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Date : 20160712


Dossier : IMM-4602-15

Référence : 2016 CF 768

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 12 juillet 2016

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

MIRAJH DEVANANDAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS 

[1]               M. Mirajh Devanandan (« le demandeur ») demande le contrôle judiciaire d’une décision datée du 21 septembre 2015 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger en vertu de l’article 96 et et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « Loi »).

[2]               Le demandeur est citoyen du Sri Lanka. Il affirme être exposé à un risque de persécution parce qu’il est perçu comme une personne ayant des liens avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET). Il a aussi déclaré être exposé à un risque puisqu’il est un demandeur d’asile débouté.

[3]               La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas déposé une preuve convaincante pour démontrer qu’il correspond au profil de risque établi dans le document du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés intitulé Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum Seekers from Sri Lanka  (principes directeurs du HCR). La SPR a également conclu que sa crainte de persécution en tant que demandeur d’asile débouté n’était pas fondée.

[4]               La SPR a estimé que le risque de persécution auquel est exposé le demandeur par les groupes progouvernementaux, les groupes paramilitaires et autres groupes impliqués dans des activités criminelles est un risque généralisé auquel font face la plupart des communautés tamoules au Sri Lanka. La SPR a conclu que la preuve présentée par le demandeur ne suffisait pas à démontrer qu’il serait personnellement visé par ces groupes.

[5]               Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur dans son application de l’article 96 de la Loi en examinant le risque « généralisé », et par l’application de normes de preuve incohérentes dans son évaluation du risque conformément à l’article 96 de la Loi.

[6]               Le demandeur allègue également que la SPR a ignoré et mal interprété la preuve en se fondant uniquement sur les principes directeurs du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et sur les profils de risque du Home Office du Royaume‑Uni. Il fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve contradictoires suggérant que les demandeurs d’asile déboutés sont à risque de persécution au Sri Lanka et de la preuve démontrant que la mise en liberté n’était pas déterminante de l’intérêt des autorités de l’État à l’égard des personnes détenues; voir les arrêts Orgona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 346 et Rayappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-8712-11, 24 octobre 2012.

[7]               En outre, le demandeur affirme que la SPR a tiré des conclusions déraisonnables quant à la crédibilité.

[8]               Enfin, le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur en n’examinant pas s’il y avait des raisons impérieuses, en vertu du paragraphe 108(4) de la Loi, justifiant de ne pas obliger le demandeur à retourner au Sri Lanka.

[9]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que le demandeur n’a pas établi l’existence d’une erreur susceptible de révision. Le défendeur fait valoir que la SPR a correctement examiné le « risque généralisé » dans son évaluation du risque auquel est exposé le demandeur en vertu du paragraphe 97(1) de la Loi.

[10]           Il soutient en outre que le demandeur a confondu le « critère juridique » et la « norme de preuve ». Il prétend que le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits nécessaires satisfaisant aux critères juridiques en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi, s’appuyant sur la décision Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2008), 74 Imm. L.R. (3d) 306, au paragraphe 22.

[11]           Le défendeur soutient que la SPR n’a pas à faire référence à chaque élément de preuve dont elle est saisie; voir la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35. Il fait valoir que le demandeur n’est pas satisfait de l’interprétation de la SPR de la preuve documentaire, mais cela ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

[12]           Le demandeur soutient que les conclusions de la SPR relatives à la crédibilité sont déraisonnables.

[13]           Enfin, le défendeur fait valoir que la Commission n’a pas correctement examiné l’exception relative aux « raisons impérieuses » du paragraphe 108(4) de la Loi puisque cette exception s’applique uniquement dans les cas où le demandeur a établi que sa demande d’asile est fondée au regard de l’article 96 ou du paragraphe 97(1). La SPR n’a pas jugé fondée la demande du demandeur et en conséquence, n’a pas eu à aborder le paragraphe 108(4).

[14]           La première question à aborder concerne la norme de contrôle applicable. Le choix de la SPR de la charge de la preuve en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi est une question de droit et est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte; voir les décisions Gopalarasa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1138 et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 44.

[15]           Les conclusions de la SPR relatives à la crédibilité et à l’appréciation de la preuve sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable; voir Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

[16]           Un examen du caractère raisonnable tient à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit; voir la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47.

[17]           La deuxième question à examiner est le choix du critère juridique de la SPR en vertu de l’article 96 de la Loi.

[18]           Afin d’établir un des éléments essentiels de la définition de réfugié au sens de la Convention, un demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, un fondement factuel valable; voir Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS. 593.

[19]           Un demandeur doit également établir qu’il existe plus qu’une simple possibilité qu’il soit persécuté s’il était renvoyé; voir l’arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 (CAF) à la page 682. Cette charge de la preuve peut être décrite par les expressions « [craint] avec raison » ou « possibilité raisonnable »; voir Adjei, précité à la page 683.

[20]           À mon avis, la SPR a appliqué le bon critère juridique et la charge de la preuve appropriée. Le demandeur ne peut obtenir gain de cause sur ce point.

[21]           Je ne suis pas non plus convaincue que la SPR a commis une erreur en concluant que les communautés tamoules font face à un risque généralisé de criminalité; voir les arrêts Mohamed c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 758, Ramanathan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 319.

[22]           La troisième question est celle de l’examen de la SPR de la preuve documentaire. Ce n’est pas le rôle d’une cour de révision de réévaluer la preuve; voir Khosa, précité au paragraphe 61. La cour de révision ne doit intervenir que dans les cas où il est flagrant que le décideur a ignoré des éléments de preuve contradictoires importants; voir Gopalarasa, précité, aux paragraphes 37 à 39.

[23]           L’évaluation par la SPR de la preuve dont elle disposait était raisonnable. Je ne suis pas convaincue que la SPR ait ignoré quelque élément de preuve contradictoire que ce soit.

[24]           À mon avis, il était raisonnable que la SPR conclue que la description du demandeur de son évasion des mains d’un groupe de ravisseurs n’était pas crédible.

[25]           Enfin, la SPR n’a pas commis d’erreur dans l’application du paragraphe 108(4) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.

 

[26]           Je suis d’accord avec les observations du défendeur selon lesquelles l’application de ce paragraphe exige que la SPR tire la conclusion que les raisons pour lesquelles la personne a demandé l’asile n’existent plus, en vertu de l’alinéa 108(1)e); voir Jaioro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 622. La SPR, dans ce cas, n’a pas tiré une telle conclusion.

[27]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4602-15

 

INTITULÉ :

MIRAJH DEVANANDAN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 avril 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 12 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Jack Davis

 

Pour le demandeur

 

Christopher Crighton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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