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Date : 20160720


Dossier : IMM-5759-15

Référence : 2016 CF 839

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2016

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

FELOMINA DELFIN ALACAR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               En 2012, Mme Felomina Delfin Alacar, résidente permanente du Canada, a déposé une demande dans le but de parrainer son fils adoptif, qui vivait aux Philippines à cette époque. En fait, il est le fils de son beau-frère et de sa défunte épouse. Après qu’un agent d’immigration a refusé le visa de son fils, Mme Alacar a interjeté appel de cette décision auprès de la Section d’appel de l’immigration (SAI). La SAI a conclu que la demanderesse et son fils n’avaient pas un véritable lien affectif parent-enfant, et que le principal objectif de l’adoption était d’obtenir un statut pour lui en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27 (LIPR).

[2]               Mme Alacar soutient que la SAI l’a traitée injustement puisqu’elle n’a pas eu la chance d’expliquer pourquoi elle a mis 13 ans à présenter sa demande pour parrainer son fils. Elle fait aussi valoir que la décision de la SAI n’était pas raisonnable puisqu’elle reposait sur une hypothèse erronée, à savoir qu’il n’était pas vraisemblable qu’elle retarde sa demande de parrainage aussi longtemps s’il existe un véritable lien affectif parent-enfant. Mme Alacar me demande d’annuler la décision de la SAI et de demander à un autre tribunal de réexaminer sa demande.

[3]               Je ne suis pas d’accord avec elle. La principale préoccupation de la SAI était que les éléments de preuve n’appuyaient tout simplement pas l’existence d’un véritable lien affectif parent-enfant entre Mme Alacar et son fils. La SAI a également confirmé la conclusion de l’agent que le but principal d’adopter son fils était d’obtenir un statut d’immigration pour lui. Comme il est expliqué ci-après, la SAI pourrait confirmer la décision de l’agent en prouvant l’absence d’un véritable lien affectif parent-enfant ou l’existence d’un motif secret pour l’adoption. À mon avis, ses conclusions étaient raisonnables. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[4]               Deux questions sont soulevées :

1.   La SAI a-t-elle traité Mme Alacar injustement?

2.   La décision de la SAI était-elle déraisonnable?

II.                Décision de la SAI

[5]               Pour que sa demande de parrainage soit accueillie, Mme Alacar a dû démontrer que l’adoption était dans l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est-à-dire que l’adoption a créé un véritable lien affectif parent-enfant. Elle a aussi dû prouver que l’adoption ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut (Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], paragraphe 117(2) et alinéa(3)c); voir l’annexe).

[6]               La SAI a conclu que Mme Alacar et son mari avaient une véritable affection pour leur fils adoptif, tout comme ils auraient pour un neveu (ce qui est le cas). Mme Alacar n’a pas démontré un véritable lien parent-enfant avec son fils pour les raisons suivantes :

         En grandissant, il habitait avec un des autres fils de Mme Alacar, Wilfredo Jr. Ainsi, Wilfredo Jr, pas Mme Alacar, ni son mari, ni son père biologique, a eu la plus grande influence sur lui.

         Mme Alacar et son mari n’ont poursuivi le processus d’adoption qu’après leur arrivée au Canada, et ce, même s’ils auraient pu entamer les procédures avant de quitter les Philippines.

         Le fils a donc gardé contact avec son père biologique.

         Mme Alacar et son mari ont inscrit leur fils comme étant leur enfant naturel en 1995, mais ils n’ont pris aucune mesure pour officialiser l’adoption avant que son visa soit refusé en 1999.

         Même alors, Mme Alacar n’a pas déposé de demande pour parrainer son fils avant 2012, croyant qu’elle devait d’abord prouver l’obtention d’un revenu minimal. Il n’existe toutefois aucune exigence de la sorte. Mme Alacar n’a pas pu expliquer pourquoi elle ne s’est pas renseignée sur les exigences juridiques propres au parrainage pendant 13 ans.

         Peu d’éléments de preuve indiquaient que Mme Alacar soutenait son fils financièrement.

         Même s’ils communiquaient régulièrement, Mme Alacar et son fils connaissent très peu de détails de la vie de l’autre.

         M. Alacar a très rarement visité son fils adoptif aux Philippines.

[7]               Dans sa conclusion, la SAI a déterminé que Mme Alacar n’avait pas prouvé l’existence d’un véritable lien affectif parent-enfant, ni que l’adoption ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut.

III.             Question 1 : La SAI a-t-elle traité Mme Alacar injustement?

[8]               Mme Alacar soutient que la SAI ne lui a pas donné la chance d’expliquer pourquoi elle ne s’est pas renseignée sur le parrainage au cours des 13 dernières années.

[9]               Je ne suis pas d’accord. La SAI lui a donné l’occasion d’aborder la question.

[10]           Mme Alacar a été mise au courant de cette préoccupation par la SAI. À l’audience, la SAI lui a demandé pourquoi elle n’avait pas tenté de le parrainer auparavant. En réponse, Mme Alacar a expliqué qu’elle avait mal compris les exigences en matière de revenus, selon les propos de sa famille. La réponse de M. Alacar était similaire. Il n’y a rien d’injuste dans la manière que la SAI les a traités.

IV.             Question 2 : La décision de la SAI était-elle déraisonnable?

[11]           Mme Alacar soutient que la SAI a tiré de nombreuses conclusions déraisonnables avant de décider qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’un véritable lien affectif parent-enfant avec son fils. Il s’agit notamment des points ci-dessous.

         Mme Alacar n’avait aucune raison d’envisager une adoption officielle avant de découvrir cette exigence lorsque le visa de son fils a été refusé en 1999.

         Il n’était donc pas nécessaire qu’elle demeure aux Philippines pour conclure le processus d’adoption avant son départ pour le Canada.

         L’explication de Mme Alacar quant au délai de 13 ans était authentique, et la SAI n’a tiré aucune conclusion défavorable relative à sa crédibilité. Cette dernière a tout simplement jugé l’explication invraisemblable, mais elle ne pourrait tirer cette conclusion que dans les cas les plus clairs. Mme Alacar maintient que ce n’était pas justifié dans son cas.

         La SAI n’a pas tenu compte du manque de sophistication de Mme Alacar, ni de ses ressources et moyens limités. Dans cette optique, son comportement correspond à celui d’un parent entretenant un lien affectif parent-enfant.

[12]           Je ne suis pas d’accord avec les arguments de Mme Alacar.

[13]           Les préoccupations de la SAI concernant le retard de la demande de parrainage et l’explication de Mme Alacar quant au fait qu’elle n’a présenté aucune demande antérieure se rapportaient à l’authenticité et ses conclusions n’étaient pas déraisonnables. En outre, les éléments de preuve n’appuient pas les arguments de Mme Alacar supposant un manque de sophistication; son mari est pasteur, et il a fait trois ans d’études en ingénierie.

[14]           Même si la conclusion de la SAI repose principalement sur la question d’authenticité, elle confirme aussi celle de l’agent, selon laquelle Mme Alacar n’a pas démontré que l’adoption ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut d’immigration. Elle n’a cependant pas fourni de fondement véritable pour cette conclusion.

[15]           À mon avis, le défaut de la SAI d’aborder la question de l’objectif principal du parrainage ne constitue pas une erreur susceptible de révision. La SAI a entièrement abordé la question d’authenticité de l’adoption, laquelle constitue un fondement suffisant pour conclure que le fils de Mme Alacar ne pouvait pas être considéré comme un membre de la catégorie du regroupement familial. Le fait qu’il y avait un autre fondement de rechange pour cette conclusion, laquelle n’a pas été analysé par la SAI, ne rend pas sa conclusion finale déraisonnable.

V.                Conclusion et dispositif

[16]           La SAI a traité Mme Alacar justement et a conclu raisonnablement qu’elle n’avait pas prouvé que l’adoption de son fils créerait un véritable lien affectif parent-enfant entre eux. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Annexe

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Adoption : enfant de moins de dix-huit ans

Adoption — under 18

117. (2) L’étranger qui est l’enfant adoptif du répondant et qui a été adopté alors qu’il était âgé de moins de dix-huit ans n’est pas considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de cette relation à moins que :

117. (2) A foreign national who is the adopted child of a sponsor and whose adoption took place when the child was under the age of 18 shall not be considered a member of the family class by virtue of the adoption unless :

a) l’adoption n’ait eu lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de la Convention sur l’adoption;

(a) the adoption was in the best interests of the child within the meaning of the Hague Convention on Adoption; and

b) l’adoption ne visât pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi.

(b) the adoption was not entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

Intérêt supérieur de l’enfant

Best interests of the child

(3) L’adoption visée au paragraphe (2) a eu lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant si les conditions suivantes sont réunies :

(3) The adoption referred to in subsection (2) is considered to be in the best interests of a child if it took place under the following circumstances:

[…]

c) l’adoption a créé un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adopté et l’adoptant;

(c) the adoption created a genuine parent-child relationship;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5759-15

 

INTITULÉ :

FELOMINA DELFIN ALACAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Robert J. Hughes

 

Pour la demanderesse

 

Marjan Double

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Out/Law Immigration

Services juridiques

New Westminster (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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