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Date : 20160706


Dossiers : T-1003-15

T-1005-15

Référence : 2016 CF 758

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Fothergill

Dossier : T-1003-15

ENTRE :

CONNIE LIDDIARD

demanderesse

et

POSTES CANADA

défenderesse

Dossier : T-1005-15

ET ENTRE :

CONNIE LIDDIARD

demanderesse

et

POSTES CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit de deux demandes de contrôle judiciaire [dossiers de la Cour T-1003-15 et T‑1005-15] déposées par Connie Liddiard visant le refus de la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission] de faire enquête sur ses plaintes pour discrimination à l’égard de la Société canadienne des postes [SCP]. La Commission a conclu que la première plainte avait déjà été traitée par un arbitre du travail étant habilité à statuer sur des questions de droits de la personne et qu’elle est donc vexatoire aux termes de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 [la Loi]. La Commission a conclu que la seconde plainte est visée par un grief toujours actif et qu’en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la Loi, Mme Liddiard doit d’abord épuiser les recours prévus par la procédure de règlement des griefs avant de déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission.

[2]               Pour les motifs suivants, je suis d’avis que la Commission a raisonnablement conclu que l’essence de la première plainte de Mme Liddiard a été traitée par un autre décideur ayant la compétence de trancher une question de droits de la personne en vertu de la Loi. La Commission a également raisonnablement conclu que la seconde plainte de Mme Liddiard pour atteinte aux droits de la personne fait intervenir l’alinéa 41(1)a) de la Loi en raison de la procédure de règlement des griefs en cours. Si l’arbitrage des derniers griefs de Mme Liddiard n’aborde pas toutes les questions de droits de la personne soulevées dans sa seconde plainte, elle pourra demander à la Commission de réactiver sa plainte une fois que la procédure d’arbitrage aura été épuisée. Les demandes de contrôle judiciaire sont par conséquent rejetées.

II.                Contexte

[3]               Mme Liddiard a commencé à travailler pour la SCP en août 1997. En avril 2000, elle a subi une blessure au dos qui lui a causé une invalidité partielle permanente. Elle a été absente du travail pendant environ deux ans. À son retour en 2002, on lui a offert un poste de commis des postes à temps partiel en guise de mesure d’adaptation.

Dossier de la Cour T-1003-15

[4]               En octobre 2006, Mme Liddiard a déposé une plainte interne écrite à la SCP alléguant qu’elle avait été victime de discrimination et de harcèlement en raison de son invalidité. La plainte a été examinée par Mme Kelly Edmunds, agente, Conformité aux droits de la personne et aux programmes législatifs, SCP. Dans un rapport daté du 23 mars 2007, Mme Edmunds a conclu qu’il n’y avait aucune preuve étayant les allégations de Mme Liddiard selon lesquelles elle aurait été victime de discrimination et de harcèlement.

[5]               En avril 2007, le Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes [STTP], en tant que seul et unique agent négociateur de la majorité des employés de la SCP, a déposé un grief au nom de Mme Liddiard. Le STTP et la SCP sont parties à une convention collective qui prévoit une procédure de règlement des griefs et d’arbitrage pour la résolution des plaintes. Le STTP allègue que des actes de discriminations et de harcèlement ont eu lieu, en contravention des articles 5 et 56 de la convention collective. Le syndicat soutient en outre que la plainte interne de Mme Liddiard n’a pas fait l’objet d’une enquête approfondie par Mme Edmunds.

[6]               Le 13 avril 2007, Mme Liddiard a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission à l’encontre de la SCP, dans laquelle elle prétend avoir été victime de discrimination en raison de son invalidité. En août 2007, la Commission, citant l’alinéa 41(1)a) de la Loi, a refusé d’enquêter sur cette plainte. Cette disposition accorde le pouvoir discrétionnaire à la Commission de ne pas statuer sur une plainte s’il semble que les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts n’ont pas été épuisés. À la suite de la décision de la Commission, Mme Liddiard a accepté de poursuivre la procédure de règlement des griefs.

[7]               En mars 2008, Mme Liddiard a souhaité réactiver sa plainte auprès de la Commission au motif qu’elle ne pouvait avoir raisonnablement accès à la procédure de règlement des griefs. En août 2008, la Commission a encore une fois refusé d’examiner la plainte conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi.

[8]               Mme Liddiard a donc poursuivi la procédure de règlement des griefs. Ses griefs, de même que 13 autres griefs, ont été soumis à l’arbitrage. Ils ont été entendus par l’arbitre F. R. Von Veh [« l’arbitre »] entre le 25 janvier 2012 et le 28 octobre 2014.

[9]               En mai 2012, Mme Liddiard a de nouveau demandé à la Commission de réactiver sa plainte pour atteinte aux droits de la personne. Une fois de plus, la Commission a refusé d’examiner la plainte au motif que la procédure de règlement des griefs était toujours en cours.

[10]           En janvier 2014, Mme Liddiard a une fois de plus demandé à la Commission de réactiver sa plainte pour atteinte aux droits de la personne. Cette fois, la Commission a invité les parties à lui fournir leurs observations sur l’application de l’alinéa 41(1)a) de la Loi.

[11]           Le 5 novembre 2014, l’arbitre a rejeté tous les griefs de Mme Liddiard à l’encontre de la SCP. L’arbitre a conclu que l’enquête interne menée par Mme Edmunds a été exécutée de façon compétente et professionnelle. Il a confirmé la conclusion de l’agente selon laquelle il n’y avait pas de preuve étayant les allégations de Mme Liddiard, qui affirme que la SCP l’a traité de façon injuste ou discriminatoire.

[12]           Suivant la décision de l’arbitre, la Commission a avisé les parties qu’un enquêteur de la Commission préparerait un [traduction] « rapport sur les articles 40 et 41 ». La Commission a invité les parties à faire valoir leurs positions sur le caractère vexatoire de la plainte de Mme Liddiard au sens de l’alinéa 41(1)d) de la Loi. Cette disposition accorde à la Commission le pouvoir discrétionnaire de rejeter une plainte si elle semble « frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ».

[13]           Le 25 février 2015, la Commission a publié son rapport sur les articles 40 et 41. Ce rapport résume la première plainte pour atteinte aux droits de la personne formulée par Mme Liddiard auprès de la Commission, la jurisprudence régissant l’application de l’alinéa 40(1)d) de la Loi, les éléments devant être pris en compte pour établir si une plainte est vexatoire, la décision de l’arbitre et les observations des parties. Le rapport fait ainsi état des critiques de Mme Liddiard à l’égard de la décision de l’arbitre :

[traduction]

La plaignante a l’impression que l’arbitre n’a pas été impartial, qu’il a collaboré avec l’employeur et le syndicat, qu’il n’a pas tenu compte de la preuve qui lui a été présentée et qu’il avait un parti pris. Elle n’a toutefois présenté aucune information à la Commission qui pourrait soutenir ces prétentions. La Commission n’est pas une procédure d’appel pour les plaignants qui ne sont pas satisfaits de l’issue de l’arbitrage. Dans le cas en l’espèce, la procédure arbitrale semble avoir été juste.

[14]           Le rapport conclut que [traduction] « l’ensemble des allégations de discrimination soulevées ont été examinées lors de la procédure arbitrale » :
[traduction]

En l’espèce, un arbitre du travail étant habilité à trancher des questions de droits de la personne a examiné les allégations de la plaignante, qui allègue avoir subi un traitement différentiel préjudiciable de même que du harcèlement en raison de son invalidité. Pendant quatorze (14) jours, l’arbitre a entendu le témoignage de nombreux témoins, y compris celui détaillé de la plaignante. Il a finalement rejeté les griefs de la plaignante. Considérant qu’un autre décideur ayant la compétence d’appliquer la Loi a déjà traité les allégations de discrimination soulevées par la plainte, la plainte est considérée comme étant vexatoire au sens de l’alinéa 41(1)d) de la Loi et la Commission ne doit pas statuer sur celle-ci.

[15]           Mme Liddiard et la SCP ont fait parvenir leurs réponses respectives au rapport sur les articles 40 et 41 en mars et en avril 2015.

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[16]           Le 10 juin 2014, Mme Liddiard a déposé une seconde plainte en matière des droits de la personne auprès de la Commission. Elle prétend avoir été victime de discrimination et de harcèlement en raison de son invalidité et de son origine nationale. Elle affirme que la SCP a versé des rapports défavorables à son dossier personnel, l’a suspendu indûment et a exercé des représailles à son égard pour avoir déposé sa première plainte pour atteinte aux droits de la personne.

[17]           Le 11 juillet 2014, le STTP a déposé un grief au nom de Mme Liddiard faisant valoir que la SCP avait suspendu indûment Mme Liddiard le 20 mai 2014 et qu’elle avait versé de façon inappropriée des rapports défavorables à son dossier personnel. Le grief allègue également que la SCP a contrevenu à plusieurs dispositions de la convention collective, notamment aux articles 5, 54 et 56 relatifs à la discrimination et au harcèlement en milieu de travail, ainsi qu’à son « Programme de réintégration à la main-d’œuvre active ».

[18]           Le 13 août 2014, le grief de Mme Liddiard a été soumis à l’arbitrage conformément à la convention collective. Une audience était prévue le 27 janvier 2015. Toutefois, l’arbitre désigné pour entendre le grief était F. R. Von Veh, soit le même arbitre qui avait récemment rendu une décision défavorable concernant les griefs précédents de Mme Liddiard. Le STTP a donc demandé un ajournement de l’audience. Il semblerait que l’arbitrage n’ait pas encore eu lieu.

[19]           Le STTP a ensuite déposé un nouveau grief au nom de Mme Liddiard, alléguant que la SCP a versé indûment des rapports défavorables au dossier personnel de Mme Liddiard, en contravention des articles 5, 54 et 56 de la convention collective. Le grief a été soumis à l’arbitrage le 26 septembre 2014. Il semblerait que l’arbitrage n’ait pas encore eu lieu.

[20]           Le 26 septembre 2014, la SCP a demandé à la Commission de refuser de statuer sur la seconde plainte pour atteinte aux droits de la personne de Mme Liddiard, conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi. La SCP a fait valoir que Mme Liddiard avait accès à la procédure interne de règlement des griefs conformément à la convention collective et qu’elle devait épuiser ce moyen de réparation avant que sa plainte pour atteinte aux droits de la personne puisse être entendue par la Commission. La SCP a de plus souligné que le STTP avait déposé des griefs concernant certaines questions soulevées dans la plainte pour atteinte aux droits de la personne et que ces questions n’étaient toujours pas tranchées.

[21]           Après enquête, la Commission a publié un rapport sur les articles 40 et 41 le 9 mars 2015. Ce rapport conclut que la Commission ne devrait pas examiner la seconde plainte pour atteinte aux droits de la personne avant que Mme Liddiard n’ait épuisé la procédure de règlement des griefs conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi.

[22]           Le 23 mars 2015, Mme Liddiard a déposé sa réponse au rapport et a déclaré qu’elle ne pouvait avoir recours à la procédure de règlement des griefs parce qu’elle n’était plus employée par la Société canadienne des postes et n’était plus membre du STTP.

[23]           Le 5 mai 2015, la SCP a avisé la Commission que selon elle, Mme Liddiard pouvait toujours avoir recours à la procédure, et ce, même si elle était maintenant à la retraite. La SCP a fait observer que le STTP représentait toujours la plaignante dans les griefs déposés en son nom et qu’un arbitre avait été désigné pour les entendre.

III.             Décision faisant l’objet du contrôle

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[24]           Dans une lettre datée du 20 mai 2015, la Commission a avisé les parties qu’elle avait décidé de ne pas statuer sur la première plainte de Mme Liddiard conformément à l’alinéa 41(1)d) de la Loi. La Commission a fait siennes les conclusions suivantes du rapport sur les articles 40 et 41 :
[traduction]

La Cour suprême a jugé que la Commission doit respecter le caractère définitif de la décision d’un autre décideur administratif possédant la compétence concurrente d’appliquer les mesures législatives en matière de droits de la personne lorsque la question qui a été tranchée portait essentiellement sur les mêmes faits que ceux de la plainte déposée devant la Commission. En l’espèce, un arbitre du travail étant habilité à trancher des questions en matière de droits de la personne a examiné les allégations de la plaignante, qui allègue avoir subi un traitement différentiel préjudiciable de même que du harcèlement en raison de son invalidité. Pendant quatorze (14) jours, l’arbitre a entendu le témoignage de nombreux témoins, y compris celui détaillé de la plaignante. Il a finalement rejeté les griefs de la plaignante. Considérant qu’un autre décideur ayant la compétence d’appliquer la Loi a déjà tranché les allégations de discrimination soulevées par la plainte, la plainte est considérée comme étant vexatoire au sens de l’alinéa 41(1)d) de la Loi et la Commission ne doit pas statuer sur celle-ci.

[25]           Le 17 juin 2015, Mme Liddiard a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de ne pas statuer sur sa première plainte en matière de droits de la personne.

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[26]           Dans une lettre datée du 27 mai 2015, la Commission a avisé les parties qu’elle avait décidé de ne pas statuer sur la seconde plainte de Mme Liddiard conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi. La Commission a fait siennes les conclusions suivantes du rapport sur les articles 40 et 41 :
[traduction]

Le syndicat a soumis à l’arbitrage les deux griefs déposés au nom de la plaignante relativement aux événements allégués décrits dans la présente plainte. Ces griefs sont toujours en cours. Il semblerait que la plaignante bénéficie d’un accès complet à la procédure d’arbitrage et de règlement des griefs et que cette procédure pourra, à tout le moins, régler certaines questions en matière de droits de la personne soulevées dans la plainte. La plaignante doit d’abord épuiser les autres procédures de recours qui lui sont normalement ouvertes. Si, à la fin de la procédure d’arbitrage et de règlement des griefs, la plaignante croit que l’on n’a pas complètement répondu à ses préoccupations en matière de droits de la personne, elle pourra demander à la Commission de réactiver sa plainte.

[27]           Le 17 juin 2015, Mme Liddiard a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de ne pas statuer sur sa seconde plainte pour atteinte aux droits de la personne.

IV.             Question en litige

[28]           La seule question soulevée dans les présentes demandes de contrôle judiciaire est de savoir si les décisions de la Commission sont raisonnables.

V.                Analyse

[29]           Une décision de la Commission de ne pas statuer sur une plainte pour atteinte aux droits de la personne est de nature discrétionnaire et doit être examinée par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Kwon c. Federal Express Canada Ltée, 2014 CF 268, au paragraphe 12, citant English-Baker c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1253, au paragraphe 13). La décision de la Commission commande la déférence, et la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[30]           À l’égard de la première décision de la Commission (dossier de la Cour T-1003-15), Mme Liddiard soutient qu’elle ne peut raisonnablement faire appel à la procédure de règlement des griefs et que la décision de l’arbitre doit être écartée. Elle affirme que la procédure est partiale et frauduleuse. Elle allègue que Mme Edmunds, qui a mené l’enquête interne confirmée par l’arbitre, est incompétente et que l’arbitre n’aurait pas dû retenir cette preuve. Elle accuse le STTP de collusion avec la SCP et de ne pas l’avoir eu bien représentée. Elle affirme qu’elle a été empêchée d’assigner des témoins et de déposer certains documents lors de l’audience. Elle fait valoir que l’arbitre n’est pas indépendant puisqu’il reçoit sa rémunération de la SCP, que le délai pour achever l’ensemble de la procédure est déraisonnable et que les réparations pouvant être mises en place par l’intermédiaire de la procédure de règlement des griefs sont inadéquates.

[31]           À l’égard de la seconde décision de la Commission (dossier de la Cour T-1005-15), Mme Liddiard soutient qu’elle n’a pas raisonnablement accès à la procédure de règlement des griefs essentiellement pour les mêmes motifs que ceux invoqués dans le dossier de la Cour T‑1003-15. Elle ajoute qu’elle n’est plus membre du STTP, qu’elle ne paie plus de cotisations syndicales et que le syndicat ne poursuit plus de griefs en son nom.

[32]           Mme Liddiard a offert peu d’éléments de preuve pour justifier ses allégations. Après une longue audience, l’arbitre a conclu que Mme Edmunds a mené une enquête compétente et professionnelle de la plainte interne déposée par Mme Liddiard. La contestation de la compétence de Mme Edmunds par Mme Liddiard se fonde sur les directives données à l’employeur publiées en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 [les « directives »] dans des affaires non reliées. Ces directives interdisent à Mme Edmunds d’assumer la responsabilité de la prévention de la violence sur les lieux de travail dans sa propre zone géographique au motif qu’elle pourrait être perçue comme étant partiale. Il ne s’agit pas d’une conclusion d’incompétence au sens classique du terme, mais plutôt au sens technique utilisé par les directives. Quoi qu’il en soit, Mme Liddiard a porté les directives à l’attention de l’arbitre.

[33]           Contrairement à ce que soutient cette dernière, les honoraires de l’arbitre ont été payés conjointement par la SCP et le STTP. Lorsqu’il a été demandé à Mme Liddiard quels témoins elle n’a pu faire entendre en raison du prétendu défaut du STTP de représenter convenablement ses intérêts, elle a nommé Dean Roosevelt et son délégué syndical. Il est paradoxal que ces deux personnes soient des représentants du même syndicat qui, selon elle, ne l’aurait pas adéquatement représentée.

[34]           La preuve démontre que Mme Liddiard est responsable de la plupart des délais accusés dans la présentation des griefs en arbitrage. Le STTP a demandé un ajournement du deuxième arbitrage pour éviter qu’il soit entendu par M. Von Veh. Je retiens l’argument de la SCP que le STTP représente toujours les intérêts de Mme Liddiard et qu’il poursuit les griefs déposés en son nom, bien qu’elle ne soit plus employée de la Société. La preuve confirme que les délais sont chose commune dans les procédures de règlement des griefs.

[35]           L’alinéa 41(1)d) de la Loi prévoit que la Commission doit statuer sur toute plainte dont elle est saisie, à moins que cette plainte ne soit futile, frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi. L’alinéa 41(1)a) de la Loi prévoit que la Commission doit statuer sur toute plainte reçue, à moins qu’elle n’estime que la victime présumée de l’acte discriminatoire doit d’abord épuiser les procédures de règlement des griefs et d’appel qui lui sont normalement ouvertes.

[36]           En refusant de statuer sur la plainte de Mme Liddiard, la Commission a fait siennes les conclusions de l’enquêteur qui a rédigé les rapports sur les articles 40 et 41. Ces rapports constituent donc les motifs de la Commission (Carroll c. Canada (Procureur général), 2015 CF 287, au paragraphe 28).

[37]           En ce qui concerne la première plainte pour atteinte aux droits de la personne (dossier de la Cour T-1003-15), la Commission a conclu qu’une décision finale avait été rendue dans une autre procédure, soit dans la procédure d’arbitrage et de règlement des griefs. La Commission a noté que l’arbitre était habilité à interpréter et à appliquer la Loi et qu’il était une tierce partie indépendante. La Commission a également observé qu’il n’existe pas de différence significative entre la procédure d’arbitrage en matière de droit du travail et la procédure relative aux plaintes de la Commission. Toutes deux doivent statuer sur des allégations portant sur les droits de la personne, peuvent mener à une décision d’un décideur indépendant et peuvent ordonner des réparations semblables. La Commission a conclu qu’il n’y a pas d’éléments de preuve suggérant que l’arbitre a fait preuve de partialité de quelque façon que ce soit.

[38]           À l’égard de la seconde plainte pour atteinte aux droits de la personne (dossier de la Cour T-1005-15), la Commission a conclu que le STTP a déposé plusieurs griefs au nom de Mme Liddiard et que cette dernière bénéficie d’un accès complet à la procédure de règlement des griefs, qu’elle connaît bien. La Commission a mentionné que deux griefs concernant les événements mêmes allégués dans la plainte étaient actuellement en arbitrage. Une fois de plus, la Commission a rejeté l’allégation de Mme Liddiard selon laquelle la procédure d’arbitrage était partiale ou inéquitable sur le plan procédural. De plus, la Commission a fait remarquer que l’arbitre du travail est habilité à interpréter et à appliquer la Loi, qu’il est en mesure de statuer, en tout ou en partie, sur les questions touchant les droits de la personne soulevées par la seconde plainte pour atteinte aux droits de la personne déposée par Mme Liddiard auprès de la Commission et qu’il peut ordonner des réparations semblables à celles prévues en vertu de la Loi.

[39]           Un arbitre des griefs a le pouvoir et la responsabilité de faire respecter les droits et obligations substantiels prévus par les lois sur les droits de la personne s’ils font partie d’une convention collective (Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42). En l’espèce, la décision de l’arbitre vise 15 griefs déposés par le STTP au nom de Mme Liddiard. Quatorze jours d’audience ont eu lieu, et Mme Liddiard a témoigné à l’appui de ses griefs. Les motifs fournis par l’arbitre, qui a examiné toute la preuve y compris la preuve contradictoire, sont détaillés. La Commission a conclu qu’un [traduction] « examen complet et minutieux de la décision démontre que l’arbitre a tenu compte de toutes les allégations visées par la plainte en l’espèce et qu’il a conclu qu’elles n’étaient pas fondées et devaient être rejetées ».

[40]           Je suis convaincu que la Commission a adéquatement examiné la décision de l’arbitre et ses conclusions sur les faits avant de déterminer que la première plainte de Mme Liddiard entraînait l’application de l’alinéa 41(1)d) de la Loi (Société canadienne des postes c. Barrette, [2000] 4 FC 145, au paragraphe 28, [2000] ACF no 539 (C.A.F.)). La Commission a raisonnablement conclu que l’essence de la première plainte de Mme Liddiard a déjà été traitée par un autre décideur ayant la compétence de statuer sur une question de droits de la personne en vertu de la Loi.

[41]           Je suis également d’avis que la Commission a raisonnablement conclu que la seconde plainte de Mme Liddiard pour atteinte aux droits de la personne fait intervenir l’alinéa 41(1)a) de la Loi en raison de la procédure de règlement des griefs en cours. Si l’arbitrage des derniers griefs de Mme Liddiard n’aborde pas toutes les questions de droits de la personne soulevées dans sa seconde plainte, elle pourra alors demander à la Commission de réactiver sa plainte une fois que la procédure d’arbitrage aura été épuisée. L’avocat de la SCP reconnaît par ailleurs que Mme Liddiard pourra en tout temps demander à la Commission de réactiver sa plainte au motif que la procédure de règlement des griefs ne lui est plus accessible (dans la mesure où elle pourra produire des éléments de preuve étayant cette allégation). Cela atténuera le risque que la procédure de règlement des griefs soit inappropriée ou inopportune pour répondre aux préoccupations de Mme Liddiard (Bagnato v Canada Post Corp., 2016 FCA 40, au paragraphe 7).

VI.             Conclusion

[42]           Les motifs soulevés par la Commission pour refuser de statuer sur les deux plaintes pour atteinte aux droits de la personne de Mme Liddiard sont transparents, intelligibles et justifiables. De plus, les deux décisions appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Les deux demandes de contrôle judiciaire sont par conséquent rejetées.

VII.          Dépens

[43]           La SCP a demandé les dépens, mais n’a pas soumis de mémoire de frais ni fait d’observations détaillées sur le montant des dépens, tel que le prévoit l’avis aux parties et à la communauté juridique de la Cour daté du 30 avril 2010. Mme Liddiard n’est plus employée de la SCP et ses ressources financières semblent limitées. Néanmoins, la SCP a complètement eu gain de cause pour ces demandes de contrôle judiciaire et a par conséquent droit aux dépens. Considérant l’ensemble des circonstances, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour ordonner une seule adjudication de dépens pour les deux demandes d’une somme fixe de 750 $, comprenant les débours.


JUGEMENT

LA COUR rejette les présentes demandes de contrôle judiciaire avec une seule adjudication des dépens fixée à 750 $ comprenant les débours.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1003-15

 

INTITULÉ :

CONNIE LIDDIARD c. POSTES CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1005-15

 

INTITULÉ :

CONNIE LIDDIARD c. POSTES CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Connie Liddiard

En son propre nom

 

Pour la demanderesse

 

Shaffin A. Datoo

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shaffin A. Datoo

Conseiller juridique

Société canadienne des postes

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

 

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