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Date : 20160705

Dossier : IMM-50-16

Référence : 2016 CF 744

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

VISHAL CHOUDHARY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) d'une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) datée du 24 novembre 2015, rejetant la demande d’asile du demandeur. Celui-ci tente de faire infirmer la décision et la renvoyer devant un tribunal différemment constitué.

[2]               Le demandeur, citoyen de l’Inde, est venu au Canada une première fois en novembre 2011 pour participer à un tournoi de Taekwondo. Il est demeuré au Canada pendant trois jours après quoi il est retourné en Inde.

[3]               Le demandeur prétend que les policiers reprochaient à un ami de son frère d'avoir des liens avec les terroristes. Lorsque cet ami a quitté le village, les policiers se seraient tournés vers son frère, Arun, qu'ils auraient harcelé et arrêtés à plusieurs occasions afin qu'il fournisse des informations au sujet de son ami. À au moins trois reprises, le père du demandeur aurait dû verser des pots-de-vin pour que son fils soit relâché. La pression aurait été telle que le frère du demandeur aurait quitté l'Inde pour les États-Unis en août 2010.

[4]               Suite au départ d'Arun, les policiers s'en seraient pris à la famille du demandeur. Le demandeur a décrit des raids à la maison familiale au cours desquels les policiers débarquaient à 3 ou 4 véhicules, entouraient la maison, posaient des questions, effectuaient des fouilles et maltraitaient sa famille. Toujours cherchaient-ils à en savoir plus au sujet des plans des terroristes. Chaque fois, son père devait verser des pots-de-vin pour qu'ils partent. Le demandeur aurait été présent pendant au moins deux de ces opérations policières. Il arrivait qu’on lui pose des questions au sujet de son frère et de son ami et au sujet des plans des terroristes.

[5]               Le demandeur allègue avoir été arrêté et détenu par les policiers pendant trois jours en décembre 2011. Ces derniers l’accusaient d’avoir entretenu des liens avec les militants à l’étranger suivant son retour du Canada.

[6]               À la suite de cet incident, le demandeur se serait rendu à Delhi pendant six mois en attendant d’obtenir les documents nécessaires pour se rendre au Canada.

[7]               Le 9 mai 2012, le demandeur est arrivé au Canada et a déposé une demande d’asile environ deux semaines plus tard.

[8]               Le 24 novembre 2015, la SPR a entendu la demande du demandeur et l’a refusée le 14 décembre 2015.

[9]               La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la LIPR sur la base de deux motifs distincts.

[10]           En premier lieu, la SPR a constaté que plusieurs éléments minaient la crédibilité du demandeur, dont l’omission de deux arrestations, accompagnées d’une détention d’un jour ou deux chaque fois, du récit annexé à son formulaire de renseignements personnels. Le demandeur fait valoir que ces faits ont été mentionnés dans un autre document. Le demandeur décrit ces évènements comme suit :

Bien qu’on l’a appelé au poste de police à deux reprises…

[11]           Je ne suis pas d’accord avec la description. Passé un jour ou deux en prison, ce n’est pas simplement « d’être appelé au poste de police » et ce n’est pas un fait facile à oublier, comme le prétend le demandeur. Il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir sur la question des conclusions du SPR sur les défaillances de crédibilité du demandeur.

[12]           Même si j’acceptais l’argument de la partie demanderesse selon lequel la commissaire aurait ignoré un élément important dans l’évaluation de la crédibilité du demandeur, soit que les arrestations ont été déclarées dans les premiers formulaires qu’il a remplis pour sa demande d’asile, je note que la SPR a également conclu qu’il existait une possibilité de refuge intérieur [PRI] pour le demandeur à Delhi.

[13]           Le demandeur fait valoir que la commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant compte dans sa décision de la preuve documentaire qui mentionne que des vérifications d’antécédents criminels sont effectuées dans tous les États de l’Inde et que l’article 144 du Code criminel de l’Inde oblige l’enregistrement à la police de tous les locataires à Delhi.

[14]           Toutefois, en se penchant de près sur les motifs de la commissaire, il est évident qu’elle ne contestait pas ce fait. Au contraire, la décision de la commissaire vise plutôt le fait que le profil du demandeur n’appuyait suffisamment pas la conclusion que la police s’intéressait toujours à lui tel que décrit aux paragraphes 24 et 25 de la décision :

[24]      Il ressort de l'histoire du demandeur que ce sont les policiers  locaux qui s'intéressaient à son frère, et ensuite à sa famille et à lui, et que des pots-de-vin leurs ont été versés à de multiples occasions. Au tribunal qui cherchait à savoir comment il s'expliquait que les policiers aient pu rendre visite à sa famille à de multiples occasions et les laisser tranquille après le versement d'un pot-de-vin, le demandeur a répondu que «c'est la façon dont les choses fonctionnent en Inde, ils harcèlent les gens pour gagner de l'argent, c'est un business ».

[25]      Dans cette perspective, le tribunal estime que le demandeur ne s'est pas déchargé de son fardeau de démontrer que Delhi n'est pas un endroit sûr où il pourrait se relocaliser. Il ne voit pas en quoi, le demandeur serait suffisamment intéressant, trois ans après son départ, pour que les autorités locales de son village, situé dans un état différent, déploient les ressources nécessaires pour se mettre à sa recherche, alors qu'ils ont plutôt profité de la situation pour extirper à la famille des pots-de-vin. Il estime de plus que les allégations du demandeur à l'effet que son enregistrement à Delhi aurait pour résultat de permettre aux autorités corrompues de son village de le localiser sont spéculatives, rien n'indiquant que ses données personnelles sont fichées et viendront nécessairement  à l'attention de ces dernières.  [Mon soulignement]

[15]           La documentation du demandeur sur la vérification de renseignements sur les locataires indique qu’il n’y a pas de procédure écrite sur la façon utilisée par la police pour vérifier l’information, mais qu’il est présumé que les listes sont comparées aux listes de personnes recherchées par la police. Je note que le demandeur n’a présenté aucune preuve objective corroborant ses arrestations, ou attestant de son obligation de se rapporter chaque mois au poste de police, ce qui aurait pu laisser croire que son nom figure sur une liste de personnes recherchées.

[16]           Je suis d’avis que les conclusions que la police ne s’intéressait probablement pas au demandeur et qu’il bénéficie, par conséquent, d’une possibilité de refuge intérieur sont conformes à la norme de contrôle de la décision raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’il n’y a pas de question à certifier.

« Peter Annis »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-50-16

INTITULÉ :

VISHAL CHOUDHARY c. MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Stéphanie Valois

pour le demandeur

 

Me Charles Junior Jean

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

pour le défendeur

 

 

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