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Date : 20160713


Dossier : IMM-5005-15

Référence : 2016 CF 803

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2016

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

FILOMENO SEBASTIAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 octobre 2015 par la Section d’appel des réfugiés (SAR). La SAR a confirmé la décision antérieure de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle le demandeur, M. Filomeno Sebastiao, n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), respectivement.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.                   LES FAITS

[3]               M. Sebastiao est citoyen de l’Angola. En août 2013, il a quitté l’Angola pour s’établir à Houston, au Texas, où il a résidé pendant quelque temps avant de finalement arriver au Canada en avril 2014. En septembre 2014, M. Sebastiao a présenté une demande d’asile, affirmant craindre d’être persécuté en raison de son homosexualité et de sa confession mormone, à laquelle il s’était converti pendant qu’il résidait aux États-Unis.

[4]               Dans sa demande, M. Sebastiao a soutenu qu’en Angola, les homosexuels sont victimes de violence physique et sexuelle et ne reçoivent aucune protection de la police. M. Sebastiao a déclaré qu’il serait considéré comme un espion en Angola en raison de ses croyances mormones.

[5]               Au soutien de sa demande, M. Sebastiao a fait état d’un incident précis, survenu en 2002, au cours duquel un groupe d’hommes s’était approché de lui et de son ami et avait commencé à les insulter et à les battre en raison de l’air efféminé de son ami. M. Sebastiao avait été forcé de s’enfuir et de se mettre à l’abri dans une maison en construction, où il s’était finalement blessé sur des matériaux de construction.

[6]               La SPR a entendu la demande d’asile de M. Sebastiao en novembre 2014 et l’a rejetée en janvier 2015. La SPR a admis que M. Sebastiao était un ressortissant angolais, mormon et homosexuel, mais a estimé qu’il n’avait pas démontré ni le risque objectif qu’il courait ni sa crainte subjective de persécution. Pour rendre cette décision, la SPR a conclu ce qui suit : 1) la preuve documentaire objective au dossier n’indiquait pas que les homosexuels étaient exposés à des risques en Angola; 2) le retard de M. Sebastiao dans la présentation de sa demande et son défaut de présenter des documents corroborants à l’appui de sa demande minait sa crainte subjective. La SPR a également conclu que M. Sebastiao ne serait pas en danger en raison de sa confession mormone, puisqu’il n’avait fourni aucun document à cet égard.

[7]               M. Sebastiao a interjeté appel de cette décision auprès de la SAR, alléguant que la SPR avait commis une erreur en faisant abstraction d’éléments de preuve importants à l’appui de sa prétention selon laquelle il était exposé à un risque de persécution en Angola en raison de son homosexualité.

[8]               La SAR a réexaminé le dossier dont disposait la SPR, puis a procédé à un examen approfondi des 13 éléments de preuve présentés par M. Sebastiao à l’appui de sa demande. Sans traiter expressément des éléments distincts se rapportant au risque objectif et à la crainte subjective, comme l’avait fait la SPR, la SAR a conclu que certains éléments de preuve démontraient l’absence d’acceptation sociale de l’homosexualité en Angola, mais a estimé qu’il ne ressortait pas de la preuve que les homosexuels seraient victimes de persécution en Angola. Ayant tiré cette conclusion, la SAR a confirmé la décision selon laquelle M. Sebastiao n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, puis a rejeté l’appel.

II.                QUESTIONS EN LITIGE

[9]               M. Sebastiao a soulevé les trois questions suivantes devant la Cour :

  1. La SAR a-t-elle appliqué le mauvais critère juridique pour déterminer si le demandeur s’expose à une possibilité raisonnable de persécution en faisant fi de l’incidence des lois criminalisant l’homosexualité?
  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en imposant une norme de preuve plus élevée pour établir une possibilité raisonnable de persécution?
  3. Le commissaire a-t-il commis une erreur en fournissant des motifs insuffisants?

[10]           J’ai examiné ces questions ci-après; je suis toutefois d’avis que la question déterminante est celle de savoir si la SAR a raisonnablement conclu que la preuve documentaire ne permet pas d’établir que les homosexuels s’exposent à une possibilité raisonnable de persécution en Angola.

III.             ANALYSE

A.                Le critère juridique

[11]           Le critère à satisfaire pour établir l’existence d’une crainte de persécution a été défini par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689 (Ward), au paragraphe 54, et comporte deux volets : 1) le demandeur doit éprouver une crainte subjective d’être persécuté; 2) cette crainte doit être objectivement justifiée.

[12]           L’élément subjectif du critère à deux volets susmentionné se rapporte à l’existence de la crainte de persécution dans l’esprit du demandeur d’asile; ce dernier doit être un témoin crédible et livrer un témoignage cohérent. L’élément objectif requiert que le demandeur présente des éléments de preuve à l’appui du bien-fondé de la crainte à l’égard de la situation objective (Rajudeen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1984] A.C.F. no 601 (CAF), au paragraphe 14; Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593 (Chan), aux paragraphes 128, 133 et 134).

[13]           Pour déterminer si la crainte d’un demandeur d’asile est bien fondée, il doit être établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une « possibilité raisonnable » ou une « possibilité sérieuse » de persécution (Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 (CAF), aux paragraphes 5, 6 et 8 [Adjei]).

[14]           Cette norme de preuve a été expliquée de manière utile par le juge James O’Reilly dans Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4 (Alam), au paragraphe 8 :

[8]  Ce qu’il faut retenir de l’arrêt Adjei, c’est que la norme de preuve applicable réunit la norme civile habituelle et un seuil spécial qui s’applique uniquement dans le contexte des demandes d’asile. Bien entendu, les demandeurs doivent prouver les faits sur lesquels ils se fondent et la norme de preuve civile constitue la bonne façon d’apprécier la preuve qu’ils présentent à l’appui de leurs assertions de fait. Dans la même veine, les demandeurs doivent convaincre la Commission en bout de ligne qu’ils risquent d’être persécutés. Il s’agit encore là d’une norme de preuve civile. Cependant, étant donné qu’ils doivent démontrer uniquement l’existence d’un risque de persécution, il ne convient pas d’exiger d’eux qu’ils prouvent que la persécution est probable. En conséquence, ils doivent simplement prouver qu’il existe « une possibilité raisonnable », « davantage qu’une possibilité minime » ou « de bonnes raisons de croire » qu’ils seront persécutés.

[Non souligné dans l’original.]

[15]           D’un point de vue pratique, cela exige que la SAR examine, selon la prépondérance des probabilités, la preuve produite par le demandeur pour en tirer des conclusions de fait, puis qu’elle évalue si ces faits exposent le demandeur à un risque de persécution (Ye c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1221, au paragraphe 19; Avagyan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1004, au paragraphe 37; Pararajasingham c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1416, au paragraphe 49). Cela nécessite d’effectuer une évaluation objective du niveau de risque auquel s’exposerait le demandeur, et d’établir si le préjudice que craindrait le demandeur répond à la définition de persécution. Dans le cadre de l’examen de cette question, il importe de se souvenir que, comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, aux paragraphes 10 à 14, la norme de preuve selon la prépondérance des probabilités ne devrait pas être confondue avec la norme juridique servant à établir l’existence d’un risque de persécution.

[16]           Il convient de mentionner que le concept de persécution énoncé à l’article 96 n’est pas défini dans la LIPR, mais que dans sa jurisprudence, la Cour a largement établi que ce terme s’entend d’un manquement grave à un droit fondamental de la personne (Warner c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 363, au paragraphe 7, citant Sadeghi-Pari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 282, au paragraphe 29). En se fondant sur les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Ward et Chan, précités, la juge Bédard, qui était alors juge de la Cour fédérale, a établi que lors de l’évaluation de l’existence de persécution, il faut déterminer si un droit fondamental a été entravé, et ensuite vérifier si l’entrave était répétitive ou systématique (Portuondo Vasallo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 673, au paragraphe 15 [Vasallo]).

B.                 Norme de contrôle

[17]           La norme de contrôle qu’a appliquée la SAR à l’égard de la décision de la SPR n’est pas contestée par M. Sebastiao dans la présente demande. Il convient toutefois de souligner qu’entre le moment où l’autorisation a été accordée et la tenue de l’audience relative au contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93 (Huruglica), un jugement qui est particulièrement pertinent à la présente question. J’ai examiné cette affaire pendant l’audience, et les deux parties ont convenu que la SAR avait appliqué à bon droit la norme de contrôle de la décision correcte dans son examen de la décision de la SPR (Huruglica, précité, au paragraphe 103).

[18]           Dans la mesure où il est possible de dire que la jurisprudence a établi un critère précis pour décider si une personne a été persécutée au sens de l’article 96, la question de savoir si la SAR a commis une erreur en comprenant ou en exprimant que le critère doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte; toutefois, lorsqu’un demandeur conteste la façon dont le critère relatif à la persécution a été appliqué à l’égard des faits, il s’agit d’une question mixte de droit et de fait qui doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dawidowicz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 115, au paragraphe 23, citant Ruszo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004, aux paragraphes 20 à 22 et Gur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 992, au paragraphe 17).

[19]           La question de savoir si la SAR a commis une erreur en imposant une norme de preuve plus élevée pour établir l’existence d’une possibilité raisonnable ou sérieuse de persécution est une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Rajadurai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 532, au paragraphe 22; Paz Ospina c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 681, au paragraphe 20; Alam, précité, aux paragraphes 9 et 10).

[20]           L’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. Les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Par conséquent, le raisonnement qui sous-tend la décision/le résultat ne peut être remis en question que dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 (Newfoundland Nurses), aux paragraphes 14, 21 et 22).

C.                 La SAR a-t-elle appliqué le mauvais critère juridique pour déterminer si le demandeur s’expose à une possibilité raisonnable d’être persécuté en faisant fi de l’incidence des lois criminalisant l’homosexualité?

[21]           M. Sebastiao prétend que la SAR a appliqué le mauvais critère juridique pour déterminer s’il s’expose à une possibilité raisonnable de persécution. Toutefois, ses arguments ne visent pas la formulation de la SAR à l’égard du critère de persécution, mais plutôt la façon dont la SAR a appliqué le critère aux faits en l’espèce. Plus précisément, M. Sebastiao conteste la conclusion de la SAR selon laquelle la preuve documentaire objective n’établissait pas que les homosexuels seraient victimes de persécution en Angola, même si le tribunal a apparemment reconnu que des dispositions du code pénal angolais semblent criminaliser les comportements homosexuels.

[22]           Pour étayer sa prétention, M. Sebastiao se fonde sur les Principes directeurs sur la protection internationale no 9 : Demandes de statut de réfugié fondées sur l’orientation et/ou l’identité de genre (les principes directeurs) établis par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). Il prétend que les principes directeurs étayent l’idée selon laquelle la persécution devrait être évaluée d’après la prémisse voulant que les réfugiés soient capables de vivre ouvertement sans dissimuler leur identité sexuelle, et soutient en outre que ce principe de non-dissimulation a été adopté dans la jurisprudence de la Cour fédérale, citant les décisions rendues dans Atta Fosu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1135, au paragraphe 17 (Fosu), et V.S. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1150, au paragraphe 12. Bien qu’il admet que la SAR n’a pas déclaré qu’il devait dissimuler son identité sexuelle pour éviter d’être persécuté, M. Sebastiao affirme que la SAR aurait dû évaluer le bien-fondé de sa crainte d’être persécuté en fonction de son droit de vivre ouvertement et sans avoir à dissimuler son identité homosexuelle, ce qu’il estime ne pas pouvoir faire en vertu des articles 70 et 71.

[23]           Un autre argument passionné m’a été présenté selon lequel M. Sebastiao n’est pas tenu de prouver que les lois visées sont effectivement appliquées. Le demandeur fait valoir que la simple existence d’une loi qui prescrit une peine et discrimine une personne protégée en vertu d’un motif prévu dans la Convention constitue une crainte fondée de persécution. S’appuyant sur les décisions rendues dans  Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] 3 RCF 540 (CAF) (Zolfagharkhani), aux paragraphes 18 à 22, et Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 420 (Hinzman), au paragraphe 80, M. Sebastiao affirme qu’il est bien établi que l’existence de lois qui prescrivent une peine équivalant à de la persécution ou qui discriminent une personne protégée en vertu d’un motif prévu dans la Convention constitue une crainte fondée de persécution, mais que la jurisprudence n’a jamais établi que les demandeurs d’asile doivent prouver que les dispositions législatives auxquelles ils craignent être assujettis sont effectivement appliquées.

[24]           Pour étayer sa prétention, l’avocat de M. Sebastiao a déposé un certain nombre de décisions rendues dans des pays étrangers, notamment par les tribunaux italiens et australiens, de même que par la Cour européenne des droits de l’homme. Je constate que ces affaires n’ont pas été soumises à la SAR ni à la SPR et s’inscrivaient essentiellement dans un contexte de plaintes pour atteinte aux droits de la personne plutôt que dans celui d’appels interjetés dans le cadre d’une demande d’asile.

[25]           À l’inverse, le ministre soutient que M. Sebastiao fait erreur lorsqu’il déclare que l’application d’une loi est sans importance pour déterminer l’existence d’une crainte fondée de persécution. Il souligne un certain nombre de décisions rendues par la Cour pour soutenir qu’il est loisible à la SAR de conclure qu’un demandeur ne sera pas persécuté lorsqu’une loi constituant potentiellement de la persécution n’est pas appliquée (Birsan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1998] ACF no 1861 (Birsan), au paragraphe 4; Afolabi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 468, au paragraphe 14; Aire c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 41, aux paragraphes 13 à 15; Best c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 214 (Best), aux paragraphes 10 et 23; Bowen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 112, aux paragraphes 23, 24 et 27; Gillani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 533 (Gillani), au paragraphe 37; Mamoon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 578; Nnemeka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1130, aux paragraphes 6, 14 et 15).

[26]           À la lumière de ce courant jurisprudentiel, le ministre soutient que la SAR a rendu une décision raisonnable, et se fonde sur la preuve au dossier, en particulier un rapport du Département d’État des États-Unis sur les pratiques en matière de respect des droits de la personne en Angola, qui indique qu’aucun cas n’a été recensé relativement à l’application des articles 70 et 71 en vue de criminaliser les relations sexuelles entre personnes de même sexe. De plus, le ministre fait remarquer que le reste de la preuve présentée par M. Sebastiao n’était pas concluante dans la mesure où elle ne se rapportait précisément ni aux conditions en Angola ni à la situation personnelle de M. Sebastiao. Par conséquent, le ministre fait valoir qu’il était raisonnable que la SAR conclue que, malgré certains éléments de preuve démontrant un manque d’acceptation sociale de l’homosexualité en Angola, rien n’indiquait que la loi de persécution en cause était appliquée.

[27]           Le ministre fait également remarquer qu’on peut établir une distinction avec la décision rendue dans Fosu, précitée, du fait que la SAR n’a pas suggéré, ou jugé nécessaire, que M. Sebastiao dissimule son identité sexuelle pour éviter d’être persécuté en Angola.

[28]           Au vu du dossier de la preuve, des motifs de la SAR et des arguments présentés par M. Sebastiao, il est évident que le cœur de la question que je dois trancher est la façon dont la SAR a traité les articles 70 et 71 du code pénal angolais. Le tribunal a axé sa décision sur l’élément objectif du critère à deux volets établi dans l’arrêt Ward, précité, et il a été décidé que rien dans la preuve documentaire au dossier n’indiquait que les homosexuels seraient victimes de persécution en Angola.

[29]           M. Sebastiao conteste cette conclusion au moyen d’arguments se rapportant précisément à la preuve documentaire objective selon laquelle les articles 70 et 71 du code pénal angolais imposent une sanction aux personnes qui commettent des actes « contre nature ». Il fait valoir que la simple existence de lois visant à criminaliser les relations consentantes entre personnes de même sexe constitue de la persécution et que pour cette raison, la conclusion de la SAR est erronée. La présente affaire concerne la façon dont le tribunal a appliqué le critère relatif à la persécution à un ensemble donné de faits, et il s’agit d’une question mixte de droit et de fait susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable.

[30]           Bien que les dispositions en cause semblent d’application générale, la SAR a reconnu que la preuve au dossier indique que [traduction] « l’homosexualité est considérée comme un affront aux lois de la nature » en Angola, et que cette orientation va à l’encontre des articles 70 et 71, qui imposent des sanctions pénales aux personnes qui commettent des actes « contre nature ». Par contre, la SAR a également fait référence à la preuve documentaire, à savoir le rapport du Département d’État des États-Unis, qui laisse entendre que [TRADUCTION] « [l]a loi criminalise les relations sexuelles entre personnes de même sexe, bien qu’aucun cas n’ait été recensé relativement à l’application de cette loi. Un projet de code pénal devant remplacer le code actuel (lequel a été adopté en 1886 et, après plusieurs modifications, était en vigueur à la fin de l’année) a été édicté en 2011, mais reste à approuver par l’assemblée nationale. Toutefois, le projet du code, que le système judiciaire a appliqué de façon intermittente, reconnaît le droit d’entretenir des relations homosexuelles. La loi constitutionnelle définit le mariage comme une union entre un homme et une femme. » (rapport du Département d’État des États-Unis, aux pages 313 à 353 du dossier certifié du tribunal, aux pages 347 et 348).

[31]           Au vu de cette preuve contradictoire, la SAR a conclu que les documents d’information sur le pays n’indiquaient pas de persécution. De toute évidence, cette conclusion exigeait que M. Sebastiao soit capable de présenter des éléments de preuve objectifs pour étayer son allégation. À mon avis, il s’agit du facteur déterminant ayant finalement entraîné le rejet de l’appel du demandeur.

[32]           Comme cela a été mentionné ci-dessus, en décidant si la crainte d’un demandeur d’asile est bien fondée, il faut établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une possibilité raisonnable ou sérieuse de persécution (Adjei, précité, au paragraphe 8). Cet exercice nécessite d’effectuer une évaluation objective du niveau de risque auquel s’exposerait le demandeur, et d’établir si le préjudice que craindrait le demandeur répond à la définition de persécution.

[33]           Contrairement à ce qu’affirme M. Sebastiao, je suis d’avis qu’il ne suffit pas de démontrer que l’objet d’une loi d’application générale est la persécution. Bien que cette preuve puisse servir à déterminer si le préjudice redouté par le demandeur équivaut à de la persécution, elle ne démontre en rien le bien-fondé de cette crainte dans la mesure où elle se rapporte au niveau de risque que court le demandeur; ce dernier doit tout de même établir qu’il serait exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution (Chan, au paragraphe 20). À cet égard, j’estime que les décisions rendues dans Zolfagharkani et Hinzman, précitées, ne permettent pas d’étayer la proposition de M. Sebastiao selon laquelle c’est le cas.

[34]           Bien que la décision contestée ne l’énonce pas explicitement, à la lecture des motifs fournis et à l’examen du dossier qui les accompagnait, il est évident que la SAR a jugé que l’existence des articles 70 et 71 du code pénal angolais, en l’absence d’autres éléments de preuve quant à leur application, ne constituait pas de la persécution. Je suis d’avis que même si la SAR avait été convaincue que les articles 70 et 71 du code pénal angolais équivalaient, à première vue, à de la persécution, l’absence de preuve quant à l’application de ces dispositions et l’adoption de nouvelles dispositions pénales, lesquelles acceptent les relations homosexuelles, dénotent qu’il était loisible au tribunal de conclure que M. Sebastiao n’était pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution.

[35]           Je suis d’avis que pour arriver à cette décision, le tribunal a tenu compte à juste titre des conditions existant dans le pays qui ont été décrites dans la preuve documentaire objective, et j’estime qu’il ne fait guère de doute que l’application de lois qui, à première vue, équivaudraient à de la persécution constitue un facteur pertinent (Chan, aux paragraphes 133 et 134). En outre, ce facteur est prévu à l’article 42 du Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, publié par l’UNHCR. Par conséquent, compte tenu de la preuve au dossier, j’estime que la SAR a appliqué de façon raisonnable le critère applicable à la persécution aux faits qui lui ont été présentés.

D.                La SAR a-t-elle commis une erreur en imposant une norme de preuve plus élevée pour établir une possibilité raisonnable de persécution?

[36]           M. Sebastiao affirme que la SAR a imposé une norme de preuve excessivement rigoureuse pour décider s’il s’expose à une possibilité raisonnable d’être persécuté en retournant en Angola. Il soutient que pour les trois motifs suivants, il n’était pas raisonnable que la SAR s’attende à ce qu’il fournisse, documents à l’appui, une preuve probante de la persécution homophobe : 1) il peut s’avérer dangereux pour les défenseurs des droits de la personne de consigner avec exactitude ce genre de persécution; 2) il est possible que les stigmates, la honte ou la crainte que s’infligent eux-mêmes les membres des minorités sexuelles nuisent à leur capacité de défendre leurs droits fondamentaux, ce qui, en retour, contribue à la sous-déclaration des actes de violence et de maltraitance homophobes; 3) le gouvernement angolais a maintes fois nié l’affirmation selon laquelle il refuse de protéger les droits fondamentaux des minorités sexuelles, il n’est donc pas dans son intérêt de consigner ni la persécution dont font l’objet les personnes qui entretiennent des relations homosexuelles ni les attaques homophobes que commettent les agents non étatiques.

[37]           Bien qu’il affirme que la SAR a imposé une norme de preuve élevée, M. Sebastiao ne mentionne aucun élément de la décision de la SAR qui démontre que le tribunal s’est appuyé sur autre chose que la norme civile pour déterminer si le demandeur avait fourni le fondement factuel nécessaire pour établir l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution. D’après ce que je comprends, M. Sebastiao fait plutôt essentiellement valoir qu’il n’était pas raisonnable que la SAR s’appuie sur l’absence de preuve probante, en particulier en ce qui concerne l’application des articles 70 et 71 du code pénal angolais, pour conclure qu’il ne risquait pas d’être persécuté. M. Sebastiao laisse entendre que la SAR aurait dû se satisfaire de la preuve qu’il a présentée, à savoir qu’il est homosexuel, que l’homosexualité n’est pas culturellement acceptable dans la société angolaise et que l’Angola a adopté des lois visant à persécuter les minorités sexuelles. Il affirme que la SAR aurait dû être au courant des motifs pour lesquels d’autres éléments de preuve probants démontrant la persécution n’étaient peut-être pas disponibles. À mon avis, l’argument de M. Sebastiao à cet égard conteste essentiellement le poids que la SAR a accordé à la preuve versée au dossier.

[38]           Je reconnais qu’un demandeur se heurte à des difficultés lorsqu’il doit fournir une preuve pour démontrer que le préjudice qu’il craint équivaut à de la persécution plutôt qu’à de la discrimination ou du harcèlement. La recherche universitaire dans ce domaine, notamment les travaux de la professeure Nicole LaViolette, est à la fois importante et pertinente. Toutefois, la jurisprudence établit clairement que dans le cas d’une demande d’asile, le rôle de la SAR consiste à tirer des conclusions dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve (Sagharichi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 796 (CAF), au paragraphe 3).

[39]           La SAR est réputée avoir soupesé et examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF)). Lors du contrôle de la décision de la SAR, la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de la SAR et n’intervenir que si celle-ci ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la SAR disposait (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa), 2009 CSC 12 (Khosa), au paragraphe 72; Idony c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 970, au paragraphe 13). En d’autres mots, la question n’est pas de savoir si un réexamen de la preuve pourrait mener à un résultat différent, mais bien de déterminer si le fait de ne pas accorder un poids prépondérant à certains éléments de preuve a entaché la raisonnabilité de la décision de la SAR (Gomez Mondragon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 603, au paragraphe 18.)

[40]           Bien que des éléments de preuve indiquent que les articles 70 et 71 peuvent être appliqués pour persécuter les homosexuels, des éléments de preuve contradictoires indiquent qu’aucun cas n’a été rapporté relativement à l’application de cette loi, tandis que d’autres révèlent que l’Angola a adopté un projet de code pénal que les tribunaux du pays appliquent de façon intermittente et qui reconnaît le droit d’entretenir des relations homosexuelles. Dans la mesure où la SAR a privilégié ces derniers éléments de preuve plutôt que les premiers, j’estime qu’il était certainement loisible au tribunal de ce faire, et M. Sebastiao ne m’a pas convaincue que le tribunal a commis une erreur à cet égard. En outre, il ne peut être contesté que la SAR a mal interprété les éléments de preuve, puisque le tribunal a fait précisément référence à chacun des éléments de preuve versés au dossier.

[41]           Par conséquent, je rejette l’argument de M. Sebastiao selon lequel la SAR a rehaussé la norme de preuve, et je ne crois pas non plus que le tribunal a tiré ses conclusions de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

E.                 Le commissaire a-t-il commis une erreur en fournissant des motifs insuffisants?

[42]           M. Sebastiao prétend que la SAR a commis une erreur en fournissant des motifs insuffisants. Plus précisément, il affirme que la SAR n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle a accordé un poids probant au rapport du Département d’État des États-Unis, mais peu de poids à la preuve concernant l’incidence des articles 70 et 71 sur les homosexuels en Angola. Il déclare également que le tribunal n’a pas suffisamment tenu compte de la recherche de la professeure LaViolette qui explique la raison pour laquelle l’absence de preuve décrivant en détail la persécution homophobe ne devrait pas être considérée comme un indice de l’absence de persécution. M. Sebastiao fait valoir que le manquement du tribunal à cet égard va à l’encontre du paragraphe 50(2) des Règles de la Section d’appel des réfugiés (DORS/2012-257) et de la jurisprudence de la Cour.

[43]           En outre, M. Sebastiao affirme que la SAR n’a pas répondu à son argument selon lequel il devrait mener une existence discrète s’il retournait en Angola, et soutient que le fait de ne pas avoir apprécié la preuve du point de vue d’un demandeur d’asile homosexuel constitue une erreur susceptible de révision.

[44]           Avec égards, je ne suis pas d’accord et je ne constate aucune erreur de la part du tribunal à ce sujet. Je suis d’avis que la SAR a bien compris les raisons justifiant la demande de M. Sebastiao et qu’elle a raisonnablement conclu que la preuve au dossier, même si elle dénote l’existence d’un certain manque d’acceptation sociale de l’homosexualité en Angola, n’équivaut pas à de la persécution.

[45]           En ce qui concerne l’affirmation de M. Sebastiao voulant que la SAR n’ait pas répondu à son argument selon lequel il devrait mener une existence discrète s’il retournait en Angola, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Newfoundland Nurses, aux paragraphes 14 à 17, a déclaré que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de contester une décision et a indiqué que la cour de justice peut juger nécessaire d’examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable. De plus, la Cour suprême a clairement précisé qu’un décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément d’une question :

[14]      Je ne suis pas d’avis que, considéré dans son ensemble, l’arrêt Dunsmuir signifie que l’« insuffisance » des motifs permet à elle seule de casser une décision, ou que les cours de révision doivent effectuer deux analyses distinctes, l’une portant sur les motifs et l’autre, sur le résultat (Donald J. M. Brown et John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), §§12:5330 et 12:5510). Il s’agit d’un exercice plus global : les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles. Il me semble que c’est ce que la Cour voulait dire dans Dunsmuir en invitant les cours de révision à se demander si « la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité » (par. 47).

[15]      La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

[16]      Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., 1973, [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

17  Le fait que la convention collective puisse se prêter à une interprétation autre que celle que lui a donnée l’arbitre ne mène pas forcément à la conclusion qu’il faut annuler sa décision, si celle-ci fait partie des issues possibles raisonnables. Les juges siégeant en révision doivent accorder une « attention respectueuse » aux motifs des décideurs et se garder de substituer leurs propres opinions à celles de ces derniers quant au résultat approprié en qualifiant de fatales certaines omissions qu’ils ont relevées dans les motifs.

[Non souligné dans l’original.]

[46]           Les motifs de la SAR, lorsqu’ils sont lus conjointement avec le dossier de la preuve, ne sont pas insuffisants, puisqu’ils me permettent de comprendre pourquoi la SAR a confirmé la décision de la SPR. Par conséquent, je suis d’avis que la décision est justifiable, transparente et intelligible (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

F.                  Conclusion sur la question décisive

[47]           Après avoir examiné la décision de la SPR, je suis convaincue que la SAR a effectué sa propre analyse de la preuve documentaire et a jugé que la décision de la SPR était correcte. La SAR a conclu que même si une preuve minime révélait un manque d’acceptation sociale et tendait à établir du harcèlement, la preuve documentaire n’indiquait pas que les homosexuels vivant en Angola s’exposaient à une possibilité raisonnable ou sérieuse d’être persécutés. Cette conclusion semblait être étayée par le fait que les deux mêmes anecdotes concernant des personnes homosexuelles, dont l’une datant de 2005, avaient été répétées à trois reprises dans la preuve documentaire.

[48]           À la suite de mon examen de la décision de la SAR, je suis convaincue que les motifs, lorsqu’ils sont examinés en corrélation avec le dossier, sont compréhensibles et rationnels, et j’estime que la conclusion de la SAR correspond à l’un des résultats possibles que l’on pourrait légitimement envisager au vu des faits et du droit applicables. Pour ce motif, j’estime que la décision était raisonnable et je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

IV.             QUESTION PROPOSÉE AUX FINS DE CERTIFICATION

[49]           À l’audience, l’avocat de M. Sebastiao a présenté la question suivante aux fins de certification :

« La criminalisation des comportements homosexuels entre adultes consentants constitue-t-elle un acte de persécution, qu’il existe ou non une preuve de l’application d’une telle loi? »

[50]           Le critère permettant de déterminer si je devrais certifier une question a été établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9 (Zhang). La question :

  1. doit être déterminante quant à l’issue de l’appel;
  2. doit transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale;
  3. ne doit pas avoir été soulevée et examinée dans la décision de la cour d’instance inférieure, et doit découler de l’affaire, et non des motifs du juge.

[51]           À l’appui de la certification, l’avocat de M. Sebastiao affirme que [TRADUCTION] « [l]es relations homosexuelles entre adultes consentants sont criminalisées dans plus de 75 pays...[et] la Cour fédérale n’a jamais réfléchi à la façon dont les lois criminalisant les relations homosexuelles entre adultes consentants constituent de la persécution et aux raisons pour lesquelles il faut prouver que ces lois sont appliquées. »

[52]           S’appuyant sur l’arrêt Zhang, précité, le ministre s’oppose à la certification de la question proposée et soutient qu’il ne s’agit pas d’une question grave de portée générale. Il affirme que l’existence et l’application de lois criminalisant les comportements homosexuels constituent des facteurs pertinents dont la SAR doit tenir compte dans l’exercice de ses fonctions visant à décider si un demandeur a satisfait au critère de la crainte fondée de persécution au sens de l’article 96 de la LIPR. Étant donné que toute décision de la SAR dépend du contexte d’une affaire donnée, le ministre fait valoir qu’aucune réponse à la question proposée aux fins de certification ne saurait s’appliquer de façon générale à l’ensemble des affaires, puisque chaque affaire a des faits qui lui sont propres.

[53]           Je ne certifierai pas la question proposée par M. Sebastiao puisque je ne crois pas qu’elle permettrait de trancher la demande dont je suis saisie. Abstraction faite de sanctions pénales imposées aux personnes qui commettent des actes « contre nature », les articles 70 et 71 du code pénal angolais ne criminalisent pas expressément les comportements homosexuels. Il s’agit de lois d’application générale qui, selon la preuve au dossier, peuvent être appliquées et exécutées de façon sélective contre les personnes homosexuelles de manière discriminatoire. Par conséquent, je suis d’avis que l’application de ces dispositions est un facteur essentiel, puisque c’est précisément l’application de ces lois qui engendre la persécution.

[54]           Bien que je ne nie pas qu’il convienne d’examiner cette question, les faits présentés en l’espèce ne justifient pas une certification. J’estime qu’elle aurait convenu davantage à une situation où le code pénal en litige aurait été explicite à l’égard de la criminalisation des comportements homosexuels entre personnes consentantes.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5005-15

 

INTITULÉ :

FILOMENO SEBASTIAO c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 13 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Nicholas Hersh

Pour le demandeur

Peter Nostbakken

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Services juridiques communautaires du Sud d’Ottawa

Ottawa (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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