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Date : 20160711


Dossier : IMM-3196-15

Référence : 2016 CF 763

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 11 juillet 2016

En présence de madame la juge Dawson

ENTRE :

ABDULKARIM AHMED

(AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE : ABDULKARIM MOHAMED AHMED)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

[1]               M. Abdulkarim Ahmed (le « demandeur ») sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 10 juin 2015 de la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la « SAR ») confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») par laquelle sa demande d’asile a été rejetée.

[2]               Le demandeur prétend être un citoyen de la Somalie et un membre du clan Reer Aw Hassan. Il a présenté une demande d’asile en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « Loi »), au motif qu’il subirait un préjudice aux mains des membres d’Al Shabaab, des militaires éthiopiens et d’autres groupes armés en Somalie.

[3]               La SPR a rejeté la demande dans une décision datée du 27 février 2015 en concluant que le demandeur n’était pas crédible et n’était probablement pas recherché par Al Shabaab. La SPR a conclu que son identité en tant que citoyen de la Somalie avait été établie, mais que son appartenance au clan Reer Aw Hassan ne l’avait pas été.

[4]               Dans la présentation de son appel à la SAR, le demandeur a présenté de nouveaux éléments de preuve et a demandé une audition, en vertu des paragraphes 110(4) et 110(6) de la Loi, respectivement. Les nouveaux éléments de preuve que le demandeur a tenté de présenter consistaient en des extraits du rapport sur le pays d’origine sur la Somalie, un document de l’Afrique du Sud relatif à l’asile du frère du demandeur et son certificat de mariage.

[5]               La SAR a conclu que les documents constituaient de nouveaux éléments de preuve au sens du paragraphe 110(4) de la Loi. Elle a cependant conclu que les nouveaux éléments de preuve ne touchaient pas au cœur de la décision de la SPR et ne justifiaient pas d’accueillir la demande. Par conséquent, elle n’a pas tenu d’audience de vive voix.

[6]               La SAR a conclu, contrairement à la décision de la SPR, que le demandeur n’avait pas établi son identité en tant que citoyen de la Somalie. Elle a également conclu qu’il n’était pas crédible.

[7]               S’appuyant sur l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (CAF), le demandeur fait valoir que la SAR a commis une erreur en procédant à une analyse microscopique de la preuve.

[8]               Le demandeur soutient également que la SAR a commis un manquement à l’équité procédurale en ne l’avisant pas que la question de sa nationalité serait soulevée. Il fait valoir que son identité nationale a été acceptée par la SPR et que par conséquent, il n’a pas présenté d’observations sur la question devant la SAR. Il s’appuie à cet égard sur la décision Ojarikre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 896.

[9]               Enfin, le demandeur fait valoir que la SAR a commis une erreur en omettant de tenir une audience de vive voix étant donné que les questions de crédibilité et d’identité ont été déterminantes dans son analyse.

[10]           Quelque temps après l’audience de la présente demande de révision judiciaire, le 4 février 2016, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 96. Conformément à une directive publiée le 1er avril 2016, les parties ont eu la possibilité de présenter des observations sur l’application de cette décision à la présente affaire. Le demandeur n’a pas profité de cette occasion.

[11]           Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) fait valoir qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis parce que le SAR n’a pas à tenir une audience de vive voix, même lorsque les critères énoncés au paragraphe 110(6) de la Loi sont respectés, et que le demandeur a été avisé que la question de son identité était en cause. Le demandeur soutient que les conclusions de la SAR relatives à la crédibilité sont déraisonnables.

[12]           Le défendeur, en réponse à la directive du 1er avril 2016, a fait valoir que Singh, précité, n’est pas pertinent à la présente procédure.

[13]           La première question à examiner est la norme de contrôle applicable.

[14]           Les conclusions de la SAR relatives à l’identité et à la crédibilité sont susceptibles de révision selon la norme du caractère raisonnable; voir les arrêts Gebremichael c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 646, au paragraphe 8 et Ghauri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548, au paragraphe 22. La question d’équité procédurale est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte; voir la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43.

[15]           L’article 110(6) de la Loi décrit dans quelles circonstances la SAR peut tenir une audience :

(6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

(6) The Refugee Appeal Division may hold a hearing if, in its opinion, there is documentary evidence referred to in subsection (3)

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

(a) that raises a serious issue with respect to the credibility of the person who is the subject of the appeal;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

(b) that is central to the decision with respect to the refugee protection claim; and

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

 

(c) that, if accepted, would justify allowing or rejecting the refugee protection claim.

[16]           La réception de nouveaux éléments de preuve par la SAR ne conduit pas inévitablement à la tenue d’une audience. À mon avis, le paragraphe 110(6) confère à la SAR le pouvoir discrétionnaire de déterminer si elle tiendra une audience de vive voix lorsqu’elle accepte de nouveaux éléments de preuve. Puisqu’elle peut exercer ce pouvoir discrétionnaire, la SAR n’est pas obligée de tenir une audience si les critères de l’application du paragraphe 110(6) sont remplis.

[17]           J’estime que la SAR n’a pas erré en ne tenant pas d’audience de vive voix. Elle a toutefois commis une erreur susceptible de révision en n’avisant pas le demandeur de ses préoccupations concernant la conclusion de la SPR relatives à sa nationalité somalienne.

[18]           L’identité est toujours un problème dans une demande d’asile; voir la décision Yang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 681.

[19]           Au paragraphe 7, la SPR a déclaré : [traduction] « [l]e tribunal conclut que le demandeur est, selon la prépondérance des probabilités, un citoyen de la Somalie ».

[20]           À mon avis, il s’agissait d’un manquement à l’obligation d’équité procédurale de la part de la SAR de contester cette conclusion sans en avoir avisé le demandeur, et cette erreur justifie une intervention judiciaire.

[21]           Le demandeur, dans son mémoire, réclame des dépens dans la présente procédure.

[22]           Conformément à l’article 22 des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, des dépens peuvent être accordés dans le contrôle judiciaire d’une affaire d’immigration lorsqu’il y a des « raisons spéciales » de le faire.

[23]           Les raisons spéciales comprennent une conduite injuste ou inappropriée de la part du défendeur ou une conduite qui entraîne un retard indu dans le traitement de la demande d’asile du demandeur; voir l’arrêt Paul c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2010), 92 Imm. (3d) 271.

[24]           Je ne suis pas convaincu que le demandeur a démontré qu’il existait des raisons spéciales justifiant l’adjudication de dépens, et aucuns dépens ne sont adjugés.

[25]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal de la SAR différemment constitué pour une nouvelle décision. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la cause soit réexaminée par un tribunal de la Commission constitué différemment. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« E. Heneghan »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3196-15

 

INTITULÉ :

ABDULKARIM AHMED (AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE ADULKARIM MOHAMED AHMED) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 février 2016

DATE DES OBSERVATIONS APRÈS L’AUDIENCE :

 

Le 15 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Eve Sehatzadeh

Pour le demandeur

 

Alex Kam

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eve Sehatzadeh

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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