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Date : 20160722


Dossier : T-2145-15

Référence : 2016 CF 853

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

JUDE DINESH CEDRIC WEERASEKERA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Jude Dinesh Cedric Weerasekera, défendeur, est né au Sri Lanka, et il est devenu un résident permanent du Canada le 18 octobre 2007. Il a demandé la citoyenneté canadienne le 25 septembre 2011 et il a ensuite comparu devant un juge de la citoyenneté pour une audience. Le juge a conclu que M. Weerasekera avait résidé au Canada pendant le nombre de jours requis pour satisfaire à l’exigence de résidence permanente en vertu de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi). Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a demandé un contrôle judiciaire de cette décision.

[2]               Je rejette la présente demande. Le juge a appliqué le critère de résidence décrit par le juge Muldoon dans la décision Pourghasemi, (Re), [1993], A.C.F. no 232 [Pourghasemi]. Ce critère exige que les demandeurs établissent qu’ils ont été physiquement présents au Canada pendant 1 095 jours pendant la période de quatre ans précédant la demande. Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, je conclus que la décision du juge appartient aux issues acceptables, car les motifs sont intelligibles et ils démontrent comment il a raisonnablement tiré la conclusion que M. Weerasekera avait démontré le nombre requis de jours de présence effective au Canada.

II.                Contexte

[3]               Pour répondre à l’obligation de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, M. Weerasekera était tenu de prouver qu’il avait résidé au Canada pendant au moins 1 095 jours durant les quatre années précédant sa demande, soit du 18 octobre 2007 (lorsqu’il a obtenu la résidence permanente) au 25 septembre 2011 (la période pertinente). Dans sa demande de citoyenneté, M. Weerasekera a déclaré 1 251 jours de présence au Canada et 186 jours d’absence pendant la période pertinente. On lui a remis un questionnaire sur la résidence en raison de préoccupations concernant sa crédibilité et de l’absence de pièces justificatives. Après la présentation des documents supplémentaires le 12 février 2013, un agent de Citoyenneté et Immigration Canada a rempli un modèle pour la préparation et l’analyse des dossiers (MPAD), lequel a relevé des absences non déclarées et des préoccupations quant à la crédibilité, ce qui n’a pas permis à l’agent de confirmer la présence effective de M. Weerasekera au Canada pendant la période pertinente. Par conséquent, il a été renvoyé à un juge de la citoyenneté pour une audience, laquelle a été tenue le 24 novembre 2015.

III.             Décision contestée

[4]               Dans sa décision d’accueillir la demande de citoyenneté, le juge a noté que M. Weerasekera avait déclaré 1 251 jours de présence, mais qu’il y avait des absences non déclarées pour les passeports en dossier qui nécessitaient un examen pour déterminer les déplacements qui sont vérifiables. Notamment, le juge a fait mention des deux timbres d’entrée aux États-Unis, soit le 3 novembre 2009 et le 24 septembre 2010, qui n’avaient pas été déclarés. Il y avait aussi deux timbres de rentrée au Canada non déclarés dans les antécédents de voyage du Système intégré d’exécution des douanes (SIED) produits par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). La décision se réfère au fait que ces entrées ont eu lieu le 6 novembre 2009 et le 14 septembre 2014, bien que la dernière date d’entrée semble être une erreur. Pendant l’audience relative à ce contrôle judiciaire, le ministre a reconnu qu’il semble s’agir d’un renvoi à l’entrée du 14 septembre 2010 qui a également été relevée dans le modèle pour la préparation et l’analyse des dossiers.

[5]               Dans son analyse, le juge a noté qu’il a abordé la plupart des préoccupations durant l’audience, faisant remarquer que M. Weerasekera avait été franc et crédible, et qu’il avait abordé toutes les préoccupations qui lui avaient été présentées en fournissant une explication crédible. Le juge a expliqué que M. Weerasekera a admis qu’il aurait dû signaler les deux voyages à l’étranger et que l’erreur était le résultat de l’utilisation de son passeport pour répertorier les voyages et du fait que le timbre n’ait pas été apposé dans le passeport. Le juge a examiné la liste présentée dans la demande et l’a comparée avec la liste du rapport du SIED, ce qui confirme la plupart des dates. Seulement trois voyages étaient non déclarés. Le juge a ensuite affirmé qu’en rayant les dates des diverses listes, il pouvait conclure que, dans le pire des cas, il y avait deux voyages qui n’avaient pas été déclarés, l’un des voyages étant de 18 jours et l’autre de 6 jours. Un autre des voyages pouvait avoir duré deux jours de plus, ce qui donne lieu à 26 jours de plus que les 1 251 jours déclarés. Il en est résulté que M. Weerasekera avait encore une présence effective de 1 225 jours au Canada.

[6]               Le juge a ensuite déclaré que, plus important encore, il n’y avait aucun élément pour contester le nombre de jours de présence effective au Canada déclaré par M. Weerasekera, étant donné que les autres renseignements fournis étaient crédibles et vérifiables. Le juge a donc conclu que, selon la prépondérance des probabilités, M. Weerasekera avait démontré qu’il avait résidé au Canada durant le nombre de jours qu’il prétendait y avoir résidé, et que, par conséquent, il avait satisfait aux exigences en matière de résidence prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

IV.             Questions en litige et norme de contrôle

[7]               Le ministre soulève la question de savoir si le juge a fait abstraction des éléments de preuve concernant la présence effective de M. Weerasekera au Canada durant la période pertinente et de savoir si les motifs de la décision sont insuffisants. Le ministre soutient, et j’en conviens, que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’examen de la Cour de la décision du juge.

V.                Analyse

[8]               Le ministre fait valoir que le critère de Pourghasemi exige un examen soigneux des éléments de preuve concernant le nombre de jours de présence effective au Canada et que le juge n’a pas effectué une telle analyse. Le ministre explique que M. Weerasekera a soumis une liste initiale d’absences avec sa demande et, après avoir reçu le rapport du SIED, a préparé une liste mise à jour qui tenait compte de quatre autres entrées au Canada figurant dans le rapport, ce qui réduisait son nombre de jours de présence effective déclarés de quelques jours. Toutefois, le ministre souligne que le rapport du SIED avait relevé d’autres entrées au Canada, soit celles du 6 novembre 2009 et du 14 septembre 2010. La liste mise à jour de M. Weerasekera ne tenait pas compte de ces entrées.

[9]               Le ministre a également trouvé d’autres absences non déclarées basées sur trois timbres dans son passeport, lesquels démontrent l’entrée aux États-Unis le 3 novembre 2009, le 24 septembre 2010 et le 4 octobre 2010.

[10]           Le ministre soutient que, bien que le juge ait repéré les entrées non déclarées aux États-Unis le 3 novembre 2009 et le 24 septembre 2010, il n’a pas tenu compte de l’entrée non déclarée du 4 octobre 2010. De plus, le juge a déclaré qu’il y avait trois voyages non déclarés, mais a ensuite fait référence à deux voyages non déclarés et un autre voyage qui pouvait avoir été prolongé de deux jours. Le ministre fait valoir que la décision contient des erreurs factuelles et qu’elle n’attaque pas suffisamment les contradictions dans les éléments de preuve afin de représenter une analyse raisonnable.

[11]           J’ai examiné chacune des entrées non déclarées au Canada et aux États-Unis auxquelles le ministre fait référence, ainsi qu’au traitement des absences par le juge. Bien que les motifs du juge ne soient pas détaillés, je conclus qu’un examen des éléments de preuve et des motifs démontre une analyse intelligente et une conclusion raisonnable.

[12]           Comme l’a souligné le ministre, la plupart des absences identifiées dans le rapport du SIED, celles n’ayant pas été incluses lorsque M. Weerasekera avait préparé sa demande initiale, ont été prises en compte dans sa liste mise à jour. Les deux entrées au Canada le 6 novembre 2009 et le 14 septembre 2010, et les deux entrées aux États-Unis le 3 novembre 2009 et le 24 septembre 2010, dont aucune n’a été prise en compte par M. Weerasekera, ont été repérées par le juge. Ces sorties du Canada et ces entrées au Canada non déclarées semblent démontrer ce qui suit :

A.                M. Weerasekera a quitté le Canada pour les États-Unis le 3 novembre 2009 et il est revenu au Canada le 6 novembre 2009, ce qui représente une absence maximale de quatre jours.

B.                 M. Weerasekera est entré au Canada le 14 septembre 2010. Quoiqu’il n’y ait aucun élément de preuve du moment précis qu’il a quitté le Canada, le rapport du SIED démontre qu’il était au Canada le 28 août 2010. Cela signifie une absence maximale de 18 jours, laquelle est représentée par l’entrée non déclarée du 14 septembre 2010.

C.                 M. Weerasekera est entré aux États-Unis le 24 septembre 2010, soit deux jours avant son voyage déclaré au Sri Lanka le 26 septembre 2010. Cela représente une absence de deux jours supplémentaires par rapport à la déclaration de M. Weerasekera.

[13]           Ces trois absences semblent correspondre aux trois voyages non déclarés repérés par le juge. Seulement deux de ces voyages étaient en fait non déclarés, car le troisième était un voyage déclaré ayant duré deux jours de plus que le nombre signalé par M. Weerasekera. Cela semble être l’explication du premier renvoi du juge aux trois voyages non déclarés et ensuite à deux voyages et un autre qui pouvait avoir duré deux jours de plus.

[14]           Je constate que le juge a renvoyé à ces deux voyages non déclarés comme durant 18 jours et 6 jours. D’après mes calculs, ils ont duré 18 jours et 4 jours. Bien que cela puisse représenter une erreur du juge, il ne s’agit pas d’une erreur importante puisqu’elle bénéficie à M. Weerasekera en rajoutant deux jours à sa période d’absence.

[15]           Le ministre a raison de dire que le juge ne mentionne pas le timbre d’entrée aux États-Unis du 4 octobre 2010. Cependant, M. Weerasekera a déclaré qu’il était au Sri Lanka du 26 septembre au 4 octobre 2010, et le rapport du SIED confirme qu’il est entré au Canada le 4 octobre 2010. Le timbre d’entrée aux États-Unis pourrait se rapporter à une entrée en transit pendant son déplacement du Sri Lanka au Canada, auquel cas celui-ci ne s’ajouterait pas aux jours d’absence déclarés. Même s’il était interprété comme un départ à destination des États-Unis le 4 octobre 2010, immédiatement après être arrivé au Canada le même jour, l’absence qui en résultait n’aurait pas pu être plus de deux jours, car M. Weerasekera a déclaré un voyage d’une journée aux États-Unis le 6 octobre 2010. Son entrée au Canada cette même journée est confirmée par le rapport du SIED. Je ne peux pas conclure que l’absence de la mention dans la décision du timbre du 4 octobre 2010 est une erreur, et certainement pas une erreur importante.

[16]           Le juge a conclu que M. Weerasekera était franc et crédible. Le juge a fait référence à la confirmation de la majorité des dates présentées par M. Weerasekera en les comparant au rapport du SIED, et le juge a identifié les incohérentes restantes. Il a ensuite abordé ces incohérences d’une manière intelligible, après quoi il a conclu que M. Weerasekera avait été en mesure de démontrer des jours de présence effective au Canada dépassant largement les 1 095 jours requis. Je ne trouve aucun fondement pour modifier cette décision.

[17]           Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2145-15

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. JUDE DINESH CEDRIC WEERASEKERA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juillet 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 22 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Veronica Cham

POUR LE DEMANDEUR

Jude Dinesh Cedric Weerasekera

POUR LE DÉFENDEUR

(pour son propre compte)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

 

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