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Date : 20160711

Dossier : IMM-2317-15

Référence : 2016 CF 762

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 11 juillet 2016

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

LANCE DONALD HAYTER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

[1]               Ces motifs sont rendus conformément au jugement prononcé le 10 juin 2016.

[2]               M. Lance Donald Hayter (le demandeur) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada le 28 avril 2015. Dans le cadre de cette décision, la SAI a rejeté l’appel du demandeur de la décision d’un agent d’immigration (l’agent) refusant la demande parrainée de résidence permanente de son épouse. L’agent a déterminé que le mariage entre le demandeur et son épouse, Qing Li, n’était pas authentique au sens du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) et vise l’acquisition d’un statut aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[3]               Le demandeur est citoyen canadien. Sa femme est citoyenne de la Chine.

[4]               Dans la preuve présentée à la SAI, le demandeur a déclaré qu’il avait rencontré sa femme par l’intermédiaire d’un ami commun en août 2011 et qu’il avait entamé avec elle une relation par téléphone et par Internet en octobre 2011. Il s’est d’abord rendu en Chine pour rencontrer sa femme en septembre 2012, et le couple s’est marié dix jours plus tard.

[5]               Le demandeur a soumis une demande de parrainage conjugal le 10 octobre 2013.

[6]               En octobre 2014, le demandeur s’est de nouveau rendu en Chine pour voir sa femme.

[7]               Par une lettre datée du 7 avril 2014, la demande de résidence permanente de la femme du demandeur a été refusée compte tenu du fait que, conformément au paragraphe 4(1) du Règlement, le statut d’épouse de la femme du demandeur n’est pas authentique, car le mariage visait l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

[8]               L’audience devant la SAI a eu lieu le 28 avril 2015. Dans sa décision, la SAI a conclu que, même s’il y avait de nombreux éléments prouvant l’authenticité du mariage, ce dernier visait principalement l’acquisition d’un statut au Canada.

[9]               La SAI a déterminé que selon ses antécédents en matière d’immigration, la femme du demandeur souhaitait obtenir sa résidence au Canada de quelque façon que ce soit. En 2001, la femme du demandeur avait refusé de quitter le Canada après l’échéance de son visa de visiteur. Elle était alors venue rendre visite à sa fille étudiant dans une université canadienne. Elle a aussi déjà présenté une demande de résidence permanente, qui avait été retirée par un autre parrain.

[10]           La SAI avait déterminé que la déclaration de la femme du demandeur concernant l’interruption de la relation avec sa fille manquait de crédibilité. La SAI avait aussi relevé plusieurs incohérences dans la preuve du demandeur et de sa femme à propos du développement de leur relation.

[11]           La SAI a affirmé qu’il y avait de nombreux éléments prouvant l’authenticité du mariage, mais que ces éléments de preuve ne suffisaient pas à réfuter la preuve comme quoi la femme du demandeur s’était mariée principalement dans le but d’obtenir un statut au Canada.

[12]           Le demandeur soutient que la Commission n’a pas tenu compte de l’authenticité du mariage lorsqu’elle a déterminé la raison pour laquelle sa femme se mariait. Il prétend que si l’on supposait que le mariage était authentique, cela favoriserait alors grandement la conclusion selon laquelle le mariage n’a pas été contracté dans le but d’obtenir un statut; voir les décisions Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1131 et Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 417.

[13]           Le demandeur soutient que la SAI n’a pas tenu compte du degré d’engagement et de soutien mutuel entre les conjoints et de leurs intentions exprimées avant le mariage.

[14]           Il soutient également que la Commission a mal interprété la déclaration de sa femme comme quoi elle était à la recherche d’un « homme canadien ». Le dossier indique clairement que les surnoms « homme canadien », « petit ami du Canada »  et « petite fleur asiatique » sont des noms affectueux et n’indiquent pas les vrais motifs du mariage.

[15]           Finalement, le demandeur soutient que la SAI a fait fi de la preuve contraire, plus particulièrement l’écart de cinq ans entre le dernier voyage de sa femme au Canada et la présentation de sa demande de résidence permanente.

[16]           Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la décision de la SAI était raisonnable à la lumière des antécédents en matière d’immigration de la femme du demandeur et des incohérences dans les témoignages du couple au sujet de leur relation.

[17]           Le défendeur fait aussi valoir que la SAI a bien tenu compte des questions de savoir si le mariage était authentique et s’il visait l’obtention d’un statut de façon distincte, comme il est exigé au paragraphe 4(1) du Règlement.

[18]           La conclusion selon laquelle la femme n’est pas une épouse puisqu’elle n’est pas membre de la catégorie du regroupement familial est une question mixte de fait et de droit; elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Décision : Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1 RCS 339, aux paragraphes 52 à 62.

[19]           Selon la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, la norme de la « décision raisonnable » exige que les raisons permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et lui permettent de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles et acceptables.

[20]           À mon avis, la décision ne répond pas à la norme de la décision raisonnable susmentionnée. La conclusion de la SAI selon laquelle le mariage visait principalement l’obtention d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi n’est pas raisonnable à la lumière de la preuve entourant la relation du demandeur avec sa femme avant le mariage. Cette preuve comprend des centaines de courriels et un registre de communications fréquentes par Skype entre le demandeur et sa femme.

[21]           En outre, j’estime que la SAI a déraisonnablement conclu que l’emploi de noms affectueux par le demandeur et sa femme dans les courriels, comme « homme canadien », signifiaient que la femme du demandeur cherchait à obtenir un statut au Canada.

[22]           Aussi, la SAI n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi la preuve de l’authenticité de la relation, qui datait d’avant le mariage, ne permettait pas d’établir que le mariage ne visait pas principalement à obtenir un statut au Canada.

[23]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal constitué différemment pour nouvel examen. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.

« E. Heneghan »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2317-15

 

INTITULÉ :

LANCE DONALD HAYTER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 DÉCEMBRE 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JUILLET 2016

 

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov

 

Pour le demandeur

 

Stephen Jarvis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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