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Date : 20160720


Dossier : T-252-16

Référence : 2016 CF 842

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

MOHAMMAD FOTROS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Mohammad Fotros interjette appel de la décision d’une juge de la citoyenneté qui a rejeté sa demande de citoyenneté canadienne. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la juge de la citoyenneté a raisonnablement conclu que M. Fotros n’a pas établi sa résidence aux termes de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi). Les conclusions de la juge de la citoyenneté étaient justifiées et intelligibles et appartenaient aux issues possibles acceptables. Il n’y a pas non plus eu de manquement à l’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.                Contexte

[2]               M. Fotros, âgé de 62 ans, est un citoyen de la République islamique d’Iran. Il est arrivé au Canada le 24 juillet 2007 et a obtenu le statut de résident permanent en vertu du Programme d’immigration des investisseurs, qui n’existe plus. Il était accompagné de sa femme, de son fils et de sa fille. M. Fotros a demandé la citoyenneté canadienne le 20 mars 2012.

[3]               Lorsque M. Fotros a présenté sa demande de citoyenneté, l’alinéa 5(1)c) de la Loi, qui a été modifié depuis, prévoyait que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) devait attribuer la citoyenneté à toute personne qui est un résident permanent et qui, au cours des quatre années précédant immédiatement la date de sa demande, a vécu au Canada pendant au moins trois années.

[4]               La juge de la citoyenneté a déterminé que la période pertinente pour établir la résidence de M. Fotros au Canada s’étendait du 20 mars 2008 au 20 mars 2012 (la période pertinente). Selon le critère de résidence choisi par la juge de la citoyenneté, M. Fotros devait démontrer qu’il a effectivement été présent au Canada durant 1 095 jours au cours de la période pertinente.

[5]               Dans sa demande de citoyenneté initiale, M. Fotros a déclaré quatre voyages en Iran, ce qui équivaut à une absence de 355 jours du Canada.

[6]               Le 4 juillet 2013, M. Fotros a reçu un questionnaire sur la résidence. Il a rempli le questionnaire et l’a retourné à Citoyenneté et Immigration Canada le 1er août 2013, accompagné de documents justificatifs.

[7]               Le 21 janvier 2014, M. Fotros s’est présenté à une entrevue avec un agent de la citoyenneté. L’agent lui a fait part de plusieurs doutes quant à sa crédibilité suscités par les éléments de preuve qu’il avait produits et a renvoyé sa demande pour audience à un juge de la citoyenneté. M. Fotros a comparu devant la juge de la citoyenneté le 23 septembre 2015. Après l’audience, la juge de la citoyenneté a autorisé M. Fotros à présenter des éléments de preuve supplémentaires pour établir sa résidence.

III.             Décision faisant l’objet du contrôle

[8]               Le 12 janvier 2016, la juge de la citoyenneté a conclu que M. Fotros ne s’était pas déchargé de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il satisfaisait aux conditions de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. La juge de la citoyenneté a choisi d’évaluer la résidence en se fondant sur le critère établi dans la décision Re Pourghasemi, [1993] A.C.F. no 232, 62 F.T.R. 122 (C.F. 1re inst) [Pourghasemi]. Selon ce critère quantitatif, un juge de la citoyenneté doit effectuer le « strict comptage des jours de présence effective au Canada » (Afkari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 421, au paragraphe 28).

[9]               La juge de la citoyenneté a noté que M. Fotros avait indiqué qu’il s’était absenté du Canada pendant 355 jours au total, ce qui laisse entendre qu’il a été effectivement présent au Canada pendant 1 105 jours, soit 10 jours de plus que le nombre minimal de jours prescrit par la Loi. Toutefois, la juge de la citoyenneté a relevé de nombreuses incohérences dans les éléments de preuve produits par M. Fotros, ce qui laisse planer un doute sur sa crédibilité et sa fiabilité.

[10]           Premièrement, la juge de la citoyenneté a constaté que M. Fotros avait indiqué dans son questionnaire sur la résidence et sa demande de citoyenneté que sa femme, son fils et sa fille habitaient et travaillaient au Canada pendant la période pertinente. Dans son entrevue avec l’agent de la citoyenneté, M. Fotros a déclaré que sa femme était femme au foyer et peintre, que sa fille était médecin à l’Université McGill, et que son fils travaillait pour une entreprise de Montréal. Cependant, lors de sa comparution devant la juge de la citoyenneté, M. Fotros a reconnu que pendant la période pertinente, sa femme avait perdu son statut de résident permanent en raison de ses absences prolongées du Canada, sa fille travaillait aux États-Unis, et son fils exécutait son service militaire en Iran.

[11]           Lorsqu’il a été interrogé au sujet de ces incohérences, M. Fotros a déclaré qu’il n’avait peut-être pas compris les questions et que sa fille l’avait aidé à remplir les formulaires. La juge de la citoyenneté a estimé que cette explication n’était pas suffisante, car M. Fotros n’a pas indiqué sur les formulaires qu’une autre personne l’avait aidé, alors qu’il était tenu de le faire. La juge de la citoyenneté a conclu que le témoignage de M. Fotros concernant le lieu où se trouvait sa famille immédiate était embrouillé et trompeur.

[12]           Deuxièmement, la juge de la citoyenneté a relevé des divergences dans les dates où M. Fotros avait déclaré être absent du Canada. Dans sa demande, M. Fotros a indiqué qu’il avait quitté le Canada le 4 septembre 2007. Dans son questionnaire, la date indiquée est le 2 septembre 2007. La juge de la citoyenneté a également relevé une erreur dans les adresses domiciliaires fournies par M. Fotros pour la période pertinente. Même si elle a reconnu qu’un écart de deux jours par rapport à la date de départ était mineur et que les divergences dans les adresses étaient attribuables à une erreur typographique, la juge de la citoyenneté a conclu que les incohérences relevées démontraient [traduction] « un manque d’attention pour les nombreux éléments qui sont examinés avec soin pendant le traitement d’une demande de citoyenneté ».

[13]           Troisièmement, la juge de la citoyenneté a constaté qu’une grande partie de la preuve concernant la formation professionnelle suivie par M. Fotros au Canada démontrait que la formation avait été suivie à l’extérieur de la période pertinente, et cette preuve ne confirmait pas que M. Fotros avait bel et bien participé aux cours. En ce qui concerne son emploi, la juge de la citoyenneté a constaté que les cotisations fiscales de M. Fotros indiquaient que ce dernier avait déclaré de faibles revenus pendant la période pertinente, et que ses relevés bancaires contenaient peu de transactions. La preuve médicale présentée permettait d’établir la présence effective de M. Fotros au Canada lors de huit dates spécifiques seulement.

[14]           La juge de la citoyenneté a conclu qu’elle était incapable de déterminer le nombre exact de jours au cours desquels M. Fotros était effectivement présent au Canada, comme l’exige le critère établi dans Pourghasemi. Elle a donc rejeté sa demande de citoyenneté canadienne.

IV.             Questions en litige

[15]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.           Était-il raisonnable pour la juge de la citoyenneté de conclure que M. Fotros ne satisfaisait pas aux conditions de résidence énoncées dans la Loi?

B.            M. Fotros a-t-il été privé de l’équité procédurale?

V.                Analyse

[16]           La décision d’un juge de la citoyenneté quant à savoir si l’obligation de résidence aux termes de la Loi a été respectée est une question de fait et de droit et est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Kohestani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 373, au paragraphe 12; Idahosa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 739, au paragraphe 9). Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Badulescu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 616, au paragraphe 10; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

A.                Était-il raisonnable pour la juge de la citoyenneté de conclure que M. Fotros ne satisfaisait pas aux conditions de résidence énoncées dans la Loi?

[17]           La citoyenneté canadienne est un privilège et ne doit pas être accordée à la légère. Il incombe aux demandeurs d’établir, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’une preuve suffisante, cohérente et crédible, qu’ils satisfont aux exigences en matière de citoyenneté prévues par la Loi (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Bayani, 2015 CF 670, au paragraphe 40; Abbas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 145, au paragraphe 8).

[18]           La juge de la citoyenneté a conclu qu’elle ne pouvait pas déterminer le nombre de jours où M. Fotros était effectivement présent au Canada durant la période pertinente compte tenu de l’insuffisance des éléments de preuve que celui-ci avait présentés. Plus grave encore, la juge avait des doutes quant à sa crédibilité. La juge de la citoyenneté a appliqué le critère quantitatif strict applicable à la résidence qui est établi dans Pourghasemi. M. Fotros ne remet pas en cause le critère de résidence sélectionné par la juge de la citoyenneté.

[19]           M. Fotros affirme que la juge de la citoyenneté a été indûment influencée par les conclusions défavorables qu’elle a tirées quant à sa crédibilité, plus particulièrement en ce qui concerne les renseignements contradictoires qu’il a fournis au sujet de l’endroit où se trouvait sa famille. Il soutient que la contradiction de ses renseignements était accessoire et n’était pas pertinente pour déterminer s’il a été effectivement présent au Canada pendant le nombre de jours requis.

[20]           Si un demandeur est jugé non crédible, le juge de la citoyenneté pourrait accorder moins de poids à la preuve examinée; s’il paraît y avoir une intention d’induire en erreur, le décideur pourrait avoir des motifs suffisants de rejeter complètement la demande (Ozlenir c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 457, aux paragraphes 30 et 37). L’évaluation faite par le juge de la citoyenneté de la crédibilité du demandeur commande une retenue élevée (Martinez-Caro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 640, au paragraphe 46).

[21]           M. Fotros invoque la décision du juge Boswell dans Dhaliwal c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 157, aux paragraphes 85 et 86 [Dhaliwal] pour affirmer qu’une conclusion défavorable sur la crédibilité suffit pour rejeter une demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’appuyer cette conclusion :

[85] Dans l’arrêt [Sellan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008  CAF 381], la Cour d’appel a déclaré (au paragraphe 3) : « lorsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur ». Le défendeur soutient qu’il ne faudrait pas assimiler « automatiquement » à la situation dont il est question en l’espèce les décisions rendues sur les demandes d’asile.

[86] La tentative que fait le défendeur pour établir une distinction entre la présente espèce et l’arrêt Sellan est mal fondée. Cet arrêt ne crée pas une règle juridique spéciale pour les demandes d’asile. Il s’agit plutôt d’une question de simple logique : une preuve non fiable que l’on produit pour une demande ne neutralise pas une preuve indépendante qui s’applique à la même demande, et on ne prouve pas qu’un argument est faut juste parce qu’une partie de la preuve avancée à l’appui de cette demande ne peut pas montrer à elle seule que celle-ci est véridique. Disons, pour simplifier les choses, que le fait de considérer avec méfiance les cris de panique d’un garçon qui crie au loup ne permet pas de faire abstraction des images, prises par une caméra de sécurité, d’un loup le pourchassant. Ce principe n’est le fruit d’aucune considération spéciale concernant la protection des réfugiés; il s’applique à n’importe quel processus de recherche de la vérité.

[22]           M. Fotros reconnaît sincèrement que la juge de la citoyenneté pouvait avoir des raisons valables de douter de sa crédibilité, mais il affirme qu’il a répondu de façon honnête lorsque la juge l’a interrogé au sujet de l’endroit où se trouvait réellement sa famille. Néanmoins, il soutient que son dossier comportait une preuve documentaire indépendante et crédible qui aurait suffi pour établir sa présence effective au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours de la période pertinente.

[23]           La preuve documentaire indépendante et crédible sur laquelle M. Fotros s’est appuyé était constituée : a) des timbres qui avaient été apposés sur son passeport iranien au moment du contrôle frontalier, ainsi que du rapport généré par le Système intégré d’exécution des douanes (SIED) de l’Agence des services frontaliers du Canada; b) de lettres confirmant son inscription à de nombreux cours professionnels et la réussite de ceux-ci; c) de lettres confirmant son bénévolat; et d) de factures de carte de crédit confirmant les achats qu’il a effectués au Canada pendant la période pertinente. Il affirme que d’autres éléments de preuve documentaire, comme des relevés bancaires, des reçus et des baux résidentiels, constituaient une preuve additionnelle pour corroborer sa présence effective au Canada.

[24]           Le défendeur affirme qu’aucun des éléments de preuve documentaire, qu’ils soient considérés séparément ou ensemble, ne se compare aux « images prises par une caméra de sécurité » dont il est fait mention dans l’exemple donné par le juge Boswell dans Dhaliwal.

[25]           Dans le modèle pour la préparation et l’analyse des dossiers fourni à la juge de la citoyenneté, l’agent de la citoyenneté a indiqué que les antécédents de voyage de M. Fotros, qui ont été confirmés par le rapport du SIED, correspondaient aux absences qu’il avait déclarées. Qui plus est, la juge de la citoyenneté a reconnu que, selon les absences qu’il a déclarées, M. Fotros était « en principe » effectivement présent au Canada pendant 1 105 jours. Il semble donc que la juge de la citoyenneté ait accepté les éléments de preuve documentaire produits par M. Fotros au sujet de ses absences du Canada, y compris les timbres figurant dans son passeport, mais qu’elle ait estimé que ces éléments n’étaient pas suffisants pour établir le nombre de jours où M. Fotros était effectivement présent au Canada.

[26]           Notre Cour a conclu que les autorités frontalières canadiennes n’estampillent pas les passeports de façon systématique et qu’un passeport ne constitue pas un document attestant de façon irréfutable de la présence effective d’une personne au Canada (Ballout c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 978, au paragraphe 25; Tanveer c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 565, au paragraphe 11). Même s’il avait été préférable que la juge de la citoyenneté mentionne les timbres dans le passeport de M. Fotros dans sa décision, elle a raisonnablement conclu que les autres documents n’étaient pas suffisants pour prouver sa présence effective au Canada pendant le nombre de jours requis.

[27]           M. Fotros a produit des baux, des relevés d’impôt, des relevés bancaires, des relevés de carte de crédit, des documents hypothécaires, des documents concernant l’achat d’un véhicule, des lettres rédigées par des amis et sa famille, des lettres confirmant ses activités de bénévolat, et la confirmation de huit rendez-vous médicaux. La juge de la citoyenneté a conclu que les relevés bancaires ne contenaient pas suffisamment de transactions pendant la période pertinente, et que les rendez-vous médicaux ne permettaient de confirmer la présence de M. Fotros au Canada que lors de huit dates spécifiques. La juge de la citoyenneté a noté que M. Fotros était incapable de fournir des détails sur la gestion du salon de coiffure qui lui appartenait et a conclu que les éléments de preuve prouvaient qu’il était propriétaire-investisseur plutôt que gérant.

[28]           La juge de la citoyenneté a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements sur la présence de M. Fotros aux cours professionnels pour établir sa présence au Canada. Notre Cour a reconnu qu’il existe une différence entre la preuve d’inscription à des cours de formation et la fréquentation scolaire réelle (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Qarri, 2016 CF 113, au paragraphe 45). Bien que je sois quelque peu sensible à l’argument de M. Fotros selon lequel il est impossible de terminer avec succès un cours professionnel sans y assister, il n’appartient pas à notre Cour de réévaluer la preuve lors d’un contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Anderson, 2010 CF 748, au paragraphe 26).

[29]           Le ministre reconnaît que les relevés de carte de crédit de M. Fotros confirment que ce dernier a effectué de nombreux achats au Canada pendant la période pertinente. Cependant, M. Fotros n’a pas essayé de démontrer à notre Cour que les relevés de carte de crédit étaient l’équivalent de l’exemple des « images prises par une caméra de sécurité » mentionné par le juge Boswell dans Dhaliwal. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que les autres éléments de preuve documentaire présentés par M. Fotros pour établir sa présence étaient non concluants ou, comme l’a dit la juge de la citoyenneté, qu’ils étaient « passifs ».

[30]           La juge de la citoyenneté a reconnu que les incohérences dans les adresses domiciliaires et les dates de voyage de M. Fotros étaient mineures. La seule conclusion qu’elle semble avoir tirée de ces incohérences est que M. Fotros se souciait peu des détails. Bien que M. Fotros ait donné des explications plausibles de ces incohérences mineures à la Cour, elles ne suffisent pas à justifier l’intervention de la Cour.

B.                 M. Fotros a-t-il été privé de l’équité procédurale?

[31]           M. Fotros affirme que sa demande de citoyenneté doit être évaluée selon une « norme assez élevée d’équité procédurale » (citant El-Husseini c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 116, au paragraphe 20). Cette affirmation peut être comparée à l’observation énoncée par la juge Kane au paragraphe 46 de l’arrêt Fazail c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 111 [Fazail], selon laquelle l’obligation d’équité procédurale envers les demandeurs par les juges de la citoyenneté est à l’extrémité inférieure du spectre. Les décisions de citoyenneté peuvent être portées en appel devant la Cour, sous réserve de l’autorisation de cette dernière, en vertu du paragraphe 22.1(1) de la Loi, et un demandeur peut présenter une autre demande de citoyenneté à la suite d’un refus (Fazail, au paragraphe 42). L’avocate de M. Fotros a reconnu que la présentation d’une autre demande de citoyenneté était possible.

[32]           Même à l’extrémité inférieure du spectre, le demandeur doit connaître la preuve qu’il doit réfuter et avoir l’occasion de présenter sa défense (Fazail, au paragraphe 46). M. Fotros affirme que la juge de la citoyenneté ne l’a pas informé de ses doutes au sujet de sa présence effective au Canada, particulièrement en ce qui concerne sa participation aux cours professionnels. Il soutient qu’il aurait dû en être informé, pendant ou après l’audience, afin de connaître la preuve qu’il devait réfuter et d’avoir l’occasion de présenter des renseignements supplémentaires sur sa participation.

[33]           Je suis d’avis que M. Fotros a été suffisamment informé durant l’audience que sa crédibilité était en cause, et qu’il devait fournir une preuve suffisante pour établir sa résidence. Durant l’audience, la juge de la citoyenneté a signalé plusieurs de ses doutes concernant la preuve qu’il a fournie. De plus, la juge de la citoyenneté lui a donné l’occasion de présenter d’autres éléments de preuve pour appuyer sa demande à la suite de l’audience.

[34]           Comme l’a fait observer le juge Rennie dans Baig c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 858, au paragraphe 14 :

Il est évident que c’est au demandeur qu’il appartient d’établir que, selon toute vraisemblance, il remplit les conditions de résidence imposées pour l’attribution de la citoyenneté. L’essentiel de l’argument du demandeur est que, puisque le juge lui avait donné une autre occasion de produire des documents, il était tenu de lui faire part de ses doutes sur la preuve de résidence qu’il avait produite. Je ne suis pas de cet avis. Essentiellement, le demandeur voudrait transférer au juge le fardeau de la preuve, alors que c’est sur lui que repose nettement ce fardeau.

[35]           Je suis donc convaincu que M. Fotros a eu une occasion raisonnable d’établir sa résidence en vertu de la Loi et qu’il n’a pas été privé de l’équité procédurale.

VI.             Conclusion

[36]           La juge de la citoyenneté a raisonnablement conclu que M. Fotros n’a pas établi sa résidence en vertu de la Loi. Ses conclusions étaient justifiées et intelligibles et appartenaient aux issues possibles acceptables. Il n’y a pas non plus eu de manquement à l’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[37]           Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification en vue d’un appel, et aucune question n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-252-16

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD FOTROS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juillet 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Arghavan Gerami

 

Pour le demandeur

 

Abigail Martinez

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Germani Law Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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