Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160711

Dossier : IMM-2784-15

Référence : 2016 CF 761

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 11 juillet 2016

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

THEEPAN KATHIRKAMANATHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

[1]               Ces motifs sont rendus conformément au jugement prononcé le 10 juin 2016.

[2]               M. Theepan Kathirkamanathan (demandeur) demande un contrôle judiciaire de la décision rendue par une agente d’examen des risques avant renvoi (agente), rejetant son examen des risques avant renvoi (ERAR). L’agente a établi que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, tel que modifié (Loi).

[3]               Le demandeur d’origine tamoule est un citoyen du Sri Lanka. Il est arrivé au Canada le 14 avril 2010 et a demandé l’asile le 10 mai 2010 en citant les cinq motifs de la Convention.

[4]               Sa demande de reconnaissance de son statut de réfugié au sens de la Convention a été refusée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) le 17 mars 2011, au motif qu’il n’était pas crédible et n’avait pas le profil d’une personne d’intérêt pour les autorités.

[5]               Le demandeur a soumis sa demande d’ERAR le 11 novembre 2011, affirmant craindre d’être persécuté par l’armée du Sri Lanka puisqu’un « jeune homme tamoul » serait perçu comme étant membre des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET). Il a aussi déclaré être exposé à un risque puisqu’il est un demandeur d’asile débouté. Enfin, il a affirmé courir un risque de détention et d’extorsion par les autorités de l’aéroport de Colombo.

[6]               La demande d’ERAR du demandeur a été refusée deux fois. Il a obtenu gain de cause après un contrôle judiciaire de ces décisions dans les dossiers IMM-2304-12 et IMM-2443-13.

[7]               À l’appui de sa demande d’ERAR, le demandeur a déposé de nouveaux éléments de preuve, incluant une copie de l’attestation de détention délivrée par le Comité international de la Croix-Rouge en date du 26 mai 2009, une lettre datée du 28 novembre 2012 provenant du père du demandeur, 162 articles de presse et un affidavit établi sous serment le 12 décembre 2012 par le demandeur.

[8]               Dans sa décision de rejeter sa demande d’ERAR, l’agente a coché la case indiquant que le demandeur n’avait pas déposé de nouveaux éléments de preuve.

[9]               L’agente a précisé que l’attestation de détention n’a pas été acceptée puisque le document aurait pu être présenté à la SPR et que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il ne l’avait pas fait.

[10]           L’agente a conclu que, même si les parents du demandeur avaient reçu la visite de membres des services de renseignements de l’armée en 2012, rien n’indique que les autorités gouvernementales s’intéressaient toujours à lui. Elle a donc eu raison de dire que le demandeur ne serait pas exposé à un risque aux termes de l’article 96 ou 97 de la Loi.

[11]           L’agente a passé en revue les documents à jour du pays et soulevé de nombreuses préoccupations quant aux droits de la personne, notamment l’extorsion, les disparitions et les meurtres, au Sri Lanka. Elle a reconnu que les éléments de preuve documentaire démontrent que les autorités sri-lankaises sont toujours à la recherche d’un membre soupçonné des TLET. Cependant, l’agente a conclu que l’extorsion n’est pas un risque au sens de l’article 96 ou 97 de la Loi.

[12]           L’agente a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que le demandeur est connu des autorités ni qu’il est soupçonné de faire partie des TLET.

[13]           Enfin, l’agente a fait valoir qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur serait exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution en raison de son ethnicité, ni à un risque pour sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait au Sri Lanka.

[14]           La première question à aborder concerne la norme de contrôle. Puisqu’une demande d’ERAR comporte des questions mixtes de fait et de droit ainsi qu’une appréciation de la preuve, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable; voir la décision rendue dans l’affaire Raza c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (2006), 58 Admin LR (4th) 283, au paragraphe 12, conf. par (2007) 370 NR 344 (CAF), au paragraphe 3.

[15]           La norme de la décision raisonnable commande que celle-ci soit justifiable, transparente et intelligible, et qu’elle fasse partie des issues possibles acceptables; voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47.

[16]           Le demandeur avance plusieurs arguments dans le cadre de la présente demande. Cependant, à mon avis, il n’est pas nécessaire que je me penche sur tous les arguments puisque je suis convaincue que l’agente a commis une erreur susceptible de révision. La question déterminante de la présente demande est le fardeau de la preuve appliqué par l’agente en évaluant les risques allégués par le demandeur.

[17]           En vertu de l’article 96 de la Loi, le demandeur doit établir un risque raisonnable d’exposition à des persécutions, lequel est moindre que la prépondérance des probabilités; voir la décision rendue dans l’affaire Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680. Ce fardeau a été décrit comme représentant plus qu’une simple possibilité de persécution; voir la décision rendue dans l’affaire Alam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 41 Imm. L.R. (3d) 263.

[18]           À mon avis, la décision de l’agente ne répond pas à la norme de la décision raisonnable susmentionnée. Il est difficile de dire si l’agente a appliqué le bon fardeau de la preuve pour déterminer le risque pour le demandeur, conformément à l’article 96 de la Loi. Un doute à cet égard, quel qu’il soit, doit jouer en faveur du demandeur.

[19]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un différent agent pour nouvel examen. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2784-15

 

INTITULÉ :

THEEPAN KATHIRKAMANATHAN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 décembre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Michael Crane

 

Pour le demandeur

 

Christopher Ezrin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.