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Date : 20160620


Dossier : IMM-5565-15

Référence : 2016 CF 692

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 juin 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ALINE KARIYO

PROSPER NGENDAKURIYO

BENI-CAEL IRAKOZE

MATT TANGY INGABIRE

DON MOREL DUSHIME

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 novembre 2015 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a refusé d’accorder le statut de réfugié ou de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 à la demanderesse, à son mari et à leurs trois enfants mineurs.

I.                   Contexte

[2]               La demanderesse principale, Aline Kariyo, et sa famille sont des citoyens du Burundi. Ils se sont rendus au Canada le 28 août 2015 et ont demandé le statut de réfugié ou de personne à protéger au poste frontalier de Douglas. La famille Kariyo a fui son pays d’origine après que la demanderesse et son fils aîné ont subi de nombreuses agressions à la suite de sa nomination au poste de juge d’investigation dans un tribunal anti-corruption au Burundi. Selon le témoignage de la demanderesse et l’exposé circonstancié figurant dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA), ces agressions ont été perpétrées par divers employés du port de Bujumbura, sur lequel elle enquêtait. La demanderesse a également été victime de discrimination et de harcèlement au travail en raison des constatations qu’elle a faites par rapport à ce dossier.

[3]               La demanderesse affirme qu’après avoir accepté le dossier du port de Bujumbura en décembre 2012, elle a commencé à recevoir des menaces par téléphone sur son lieu de travail. Elle n’a pas signalé ces menaces à une autorité extérieure parce qu’elle croyait qu’elles allaient cesser dès que son travail sur le dossier serait terminé.

[4]               Elle croyait également que son supérieur immédiat était complice de la fraude et de la corruption qui régnaient au port, car il l’avait accusée d’avoir divulgué des renseignements aux médias et l’avait menacée de lui imposer des sanctions au travail si elle ne laissait pas tomber son enquête. Son supérieur a continué de la menacer et de la harceler alors que la situation politique empirait au Burundi au cours de 2014. Au début de 2015, son supérieur l’a harcelée sexuellement en lui disant qu’il ferait disparaître ses problèmes si elle avait des relations sexuelles avec lui. La demanderesse a signalé l’incident au vice-président du tribunal où elle travaillait, mais ce dernier lui a dit de garder le silence.

[5]               En avril 2015, le fils aîné de la demanderesse a été victime de deux tentatives d’enlèvement à son école. Les incidents ont été signalés à la police et une lettre de l’école à ce sujet a été jointe aux éléments de preuve documentaire. La demanderesse croit que ces incidents étaient liés à son travail sur le dossier du port, car le logo du port de Bujumbura était apposé sur la portière du véhicule qui a été aperçu pendant les tentatives d’enlèvement.

[6]               De plus, au début de 2015, la demanderesse a aperçu un véhicule qui la suivait alors qu’elle retournait chez elle et elle a signalé l’incident à la police. Le rapport de police fait partie des éléments de preuve documentaire. Cet incident n’a eu aucune suite. Cependant, en mai 2015, la demanderesse a été enlevée chez elle par des personnes qui menaçaient de lui faire du mal si elle ne mettait pas fin à son enquête. Ses assaillants ont essayé de la violer pendant qu’ils la gardaient prisonnière. La demanderesse a rapporté l’incident à un policier, mais ce dernier a refusé de l’aider en raison du poste qu’elle occupait au sein du tribunal anti-corruption.

[7]               Après ces incidents, la famille est déménagée à une distance d’environ 100 km pour vivre avec la mère de la demanderesse. La famille a pris des dispositions pour venir au Canada, où le frère de la demanderesse habite.

[8]               Dans sa décision datée du 20 novembre 2015, la SPR a rejeté la demande de la demanderesse pour des motifs de crédibilité : la SPR a relevé des incohérences et de fausses déclarations dans le témoignage de la demanderesse, mais elles n’ont pas été rectifiées de façon suffisante dans les éléments de preuve documentaire (la décision).

[9]               La SPR a également rejeté sa demande, présentée en vertu de l’article 97, en tenant compte du fait que la situation politique tumultueuse qui régnait au Burundi n’avait pas de lien avec la demande et ne constituait pas un fondement pour présenter une telle demande, que ses doutes quant à la crédibilité de la demanderesse n’ont pas été dissipés, et que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour établir que la situation présentait un risque suffisant.

[10]           La SPR a reconnu l’identité et la citoyenneté de la famille et a conclu qu’il existait un lien entre les demandes et les motifs énumérés relativement à l’appartenance à un groupe social ou à une opinion politique en particulier. Pendant l’analyse de la demande, la SPR s’est reportée aux Directives de la présidente concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (Directives de la présidente concernant les revendicatrices du statut de réfugié).

[11]           La SPR a tiré une conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’a pas quitté son emploi lorsque les présumées menaces ont été proférées. Même si la demanderesse a expliqué qu’elle aimait et respectait son travail et qu’elle avait besoin de son salaire pour subvenir aux besoins de sa famille, la SPR a trouvé que cette explication était insuffisante pour établir que son travail exprimait une croyance fermement ancrée ou constituait une mission de vie. Elle a donc conclu qu’il était déraisonnable que la demanderesse soit restée en poste si elle faisait véritablement l’objet des menaces qu’elle a rapportées.

[12]           En outre, la SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse au sujet des tentatives d’enlèvement de son fils était incompatible avec l’exposé circonstancié figurant dans son formulaire FDA. Il est mentionné dans la décision que [traduction] « [s]elon son témoignage de vive voix, les tentatives d’enlèvement de son fils sont survenues en avril 2015. Cependant, dans sa déclaration, la demanderesse principale a indiqué qu’elles sont survenues en 2013 ». La SPR n’a pas accepté la contestation de ce fait par la demanderesse ni son explication selon laquelle elle s’était probablement trompée de date parce qu’elle était fatiguée lorsqu’elle a rédigé l’exposé circonstancié à 3 h après avoir attendu un peu plus de 13 h au poste frontalier. Étant donné que l’écriture de la demanderesse dans l’exposé circonstancié figurant dans son formulaire FDA était nette, que les règles de grammaire avaient été respectées et que les phrases étaient bien structurées, la SPR a rejeté l’explication de la fatigue pour justifier les incohérences.

[13]           Ayant conclu que les tentatives d’enlèvement sont survenues en 2013, la SPR a tiré une autre conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’a pas présenté de demande d’asile en France ou en Belgique lorsqu’elle a visité les pays en 2014. La demanderesse a déclaré qu’elle ne sentait pas le besoin de s’enfuir avant les tentatives d’enlèvement et la tentative de viol et elle a toujours affirmé que celles-ci s’étaient produites en 2015.

[14]           La SPR a également souligné que les documents joints au formulaire FDA contenaient des omissions. Plus précisément, la SPR a tiré une conclusion défavorable du fait que le mari a omis de mentionner l’enlèvement de son fils dans sa déclaration, et elle a rejeté son explication selon laquelle il savait qu’on s’appuierait sur la demande de sa femme et qu’il y aurait une audience pour expliquer les exposés circonstanciés. De plus, le fait que la demanderesse n’a pas mentionné son propre enlèvement et la tentative de viol dont elle a été victime dans son exposé circonstancié pose également problème. La SPR a jugé inadéquate son explication selon laquelle elle avait caractérisé cet incident de harcèlement sexuel, d’autant plus qu’elle était juge au Burundi et qu’elle aurait dû connaître la différence d’ordre juridique entre la tentative de viol et le harcèlement sexuel.

[15]           La SPR a conclu que les incohérences étaient déraisonnables, car la demande a été présentée après que le couple a délibérément décidé de demander des visas aux États-Unis afin de pouvoir se rendre au Canada pour y demander l’asile.

[16]           Enfin, la SPR a déterminé qu’en tant que juge, la demanderesse aurait dû connaître la meilleure façon d’utiliser la protection de l’État. Elle a donc conclu qu’il était déraisonnable que la demanderesse, en tant que membre de l’escouade anti-corruption, se soit laissée démonter par le refus du policier de l’aider à mettre fin à la persécution dont elle était victime. La SPR a tiré une conclusion défavorable : elle a conclu que le témoignage de la demanderesse à ce sujet manquait de spontanéité.

II.                Question en litige

[17]           Est-ce que l’évaluation de la crédibilité effectuée par la SPR était raisonnable?

III.             Norme de contrôle

[18]           La norme de contrôle appropriée relativement aux conclusions sur la crédibilité est celle de la décision raisonnable (Kamau c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 413, au paragraphe 22; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 51).

IV.             Analyse

[19]           Le défendeur soutient que la décision est raisonnable compte tenu des nombreuses conclusions défavorables qui ont été tirées en ce qui concerne la crédibilité. Plus précisément, il fait valoir qu’il était équitable de tirer des conclusions défavorables pour les motifs suivants : le dévouement de la demanderesse envers son emploi, le moment et les détails des tentatives d’enlèvement de son fils, l’omission de présenter une demande d’asile en Belgique ou en France, les incohérences relevées dans les exposés circonstanciés, les omissions constatées dans les déclarations de la demanderesse et de son mari, et les éléments de preuve concernant les efforts faits pour obtenir la protection de l’État.

[20]           En outre, le défendeur soutient que la SPR a dûment tenu compte des Directives de la présidente concernant les revendicatrices du statut de réfugié qui s’appliquaient et de la présomption selon laquelle un demandeur dit la vérité à moins qu’il existe des raisons d’en douter. Par conséquent, le défendeur affirme que la Cour devrait s’en remettre aux conclusions de la SPR concernant la crédibilité, car elles appellent un degré élevé de déférence.

[21]           Je conviens que la Cour devrait être prudente lorsqu’elle met en doute les conclusions de la SPR concernant la crédibilité; en effet, la délivrance de conclusions est tout particulièrement le domaine de spécialité de la SPR. Toutefois, l’intervention de la Cour est justifiée si aucun élément de preuve n’étaye l’affirmation de la SPR ou s’il y a une incohérence patente entre la décision et la preuve au dossier (Rahal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 60 [Rahal]).

[22]           J’estime qu’en dépit de cette norme déférente, il s’agit d’un cas où la conclusion de la SPR relativement à la crédibilité était déraisonnable pour plusieurs motifs. La décision dénotait un zèle à trouver des contradictions et des erreurs dans le témoignage de la demanderesse, ce qui était tout simplement déraisonnable compte tenu du dossier qui m’a été présenté.

[23]           Tout d’abord, même si les contradictions relevées dans la preuve donnent généralement raison à la SPR de tirer une conclusion défavorable relativement à la crédibilité, de telles contradictions doivent être réelles et non pas illusoires (Rahal, précité, au paragraphe 43). Le fondement même de la conclusion défavorable de la SPR quant à la crédibilité, qui a influé sur les diverses autres conclusions relatives à la crédibilité qui ont été tirées dans la décision, était que le témoignage de la demanderesse au sujet de l’année où les tentatives d’enlèvement de son fils sont survenues était contradictoire. Le dossier qui m’a été présenté démontre le contraire : dans son témoignage, la demanderesse a toujours soutenu que les tentatives d’enlèvement avaient eu lieu en 2015, et ce, même lorsqu’on l’a interrogé à ce sujet. Or, la SPR a conclu qu’elles avaient eu lieu en 2013.

[24]           Cette prétendue contradiction dans la preuve est illusoire; de fait, dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA, la demanderesse ne mentionne aucunement que les tentatives d’enlèvement de son fils ont eu lieu en 2013. Bien que ces incidents aient été mentionnés avant un événement qui s’est produit en 2014, il est clair qu’ils ont été décrits pour exposer les menaces que subissait la famille de la demanderesse et que les événements n’ont pas été présentés en ordre chronologique. Il était déraisonnable que la SPR accorde de l’importance à cette prétendue contradiction pour justifier sa conclusion quant au manque de crédibilité de la demanderesse, laquelle conclusion semble avoir influé sur les autres conclusions de la SPR relativement au manque de crédibilité et avoir servi de fondement à celles-ci.

[25]           Par conséquent, les autres conclusions défavorables relativement à la crédibilité qui découlent de cette prétendue contradiction sont elles aussi déraisonnables. Bien que cette prétendue contradiction semble avoir particulièrement influé sur diverses conclusions tirées dans la décision, il était également déraisonnable de la part de la SPR de tirer une conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’a pas présenté de demande d’asile en Belgique ou en France en 2014.

[26]           De plus, il était également déraisonnable de la part de la SPR de tirer une conclusion défavorable du fait que la demanderesse a omis de mentionner son enlèvement et la tentative de viol dont elle aurait été victime dans l’exposé circonstancié figurant dans son formulaire FDA. Dans son exposé circonstancié, la demanderesse a indiqué qu’elle avait été victime de harcèlement sexuel, qu’elle a ensuite qualifié de [traduction] « tentative de viol », comme elle l’a expliqué à l’audience. En considérant cette incohérence comme une omission dans le formulaire FDA, la SPR semble s’appuyer sur des incohérences frivoles dans l’utilisation de termes qui décrivent des agressions de nature sexuelle perpétrées de façon continue, qui, de toute évidence, renvoient au même événement. Cette conclusion va à l’encontre des Directives de la présidente concernant les revendicatrices du statut de réfugié, qui précisent qu’une sensibilité particulière est nécessaire lors de l’évaluation des demandes des revendicatrices du statut de réfugié qui ont été victimes de violence sexuelle, et que les problèmes qu’elles rencontrent au moment d’établir leur demande sont crédibles.

[27]           J’estime également qu’il était déraisonnable de la part de la SPR de tirer une conclusion défavorable du fait que la demanderesse a omis de mentionner la présence du logo du port de Bujumbura sur la portière du véhicule utilisé lors des tentatives d’enlèvement de son fils, étant donné que son témoignage de vive voix était corroboré par la lettre de l’école au sujet des incidents. Là encore, selon moi, le fait de considérer cette omission comme une erreur démontre qu’une analyse microscopique a été effectuée et que la SPR a fait preuve de zèle pour trouver des erreurs (Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444, aux paragraphes 2, 6 et 9 (CAF)).

[28]           La SPR semble soumettre la demanderesse à une norme plus rigoureuse en raison de son poste de juge d’investigation au Burundi. Par exemple, elle a conclu que la demanderesse a omis des détails importants parce qu’elle aurait dû connaître la différence entre le harcèlement sexuel et la tentative de viol. Elle a également conclu que, comme il a été décrit précédemment, le fait que la demanderesse n’a pas mentionné la présence du logo sur le véhicule dans son formulaire FDA démontre un manque de crédibilité, et ce, même si ce détail a été corroboré ailleurs dans le dossier. La SPR n’a fourni aucune analyse expliquant pourquoi la profession de la demanderesse justifiait une différence de traitement, et cette absence d’explication est déraisonnable au regard des faits de l’espèce (voir Olguin Sandoval c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 211, aux paragraphes 22 et 26).

[29]           En outre, la SPR a soumis la demanderesse à une norme plus rigoureuse en considérant son poste de juge d’investigation pour un tribunal anti-corruption comme un motif pour discréditer les efforts qu’elle a faits afin d’obtenir la protection de l’État. La conclusion de la SPR selon laquelle il était déraisonnable que la demanderesse se soit laissée démonter par le refus du policier de l’aider à mettre fin à la persécution dont elle était victime démontre que la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait. Selon la preuve, la demanderesse a signalé les incidents de persécution à la police, mais la police a refusé de l’aider en raison du poste qu’elle occupait. Par ailleurs, les éléments de preuve documentaire sur la situation du pays dont disposait la SPR – et qui n’ont pas fait l’objet d’examen dans la décision – indiquent que les forces policières, le gouvernement et le système judiciaire du Burundi sont en grande partie corrompus et suivent des directives politisées.

[30]           J’estime également qu’il était déraisonnable de la part de la SPR de conclure que la demanderesse aurait dû porter ses allégations d’enlèvement et de tentative de viol à l’attention du tribunal anti-corruption; en effet, rien n’indiquait que ce type d’agression et de harcèlement d’ordre non monétaire s’inscrivait dans le mandat du tribunal. Qui plus est, la demanderesse avait signalé le harcèlement sexuel de son supérieur au vice-président du tribunal, mais ce dernier lui avait dit de garder le silence. Compte tenu des éléments de preuve, et du fait que la SPR ne les a pas mentionnés dans son analyse de la protection de l’État, sa conclusion concernant les efforts faits par la demanderesse pour obtenir la protection de l’État était déraisonnable.

[31]           Il appert que la SPR s’est principalement appuyée sur ses préoccupations quant à la crédibilité de la date à laquelle les tentatives d’enlèvement du fils de la demanderesse et la tentative de viol auraient eu lieu pour rejeter la demande. La demanderesse aurait donc dû avoir l’occasion de répondre à ces préoccupations.

[32]           J’estime également que la déclaration de la SPR selon laquelle la profession de juge ne représente pas une croyance profonde de la demanderesse est arbitraire, et que cette déclaration a été faite sans tenir compte des éléments de preuve dont disposait le décideur. La demanderesse a témoigné qu’elle était profondément dévouée envers son travail, ce qui nécessite du courage et de l’intégrité. Elle a aussi expliqué qu’elle espérait que les menaces cesseraient après la fermeture du dossier.

[33]           Par conséquent, je dois déterminer si l’effet cumulatif des préoccupations de la SPR quant à la crédibilité qui ont été mentionnées précédemment rendent la décision déraisonnable (Iyombe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 565, au paragraphe 14; Quintero Cienfuegos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1262).

[34]           En somme, je conclus que les conclusions de la SPR n’étaient pas justifiées et qu’elles n’appartenaient pas aux issues possibles acceptables compte tenu du dossier dont disposait la SPR. Plus précisément :

  1. le fait que la SPR s’est appuyée sur les supposées contradictions dans les dates des tentatives d’enlèvement du fils de la demanderesse (2013 et 2015), alors qu’il n’y avait pas de contradiction réelle dans les éléments de preuve soumis par la demanderesse, sous-tend une approche négative concernant l’établissement de la crédibilité par rapport à d’autres questions et était donc déraisonnable;
  2. la conclusion défavorable tirée par la SPR du fait que la demanderesse a parlé de harcèlement sexuel au lieu de parler de tentative de viol est également déraisonnable et démontre que la SPR a agi de manière déraisonnable en recherchant des erreurs frivoles et minuscules, ce qui va aussi à l’encontre des Directives de la présidente concernant les revendicatrices du statut de réfugié;
  3. la SPR a tiré une conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’a pas donné de détails concernant la présence du logo du port de Bujumbura sur la portière du véhicule utilisé lors des tentatives d’enlèvement de son fils dans l’exposé circonstancié figurant dans son formulaire FDA, mais a fourni des détails à cet égard dans son témoignage de vive voix, lesquels détails ont été corroborés par les éléments de preuve;
  4. la demanderesse n’a pas obtenu une protection adéquate de l’État parce qu’elle connaissait très bien la brigade anti-corruption et il était inutile qu’elle essaie de faire appel aux autorités.

[35]           Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles la SPR s’est cumulativement appuyée sur des conclusions quant à la crédibilité qui n’étaient pas justifiées selon le dossier dont je disposais, l’effet global de ces nombreuses erreurs a rendu déraisonnables l’évaluation de la crédibilité effectuée par la SPR, et la décision dans son ensemble.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire pour réexamen.

2.                  Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5565-15

 

INTITULÉ :

ALINE KARIYO ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 JUIN 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Judith Boer

Pour les demandeurs

Brett Nash

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Co. Law Offices

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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