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Date : 20160222


Dossier : T-1659-15

Référence : 2016 CF 229

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 février 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

NOVARTIS AG

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par Novartis AG (Novartis), conformément au paragraphe 31(3) et à l’article 52 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4 (Loi sur les brevets), en vue de modifier toutes les inscriptions aux dossiers du Bureau des brevets relativement à la paternité de l’invention du brevet canadien no 2 782 650 (le brevet 650).

[2]               Novartis est la propriétaire inscrite du brevet 650, qui concerne l’« organisation des chambres à interaction et à contre-pression pour la microfluidisation », et est donc une partie intéressée aux fins de l’article 52 de la Loi sur les brevets.

[3]               La demande est appuyée par une déclaration de Barbara Santry, datée du 23 mars 2015, selon laquelle Mme Santry consentait à ce que son nom soit retiré, à titre d’inventrice, de l’inscription du brevet 650. Elle est également appuyée par la déclaration de l’inventeur Harald Rueckl, datée du 20 mars 2015, et par la déclaration de l’inventeur Hanno Scheffczik, datée du 24 mars 2015, déclarations selon lesquelles les deux inventeurs confirment que Barbara Santry n’a pas contribué à l’invention et qu’elle a été à tort désignée en tant qu’inventrice.

[4]               Le procureur général du Canada ne conteste pas cette demande et n’a pas déposé d’affidavit ni de mémoire.

[5]               La compétence de la Cour fédérale quant à une demande de modification de la paternité de l’invention d’un brevet qui a été délivré est examinée comme suit dans l’affaire Micromass UK Ltd. c. Canada (Commissaire aux brevets), 2006 CF 117 :

[12]      Après la délivrance du brevet, le commissaire n’a aucun pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 8 de la Loi ou d’une autre disposition, de modifier la paternité de l’invention d’un brevet qui a été délivré. Une telle mesure est du ressort exclusif de la Cour fédérale. Plus précisément, l’article 52 de la Loi prévoit que la Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

[13]      Le mot « titre » à l’article 52 de la Loi a un sens plus large que l’acquisition par cession et il englobe des questions qui concernent le titre originaire. La compétence de la Cour s’étend à la correction d’erreurs par inadvertance dans les noms des inventeurs d’un brevet délivré, y compris les erreurs d’écriture dans la transcription des noms des inventeurs : BF Goodrich c. Commissioner of Patents (1960), 32 C.P.R. 122 (SEC.I) (C. de l’É.).

[14]      Une demande faite en vertu de l’article 52 de la Loi peut être introduite par le cessionnaire d’un brevet, avec préavis au commissaire, sous forme d’une demande introductive d’instance ou d’un avis de requête, au cours d’une action en contrefaçon qui se rapporte au brevet en cause. Le cessionnaire doit en informer tous ceux qui revendiquent un intérêt dans le brevet et, si une action en contrefaçon sur le brevet en question est en instance, toutes les personnes susceptibles d’avoir une défense sur laquelle l’ordonnance sollicitée pourrait avoir une incidence : Clopay Corporation and Canadian General Tower Ltd. c. Metalix Ltd. (1960), 34 C.P.R. 232 (C. de l’É.), conf. par (1961), 39 C.P.R. 23 (C.S.C.).

[15]      L’article 52 confère des pouvoirs très étendus à la Cour. Dans Clopay, le juge Cameron a donné la description suivante de l’article 54 (aujourd’hui l’article 52) de la Loi :

[traduction] [...] Je crois, par conséquent, que l’article 54 a été édicté dans le but de permettre à la Cour de rectifier les registres du Bureau des brevets ayant trait au titre de façon à ce que les droits des parties ayant droit à la délivrance du brevet ou celui d’être inscrites en qualité de cessionnaires du brevet, puissent être régulièrement inscrits [...] (page 235).

[...]

Je suis toutefois d’avis que les dispositions de l’article 54 de la Loi sur les brevets ont en elles-mêmes une portée assez large pour s’appliquer à la présente espèce, où le breveté a été dissous avant l’octroi du brevet, et que la Cour est habilitée à ordonner que les registres soient corrigés afin d’obtenir le résultat qu’aurait accompli le commissaire si les deux cessions qui sont actuellement inscrites avaient été enregistrées avant l’octroi (page 236).

[16]      Le fait qu’il y ait un ou deux coinventeurs est sans conséquence pour le public, puisque ce fait ne touche ni la durée ni le fond du brevet, ni même le fait d’y avoir droit : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 79 C.P.R. (3d) 193 (C.F. 1re inst.); appel accueilli en partie, mais non sur cette question (2000), 10 C.P.R. (4th) 65 (F.C.A.) confirmé par (2002), 21 C.P.R. (4th) 499 (C.S.C.).

[6]               Le critère auquel il faut satisfaire dans le cadre d’une demande présentée en vertu du paragraphe 31(3) est décrit comme suit :

31.(3) Lorsqu’une demande est déposée par des codemandeurs et qu’il apparaît par la suite que l’un ou plusieurs d’entre eux n’ont pas participé à l’invention, la poursuite de cette demande peut être conduite par le ou les demandeurs qui restent, à la condition de démontrer par affidavit au commissaire que le ou les derniers demandeurs sont les seuls inventeurs

31.(3) Where an application is filed by joint applicants and it subsequently appears that one or more of them has had no part in the invention, the prosecution of the application may be carried on by the remaining applicant or applicants on satisfying the Commissioner by affidavit that the remaining applicant or applicants is or are the sole inventor or inventors.

[7]               Le demandeur s’appuie sur les déclarations de trois personnes. Barbara Santry travaille pour Novartis comme responsable de site dans le secteur des sciences et des technologies de la fabrication. Elle affirme qu’elle ne fait pas partie des auteurs de l’invention décrite dans le brevet 650, et elle consent au retrait de son nom à titre d’inventrice. Les autres inventeurs mentionnés, soit Harald Rueckl et Hanno Scheffczik, ont également confirmé que Barbara Santry n’avait pas contribué à l’invention et qu’elle avait à tort été désignée en tant qu’inventrice. Selon les éléments de preuve présentés dans le cadre de la présente demande, les demandes de brevet des États-Unis connexes ont déjà été modifiées de façon à retirer le nom de Barbara Santry à titre d’inventrice.

[8]               Les éléments de preuve ne sont donc pas contestés, et les parties intéressées sont d’accord pour affirmer que Barbara Santry a été désignée par erreur en tant qu’inventrice pour ce brevet. Le commissaire aux brevets ne s’est pas opposé à la demande, et rien ne laisse entendre que les droits des tiers seront touchés.

[9]               Ces éléments de preuve satisfont aux exigences du paragraphe 31(3) de la Loi sur les brevets. En conséquence, l’ordonnance demandée par Novartis pour modifier les dossiers du Bureau des brevets en retirant le nom de Barbara Santry des inventeurs du brevet 650 devrait être accordée.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  Le commissaire aux brevets, conformément à l’article 52 de la Loi sur les brevets, doit modifier toutes les inscriptions aux dossiers du Bureau des brevets en ce qui concerne la paternité de l’invention du brevet canadien no 2 782 650 en retirant le nom de Barbara Santry en tant qu’inventrice.

« Ann Marie McDonald »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1659-15

 

INTITULÉ :

NOVARTIS AG c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 février 2016

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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