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Date : 20160708


Dossier : IMM-49-16

Référence : 2016 CF 773

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2016

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

KARAMJIT SINGH KHASRIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 14 décembre 2015 par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, décision établissant que le demandeur était interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 47 ans. Il a volontairement servi dans les forces militaires de l’Inde de septembre 1985 à mars 2001.

[3]               Il est arrivé au Canada le 16 septembre 2013 et a demandé l’asile pour des motifs d’opinion politique.

[4]               Le 13 novembre 2014, un rapport a été publié contre le demandeur conformément au paragraphe 44(1) de la Loi, indiquant qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour avoir commis des crimes contre l’humanité lorsqu’il servait dans les forces militaires de l’Inde.

[5]               La demande d’asile du demandeur a été suspendue le même jour en attendant la décision de l’audience relative à l’interdiction de territoire.

[6]               À la suite de l’audience relative à l’interdiction de territoire, la Section de l’immigration a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait été complice de violations des droits de la personne et de crimes contre l’humanité commis par les forces militaires de l’Inde au cours d’opérations réalisées au Jammu-et-Cachemire et en Assam lors de ses affectations dans ces régions.

[7]               En s’appuyant sur le critère de complicité énoncé dans la décision Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 RCS 678 [Ezokola], la Section de l’immigration a conclu que le demandeur était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi, étant donné que soit le demandeur savait que des attaques étaient menées contre des civils, des insurgés et des personnes perçues comme des insurgés, soit il a couru le risque que ses actions contribuent à ces attaques.

[8]               La Section de l’immigration a évalué la taille et la nature des forces militaires de l’Inde et a conclu que, compte tenu de la taille des forces militaires de l’Inde (1,3 million de personnes) et du fait que ces forces militaires exercent diverses fonctions, les éléments de preuve ne suffisaient pas à appuyer une conclusion selon laquelle il s’agirait d’une organisation aux visées limitées et brutales. Néanmoins, la Section de l’immigration a conclu que ce facteur n’était pas pertinent dans le cadre de l’analyse visant à déterminer la contribution du demandeur à un quelconque crime.

[9]               La Section de l’immigration a alors évalué la partie de l’organisation à laquelle le demandeur était le plus directement associé. La Section de l’immigration a conclu que (i) le demandeur était membre de la compagnie Charlie dans le 18e régiment Punjab; (ii) le demandeur a admis avoir participé à au moins une opération d’encerclement et de recherche, et les éléments de preuve documentaires énoncent que des violations des droits de la personne ont été commises à grande échelle par les forces militaires de l’Inde pendant de telles opérations; et (iii) le demandeur fait partie d’un groupe de soldats qui ont reçu des médailles, dont deux qui se rapportent aux opérations de contre-insurrection, et les opérations de contre-insurrection ont mené à des violations généralisées et systématiques des droits de la personne.

[10]           La Section de l’immigration a ensuite évalué les fonctions et les activités du demandeur au sein des forces militaires de l’Inde, et a conclu qu’on lui avait affecté des fonctions précises, et qu’il avait participé à des activités le rendant complice de crimes contre l’humanité, étant donné que le demandeur : (i) a indiqué dans le document de questions de filtrage de sécurité que bien qu’il n’ait pas participé au combat actif, il a pris part à des confrontations avec des militants; (ii) a participé à au moins une opération d’encerclement et de recherche; et (iii) a reçu des médailles pour avoir participé à des opérations précises, dont au moins deux médailles se rapportant à des opérations de contre-insurrection.

[11]           La Section de l’immigration a pris en compte le témoignage du demandeur et a conclu qu’il manquait de crédibilité pour les motifs suivants.

  1. Le demandeur a omis de divulguer sa carrière militaire dans sa demande de visa pour venir au Canada, et s’est plutôt présenté comme un employé du gouvernement. Lorsqu’on l’a confronté sur ce point à l’audience, le demandeur a indiqué qu’une autre personne avait rempli la demande, et qu’il avait seulement signé cette dernière. La Section de l’immigration a tiré une conclusion défavorable de l’omission du demandeur, en concluant qu’il s’agissait d’un autre exemple de cas où le demandeur tentait de minimiser son service au sein des forces militaires de l’Inde.
  2. Le demandeur a déclaré dans son témoignage qu’il souffrait d’une blessure au dos qui l’empêchait de participer à des opérations et qu’un médecin lui avait donné congé pour qu’il retourne à la maison; or, il n’a fourni aucun élément de preuve corroborant à cet égard. En outre, le certificat de licenciement militaire du demandeur ne fait état d’aucun problème de santé. Par conséquent, le tribunal a accordé peu de poids au témoignage du demandeur à cet égard.
  3. Le demandeur s’est contredit concernant le nombre d’opérations d’encerclement et de recherche auxquelles il a participé. Pendant une entrevue avec un agent des services frontaliers, il a déclaré qu’il avait participé à deux opérations d’encerclement et de recherche; or, à l’audience, il a mentionné qu’il s’était trompé et qu’il n’avait en fait participé qu’à une seule opération de la sorte. La Section de l’immigration a passé en revue la transcription de son entrevue avec l’agent des services frontaliers, et a conclu qu’il était clair que le demandeur avait participé à plus d’une opération d’encerclement et de recherche.
  4. Pendant l’audience, le demandeur a déclaré qu’il n’avait jamais utilisé d’explosifs dans le cadre d’opérations. Cette déclaration contredit certaines déclarations formulées pendant son entrevue avec l’agent des services frontaliers. Confronté à cette contradiction, le demandeur a affirmé qu’il était déprimé au moment de l’entrevue avec l’agent des services frontaliers et qu’il ne savait pas ce qu’il disait.
  5. Dans le document de questions de filtrage de sécurité de base, le demandeur a écrit que dans le cadre de ses fonctions militaires, « les soldats regroupaient les militants, puis quelques soldats allaient à l’intérieur les tuer. » Il a toutefois indiqué qu’« il n’avait pas tué de militants. » Pendant l’audience devant la Section de l’immigration, le demandeur a indiqué qu’il décrivait la seule opération d’encerclement et de recherche à laquelle il avait participé. Il a déclaré dans son témoignage qu’un seul militant avait été capturé, contrairement à ce qu’il avait écrit et à sa déclaration selon laquelle il n’avait jamais vu un militant être tué. Il a également affirmé qu’il ne savait pas ce qu’il disait lorsqu’il a répondu au document de questions de filtrage de sécurité.
  6. Le demandeur a nié toute connaissance d’actes répréhensibles perpétrés par les forces militaires de l’Inde pendant qu’il était en service au Jammu-et-Cachemire et en Assam, malgré les éléments de preuve documentaires décrivant les violations des droits de la personne à grande échelle commises dans ces régions au moment où le demandeur y était affecté. Le demandeur a également nié l’existence de troubles dans ces deux États pendant qu’il y séjournait.

[12]           En outre, la Section de l’immigration a conclu que le témoignage du demandeur concernant les médailles qu’il avait reçues n’était pas crédible, et qu’il était directement contredit par les éléments de preuve liés aux médailles. Le demandeur a déclaré dans son témoignage que les médailles avaient été remises à l’unité, et non à des membres individuels de l’unité, et il n’a pas été en mesure de donner des détails au sujet des médailles lors de l’audience. Étant donné que les éléments de preuve documentaires démontrent que chacune des médailles a une signification particulière et que ces médailles ne sont remises que si des critères précis ont été atteints, la Section de l’immigration a déduit que le demandeur avait reçu la médaille du service spécial avec agrafe Suaksha pour avoir participé à l’opération Rakshak, une opération de contre-insurrection ayant été menée au Jammu-et-Cachemire à compter du 15 novembre 1989. La Section de l’immigration a également conclu que la médaille Samanya Seva avec agrafe Tirap avait été remise pour le service dans des opérations de contre-insurrection menées dans le district de Tirap de l’Arunachal Pradesh, un État voisin de l’Assam. En se fondant sur ces éléments de preuve, la Section de l’immigration a conclu que le demandeur avait reçu cette médaille pour avoir participé à des opérations de contre-insurrection dans l’Arunachal Pradesh.

[13]           La Section de l’immigration a ensuite évalué le grade du demandeur dans les forces militaires de l’Inde et a constaté que le demandeur avait obtenu trois promotions au fil de sa carrière. Au moment de son départ à la retraite, le demandeur avait le grade de sergent, ce qui signifie qu’il recevait probablement plus d’ordres qu’il n’en donnait lui-même. La Section de l’immigration a également noté que le demandeur avait passé 15 ans dans les forces militaires, qu’il s’y était enrôlé de façon volontaire à l’âge de 17 ans, et qu’il y était demeuré de façon volontaire jusqu’à ce qu’il soit admissible à une pension.

[14]           Le demandeur soutient que les éléments de preuve n’appuient pas une conclusion d’interdiction de territoire puisqu’il n’y a aucun élément de preuve direct démontrant que le demandeur, sa compagnie ou son régiment était personnellement lié à ne serait-ce qu’un incident mentionné dans les éléments de preuve documentaires décrivant des violations aux droits de la personne commises par les forces militaires de l’Inde. Le demandeur soutient qu’au mieux, la Section de l’immigration a conclu qu’il était complice par association, ce qui est insuffisant pour le rendre interdit de territoire au Canada. Le demandeur affirme également que l’Inde a le droit de se défendre et d’avoir recours à la force, y compris de tuer des insurgés et des militants. Il soutient également que son intention coupable n’a pas été établie en l’espèce.

III.             Question en litige et norme de contrôle

[15]           La question à trancher en l’espèce est de savoir si la Section de l’immigration a commis une erreur susceptible de révision au sens du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

[16]           La question de savoir si un ressortissant étranger est interdit de territoire au Canada en vertu de l’article 35 de la Loi est une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle applicable en l’espèce est donc celle de la décision raisonnable (Qureshi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 335, au paragraphe 12; Dhanday c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1166, au paragraphe 13).

IV.             Analyse

[17]           Comme question préliminaire, le défendeur soutient que la Cour devrait refuser de se pencher sur la demande du demandeur, pour le simple motif qu’il n’a pas eu une conduite irréprochable. Le défendeur affirme en effet que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour rejeter cette demande de contrôle judiciaire puisqu’un mandat d’arrestation a été produit contre le demandeur le 24 février 2016 étant donné qu’il a omis de se présenter à une entrevue relative aux modalités de renvoi.

[18]           La Cour d’appel fédérale a pris en considération le principe de conduite irréprochable dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2006 CAF 14 [Thanabalasingham], où elle a noté que la cour de révision « peut rejeter la demande sans la juger au fond ou, même ayant conclu à l’existence d’une erreur sujette à révision, elle peut refuser d’accorder la réparation sollicitée », lorsqu’elle est d’avis qu’« un demandeur a menti, ou qu’il est d’une autre manière coupable d’inconduite » (au paragraphe 9).

[19]           Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à cet égard, la Cour d’appel fédérale a fait observer que le rôle d’une cour de révision est de « s’efforcer de mettre en balance d’une part l’impératif de préserver l’intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d’empêcher les abus de procédure, et d’autre part l’intérêt public dans la légalité des actes de l’administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne » (Thanabalasingham, au paragraphe 10).

[20]           La Cour d’appel fédérale a ensuite énuméré la liste non exhaustive de facteurs suivants au paragraphe 10 de l’arrêt Thanabalasingham, facteurs qui peuvent être pris en compte dans l’exercice présent :

[10] « [...] la gravité de l’inconduite du demandeur et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause, la nécessité d’une dissuasion à l’égard d’une conduite semblable, la nature de l’acte prétendument illégal de l’administration et la solidité apparente du dossier, l’importance des droits individuels concernés, enfin les conséquences probables pour le demandeur si la validité de l’acte administratif contesté est confirmée. »

[21]           Dans l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, la Cour d’appel fédérale a indiqué au paragraphe 64 que « devraient toujours figurer en tête de liste des facteurs pertinents » les individus qui « font défaut de se conformer aux conditions de la Loi ou agissent de manière à en empêcher l’application ».

[22]           Le défaut du demandeur de se conformer aux demandes des autorités de l’immigration représente une grave violation des exigences de la Loi et pose d’importants défis pour son application. Le défendeur soutient que le demandeur s’est tout simplement caché et est dorénavant introuvable. À mon avis, ce genre de comportement mine l’intégrité du système d’immigration du Canada et ne devrait pas être toléré, afin d’éviter d’encourager d’autres ressortissants à ne pas se conformer aux exigences de la Loi. Je suis d’avis que l’équilibre penche ici en faveur du défendeur.

[23]           Le demandeur n’a pas eu une conduite irréprochable, et par conséquent, sa demande est rejetée pour ce simple motif.

[24]           Dans tous les cas, je suis d’avis que la décision de la Section de l’immigration était raisonnable, pour les motifs suivants.

[25]           L’article 6 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (L.C. 2000, ch. 24) énonce que quiconque commet, complote ou tente de commettre un crime contre l’humanité à l’étranger, est complice après le fait à son égard ou conseille de le commettre, est coupable d’un acte criminel. Par conséquent, les individus qui ont personnellement commis des crimes contre l’humanité ou en sont complices peuvent être jugés interdits de territoire en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi (Gebremedhin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 380, au paragraphe 18, 431 FTR 42; voir également Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ekanza Ezokola, 2011 CAF 224, aux paragraphes 52 à 60, 69 et 70, [2011] 3 RCF 417).

[26]           La Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre définit les « crimes contre l’humanité » comme suit :

crime contre l’humanité Meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation, emprisonnement, torture, violence sexuelle, persécution ou autre fait — acte ou omission — inhumain, d’une part, commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes et, d’autre part, qui constitue, au moment et au lieu de la perpétration, un crime contre l’humanité selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel, ou en raison de son caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations, qu’il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu.

crime against humanity means murder, extermination, enslavement, deportation, imprisonment, torture, sexual violence, persecution or any other inhumane act or omission that is committed against any civilian population or any identifiable group and that, at the time and in the place of its commission, constitutes a crime against humanity according to customary international law or conventional international law or by virtue of its being criminal according to the general principles of law recognized by the community of nations, whether or not it constitutes a contravention of the law in force at the time and in the place of its commission.

[27]           Le fait de commettre l’un des actes indiqués à l’article 6 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre est évalué selon la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » en vertu de l’article 33 de la Loi. Dans Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100, la Cour suprême du Canada a énoncé que cette norme « exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile » (au paragraphe 114), et que finalement, la « croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi » (au paragraphe 114, citant Sabour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 195 FTR 69, 100 ACWS (3d) 642).

[28]           Les six facteurs non exhaustifs du critère relatif à la complicité énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Ezokola sont les suivants :

(i) la taille et la nature de l’organisation;

(ii) la section de l’organisation à laquelle le demandeur était le plus directement associé;

(iii) les fonctions et les activités du demandeur au sein de l’organisation;

(iv) le poste ou le grade du demandeur au sein de l’organisation;

(v) la durée de l’appartenance du demandeur à l’organisation, surtout après qu’il a pris connaissance de ses crimes ou de son dessein criminel;

(vi) le mode de recrutement du demandeur et la possibilité qu’il a eue ou non de quitter l’organisation.

[29]           À mon avis, la Section de l’immigration a évalué le rôle du demandeur au sein des forces militaires de l’Inde conformément au critère relatif à la complicité énoncé dans l’arrêt Ezokola. Bien qu’il soit vrai qu’il n’existe aucun élément de preuve direct démontrant que le demandeur a commis un crime contre l’humanité, au contraire des observations du demandeur, un élément de preuve direct n’est pas nécessaire pour conclure que le demandeur est interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada au paragraphe 101 de l’arrêt Ezokola, la Section de l’immigration ne statue pas sur la culpabilité. Les décisions relatives au droit d’asile n’exigent pas une preuve hors de tout doute raisonnable ni la norme de prépondérance des probabilités générale applicable en matière civile. Une audience relative à l’interdiction de territoire n’est pas un procès criminel, l’unique tâche de la Section de l’immigration est de se prononcer « sur le droit d’asile; elle ne conclut ni à la culpabilité du demandeur, ni à son innocence » (Ezokola, au paragraphe 38).

[30]           À la suite d’un examen du dossier, y compris les éléments de preuve documentaires, je suis convaincu que la Section de l’immigration a raisonnablement conclu à l’interdiction de territoire du demandeur. Le demandeur a été affecté au Jammu-et-Cachemire et en Assam lors de périodes de troubles politiques et sociaux, et il existe des éléments de preuve objectifs et convaincants démontrant que pendant cette période, les forces militaires de l’Inde ont fait partie des nombreux groupes ayant commis des crimes contre l’humanité envers la population civile. Le demandeur a également admis avoir participé à au moins une opération d’encerclement et de recherche où il a été témoin du meurtre d’insurgés, et il n’était pas déraisonnable que la Section de l’immigration juge que le témoignage du demandeur modifiant cet aveu manquait de crédibilité. En outre, compte tenu du fait que deux des médailles remises au demandeur correspondaient à des événements de contre-insurrection ayant eu lieu dans des régions où le demandeur était en service, il n’était pas déraisonnable de la part de la Section de l’immigration de déduire que le demandeur a obtenu ces médailles pour avoir participé à ces opérations de contre-insurrection.

[31]           Je conclus également qu’il était raisonnable de la part de la Section de l’immigration de conclure que le demandeur manquait de crédibilité, tout particulièrement en ce qui concerne son défaut de reconnaître que les forces militaires de l’Inde avaient commis des crimes, y compris des meurtres extrajudiciaires, alors qu’il avait avoué à un agent des services frontaliers avoir été témoin de tels meurtres.

[32]           De plus, je suis d’avis que les observations du demandeur selon lesquelles son intention coupable n’avait pas été établie sont sans fondement, étant donné que le critère énoncé dans l’arrêt Ezokola évalue l’intention coupable du demandeur. À mon avis, il était raisonnablement justifié que la Section de l’immigration conclue que la complicité du demandeur était volontaire, étant donné qu’il s’était enrôlé dans les forces militaires de l’Inde de façon volontaire et qu’il avait quitté les forces militaires seulement lorsqu’il était devenu admissible à l’obtention d’une pension, après avoir atteint une période de service de 15 ans.

[33]           En somme, le demandeur ne m’a pas convaincu que la Section de l’immigration a commis une erreur susceptible de révision en l’espèce.

[34]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-49-16

INTITULÉ :

KARAMJIT SINGH KHASRIA c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 juin 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

Le 8 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Claudette Menghile

Susan Ramirez

Pour le demandeur

Lisa Maziade

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arpin, Mascaro & Ass.

Avocats

Montréal (Québec)

Susan Ramirez, avocate

Avocate

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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