnée du fait que la demanderesse ne savait pas combien de temps elle avait passé avec M. Dorjee, constatant que le couple aurait passé moins de trois jours ensemble après leur mariage célébré le 28 janvier 2012 si M. Dorjee avait quitté le pays en janvier 2012. L’agente s’attendait à ce que la demanderesse se souvienne de ce fait.

[6]               La demanderesse reconnaît que son témoignage était confus sur ce point, mais affirme qu’il s’agissait d’un innocent malentendu : Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1989], 98 NR 312 (CAF). Elle a correctement énoncé que M. Dorjee était venu pendant un mois, et les documents à l’appui (les dates de reçus produits pendant le séjour de M. Dorjee) corroboraient les dates de son itinéraire de vol. La copie de l’itinéraire de vol de M. Dorjee indique qu’il était au Népal de janvier 2012 à février 2012.

[7]               La demanderesse a déclaré que la lettre de l’hôpital datée de novembre 2011 avait incité M. Dorjee à se rendre au Népal. L’agente a toutefois conclu que M. Dorjee avait déjà réservé son billet d’avion depuis août 2011. Les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) indiquent que l’agente a mentionné à la demanderesse que le vol semblait avoir été réservé en août 2011, mais rien n’indique que l’agente a expliqué le fondement de cette conclusion à la demanderesse. Il semble que l’agente se fondait sur une date, soit le « 12/8/2011 », qui figurait dans le coin inférieur droit de l’itinéraire de vol.

[8]               La demanderesse affirme que l’agente a présumé que la date du 12/8/2011 correspondait au 12 août 2011 plutôt qu’à la date réelle du 8 décembre 2011.

[9]               Les commentaires dans la décision Mahamoud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1232, au paragraphe 25, s’appliquent ici :

[25]      En insistant sur les détails des dates particulières, la Commission a perdu de vue l’essentiel des faits sur lesquels reposait la demande d’asile de la demanderesse. Même si la Commission était fondée à remettre en question quelques aspects des circonstances dans lesquelles la demanderesse avait quitté Djibouti, certains des faits mis en preuve, y compris des éléments de preuve documentaire non contestés, pouvaient étayer son allégation selon laquelle il existait un danger bien réel qu’elle soit persécutée ou exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités à Djibouti. La Commission n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve.

[10]           De même, il y avait en l’espèce des éléments de preuve confirmant les dates pendant lesquelles M. Dorjee était au Népal, mais l’agente est demeurée fixée sur l’incapacité de la demanderesse à se souvenir de ces dates avec précision et s’est appuyée sur ce fait pour remettre en question sa crédibilité. Bien que cette méthode soit admise pour évaluer la crédibilité d’une personne, le fait que l’agente soit demeurée fixée sur de tels détails a fait en sorte qu’elle a omis d’évaluer l’ensemble des autres éléments de preuve de la demanderesse, y compris la preuve documentaire.

[11]           Bien que les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation de la date « 12/8/2011 », l’interprétation correcte de cet élément de preuve n’est pas pertinente à l’égard de l’enjeu central. Il suffit de faire remarquer que la conclusion de l’agente, même s’il s’agissait d’une interprétation raisonnable de l’élément de preuve, a malgré tout été formulée sans permettre à la demanderesse de répondre aux incohérences relevées par l’agente.

[12]           Les notes du SMGC indiquent que la préoccupation de l’agente, sur laquelle la crédibilité de la demanderesse a été fondée, n’a pas été expliquée à la demanderesse.

[13]           Même si l’on convient que les demandeurs de résidence permanente n’ont droit qu’à un faible degré d’équité procédurale de la part d’un agent des visas, dans ces circonstances, la demanderesse ne pouvait pas savoir de façon équitable quel fardeau elle devait démontrer.

[14]           Par conséquent, je suis d’avis que l’agente était tenue de donner à la demanderesse l’occasion d’apporter une réponse à ses préoccupations, et que, en omettant de le faire adéquatement en ce qui concerne l’itinéraire de vol, l’agente a violé le droit d’équité procédurale de la demanderesse.

[15]           Cette conclusion suffit pour trancher la présente demande, et il n’est pas nécessaire que je détermine si la décision de l’agente est raisonnable sur le fond.

[16]           Les parties n’ont pas soumis de questions aux fins de certification, et aucune question grave de portée générale n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3737-15

 

INTITULÉ :

RYCHEN DOLMA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 JUIN 2016

 

COMPARUTIONS :

Toni Schweitzer

 

Pour la demanderesse

 

David Knapp

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parkdale Community Legal Services

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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