Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160627


Dossier : T-1265-15

Référence : 2016 CF 717

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2016

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

RIPUDAMANJIT SINGH GORAYA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Ripudamanjit Singh Goraya, d’abord un citoyen de l’Inde, est devenu un immigrant ayant obtenu le droit d’établissement au Canada en 2005. Depuis ce moment, il a passé du temps à la fois au Canada et aux États-Unis en travaillant comme expert-conseil dans le secteur des technologies de l’information. En 2010, il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Pour l’obtenir, il devait démontrer qu’il avait passé trois des quatre dernières années au Canada (ou 1 095 jours). Il a affirmé que le temps qu’il avait passé au Canada s’élevait à un peu plus de trois ans (1 126 jours) et a fourni divers documents pour le prouver.

[2]               Un agent de la citoyenneté qui a examiné sa demande a relevé un certain nombre de préoccupations quant au nombre de jours que M. Goraya avait véritablement passés au Canada, en faisant remarquer qu’un certain nombre d’absences du Canada pendant la période visée n’avaient pas été déclarées, qu’il manquait des documents bancaires et médicaux, et que M. Goraya avait prétendument dit à une autorité frontalière qu’il avait dû mettre sur pied une société fictive au Canada pour donner une fausse impression relativement au nombre de jours qu’il avait passés au pays.

[3]               La demande de M. Goraya a alors été examinée par un juge de la citoyenneté qui a conclu que M. Goraya avait, en fait, satisfait à l’exigence de présence effective. Plus particulièrement, le juge a conclu que les absences non déclarées ne réduiraient probablement pas de façon considérable le nombre de jours que M. Goraya a passés au Canada. En outre, le juge a fait abstraction de l’importance du manque de documents médicaux et financiers. Enfin, le juge a fait remarquer que l’entreprise canadienne de M. Goraya n’était pas active avant 2014; ainsi, son existence ne pouvait pas avoir une incidence importante sur l’autre élément de preuve démontrant la présence de M. Goraya au Canada pendant la période visée. Par conséquent, le juge a accordé la citoyenneté canadienne à M. Goraya.

[4]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration me demande d’annuler la décision du juge pour le motif qu’elle était déraisonnable compte tenu des éléments de preuve, et de demander à un autre juge de réexaminer la demande de M. Goraya. Je ne trouve aucun motif justifiant l’annulation de la décision du juge; à mon avis, les conclusions du juge étaient raisonnablement étayées par les éléments de preuve. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]               La seule question à trancher consiste à déterminer si la décision du juge était déraisonnable.

II.                La décision du juge de la citoyenneté

[6]               Le juge a noté que M. Goraya avait séjourné au Canada pendant deux mois seulement après son arrivée initiale en 2005. Il a travaillé aux États-Unis jusqu’en 2007, mais a visité sa famille au Canada de temps en temps dans l’intervalle. Il ne s’est véritablement installé au Canada qu’en novembre 2007. En mars 2008, M. Goraya a commencé à travailler pour une firme d’experts-conseils canadienne et y est demeuré jusqu’en 2014.

[7]               En ce qui concerne l’entreprise canadienne de M. Goraya, le juge a accepté qu’elle a été enregistrée en 2006, mais a conclu qu’elle n’était pas active avant 2014. Malgré certaines incohérences, le juge a cru le témoignage de M. Goraya selon lequel il n’avait pas dit à une autorité frontalière qu’il tentait de donner une fausse impression de vivre au Canada.

[8]               Le juge a également conclu que les absences non déclarées du Canada ne menaient pas à la conclusion que M. Goraya avait échoué au critère de présence effective. Il a fait remarquer que les retours au Canada après des séjours aux États-Unis sont souvent non consignés. En outre, d’autres éléments de preuve ont montré que M. Goraya était employé au Canada pendant la période visée et comptait des clients canadiens. De plus, il ne détenait pas suffisamment de congés accumulés pour être en mesure de passer assez de temps à l’extérieur du Canada pour en venir à réduire sa présence sous le nombre exigé de 1 095 jours.

[9]               En ce qui concerne les documents financiers, le juge a déterminé qu’il était raisonnable qu’il n’y ait aucun relevé bancaire pour la période pendant laquelle M. Goraya a admis avoir vécu aux États-Unis. Il a aussi jugé raisonnable que M. Goraya, un jeune homme en santé, ait peu de documents médicaux.

[10]           À la lumière des éléments de preuve, le juge a conclu que M. Goraya avait satisfait aux exigences de résidence et a accueilli sa demande de citoyenneté.

III.             La décision du juge de la citoyenneté était-elle déraisonnable?

[11]           Le ministre fait valoir que le juge a spéculé sur la présence de M. Goraya au Canada au lieu de s’appuyer sur les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Les éléments de preuve comportaient des contradictions et des omissions que le juge a omis de prendre en compte, selon le ministre. Il s’agit notamment des points ci-dessous.

         M. Goraya a déclaré dans sa demande qu’il a travaillé aux États-Unis de novembre 2007 à décembre 2008, mais a indiqué dans un autre formulaire qu’il visitait sa famille aux États-Unis pendant cette période.

         M. Goraya n’a pas pu fournir de preuve corroborante pour son témoignage dans lequel il a affirmé qu’il a visité le Canada en 2006 et en 2007.

         Le juge a conclu que l’entreprise de M. Goraya n’était pas active jusqu’en 2014, mais a négligé la preuve indiquant que l’entreprise était active en 2013.

         Le juge a omis de mentionner que M. Goraya détenait un permis de conduire des États-Unis valide jusqu’en 2008.

         Les rapports de sortie et d’entrée sur lesquels le juge s’est appuyé étaient incomplets et ne prouvaient pas la présence de M. Goraya au Canada.

         Les documents financiers démontraient que l’absence de M. Goraya du Canada en 2006 et en 2007 a duré plus longtemps que ce que le juge avait calculé.

[12]           À la lumière de ces faiblesses présumées, le ministre maintient que la décision du juge était déraisonnable.

[13]           Je ne suis pas d’accord.

[14]           Le juge avait le droit d’accepter ou de rejeter une partie ou la totalité des explications de M. Goraya pour ses actions en 2006 et en 2007. Compte tenu du caractère incomplet des éléments de preuve documentaire, il revenait au juge de s’appuyer sur le témoignage oral qui lui a été présenté. En outre, les éléments de preuve relatifs aux absences du Canada non déclarées n’indiquaient pas la durée des séjours de M. Goraya aux États-Unis. À mon avis, le juge a raisonnablement interprété les éléments de preuve indiquant que M. Goraya travaillait au Canada pour des clients canadiens à l’époque, et était probablement absent seulement pour de courts séjours pendant ses vacances.

[15]           Les autres éléments de preuve sur lesquels s’appuie le ministre, concernant l’entreprise, le permis de conduire et les documents financiers et médicaux de M. Goraya, ne vont pas à l’encontre des conclusions du juge, alors il n’avait pas l’obligation d’y faire référence. Le ministre montre simplement des éléments de preuve que le juge aurait pu citer à l’appui d’une conclusion différente quant à la durée de la présence de M. Goraya au Canada. Toutefois, cela ne suffit pas pour établir que la conclusion du juge était déraisonnable.

IV.             Conclusion et dispositif

[16]           Le juge de la citoyenneté a raisonnablement conclu, en se fondant sur les éléments de preuve, que M. Goraya avait établi sa présence au Canada pendant la période visée. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1265-15

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. RIPUDAMANJIT SINGH GORAYA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 février 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Prathima Prashad

 

Pour le demandeur

 

Max Chaudhary

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Chaudhary Law Office

Avocats

North York (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.