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Date : 20160707


Dossier : IMM-40-16

Référence : 2016 CF 765

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

HUI ZHANG, RONGWO LIANG

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   La nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans sa décision, la SAR a confirmé la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La décision est datée du 10 décembre 2015.

II.                Les faits

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de la Chine originaires de Jiangmen, dans la province du Guangdong. Ils déclarent craindre d’être persécutés par les autorités chinoises parce qu’ils ont pratiqué illégalement le Falun Gong.

[3]               La demanderesse, Mme Zhang, affirme qu’elle a commencé à pratiquer le Falun Gong avec une amie en octobre 2013. Mme Zhang a été informée que cette discipline l’aiderait à guérir son insomnie, contre laquelle les somnifères s’étaient avérés inefficaces. Après quoi, comme elle a remarqué une amélioration de sa santé, elle s’est jointe à un groupe et a continué à pratiquer à son domicile.

[4]               En février 2014, le demandeur, M. Liang, a également commencé à pratiquer le Falun Gong. Les demandeurs savaient qu’il s’agissait d’une pratique illégale en Chine, mais ils ont été rassurés par les autres membres du groupe qui leur ont fait comprendre que des précautions étaient prises lors des séances afin de veiller à ne pas mettre la puce à l’oreille des autorités.

[5]               Néanmoins, le 1er juin 2014, le Bureau de la sécurité publique (le BSP) a effectué une descente à l’endroit où le groupe s’adonnait à la pratique du Falun Gong. Les demandeurs se sont échappés et ont fui chez un membre de leur famille, qui vivait à proximité de leur domicile. À cet endroit, ils ont été informés que des agents du BSP avaient arrêté certains de leurs condisciples et qu’ils s’étaient présentés à leur domicile. Ils y ont laissé une citation à comparaître qui exigeait que les demandeurs se présentent en cour pour avoir pratiqué le Falun Gong.

[6]               Le 10 juin 2014, les demandeurs ont obtenu des visas pour se rendre au Cambodge. Ils déclarent qu’ils ont demandé ces visas avant leur arrestation et qu’ils se sont fait dire de ne pas les utiliser par un passeur clandestin embauché pour fuir la Chine. Le 27 juin 2014, ils se sont présentés au Consulat des États-Unis à Guangzhou et ont obtenu des visas pour les États-Unis.

[7]               Le 12 août 2014, les demandeurs se sont rendus à Hong Kong en utilisant leurs propres passeports. Ils déclarent qu’ils ont ensuite tenté de prendre l’avion pour les États-Unis. Toutefois, ils n’ont pu monter à bord de l’appareil parce que leurs visas américains n’étaient plus valides. Par la suite, se fiant aux conseils du passeur, ils sont retournés en Chine pour vivre dans la clandestinité à nouveau.

[8]               Les demandeurs ont reçu des visas pour le Canada le 23 octobre 2014. Ils ont voyagé de la Chine au Canada le 15 novembre 2014 et ont demandé l’asile deux semaines plus tard.

[9]               La demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés le 20 février 2015. La SPR a conclu qu’ils n’étaient pas des témoins crédibles et qu’ils n’étaient pas de véritables adeptes du Falun Gong. Les demandeurs ont interjeté appel de cette décision devant la SAR peu de temps après.

III.             La décision

[10]           De façon préliminaire, la SAR a souligné que, selon la décision Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799 (Huruglica), elle devait procéder à une évaluation indépendante du dossier et tirer sa propre conclusion au sujet de la question de savoir si les demandeurs étaient des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger, tout en faisant preuve de retenue envers la SPR si cette dernière avait un avantage évident, notamment pour ce qui est des conclusions sur la crédibilité.

[11]           La SAR a ensuite déclaré que, lorsqu’elle a examiné l’ensemble de la preuve, la question déterminante était la crédibilité des demandeurs et que ces derniers n’avaient pas établi qu’ils étaient de véritables adeptes du Falun Gong.

[12]           D’abord, la SAR a concédé, comme la SPR l’avait fait, que les demandeurs connaissaient la pratique et la philosophie du Falun Gong, mais elle a fait remarquer que ce seul fait ne permettait pas d’établir que les demandeurs étaient de véritables adeptes du Falun Gong.

[13]           La SAR s’est ensuite penchée sur la suite d’événements qui a mené à la fuite des demandeurs, soulignant que la prétendue descente du BSP s’était produite le 1er juin 2014 et qu’ils auraient été pourchassés par les agents du BSP à partir de ce moment. La SAR a également fait observer qu’ils avaient acquis un visa pour se rendre au Cambodge et aux États-Unis (deux signataires de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés) dans un court laps de temps après la descente en question. Néanmoins, ce n’est que le 12 août 2014 qu’ils ont pris un vol à destination de Hong Kong et ont tenté de quitter le pays. La SAR a tenu compte de l’explication fournie par les demandeurs pour justifier ce retard, c’est-à-dire qu’ils suivaient les instructions d’un passeur clandestin. Toutefois, elle a conclu que si les demandeurs craignaient réellement pour leur vie, ils auraient quitté beaucoup plus tôt.

[14]           La SAR a également noté que les demandeurs sont ensuite retournés en Chine continentale. Les demandeurs allèguent qu’ils ont dû retourner en Chine parce que leurs visas américains n’étaient plus valides. La SAR a tiré une inférence défavorable du fait que, au cours des trois mois qu’ils auraient passés dans la clandestinité en Chine, ils n’ont pas demandé au Consulat des États-Unis ce qu’il en était de leurs visas. Étant donné qu’ils ont pris la peine de sortir de leur cachette pour se présenter à une entrevue au consulat dans le but d’obtenir les visas, la SAR a conclu qu’il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’ils aient fait un suivi. S’ils craignaient véritablement pour leur vie, ils auraient au moins tenté d’accélérer leur départ.

[15]           La SAR a également fait remarquer que les demandeurs ont reçu des visas pour venir au Canada le 23 octobre 2014, mais qu’ils n’ont quitté la Chine que le 15 novembre de la même année. Les demandeurs soutiennent qu’ils ont repoussé leur départ suivant les instructions du passeur. La SAR a considéré ce fait, mais a conclu encore une fois que, en raison de la possibilité de fuir, ce délai militait fortement contre les allégations de crainte subjective des demandeurs et leur crédibilité dans l’ensemble.

[16]           La SAR s’est ensuite penchée sur le fait que les demandeurs ont quitté la Chine et y sont retournés le 12 août 2014 en utilisant leurs propres passeports à chaque fois qu’ils entraient et sortaient. La preuve documentaire au dossier établissait que les agents de l’aéroport avaient accès à un système informatique qui leur permettent de voir si une personne était recherchée et que le BSP surveillait les départs du pays. Par conséquent, la SAR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs ne puissent quitter la Chine s’ils sont recherchés. La SAR concède que les autorités chinoises n’appliquent pas toujours le règlement uniformément et que la corruption doit être prise en compte. Néanmoins, elle a conclu que les actions des demandeurs à cet égard démontrent que les autorités en Chine n’étaient pas à leur recherche.

[17]           Pour ce qui est de la citation à comparaître délivrée par le BSP et que les demandeurs avaient fournie, la preuve documentaire donnait à penser qu’une citation à comparaître ne pouvait être délivrée qu’après qu’une affaire a été déposée pour fins d’enquête. La SAR a donc conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que d’autres documents aient été laissés à la maison des demandeurs, en plus de la citation elle-même. La SAR a également conclu qu’il était peu probable que les demandeurs aient pu quitter la Chine et y revenir avec leurs propres passeports si une citation à comparaître avait été délivrée. De plus, le fait qu’il soient retournés en Chine en dépit des persécutions qu’ils ont déclaré craindre minait également leur crédibilité.

[18]           Enfin, la SAR a fait remarquer qu’il est facile d’obtenir des documents frauduleux en Chine, particulièrement dans la province du Guangdong.

[19]           La SAR a ensuite examiné les éléments de preuve visant à établir que les demandeurs pratiquaient le Falun Gong au Canada. Cet aspect de la décision de la SAR qui concerne la demande d’asile sur place se situe au centre de la présente affaire. La SAR a noté que les demandeurs avaient fourni des photos les représentant en train de pratiquer le Falun Gong et deux lettres d’appui de la part d’autres adeptes. Toutefois, la SAR a conclu que ces éléments de preuve ne réussissaient pas à établir qu’ils étaient de véritables adeptes. La SAR a donc accordé peu de poids à ces éléments, se faisant l’écho des conclusions de la SPR à cet égard.

[20]           Dans sa décision, la SPR a tiré une inférence défavorable du fait que les demandeurs n’avaient pas reçu une lettre de soutien de la Falun Dafa Association of Canada. Les demandeurs se sont objectés à cette conclusion. La SAR a tenu compte de cette objection et a conclu que, même si dans certains cas, une telle lettre pouvait être bénéfique en raison des préoccupations importantes relatives à la crédibilité, la lettre n’aurait pas été suffisante pour établir que les demandeurs étaient de véritables adeptes en l’espèce.

[21]           Enfin, la SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la pratique du Falun Gong des demandeurs au Canada avait attiré l’attention des autorités chinoises. La SAR a cité la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1237 (Wang) au soutien de sa conclusion.

[22]           En fin de compte, étant donné que la SAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs n’étaient pas de véritables adeptes, que ce soit en Chine ou au Canada, elle a estimé qu’ils ne seraient pas perçus comme tels en Chine s’ils devaient y retourner. Par conséquent, la SAR a rejeté l’appel de leur demande initiale, ainsi que toute demande d’asile sur place.

IV.             Les questions en litige

[23]           Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur à la fois dans l’application du critère juridique et dans l’évaluation de la demande d’asile sur place.

V.                L’analyse

A.                La norme de contrôle

[24]           La Cour d’appel fédérale a récemment affirmé que la SAR doit examiner la décision de la SPR selon la norme de la décision correcte, procédant à « sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant. » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 103) (Huruglica CAF). Le choix de la norme de contrôle de la SAR doit alors être examiné par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Huruglica CAF, au paragraphe 35).

[25]           En l’espèce, la SAR a choisi et appliqué la norme énoncée dans la décision Huruglica CF, une norme qui a depuis été remplacée par l’approche proposée dans l’arrêt Huruglica CAF. Cela dit, je conclus que, en substance, la SAR a exercé exactement le même type de contrôle que dans l’arrêt Huruglica CAF. La décision de la SAR et son application d’une norme de contrôle étaient donc raisonnables (Ketchen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 388, au paragraphe 29 ; Sui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 406, au paragraphe 16).

[26]           Pour ce qui est de la conclusion tirée par la SAR relativement à la demande sur place, les demandeurs prétendent que le droit tel qu’énoncé dans la décision Wang aurait été mal appliqué et qu’elle devrait faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte (voir ci-dessous). Cependant, pour ma part, je conclus que cette décision était plutôt une conclusion de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Ghamooshi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 225, au paragraphe 15). Par conséquent, si la décision de la SAR sur ces questions appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et qu’elle est justifiable, transparente et intelligible, elle ne devrait pas être annulée (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

B.                 La SAR a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la demande d’asile sur place ?

(1)               La mauvaise application de Wang

[27]           Au moment d’analyser la demande d’asile sur place, la SAR a déclaré qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que les activités des demandeurs au Canada avaient attiré l’attention des autorités en Chine. Par conséquent, la SAR a conclu que, selon Wang, la présente demande ne pouvait être soutenue :

[37]      Dans son examen du dossier, la SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve fiables et probants soumis à la SPR, notamment durant l’audience de la SPR, pour démontrer que la pratique du Falun Gong des demandeurs a été portée à l’attention des autorités chinoises ou qu’ils seraient perçus comme étant d’authentiques adeptes du Falun Gong à leur retour en Chine. À cet égard, la SAR a été guidée par la Section de première instance de la Cour fédérale dans la décision Wang, qui a statué que la demande d’asile sur place ne pouvait être étayée en l’absence d’une preuve démontrant que la présentation de la demande d’asile était venue spécifiquement à l’attention des autorités du pays d’origine du demandeur d’asile.

[28]           Les demandeurs soutiennent que la SAR a mal interprété la preuve et que Wang ne s’applique pas. Selon les demandeurs, la décision Wang portait sur un ensemble de faits distincts. Dans cette affaire, le demandeur avait fondé sa demande d’asile sur place sur le fait que sa demande de statut de réfugié avait été signalée dans les médias chinois. En d’autres termes, la demande d’asile sur place dans la décision Wang dépendait des éléments de preuve selon lesquels les médias y avaient porté leur attention et, par ce fait même, auraient alerté les autorités. Les demandeurs soutiennent que, contrairement à l’interprétation de la SAR, cela ne signifie pas que chaque demande sur place doit nécessairement être étayée par des éléments de preuve établissant que de la demande d’asile s’était ébruitée au point de parvenir à l’attention des autorités du pays d’origine du demandeur.

[29]           Je ne suis pas d’accord et je conclus que l’analyse de la SAR sur ce point était raisonnable. Peu importe les faits particuliers dans Wang, le juge Pelletier a été clair dans ce cas en disant que « le problème fondamental dans le cas des demandeurs vient du fait que la [Section du statut de réfugié] ne disposait d’aucune preuve, documentaire ou autre, qui étayait leur revendication du statut de réfugié sur place » (paragraphe 20). En d’autres termes, la décision Wang tient simplement au fait qu’à l’instar de tout demandeur d’asile, un demandeur d’asile sur place doit avoir un certain fondement factuel à l’appui de ses allégations.

[30]           Une conclusion semblable a été tirée dans la présente affaire : la SAR a évalué la preuve et n’a pas cru, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs étaient véritablement des adeptes du Falun Gong au Canada. De plus, il n’y avait aucun élément de preuve qui établissait que les autorités chinoises croyaient que les demandeurs pratiquaient effectivement le Falun Gong. La SAR a examiné les éléments de preuve devant elle de façon indépendante pour en arriver à cette conclusion, en conformité avec les directives de l’arrêt Huruglica CAF. Cela dit, il est vrai que la SAR aurait pu mieux formuler les conclusions de son évaluation, je ne crois pas qu’elle ait mal appliqué le droit relatif aux demandes sur place ou commis une erreur déraisonnable.

(2)               Les éléments de preuve écartés

[31]           Les demandeurs soutiennent que la SAR a fait abstraction d’éléments de preuve cruciaux, y compris des photographies, des lettres et des renseignements objectifs sur la situation dans le pays, en concluant qu’il n’y avait pas une preuve suffisante de leur pratique du Falun Gong au Canada.

[32]           Je ne crois pas que la SAR ait ignoré ou négligé de traiter certains éléments de preuve. Son analyse de la preuve était raisonnable. Premièrement, la SAR est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté et n’a pas à mentionner chaque élément explicitement (Kandha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 430, au paragraphe 16). Deuxièmement, aucun des éléments de preuve que les demandeurs invoquent dans leurs observations devant la Cour n’est crucial au point que ne pas en faire état rend la décision déraisonnable. Il en est ainsi parce que la preuve documentaire qu’ils ont fait ressortir avait, selon la SAR, peu de valeur probante compte tenu des doutes de cette dernière quant à la crédibilité du récit des événements qui se seraient produits en Chine. Le défendeur a d’ailleurs constaté que les demandeurs ne contestent pas cette mise en doute. Étant donné qu’il n’est pas déraisonnable de la part de la SAR d’accorder plus de poids à ses préoccupations de crédibilité qu’à la preuve documentaire (voir ci-dessous), cela signifie que les demandeurs voudraient simplement que la Cour apprécie à nouveau la preuve pour arriver à une autre conclusion, ce qu’elle ne peut faire selon la norme de la décision raisonnable.

(3)               Les conclusions antérieures relatives à la crédibilité

[33]           Les demandeurs soutiennent que les doutes de la SAR relatifs à leur crédibilité en ce qui concerne les incidents qu’ils ont vécus en Chine ne devraient pas avoir joué un rôle dans l’évaluation de leur demande d’asile sur place. Étant donné que la SAR en a tenu compte, son analyse de la demande d’asile sur place serait déraisonnable.

[34]           Les demandeurs invoquent la décision rendue par le juge Zinn dans Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 205 (Huang) au soutien de la proposition selon laquelle la preuve soumise pour une demande d’asile sur place ne peut être écartée simplement parce que la SAR doute des revendications touchant le pays d’origine :

[32]      Même si la demanderesse principale ne pratiquait pas le christianisme en Chine, la preuve démontre qu’elle fréquente une église chrétienne au Canada et participe à ses activités. Peut‑être que, comme Saint Paul sur le chemin de Damas, elle a eu une révélation et connu un éveil spirituel au Canada, ou peut‑être que ce n’est pas cas. Toutefois, pour parvenir à une décision quant à l’authenticité de ses croyances actuelles, la preuve doit faire l’objet d’une certaine analyse et, si sa preuve doit être complètement écartée, cette décision doit être étayée par des motifs. En l’espèce, il n’y a eu ni analyse ni justification. La Commission s’est contentée d’énoncer la conclusion à laquelle elle est parvenue et la Cour ne réussit pas, à partir du dossier, à savoir pourquoi elle est parvenue à cette conclusion.

[35]           Le défendeur rétorque qu’il n’est pas déraisonnable de tirer une conclusion au sujet des prétendues activités d’un demandeur au Canada, compte tenu des conclusions relatives à la crédibilité du récit du demandeur d’asile sur les événements qui ont eu lieu dans son pays d’origine. Le défendeur souligne que la Cour a confirmé des décisions de la SAR ayant appliqué le même raisonnement. Voir, par exemple, la décision Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1067, au paragraphe 28 (Jiang) : « La Cour fédérale a déjà décidé qu’il est permis à la Commission d’évaluer la sincérité d’un demandeur et, par conséquent, la demande d’asile sur place de celui-ci au regard des préoccupations relatives à la crédibilité se rapportant à l’authenticité initiale d’une demande d’asile » et la décision Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 5 (Zhou). Dans les deux cas, comme dans la présente affaire, des conclusions ont été tirées quant à la crédibilité d’une demande qui avait trait à la pratique du Falun Gong en Chine, ainsi que d’autres éléments de preuve relativement clairsemés établissant la pratique du Falun Gong au Canada.

[36]           Comme le montrent les décisions Jiang et Zhou, il n’y a rien de déraisonnable à prendre en considération une conclusion antérieure de crédibilité dans le cadre de l’évaluation d’une demande d’asile sur place. Ce fait n’est pas contredit par Huang, où le juge Zinn s’oppose non pas au fait que la SPR fonde sa décision sur des conclusions de crédibilité dans son appréciation d’une demande d’asile sur place, mais plutôt au fait qu’« il n’y a rien dans la décision ou le dossier qui permettait à la Commission de trancher que « elle s’est jointe à une église chrétienne au Canada dans le seul but de soutenir sa demande d’asile frauduleuse » [non souligné dans l’original]. » (Paragraphe 31). En d’autres termes, la décision Huang infirmait une conclusion tirée sans preuve à l’appui, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire. Pour cette raison, je ne crois pas que la SAR ait commis une erreur sur ce point.

VI.             La conclusion

[37]           Compte tenu de tout ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée et aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Il n’y a pas d’adjudication des dépens.

3.      Il n’y a aucune question à certifier.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-40-16

 

INTITULÉ :

HUI ZHANG, RONGWO LIANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 juin 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Diner

DATE DES MOTIFS :

Le 7 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Lev Abramovich

POUR LES DEMANDEURS

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lev Abramovich

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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