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Date : 20160627


Dossier : IMM-3328-15

Référence : 2016 CF 713

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2016

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

FARID KHAZAYI,

SALIMA MOKHAMED TAKHER,

FATIMA KHAZAYI, ALI REZA KHAZAYI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Les demandeurs, une famille originaire de l’Afghanistan, sont citoyens de la Russie. Ils ont demandé l’asile au Canada en raison de leur crainte d’être persécutés en Russie en tant que musulmans afghans. Ils ont également déclaré être exposés à un risque de persécution en Afghanistan parce qu’ils sont des musulmans chiites et en raison d’une dispute familiale.

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile des demandeurs principalement parce que leur conduite semble incohérente avec une crainte subjective de persécution. Les demandeurs soutiennent que la décision de la Commission était déraisonnable compte tenu des éléments de preuve faisant état de mauvais traitements infligés à des personnes dont la situation est similaire en Russie. Ils soutiennent également qu’ils n’ont pas eu droit à une audience équitable devant la Commission parce qu’ils n’avaient pas l’assistance d’un interprète compétent et neutre. Ils demandent d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner à un autre tribunal de réexaminer leur demande.

[3]               Je ne vois aucun motif justifiant l’infirmation de la décision de la Commission, et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[4]               Il y a deux questions en litige :

1.      Les demandeurs ont-ils été privés d’une audience équitable ?

2.      La décision de la Commission était-elle déraisonnable ?

II.                Décision de la Commission

[5]               Les demandeurs ont expliqué à la Commission qu’ils avaient subi diverses formes de persécution en Russie parce qu’ils sont musulmans afghans. En particulier, M. Khazayi a déclaré que la police avait menacé de déposer contre lui de fausses accusations de crimes liés à la drogue et lui avait extorqué 1 000 $. De plus, la mafia a emporté son permis de marchand et l’a battu. Ses marchandises ont plus tard été volées et son entrepôt a été incendié. Il affirme qu’il a été menacé à nouveau en 2015 et qu’on lui a demandé de payer la somme de 10 000 $, à défaut de quoi son fils serait enlevé.

[6]               Les demandeurs ont aussi soutenu qu’ils étaient victimes de discrimination de la part des membres du public et que leurs enfants avaient été maltraités par des étudiants à l’école. Ils ne se sont pas adressés à la police pour obtenir de l’aide parce qu’ils ont estimé qu’il serait inutile de le faire.

[7]               En 2013, les demandeurs ont commencé à faire des plans pour quitter la Russie. M. Khazayi s’est vu refuser un visa de visiteur au Canada, mais un agent de voyage l’a avisé qu’il pourrait avoir plus de succès s’il se rendait d’abord en Allemagne. En 2014, M. Khazayi s’est rendu en Allemagne et a réussi à obtenir un visa pour visiter les États-Unis. Entre temps, il a également voyagé en Chine et en Iran pour affaires.

[8]               La Commission a conclu que les demandeurs ne semblaient pas craindre d’être persécutés en Russie. M. Khazayi a beaucoup voyagé, mais n’a pas revendiqué le statut de réfugié ailleurs, que ce soit en Allemagne ou aux États-Unis. De plus, les demandeurs n’ont pas quitté la Russie pendant plus d’un an après avoir obtenu leurs visas américains. Ils n’ont pas pu identifier un incident précis qui les a amenés à décider de quitter la Russie en 2013, si ce n’est un incident qui s’est produit à Moscou cette année-là, auquel ils ont vaguement fait référence.

[9]               La Commission a conclu que les demandeurs avaient été victimes de discrimination en Russie, et non de persécution. En tant qu’étrangers, ils étaient peut-être plus susceptibles que les autres de faire l’objet de comportements discriminatoires, mais ils n’avaient pas été personnellement pris pour cible.

III.             Première question en litige : les demandeurs ont-ils été privés d’une audience équitable ?

[10]           Les demandeurs soutiennent qu’ils n’ont pas eu droit à l’assistance d’un interprète compétent et impartial. Ils soulignent le fait que l’interprète a traduit « discrimination raciale » par « discrimination » et qu’il s’est montré défensif lorsque cela lui a été signalé. Étant donné que la persécution en raison de la race était une question en litige à l’audience, les demandeurs soutiennent qu’il s’agissait d’une erreur importante.

[11]           Je ne suis pas d’accord. La Commission a abordé la question immédiatement dès que les demandeurs ont fait part de leur objection et la traduction a été clarifiée. La Commission a raisonnablement conclu que l’erreur n’a pas eu d’incidence sur les questions dont elle était saisie. En outre, une vérification de l’interprétation du témoignage des demandeurs n’a révélé que des erreurs mineures. À mon avis, les demandeurs ont eu droit à une audience équitable.

IV.             Deuxième question en litige : la décision de la Commission était-elle déraisonnable ?

[12]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis un certain nombre d’erreurs dans le traitement de la preuve dont elle disposait. En particulier, la Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que les demandeurs n’avaient pas demandé l’asile ailleurs, en Allemagne ou aux É.-U., plutôt qu’au Canada. Cependant, ils ont expliqué que leur plan avait toujours été de se rendre au Canada, où ils pourraient être réunis avec les membres de leur famille. Leurs plans ne se sont cristallisés qu’après les menaces proférées à leur égard par la mafia en 2015. Ils se sont rendus aux États-Unis grâce à leur visa puis au Canada, seulement un mois plus tard.

[13]           Les demandeurs font également état d’éléments de preuve documentaire déposés à l’appui de leur demande que la Commission semble avoir ignorés. Ces éléments de preuve montraient que des attaques racistes s’étaient produites partout en Russie, que près de 60 % des Africains à Moscou avaient été agressés physiquement et que ces sentiments xénophobes sont très répandus dans tout le pays.

[14]           À mon avis, la Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs ont pu être victimes de discrimination, mais qu’ils n’avaient pas une crainte de persécution bien fondée. Cela est corroboré par le fait que M. Khazayi n’a pas demandé l’asile dans un autre pays, alors qu’il avait la possibilité de le faire.

[15]           La preuve documentaire étayait l’allégation selon laquelle les demandeurs pouvaient être exposés à un risque de violence à caractère raciste. Toutefois, ce risque n’atteignait pas le seuil requis pour obtenir gain de cause dans une demande d’asile, c’est-à-dire une possibilité raisonnable de persécution.

[16]           En ce qui concerne la menace proférée en 2015, compte tenu de l’absence de détails, je ne puis conclure que la conclusion de la Commission selon laquelle la menace était peu susceptible d’être exécutée était déraisonnable. Cette menace constituait une infraction criminelle plausible au regard la prévalence globale du crime organisée en Russie, et non une preuve de persécution raciale ou religieuse.

V.                Conclusions et dispositif

[17]           Les demandeurs ont eu droit à une audience équitable devant la Commission. En outre, la Commission a raisonnablement conclu, au regard la preuve déposée, que les demandeurs n’avaient pas réussi à établir qu’il y avait une crainte fondée de persécution en Russie. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale à certifier n’a été soulevée par les parties et aucune n’a été certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3328-15

 

INTITULÉ :

FARID KHAZAYI, SALIMA MOKHAMED TAKHER, FATIMA KHAZAYI, ALI REZA KHAZAYI c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 février 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Eve Sehatzadeh

 

POUR LES DEMANDEURS

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eve Sehatzadeh

Avocats et conseillers juridiques

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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