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Date : 20160629


Dossier : IMM-4929-15

Référence : 2016 CF 736

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 29 juin 2016

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

SYED WASEEM JAFRI

NAYYAR WASEEM JAFRI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), datée du 7 octobre 2015, dans laquelle la SAR a refusé l’appel interjeté par les demandeurs. La SAR a appuyé la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR), qui faisait état que les demandeurs n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger puisqu’ils avaient une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Islamabad, au Pakistan.

[2]               Les demandeurs sont mari et femme, tous deux citoyens du Pakistan. Le demandeur principal a un peu plus de 70 ans et est en mauvaise santé, et sa femme approche la fin de la soixantaine. Ils disent craindre d’être persécutés au Pakistan en raison de leur appartenance religieuse à la communauté musulmane chiite.

[3]               La SPR a conclu que les actes du demandeur étaient incompatibles avec la crainte alléguée de persécution (p. ex., il y a eu un long délai avant que les demandeurs quittent le Pakistan, et ces derniers ont attendu longtemps avant de formuler une demande de protection au Canada). La SPR a aussi déterminé que les demandeurs ont déjà une possibilité de refuge intérieur valable à Islamabad, au Pakistan.

[4]               Dans les instances devant la SAR, les demandeurs ont fait d’autres observations, à savoir qu’ils devraient être considérés comme étant des réfugiés « sur place » puisqu’ils n’avaient pas l’intention de demeurer au Canada et qu’ils ont seulement fait une demande de protection au Canada après avoir appris qu’il y avait un risque plus élevé pour les pratiquants chiites s’ils retournaient au Pakistan.

[5]               La SAR a confirmé les conclusions de la SPR pour le motif que, selon la prépondérance des probabilités, les demandeurs pourraient vivre en sécurité et convenablement à Islamabad. Bien que la SAR ait fait mention de la demande de refuge « sur place », elle ne l’a pas examinée puisqu’elle a conclu que la question de la possibilité de refuge intérieur était déterminante.

[6]               Les avocats conviennent que, compte tenu de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Huruglica (Citoyenneté et Immigration c. Huruglica, 2016 CAF 93) la norme à appliquer au contrôle judiciaire dans les circonstances particulières est celle de la décision raisonnable.

[7]               Les avocats conviennent également que le critère à appliquer relativement aux possibilités de refuge intérieur a deux volets.

1.                  Est-ce que les demandeurs, sur une prépondérance des probabilités, ne courent aucun risque sérieux de persécution dans la région du pays où on évoque l’existence d’une possibilité de refuge intérieur; et, quels seraient les risques encourus si une telle possibilité n’existait pas?

2.                  Est-ce qu’il ne serait pas déraisonnable, vu toutes les circonstances de l’affaire, en particulier pour les demandeurs, de se réfugier à l’endroit où on trouve la possibilité de refuge intérieur?

[8]               Je constate que la décision de la SAR n’est pas raisonnable puisqu’elle tire des conclusions incorrectes de certains éléments de preuve, sans tenir dûment compte d’autres éléments de preuve, notamment :

                     La SAR n’a pas dûment tenu compte du courriel provenant du fils du demandeur principal. Ce courriel affirme clairement que [traduction] « le risque encouru par mon père [le demandeur principal] est de nature personnelle, et il importe peu que les autres, y compris mon père, puissent être à risque ».

                     La Section d’appel des réfugiés n’a pas dûment tenu compte des actes de violence extrême et des meurtres touchant la communauté chiite à Rawalpindi, une ville adjacente à Islamabad, endroit où on évoque avoir une possibilité de refuge intérieur.

                     Elle accorde un poids inadéquat aux propos du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et aux réponses aux demandes d’information, qui traitent de la violence à l’encontre des pratiquants chiites, y compris ceux dans la région d’Islamabad.

                     Elle n’a pas pris en considération que, même si le demandeur principal n’avait pas une haute visibilité à titre de pratiquant chiite, il avait tout de même une visibilité suffisante qui pourrait le mettre sur le radar des extrémistes.

                     Elle n’a pas tenu pleinement compte de la santé fragile du demandeur principal, qui peut recevoir les soins de son fils au Canada, mais qui n’aura aucun soignant à Islamabad.

[9]               Bien que le commissaire de la SAR ait fait mention de certains de ces points, il semble qu’il n’en a pas saisi pleinement la portée et qu’il était trop disposé à trouver des motifs pour ne pas accueillir la demande des demandeurs. L’approche était mal équilibrée et, par conséquent, non raisonnable.

[10]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.

 


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT,

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à la Section d’appel des réfugiés pour nouvel examen par un commissaire différent.

3.      Aucune question n’est certifiée.

4.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Roger T. Hughes »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4929-15

 

INTITULÉ :

SYED WASEEM JAFRI, NAYYAR WASEEM JAFRI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 juin 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :

Le 29 juin 2016

COMPARUTIONS :

Aurina Chatterji

Pour les demandeurs

Laoura Christodoulides

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MAX BERGER PROFESSIONAL LAW CORPORATION

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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