Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20160727


Dossier : IMM-243-16

Référence : 2016 CF 876

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2016

EN PRÉSENCE DE madame la juge Strickland

ENTRE :

JEDIDIAH IAN ZHI TAN (AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE JEDIDIAH IAN TAN ZHI AN)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 23 décembre 2015. En application de l’alinéa 111(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), la SAR a accueilli l’appel, a annulé la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) et y a substitué sa décision selon laquelle demanderesse n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger. Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR.

Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen de Singapour qui est né le 24 décembre 1992. Il est entré au Canada le 23 janvier 2015 et, peu après, a revendiqué l’asile sur le fondement de la persécution dont il dit avoir été victime à Singapour parce qu’il a bénéficié d’une exemption médicale du service militaire.

[3]               Plus précisément, en mars ou avril 2013, le demandeur a reçu un avis des Forces armées de Singapour pour qu’il se présente à un examen médical en préparation du service militaire obligatoire. Lors de l’examen médical, le demandeur a informé le médecin des Forces armées de Singapour qu’il avait reçu un diagnostic de scoliose, souffrait de douleurs au dos, avait des difficultés à marcher et ne pouvait pas s’asseoir pendant de longues périodes de temps. Néanmoins, le demandeur a été jugé médicalement apte au service et devait suivre la formation en décembre 2013.

[4]               Le demandeur prétend que la formation militaire a été extrêmement difficile pour lui et qu’elle l’a beaucoup fait souffrir, tant physiquement que psychologiquement. À la suite d’une série de consultations et d’échanges avec divers professionnels de la santé, le demandeur a été informé le 23 mai 2014 qu’il était exempté du service militaire. Il affirme que son exemption repose sur des motifs médicaux et psychologiques.

[5]               Après réception de l’exemption du service militaire, le demandeur et son père ont reçu des appels téléphoniques et des messages texte de la part de plusieurs officiers de son ancien peloton qui le menaçaient de le faire revenir pour qu’il poursuive sa formation militaire. Le demandeur dit craindre que son exemption du service militaire soit révoquée et qu’il soit contraint de terminer son service militaire national. De plus, il dit être victime de discrimination en matière d’emploi en raison du fait qu’il est tenu de divulguer son passé militaire lorsqu’il postule à des emplois à Singapour.

[6]               En réponse à une demande présentée par le demandeur conformément à l’article 50 de la LIPR, la SPR a conclu que le demandeur était une personne vulnérable étant donné que sa capacité à présenter sa cause était grandement diminuée et, par conséquent, a ordonné la mise au rôle prioritaire et des mesures d’adaptations particulières sur le plan procédural.

[7]               Dans une décision datée du 11 mai 2015, la SPR a conclu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention au motif que sa crainte d’être victime de persécution à Singapour était bien fondée en raison de son appartenance à un groupe social composé d’hommes qui sont exemptés du service militaire. Elle a en outre conclu que la protection de l’État ne pourrait pas raisonnablement être assurée au demandeur et qu’il n’avait aucune possibilité de refuge intérieur (PRI).

[8]               Le défendeur a interjeté appel de la décision de la SAR, décision que la SAR ensuite annulée.

Décision faisant l’objet du contrôle

[9]               La question déterminante dont était saisie la SAR était celle de la protection de l’État. Pour trancher cette question, la SAR a tenu compte de l’argument du demandeur selon lequel il ne pourrait faire appel qu’à la justice militaire à Singapour pour traiter les motifs, à une exception près, de persécution alléguée. Cependant, la SAR a conclu que le demandeur n’était plus un militaire à la suite de son exemption de service militaire et, par conséquent, qu’il avait droit de demander réparation auprès des autorités civiles. À l’appui de cette conclusion, la SAR s’est reportée à la preuve documentaire versée au dossier qui indiquait que Singapour avait mis en place des mécanismes efficaces pour lutter contre les abus et la corruption au sein des forces policières et des forces armées. En outre, dans le cas où les autorités envisageraient de révoquer l’exemption de service militaire du demandeur, ce dernier aurait droit à l’application régulière de la loi.

[10]           La SAR a également conclu que le demandeur bénéficiait d’une protection adéquate en matière d’emploi et de soins de santé à Singapour et qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable pour lui de demander la protection de l’État. La SAR a souligné que le régime national de santé à Singapour prévoyait des soins de santé abordables pour tous les Singapouriens et que le demandeur aurait accès à un traitement médical adéquat pour ses troubles physiques et psychologiques. La SAR a également déclaré que le demandeur disposait d’une protection adéquate en matière d’emploi à Singapour compte tenu du fait qu’il pouvait bénéficier de programmes gouvernementaux tels que « Job Club », un programme qui aide les personnes atteintes de maladies mentales à obtenir un emploi convenable.

[11]           Compte tenu de ce qui précède, la SAR a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État à l’aide de preuve claire et convaincante. La SAR ne s’est pas dite convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’État de Singapour ne pourrait pas raisonnablement offrir une protection adéquate au demandeur si celui-ci en faisant la demande. Compte tenu de sa conclusion sur la protection de l’État, la SAR a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les autres conclusions de la SPR concernant l’appartenance à un groupe social ou la question de la discrimination par opposition à la persécution. Pour ces motifs, la SAR a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 ou 97 de la LIPR.

Questions en litige

[12]           Le demandeur soutient que la décision de la SAR est injuste sur le plan procédural parce que la SAR a abordé des questions qu’aucune partie à l’appel n’a soulevées et qu’elle a tiré des conclusions au sujet de questions qu’aucune partie, ni même la SPR, n’a posées au demandeur. En outre, le demandeur affirme que la décision de la SAR est déraisonnable en ce sens que ses conclusions factuelles manquent de transparence, de justification et d’intelligibilité.

[13]           Je formulerais les questions en litige comme suit :

        i.            La SAR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

      ii.            La décision de la SAR est-elle raisonnable?

Norme de contrôle

[14]           Les parties estiment que les violations de l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]) et que le caractère raisonnable constitue la norme de contrôle qui s’applique à la décision de la SAR à l’égard de la question de la protection de l’État (Dunsmuir, aux paragraphes 47, 50 et 60; Bellingy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1252 aux paragraphes 39-40).

[15]           Je conviens que la norme de contrôle pour les questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte; il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers la SAR pour statuer sur de telles questions (Dunsmuir, au paragraphe 50). L’évaluation par la SAR de la protection de l’État soulève des questions mixtes de faits et de droit, par conséquent, elle commande l’application de la norme de la décision raisonnable (Kandha c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 430, au paragraphe 15). En ce qui concerne cette norme, la Cour interviendra uniquement si la décision n’est pas justifiée, transparente et intelligible, et si elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables (Dunsmuir, au paragraphe 47).

Première question en litige : La SAR a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

Observations du demandeur

[16]           Le demandeur soutient que lorsqu’un demandeur obtient gain de cause devant la SPR, ses éléments de preuve et ses documents ont déjà été jugés suffisants et fiables. De plus, étant donné qu’on ne peut pas s’attendre à ce qu’un demandeur anticipe et traite des questions que le ministre n’a pas soulevées en appel, la SAR est liée par les questions qui ont été soulevées dans les dossiers d’appel. Les questions non soulevées ou contestées par le ministre sont considérées comme étant réglées. Le demandeur fait valoir que la SAR a fondé sa décision sur des questions qu’aucune partie à l’appel n’a soulevées et sur des questions qu’aucune partie n’a soulevées devant la SPR. Selon le demandeur, c’était inéquitable d’un point de vue procédural étant donné qu’il n’avait pas pu aborder ces questions. En outre, cette approche excédait la compétence de la SAR. En effet, lorsque des éléments de preuve supplémentaires sont nécessaires, la SAR doit renvoyer la demande à la SPR pour réexamen.

[17]           Alors que le « thème » de la protection de l’État était connu du demandeur, les arguments et les questions soulevés par le défendeur n’étaient pas ceux que la SAR avait effectivement examinés. Si la façon dont la preuve avait été évaluée lui posait problème, en dehors des questions soulevées par le défendeur, il incombait à la SAR d’aviser les parties et de leur donner la possibilité de présenter de nouvelles preuves et observations concernant cette question (Ching c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, au paragraphe 71 [Ching]; Ojarikre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 896, aux paragraphes 19, 20 et 23 [Ojarikre]; Jianzhu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 551, au paragraphe 12 [Jianzhu]).

[18]           Le demandeur mentionne les conclusions factuelles suivantes qui ont été invoquées par la SAR à l’appui de sa décision sur la question de la protection de l’État et pour lesquelles ses commentaires n’ont pas été sollicités :

         La SAR a déterminé que l’exemption de service militaire du demandeur était permanente, alors que la SPR avait déterminé qu’elle était révocable. Aucune des parties à l’appel n’a soulevé cette question;

         La SAR a déterminé que le demandeur bénéficierait d’une protection en matière d’emploi grâce à des programmes gouvernementaux tels que Job Club. Le demandeur n’avait pas été interrogé au sujet de Job Club lors de sa comparution devant la SPR et la question n’a été soulevée par aucune des parties à l’appel; et

         La SAR a déterminé que le demandeur avait droit de demander réparation auprès des autorités civiles étant donné qu’il avait été exempté de service militaire. Cependant, il n’a pas été interrogé à ce sujet lors de l’audience de la SPR et la question n’a été soulevée par aucune des parties à l’appel.

Observations du défendeur

[19]           Le défendeur fait valoir que, contrairement à l’affirmation du demandeur selon laquelle la SAR l’a injustement pris par surprise en tirant des conclusions relativement à de nouvelles questions, les trois exemples de nouvelles questions fournis par le demandeur se rapportaient à des conclusions que la SAR avait tirées en réponse aux arguments du demandeur en appel (Ibrahim c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 380, aux paragraphes 24 à 30 [Ibrahim]). Pour cette raison, la jurisprudence invoquée par le demandeur se distingue par ses faits. Il ne s’agit pas non plus d’une situation où la SPR a examiné une question et n’a pas invoqué cette question dans sa décision.

[20]           Le défendeur soutient qu’il n’y a rien d’injuste dans le fait que la SAR a fait état de Job Club et d’autres organismes qui aident les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale à trouver un emploi. La SAR a souligné cette preuve directement en réponse aux arguments du demandeur quant à la discrimination en matière d’emploi. Dans son évaluation de cet argument, la SAR a examiné la preuve et les arguments avancés par le demandeur, mais elle était également en droit d’examiner les éléments de preuve contraires présentés à la SPR. De plus, la SAR a l’obligation légale d’instruire l’appel en fonction du dossier présenté à la SPR (LIPR, paragraphe 110(3)) et il ne se limite pas à la preuve contenue dans les dossiers d’appel de la SAR. Il n’est pas non plus erroné de prendre en considération d’autres éléments de preuve contenus dans le dossier présenté à la SPR qui n’ont été signalés par aucune des parties (Sary c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178, aux paragraphes 30 et 31 [Sary]).

[21]           De plus, s’agissant des affaires touchant les réfugiés, il n’y a pas de point à prouver. Il incombe au demandeur d’établir le bien-fondé de sa demande d’asile. Bien que le défendeur ait interjeté appel devant la SAR, le rôle de la SAR est le même, à savoir procéder à une évaluation indépendante de la demande sur la base du dossier soumis à la SPR. En outre, il est bien établi qu’une demande d’asile ne peut être tranchée qu’en fonction de la protection de l’État (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Foster, 2016 CF 130, aux paragraphes 24 à 28 [Foster]). Cela est vrai même lorsque le profil psychologique du demandeur justifie raisonnablement sa crainte subjective de se prévaloir de la protection de l’État (Foster aux paragraphes 12, 21, 24 à 28).

Analyse

[22]           Il convient d’abord de définir le cadre législatif pour les appels à la SAR.

[23]           L’article 110 de la LIPR stipule que la personne en cause et le ministre peuvent porter en appel – relativement à une question de droit, de fait ou mixte – auprès de la SAR la décision de la SPR accordant ou rejetant la demande d’asile (paragraphe 110(1)). Le ministre peut satisfaire à toute exigence relative à la façon d’interjeter l’appel et de le mettre en état en produisant un avis d’appel et tout document au soutien de celui-ci (paragraphe 110(1.1)). La SAR procède sans tenir d’audience « en se fondant sur le dossier de la Section de la protection des réfugiés », mais peut recevoir des éléments de preuve documentaire et des observations écrites du ministre et de la personne en cause (paragraphe 110(3)). Cependant, dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet (paragraphe 110(4)). La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe 110(3) qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause; sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile; à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas (paragraphe 110(6)).

[24]           La SAR doit prendre une décision conformément à l’art 111 :

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

(b) set aside the determination and substitute a determination that, in its opinion, should have been made; or

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re-determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

(2) Elle ne peut procéder au renvoi que si elle estime, à la fois :

(2) The Refugee Appeal Division may make the referral described in paragraph (1)(c) only if it is of the opinion that

a) que la décision attaquée de la Section de la protection des réfugiés est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

(a) the decision of the Refugee Protection Division is wrong in law, in fact or in mixed law and fact; and

b) qu’elle ne peut confirmer la décision attaquée ou casser la décision et y substituer la décision qui aurait dû être rendue sans tenir une nouvelle audience en vue du réexamen des éléments de preuve qui ont été présentés à la Section de la protection des réfugiés.

(b) it cannot make a decision under paragraph 111(1)(a) or (b) without hearing evidence that was presented to the Refugee Protection Division.

[25]           Les Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 traitent des conditions requises pour interjeter et mettre en état un appel.

[26]           La Partie 1 énonce les règles applicables à un appel interjeté par une personne qui fait l’objet de celui-ci, y compris les suivantes :

3(3) Le dossier de l’appelant comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

3(3) The appellant’s record must contain the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

a) l’avis de décision et les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel;

(a) the notice of decision and written reasons for the Refugee Protection Division’s decision that the appellant is appealing;

b) la transcription complète ou partielle de l’audience de la Section de la protection des réfugiés, si l’appelant veut l’invoquer dans l’appel, accompagnée d’une déclaration signée par le transcripteur dans laquelle celui-ci indique son nom et atteste que la transcription est fidèle;

(b) all or part of the transcript of the Refugee Protection Division hearing if the appellant wants to rely on the transcript in the appeal, together with a declaration, signed by the transcriber, that includes the transcriber’s name and a statement that the transcript is accurate;

c) tout document que la Section de la protection des réfugiés a refusé d’admettre en preuve pendant ou après l’audience, si l’appelant veut l’invoquer dans l’appel;

(c) any documents that the Refugee Protection Division refused to accept as evidence, during or after the hearing, if the appellant wants to rely on the documents in the appeal;

d) une déclaration écrite indiquant :

(d) a written statement indicating

(i) si l’appelant invoque des éléments de preuve visés au paragraphe 110(4) de la Loi,

(i) whether the appellant is relying on any evidence referred to in subsection 110(4) of the Act,

(ii) si l’appelant demande la tenue de l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi et, le cas échéant, s’il fait une demande de changement de lieu de l’audience en vertu de la règle 66,

(ii) whether the appellant is requesting that a hearing be held under subsection 110(6) of the Act, and if they are requesting a hearing, whether they are making an application under rule 66 to change the location of the hearing, and

(iii) la langue et, le cas échéant, le dialecte à interpréter, si la Section décide qu’une audience est nécessaire et que l’appelant a besoin d’un interprète;

(iii) the language and dialect, if any, to be interpreted, if the Division decides that a hearing is necessary and the appellant needs an interpreter;

e) tout élément de preuve documentaire que l’appelant veut invoquer dans l’appel;

(e) any documentary evidence that the appellant wants to rely on in the appeal;

f) toute loi, jurisprudence ou autre autorité légale que l’appelant veut invoquer dans l’appel;

(f) any law, case law or other legal authority that the appellant wants to rely on in the appeal; and

g) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(g) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

(i) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel,

(i) the errors that are the grounds of the appeal,

(ii) l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel ou dans la transcription ou dans tout enregistrement audio ou électronique de l’audience tenue devant cette dernière,

(ii) where the errors are located in the written reasons for the Refugee Protection Division’s decision that the appellant is appealing or in the transcript or in any audio or other electronic recording of the Refugee Protection Division hearing,

(iii) la façon dont les éléments de preuve documentaire visés à l’alinéa e) sont conformes aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et la façon dont ils sont liés à l’appelant,

(iii) how any documentary evidence referred to in paragraph (e) meets the requirements of subsection 110(4) of the Act and how that evidence relates to the appellant,

(iv) la décision recherchée,

(iv) the decision the appellant wants the Division to make, and

(v) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si l’appelant en fait la demande.

(v) why the Division should hold a hearing under subsection 110(6) of the Act if the appellant is requesting that a hearing be held.

[27]           De même, la Partie 2 des Règles de la SAR, qui est pertinente dans la présente affaire, porte sur les règles applicables aux appels lancés par le ministre, y compris les suivantes :

9 (1) Pour mettre en état un appel aux termes du paragraphe 110(1.1) de la Loi, le ministre transmet à la personne en cause, puis à la Section, tout document à l’appui qu’il veut invoquer dans l’appel.

9 (1) To perfect an appeal in accordance with subsection 110(1.1) of the Act, the Minister must provide, first to the person who is the subject of the appeal and then to the Division, any supporting documents that the Minister wants to rely on in the appeal.

(2) En plus des documents visés au paragraphe (1), le ministre peut transmettre à la personne en cause, puis à la Section, le dossier de l’appelant qui comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

(2) In addition to the documents referred to in subrule (1), the Minister may provide, first to the person who is the subject of the appeal and then to the Division, the appellant’s record containing the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

a) l’avis de décision et les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel;

(a) the notice of decision and written reasons for the Refugee Protection Division’s decision that the Minister is appealing;

b) la transcription complète ou partielle de l’audience de la Section de la protection des réfugiés, si le ministre veut l’invoquer dans l’appel, accompagnée d’une déclaration signée par le transcripteur dans laquelle celui-ci indique son nom et atteste que la transcription est fidèle;

(b) all or part of the transcript of the Refugee Protection Division hearing if the Minister wants to rely on the transcript in the appeal, together with a declaration, signed by the transcriber, that includes the transcriber’s name and a statement that the transcript is accurate;

c) tout document que la Section de la protection des réfugiés a refusé d’admettre en preuve pendant ou après l’audience, si le ministre veut l’invoquer dans l’appel;

(c) any documents that the Refugee Protection Division refused to accept as evidence, during or after the hearing, if the Minister wants to rely on the documents in the appeal;

d) une déclaration écrite indiquant :

(d) a written statement indicating

(i) si le ministre veut invoquer des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe 110(3) de la Loi et la pertinence de ces éléments de preuve,

(i) whether the Minister is relying on any documentary evidence referred to in subsection 110(3) of the Act and the relevance of that evidence, and

(ii) si le ministre demande la tenue de l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi et, le cas échéant, les motifs pour lesquels la Section devrait en tenir une et s’il fait une demande de changement de lieu de l’audience en vertu de la règle 66;

(ii) whether the Minister is requesting that a hearing be held under subsection 110(6) of the Act, and if the Minister is requesting a hearing, why the Division should hold a hearing and whether the Minister is making an application under rule 66 to change the location of the hearing;

e) toute loi, jurisprudence ou autre autorité légale que le ministre veut invoquer dans l’appel;

(e) any law, case law or other legal authority that the Minister wants to rely on in the appeal; and

f) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(f) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

(i) les erreurs commises qui constituent les motifs d’appel,

(i) the errors that are the grounds of the appeal,

(ii) l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la Section de la protection des réfugiés portée en appel ou dans la transcription ou dans tout enregistrement audio ou électronique de l’audience tenue devant cette dernière,

(ii) where the errors are located in the written reasons for the Refugee Protection Division’s decision that the Minister is appealing or in the transcript or in any audio or other electronic recording of the Refugee Protection Division hearing, and

(iii) la décision recherchée.

(iii) the decision the Minister wants the Division to make.

...

...

10 (1) Pour répondre à un appel, la personne en cause transmet au ministre, puis à la Section, un avis écrit d’intention de répondre, accompagné du dossier de l’intimé.

10 (1) To respond to an appeal, the person who is the subject of the appeal must provide, first to the Minister and then to the Division, a written notice of intent to respond, together with the respondent’s record.

...

...

(3) Le dossier de l’intimé comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

(3) The respondent’s record must contain the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

a) la transcription complète ou partielle de l’audience de la Section de la protection des réfugiés, si l’intimé veut l’invoquer dans l’appel et qu’elle n’a pas été transmise avec le dossier de l’appelant, accompagnée d’une déclaration signée par le transcripteur dans laquelle celui-ci indique son nom et atteste que la transcription est fidèle;

(a) all or part of the transcript of the Refugee Protection Division hearing if the respondent wants to rely on the transcript in the appeal and the transcript was not provided with the appellant’s record, together with a declaration, signed by the transcriber, that includes the transcriber’s name and a statement that the transcript is accurate;

b) une déclaration écrite indiquant :

(b) a written statement indicating

(i) si l’intimé demande la tenue de l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi et, le cas échéant, s’il fait une demande de changement de lieu de l’audience en vertu de la règle 66,

(i) whether the respondent is requesting that a hearing be held under subsection 110(6) of the Act, and if they are requesting a hearing, whether they are making an application under rule 66 to change the location of the hearing, and

(ii) la langue et, le cas échéant, le dialecte à interpréter, si la Section décide qu’une audience est nécessaire et que l’intimé a besoin d’un interprète;

(ii) the language and dialect, if any, to be interpreted, if the Division decides that a hearing is necessary and the respondent needs an interpreter;

c) tout élément de preuve documentaire que l’intimé veut invoquer dans l’appel;

(c) any documentary evidence that the respondent wants to rely on in the appeal;

d) toute loi, jurisprudence ou autre autorité légale que l’intimé veut invoquer dans l’appel;

(d) any law, case law or other legal authority that the respondent wants to rely on in the appeal; and

e) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(e) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

(i) les motifs pour lesquels l’intimé conteste l’appel,

(i) the grounds on which the respondent is contesting the appeal,

(ii) la décision recherchée,

(ii) the decision the respondent wants the Division to make, and

(iii) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si l’intimé en fait la demande.

(iii) why the Division should hold a hearing under subsection 110(6) of the Act if the respondent is requesting that a hearing be held.

...

...

11 (1) Pour répliquer à une réponse de l’intimé, le ministre transmet à l’intimé, puis à la Section, tout élément de preuve documentaire qu’il veut invoquer à l’appui de sa réplique et qui n’a pas été transmis au moment où l’appel a été mis en état ou avec le dossier de l’intimé.

11 (1) To reply to a response by the respondent, the Minister must provide, first to the respondent and then to the Division, any documentary evidence that the Minister wants to rely on to support the reply and that was not provided at the time that the appeal was perfected or with the respondent’s record.

(2) En plus des documents visés au paragraphe (1), le ministre peut transmettre à l’intimé, puis à la Section, un dossier de réplique qui comporte les documents ci-après, sur des pages numérotées consécutivement, dans l’ordre qui suit :

(2) In addition to the documents referred to in subrule (1), the Minister may provide, first to the respondent and then to the Division, a reply record containing the following documents, on consecutively numbered pages, in the following order:

a) la transcription complète ou partielle de l’audience de la Section de la protection des réfugiés — n’ayant pas été transmise en même temps que le dossier de l’appelant, le cas échéant, ou le dossier de l’intimé — si le ministre veut l’invoquer à l’appui de sa réplique, accompagnée d’une déclaration signée par le transcripteur dans laquelle celui-ci indique son nom et atteste que la transcription est fidèle;

(a) all or part of the transcript of the Refugee Protection Division hearing if the Minister wants to rely on the transcript to support the reply and the transcript was not provided with the appellant’s record, if any, or the respondent’s record, together with a declaration, signed by the transcriber, that includes the transcriber’s name and a statement that the transcript is accurate;

b) toute loi, jurisprudence ou autre autorité légale — n’ayant pas été transmise en même temps que le dossier de l’appelant, le cas échéant, ou le dossier de l’intimé — que le ministre veut invoquer à l’appui de sa réplique;

(b) any law, case law or other legal authority that the Minister wants to rely on to support the reply and that was not provided with the appellant’s record, if any, or the respondent’s record; and

c) un mémoire qui inclut des observations complètes et détaillées concernant :

(c) a memorandum that includes full and detailed submissions regarding

(i) uniquement les motifs soulevés par l’intimé,

(i) only the grounds raised by the respondent, and

(ii) les motifs pour lesquels la Section devrait tenir l’audience visée au paragraphe 110(6) de la Loi, si le ministre en fait la demande et qu’il n’a pas inclus cette demande dans le dossier de l’appelant, le cas échéant, et s’il demande la tenue d’une telle audience, s’il fait une demande de changement de lieu de l’audience en vertu de la règle 66.

(ii) why the Division should hold a hearing under subsection 110(6) of the Act if the Minister is requesting that a hearing be held and the Minister did not include such a request in the appellant’s record, if any, and if the Minister is requesting a hearing, whether the Minister is making an application under rule 66 to change the location of the hearing.

[28]           Il convient également de noter, à titre préliminaire, que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica CAF] a récemment examiné le rôle de la SAR dans l’examen d’une décision de la SPR sur le fond. La juge Gauthier a alors conclu qu’un appel auprès de la SAR ne constituait pas une véritable procédure de novo (paragraphe 79). La SAR doit intervenir quand la SPR a commis une erreur de droit, de fait, ou une erreur mixte de fait et de droit, et si une erreur a été commise, la SAR peut confirmer la décision de la SPR sur une autre base. La SAR peut aussi casser la décision  de la SPR et y substituer la sienne eu égard à une demande, sauf si elle détermine qu’elle ne peut y arriver sans examiner les éléments de preuve présentés à la SPR (paragraphe 78). La juge Gauthier a déclaré qu’au lieu d’une deuxième audience obligatoire en appel, le « deuxième essai » en appel consenti au demandeur devait reposer sur le dossier présenté à la SPR, sauf dans des situations exceptionnelles dans lesquelles de nouvelles preuves sont admises et sous réserve du respect des exigences du paragraphe 110(6) (paragraphe 97). Elle conclut ses motifs en déclarant ce qui suit :

[103]    Au terme de mon analyse des dispositions législatives, je conclus que, concernant les conclusions de fait (ainsi que les conclusions mixtes de fait et de droit) comme celle dont il est question ici, laquelle ne soulève pas la question de la crédibilité des témoignages de vive voix, la SAR doit examiner les décisions de la SPR en appliquant la norme de la décision correcte. Ainsi, après examen attentif de la décision de la SPR, la SAR doit effectuer sa propre analyse du dossier afin de décider si la SPR a bel et bien commis l’erreur alléguée par l’appelant. Après cette étape, la SAR peut statuer sur l’affaire de manière définitive, soit en confirmant la décision de la SPR, soit en cassant celle-ci et en y substituant sa propre décision sur le fond de la demande d’asile. L’affaire ne peut être renvoyée à la SPR pour réexamen que si la SAR conclut qu’elle ne peut rendre une décision définitive sans entendre les témoignages de vive voix présentés à la SPR. Nulle autre interprétation des dispositions législatives pertinentes ne serait raisonnable.

[29]           Dans l’appel en question devant la SAR, la crédibilité n’était pas en cause. La SPR a conclu que le demandeur était un témoin crédible et, en appel, la question de la crédibilité n’a été soulevée par aucune partie et n’a pas été examinée par la SAR. Il n’y a pas non plus eu de nouvelle preuve présentée à la SAR. La SAR a décidé de statuer sur l’affaire en substituant la décision par celle qui, selon elle, aurait dû être rendue. Cependant, le demandeur soutient que la SAR a soulevé de nouvelles questions et qu’étant donné qu’il n’a pas eu l’occasion d’aborder ces nouvelles questions, il a été privé de son droit à l’équité procédurale.

[30]           La jurisprudence sur cette question commence par la décision de la juge Kane dans Ching, où elle a souligné que la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c. Mian 2014, CSC 54 [Mian] avait abordé la question de ce qui constitue une nouvelle question en appel :

[67]      La Cour a défini ce qu’est une « nouvelle question » au paragraphe 30 :

Une question est nouvelle lorsqu’elle constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s’appuyer – autre que les moyens d’appel formulés par les parties – pour conclure que la décision frappée d’appel est erronée. Les questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties (voir Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712, par. 39) et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties. Vu cette définition, dans le cas de nouvelles questions, il faudra aviser les parties à l’avance pour qu’elles puissent en traiter adéquatement. [Non souligné dans l’original.]

[31]           La juge Kane a également fait remarquer que, bien que les observations dans l’arrêt Mian aient été faites dans le cadre d’une affaire pénale, les principes établis par la Cour suprême ont été appliqués dans le contexte administratif. La Cour suprême a jugé que la cour d’appel a compétence pour soulever une nouvelle question, bien que cela soit rare. En outre, les facteurs afférents au pouvoir discrétionnaire d’une cour d’appel de soulever de nouvelles questions comprennent notamment la question de savoir s’il y a suffisamment d’éléments au dossier pour trancher la question en cause et celle de savoir si l’exercice de ce pouvoir entraînerait pour l’une ou l’autre des parties un préjudice d’ordre procédural (par exemple, les parties auront‑elles la possibilité de présenter des observations?). Dans le contexte des appels devant la SAR, la juge Kane conclut qu’en vertu de ces principes :

[71]      ... Celle‑ci devrait d’abord se demander si la question est « nouvelle » et si le fait de ne pas la soulever risquerait d’entraîner une injustice. Dans le cas où elle décidera d’aller de l’avant avec la nouvelle question, il paraît évident que l’équité procédurale l’obligera à aviser la ou les parties intéressées, ainsi qu’à leur donner la possibilité de présenter des observations.

[32]           En outre, c’est un principe fondamental de la justice naturelle et de l’équité procédurale que toute partie doit se voir offrir la possibilité de s’exprimer au sujet des nouvelles questions et préoccupations qui auront une incidence sur une décision la concernant (paragraphe 74). La juge Kane a conclu qu’au minimum, le demandeur dans cette affaire aurait dû avoir une occasion de répondre aux préoccupations de la SAR au sujet des conclusions favorables de la SPR relativement à la crédibilité, lesquelles n’avaient pas été mises en litige dans l’appel.

[33]           Dans la décision Jianzhu, la SPR n’a tiré aucune conclusion quant au risque que représentait une demande d’asile sur place pour la demanderesse. Et, bien que la question n’ait pas été soulevée par la demanderesse lors de l’appel, la SAR a procédé à une évaluation indépendante de la demande d’asile sur place, examinant le dossier et se fondant sur les conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité pour conclure qu’il ne s’agissait pas d’une demande d’asile sur place. La juge Simpson a conclu que la SAR n’avait pas compétence pour trancher en toute indépendance la question de la demande d’asile sur place. L’alinéa 111(1)b) de la LIPR ne s’appliquait pas parce qu’il n’y avait pas de décision de la SPR à casser à cet égard. Dans ces circonstances, la SAR aurait dû renvoyer la demande d’asile sur place à la SPR pour que celle‑ci rende une décision.

[34]           De même, dans la décision Ojarikre, alors que la question de la possibilité de refuge intérieur avait été pleinement débattue devant la SPR, cette dernière n’avait pas statué sur cette question. De plus, aucune des parties n’avait porté la possibilité de refuge intérieur à l’attention de la SAR. Pour déterminer si la SAR avait commis une erreur en statuant sur l’appel en se fondant sur ce motif, le juge Annis a cité les décisions Ching et Jianzhu et a conclu que la SAR n’avait pas compétence pour examiner une question qui n’a pas été invoquée par la SPR dans sa décision et que, par conséquent, elle ne constituait pas l’objet de l’appel. En outre, la demanderesse avait été privée du droit qui lui était conféré au titre du paragraphe 110(4) de la Loi de présenter des éléments de preuve additionnels se rapportant à la nouvelle question soulevée, puisqu’elle ignorait que la décision de la SAR traiterait de cette question. De plus, il y avait eu manquement à l’équité procédurale étant donné que la SAR avait soulevé une nouvelle question sans avoir donné aux parties l’occasion de présenter de nouveaux éléments de preuve documentaire et des observations.

[35]           Dans la décision Kwakwa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600, au paragraphe 24 [Kwakwa], le juge Gascon a conclu que la SAR est habilitée à tirer de façon indépendante des conclusions défavorables sur la crédibilité d’un demandeur, sans les lui exposer et sans lui donner la possibilité de formuler des observations, mais que cela vaut seulement pour les situations où la SAR n’a pas fait fi des éléments de preuve contradictoires déposés au dossier ou tiré des conclusions supplémentaires au sujet d’éléments que le demandeur ignorait. Cette exception ne s’appliquait pas aux décisions Ching, Ojarikre et Jianzhu ou à l’affaire dont il était saisi. Dans la décision Kwakwa, la SPR n’avait pas tiré de conclusions définitives quant à la nature frauduleuse de certains documents en cause. Le juge Gascon a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une situation où la SAR avait simplement procédé à une évaluation indépendante de la preuve au dossier. Au lieu de cela, la SAR avait cerné de nouveaux arguments qui n’avaient pas été soulevés ou expressément examinés par la SPR.

[36]           Le juge Gascon a également distingué la situation dont il était saisi dans l’affaire Kwakwa de celle de sa décision antérieure dans l’affaire Sary. Dans cette dernière, le demandeur avait fait valoir que la SAR avait violé l’équité procédurale en soulevant un nouveau motif minant sa crédibilité et en ne lui donnant l’occasion de fournir de répondre. Le nouveau motif concernait la contradiction entre le dossier de demande de visa du demandeur et son témoignage. Le juge Gascon a conclu que la demande de visa du demandeur faisait partie intégrante du dossier tant devant la SPR que devant la SAR et que le demandeur y avait fait référence ailleurs dans la preuve et dans son mémoire déposé devant la SAR. Il a conclu qu’il n’y a aucune violation d’équité procédurale quand la SAR apprécie la preuve au dossier de façon indépendante, comme elle l’a fait ici (Haji c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 868, aux paragraphes 23 et 27 [Haji]). Dans la décision Sary, similaire à la décision Haji, aucune nouvelle preuve n’a été présentée à la SAR et la SAR a examiné l’évaluation faite par la SPR de la crédibilité du demandeur et a conclu qu’elle était raisonnable compte tenu de son examen de la preuve.

[37]           Dans la décision Sary, le juge Gascon a également fait la distinction entre les décisions Ching, Ojarikre et Jianzhu :

[30]      Lors de sa plaidoirie devant la Cour, l’avocate de M. Sary a mis l’emphase sur des décisions récentes de la Cour, dont Ching c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 725 [Ching]. Cependant, ces décisions portent sur des situations où une nouvelle question ou un nouvel argument était soulevé par la SAR dans sa décision sans avoir donné l’occasion au demandeur d’y répondre. Par exemple, dans Ching, la Cour a conclu que la SAR avait examiné les conclusions de la SPR sur la crédibilité alors que le demandeur n’avait pas soulevé ces motifs dans son appel. Il s’agissait d’une « nouvelle question » pour laquelle la SAR avait alors l’obligation d’aviser les parties et de leur offrir la possibilité de produire des observations. Or, une « nouvelle question » est une question qui constitue un nouveau fondement sur lequel un décideur peut s’appuyer (autres qu’un des moyens d’appel formulés par les parties) pour conclure au caractère erroné ou valide de la décision frappée d’appel. De la même manière, dans Ojarikre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 896, au paragraphe 20, et Jianzhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 551, au paragraphe 12, cités par M. Sary, la SAR avait soulevé dans sa décision des questions qui n’avaient pas été étudiées par la SPR ou avancées par le demandeur.

[31]      La situation est bien différente en l’espèce. La SAR n’a pas abordé une « nouvelle question » en relevant la contradiction entre le dossier de visa de M. Sary et son témoignage sur la façon dont il avait déniché son emploi à Trois-Rivières. Elle a simplement fait référence à un autre élément de preuve contenu au dossier du tribunal et qui venait appuyer les conclusions de la SPR sur le manque de crédibilité de M. Sary. Cette question de crédibilité et les arguments à son égard avaient été longuement traités par la SPR dans sa décision et par M. Sary dans ses représentations. Ce n’est pas une situation où le décideur a consulté un élément de preuve extrinsèque sans avoir donné la chance à M. Sary d’en prendre connaissance. Au contraire, la crédibilité de M. Sary constituait le fondement même de la décision de la SPR et de l’appel logé par M. Sary.

[Non souligné dans l’original.]

[38]           Enfin, et plus récemment, dans la décision Ibrahim, la demanderesse a affirmé que la preuve sur laquelle la SAR s’était fiée pour confirmer la conclusion de la SPR relative à la crédibilité était une nouvelle question et que la SAR se devait de confronter la demanderesse avec ses préoccupations, mais ne l’avait pas fait. La demanderesse a invoqué la décision Ching, au paragraphe 71, et la décision Husian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684, au paragraphe 10, à l’appui de cette position. Dans la décision Ibrahim, la SAR a expliqué clairement que la conclusion en cause n’avait pas été formulée par la SPR, et qu’elle n’avait pas non plus été soulevée par la demanderesse dans son appel. La SPR a posé des questions à ce sujet à l’audience; toutefois, elle n’a pas formulé de conclusion hâtive relativement à cette preuve.

[39]           Le juge Zinn a distingué les cas invoqués par la demanderesse et a conclu que la SAR examinait la question soulevée par la demanderesse et que la SAR avait le droit d’examiner et d’évaluer les preuves depuis le début :

[26]      Je conclus que ces deux autorités se distinguent des faits mentionnés ici. Dans ces deux cas, la SAR est allée au-delà des questions dont elle était saisie; attendu que dans ce cas, elle ne l’a pas fait. Dans le présent dossier, la question n’a pas changé et la SAR n’a pas exploré une nouvelle question; plutôt, l’évaluation des preuves par la SAR se rapportant à la question soulevée par la demanderesse différait de l’évaluation par la SPR.

[27]      Dans la décision Ching, la SPR a conclu de façon générale que le demandeur était crédible. Cette conclusion relative à la crédibilité n’était pas une question en litige pour la SAR. Néanmoins, la SAR, de sa propre initiative, a soulevé la question de la crédibilité de la demanderesse. La juge Kane, avec raison, a trouvé que cela constituait un manquement à l’équité procédurale puisque cela était une « nouvelle » question et que le demandeur n’aurait aucune raison de croire qu’elle serait examinée par la SAR lors de l’appel.

[28]      Les faits dans la décision Husian sont semblables. La SPR a conclu que le demandeur n’a pas réussi à établir son identité. Il n’avait aucune pièce d’identité et il a été conclu que ni lui ni sa grand-tante n’étaient des témoins crédibles. Il semble que selon les très brefs motifs que la SAR, selon sa propre appréciation du dossier, a utilisés pour conclure de façon erronée qu’il n’y avait pas de preuves que le demandeur appartenait au clan Dhawarawayne. En outre, elle a également commenté les différences d’orthographe du nom du demandeur dans différents documents et mentionné « j’ai aussi relevé d’autres erreurs ». Le juge Hughes a décrit ses erreurs comme étant « d’autres conclusions de fond ».

[29]      En l’espèce, une conclusion essentielle de la SPR est que le motif de l’appel présenté à la SAR est sa conclusion que les preuves de la demanderesse au sujet de sa conversion au christianisme, son mariage arrangé et sa crainte, n’étaient pas crédibles. La SAR s’est opposée à certaines des conclusions sur lesquelles la SPR s’est fiée pour conclure qu’elle n’était pas crédible, en a accepté d’autres, et, dans un cas, s’est fiée à un échange entre le membre de la SPR et la demanderesse lors de l’audience au sujet de la chronologie des événements, et a conclu qu’ils étaient trop fortuits pour être crédibles.

[30]      Contrairement aux décisions Ching et Husian, la SAR ne soulevait pas une nouvelle question; au contraire, elle examinait la question soulevée par la demanderesse, soit la conclusion qu’elle n’était pas crédible au sujet de sa conversion, de son mariage arrangé et de sa crainte. Elle aussi a trouvé qu’elle n’était pas crédible. Elle avait le droit, et était obligée d’examiner et d’évaluer les preuves depuis le début. C’est ce qu’elle a fait. Le fait qu’elle a perçu certains éléments de preuve différemment n’est pas une raison de contester la décision pour des motifs d’équité lorsqu’aucune nouvelle question n’a été soulevée.

[40]           Ce que je retiens de ce qui précède, c’est que dans le cadre d’un appel auprès de la SAR, lorsqu’aucune des parties ne soulève de question ou lorsque la SPR ne se prononce pas sur une question, il n’est généralement pas loisible à la SAR de soulever une question et de rendre une décision au sujet de celle-ci, car cela soulève un nouveau motif d’appel non identifié ou prévu par les parties, lequel est susceptible de violer l’obligation d’équité procédurale en privant la partie concernée de la possibilité de répondre. Cela est particulièrement vrai dans le contexte des conclusions quant à la crédibilité (Ching, aux paragraphes 65 à 76; Jianzhu, au paragraphe 12; Ojarike, aux paragraphes 14 à 23). Toutefois, en ce qui concerne les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit qui ne soulèvent aucune question de crédibilité, la SAR doit examiner attentivement la décision de la SPR, en appliquant la norme de la décision correcte, puis procéder à sa propre analyse du dossier pour déterminer si la SPR a commis une erreur. Le cas échéant, la SAR peut statuer sur l’affaire de manière définitive en substituant à la décision de la SPR sa propre décision sur le fond de la demande d’asile (Huruglica CAF, au paragraphe 103). La SAR doit alors instruire l’affaire comme une procédure d’appel hybride. La SAR n’est pas tenue de déférer aux conclusions de fait de la SPR (Huruglica CAF, au paragraphe 58). De plus, au moment d’examiner les questions soulevées par les parties, la SAR est en droit de procéder à une évaluation indépendante du dossier présenté à la SPR (Sary, au paragraphe 29; Haji, aux paragraphes 23 et 27; Ibrahim, au paragraphe 26) et de se référer à la preuve qui corrobore les constations ou les conclusions de la SPR (Kwakwa, au paragraphe 30; Sary, au paragraphe 31). À mon avis, le corollaire nécessaire de cette affirmation est que la SAR est également autorisée à se référer aux éléments de preuve contenus dans le dossier dont disposait la SPR pour expliquer pourquoi elle pense que la SPR a commis une erreur relativement à une question qui a été soulevée en appel ou pourquoi elle n’est pas d’accord avec les conclusions de fait de la SPR. Ces motifs, en soi, ne donnent pas lieu à une nouvelle question. Le fait que la SAR perçoive certains éléments de preuve différemment de la SPR n’est pas une raison de contester la décision de la SPR pour des motifs d’équité lorsqu’aucune nouvelle question n’a été soulevée (Ibrahim, au paragraphe 30).

[41]           En l’espèce, le demandeur cerne trois questions qui, selon lui, ont été présentées pour la première fois par la SAR. La première concerne la nature de l’exemption de service militaire du demandeur. Dans le cadre de son analyse de la crainte de persécution bien fondée, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas bénéficié d’une exemption permanente étant donné que l’avis d’exemption précisait qu’il pourrait être révoqué et, dans le cadre de son analyse de la protection de l’État, la SPR a déclaré que les Forces armées de Singapour avaient enfreint leurs propres dispositions en refusant d’accorder au demandeur une exemption permanente. Pour sa part, la SAR a fait remarquer que le demandeur avait soutenu que son exemption n’était pas permanente. La SAR n’a pas accepté cet argument et a plutôt estimé qu’il était raisonnable de conclure que l’exception était [traduction] « inclusive et permanente ». Ainsi, la question de la révocabilité ou de la permanence de l’exemption de service militaire du demandeur était manifestement une question sur laquelle la SPR et la SAR avaient formulé des conclusions, même si ces conclusions étaient différentes. Pour cette raison, cette question n’était pas nouvelle.

[42]           En outre, dans ses observations écrites devant la SAR, le défendeur avait fait valoir que la SPR avait commis une erreur en concluant que le demandeur était membre d’un groupe social en vertu de l’article 96 de la LIPR parce que son exemption était révocable et que le service militaire était obligatoire à Singapour. Dans ses observations au sujet de la protection de l’État, le défendeur a déclaré que la SPR avait procédé à une analyse très superficielle et que le demandeur n’avait pas fourni de preuve claire et convaincante que l’État était incapable de le protéger, affirmant que [TRADUCTION] « au contraire, l’État lui avait octroyé une exemption du service militaire, la seule solution possible dans les circonstances particulières du cas du défendeur ». En réponse, le demandeur a remis en cause la révocabilité de son exemption de service militaire dans le contexte de la protection de l’État. Il a fait valoir ce qui suit : [traduction] « L’état a fourni au [sic] demandeur une exemption qui est révocable à tout moment par l’autorité compétente. En outre, c’est sur l’exemption révocable que se fonde [sa] crainte d’être persécuté. [...] L’exemption révocable ne peut donc pas constituer une protection adéquate de l’État » (accent mis par le demandeur). Ainsi, le demandeur sollicitait une conclusion selon laquelle son exemption de service militaire était révocable et il a par conséquent soulevé la question en appel.

[43]           Le demandeur fait valoir que, pour que la SAR ait examiné la question de la permanence de l’exemption de service militaire, il a fallu que le défendeur la considère comme étant un motif d’appel. En outre, le fait que le demandeur a soulevé une question en réponse n’en fait pas un motif d’appel auquel la SAR peut répondre. Toutefois, comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mian, les questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties « et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties ». Cela ne signifie pas que seules les questions découlant de l’argumentation de l’appelant en appel peuvent être abordées par le décideur. De plus, l’alinéa 9(f)i) de la SAR exige que le ministre inclue dans son mémoire écrit des observations complètes et détaillées sur les erreurs qui constituent les motifs d’appel. De la même façon, le sous-alinéa 10(3)e)(i) des Règles de la SAR exige que le demandeur inclue dans son mémoire des observations complètes et détaillées concernant «  les motifs pour lesquels l’intimé conteste l’appel ». Le ministre peut répondre aux « motifs soulevés par l’intimé » conformément au sous-alinéa 11(2)c)(i) des Règles de la SAR. À mon avis, ces dispositions législatives n’appuient pas la position du demandeur selon laquelle les questions qu’il soulève en réponse ne peuvent pas être traitées par la SAR, ou que la SAR soulève une nouvelle question après avoir examiné ces questions.

[44]           En ce qui concerne la deuxième question qui, selon le demandeur, représente une nouvelle question, à savoir la discrimination en matière d’emploi, la SPR a conclu qu’il serait objectivement déraisonnable pour le demandeur de solliciter la protection de l’État pour contrer la discrimination alléguée par celui-ci en matière d’emploi. À l’inverse, la SAR a conclu que le demandeur pouvait se prévaloir d’une protection adéquate de l’état relativement à son emploi. Ainsi, là encore, la SPR et la SAR ont tiré des conclusions relativement à une question qui, d’après le demandeur, est nouvelle.

[45]           En outre, dans ses observations écrites à la SAR, le défendeur a soulevé l’allégation du demandeur selon laquelle, en raison de son exemption de service militaire, il est victime de discrimination dans sa recherche d’emploi et que cette discrimination constitue de la persécution. Le défendeur a affirmé que la SPR n’avait pas réussi à évaluer correctement si le demandeur avait été victime ou risquait d’être victime de discrimination équivalant à de la persécution. Dans le contexte de la protection de l’État, le défendeur a fait valoir que la SPR avait commis une erreur en omettant d’évaluer si les difficultés du demandeur à trouver un emploi étaient dues à son état de santé, à son exemption de service militaire ou à son manque de qualifications. En réponse, dans son mémoire, le demandeur a déclaré que [traduction] « [E]n ce qui concerne l’incapacité du demandeur à trouver du travail ou à subvenir à ses besoins, l’unique motif de persécution sur lequel il pourrait s’appuyer pour faire appel à la justice non militaire, la SPR a conclu qu’il serait objectivement déraisonnable de demander la protection de l’État ». Le demandeur a approuvé ce principe et d’autres motifs de la SPR.

[46]           À mon avis, à la suite des observations formulées par les deux parties, la SAR a dû examiner les éléments de preuve au dossier et en venir à sa propre conclusion au sujet de la discrimination en matière d’emploi. Ce faisant, la SAR avait le droit d’examiner le dossier soumis à la SPR, d’interpréter les éléments de preuve qu’elle considérait comme pertinents pour la question de la discrimination en matière d’emploi et de leur accorder de l’importance (Huruglica CAF, au paragraphe 103; LIPR, paragraphe 110(3)). De plus, comme l’a soutenu le défendeur, les conclusions de la SAR relativement à la protection de l’emploi visent les arguments du demandeur au sujet la discrimination en matière d’emploi et suggèrent d’éventuels moyens de protection contre la discrimination en matière d’emploi en soulignant l’existence d’une organisation gouvernementale, Job Club, qui aide les personnes souffrant de problèmes de santé mentale à trouver un emploi. Si elle n’était pas incluse dans aucun dossier d’appel, la preuve concernant Job Club figurait dans le dossier dont disposait la SPR et elle n’était pas nouvelle. La SAR y a fait référence pour expliquer sa conclusion selon laquelle la SPR avait commis une erreur dans son appréciation de la preuve ainsi que dans son analyse et ses conclusions au sujet de la protection de l’État. En d’autres termes, la SAR a mentionné cette preuve pour expliquer pourquoi elle était parvenue à une conclusion différente de celle de la SPR d’après son examen des motifs de la SPR et son évaluation indépendante du dossier.

[47]           Le demandeur affirme également que l’interprétation de la SAR de sa capacité à exercer un recours en dehors du système de justice militaire constitue une nouvelle question soulevée en appel. La SPR a conclu que, bien que Singapour soit une démocratie, la seule voie de recours pour le demandeur se trouvait au sein du système de justice militaire. La SAR a conclu que si la preuve documentaire indiquait que les militaires n’étaient pas autorisés à demander réparation en dehors de la justice militaire, le demandeur était désormais un civil et que, par conséquent, il avait le droit de demander réparation auprès des autorités civiles. Ainsi, la SPR et la SAR ont formulé des observations précises sur ce point.

[48]           Bien que le défendeur ne l’ait pas mentionné dans ses observations écrites à la SAR, le demandeur a remis en cause son recours limité auprès du système de justice militaire dans son exposé des arguments. Plus précisément, dans le cadre de ses observations sur la protection de l’État, le demandeur a fait valoir que les éléments de preuve devant la SPR établissaient clairement qu’il serait contraint de faire appel à la justice militaire et que : [traduction] « Le demandeur ne pourrait faire appel qu’à la justice militaire pour traiter les motifs, à une exception près, de persécution cumulative... ». Ainsi, la SAR n’a pas soulevé de nouvelle question lorsqu’elle a examiné la question de savoir si le demandeur était limité au système de justice militaire pour obtenir réparation à la suite de sa prétendue persécution. Au contraire, la SAR a abordé la question soulevée par le demandeur. Cependant, contrairement à la SPR, la SAR n’était pas d’avis que la seule voie de recours passait par le système de justice militaire. Au lieu de cela, la SAR a examiné le dossier et a conclu que le demandeur n’était plus un militaire et qu’il pouvait donc désormais accéder au système de justice civile. À mon avis, dans ces circonstances, la SAR avait le droit d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve depuis le début. Le fait qu’elle a perçu certains éléments de preuve différemment de la SPR n’est pas une raison de contester la décision pour des motifs d’équité.

[49]           En l’espèce, la SAR n’a soulevé aucune nouvelle question. Au contraire, l’évaluation de la preuve par la SAR diffère de celle de la SPR en ce qui concerne la révocabilité de l’exemption de service militaire du demandeur, la discrimination alléguée par celui-ci en matière d’emploi et le fait qu’il ne pouvait recourir qu’au système de justice militaire. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la SAR a outrepassé sa compétence en abordant de nouvelles questions ou qu’elle a manqué à son obligation d’équité procédurale.

Deuxième question en litige : La décision de la SAR est-elle raisonnable?

Observations du demandeur

[50]           Le demandeur soutient que la SAR doit clairement comprendre la situation personnelle d’un demandeur d’asile et que la SAR commet une erreur susceptible de révision si « aucun cadre propre au demandeur n’a été établi pour diriger l’analyse de la disponibilité de la protection de l’État » (Cobian Flores c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 503, au paragraphe 33). En outre, le traumatisme subi et l’identité de l’agent de persécution sont pertinents pour l’évaluation de la protection de l’État (Angeles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), au paragraphe 4;2008 CF 1013, Contreras Martinez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 343, aux paragraphes 9 et 10). De plus, « la fréquence et la gravité des violations sont importantes pour déterminer à la fois les mesures qu’un demandeur est censé prendre et le type de protection que l’État a pu assurer au cours d’une période déterminée » (Gonzalez Torres c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 234, au paragraphe 38 [Gonzalez Torres]). Le demandeur cite également des décisions de la Cour qui guident l’analyse de la protection offerte par l’État lorsque l’État est présumé être l’agent de persécution (Perez Vargas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 391, aux paragraphes 34 et 35; Leon Almaguer c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 807, au paragraphe 20).

[51]           Le demandeur soutient que la décision de la SAR était déraisonnable étant donné que son analyse de la question de la protection de l’État n’est pas reliée aux circonstances particulières du demandeur, n’a pas de fondement probatoire et a été faite sans tenir compte de la preuve. En outre, la SAR était tenue d’examiner sa nature vulnérable en raison de sa santé mentale, l’importance de l’identité de l’État en tant qu’agent de persécution, le potentiel du nouveau traumatisme provoqué par la proximité de cet agent, avant de se demander quelles possibilités de protection étaient offertes au demandeur et s’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’il poursuive ces voies de recours. Cependant, la SAR a effectué son analyse de la protection offerte par l’État dans un quasi vide factuel en évaluant s’il était objectivement raisonnable pour le demandeur d’accepter de se prévaloir de la protection de l’État. En adoptant simplement les conclusions de la SPR sur cette question, la SAR n’a pas satisfait à cette exigence.

[52]           Le demandeur soutient également que la SAR a tiré des conclusions fondées sur des faits déraisonnables concernant le statut permanent de son exemption de service militaire, la protection de l’emploi offerte à Singapour dans le cadre de programmes gouvernementaux et sa capacité à demander réparation auprès des autorités civiles.

[53]           Plus précisément, la SAR a déraisonnablement conclu que l’exemption de service militaire du demandeur était permanente alors que le libellé de l’exemption prévoyait clairement que l’exemption était révocable. De plus, elle ne s’est pas penchée sur la question de savoir si le refus du demandeur de retourner faire son service national se traduirait par davantage de persécution au moyen d’une peine d’emprisonnement d’une durée de 10 ans. En ce qui concerne la question de la protection de l’emploi, le demandeur dit que la décision de la SAR manque de justification lorsqu’elle affirme qu’un programme gouvernemental comme Job Club peut offrir une [traduction] « protection » en matière d’emploi. En outre, il affirme que la décision de la SAR manque de transparence, car elle ne détermine pas les autres « programmes gouvernementaux » présumés assurer une protection en matière d’emploi. Quant à la question de la réparation auprès des autorités civiles, le demandeur soutient que la SAR n’a pas précisé la signification du terme « autorités civiles » ni comment ces autorités sont censées assurer une protection au demandeur. Le demandeur affirme en outre que si la SAR suggère une protection au moyen du système policier ou judiciaire, la SAR est parvenue à ces deux conclusions sans tenir compte de la preuve.

Observations du défendeur

[54]           Le défendeur fait valoir qu’il est bien établi que la demande d’asile ne peut être tranchée qu’en fonction d’une protection adéquate de l’État. En effet, lorsque l’État offre une protection adéquate, la poursuite de l’analyse constitue une erreur. Cela est vrai même lorsque le profil psychologique du demandeur fait en sorte que ce dernier est réticent à se prévaloir de la protection de l’État (Foster, aux paragraphes 17, 21, 25 à 27).

[55]           Le défendeur soutient également que la SAR a pris en compte tous les éléments de preuve et arguments concernant la révocabilité de l’exemption de service militaire du demandeur, ainsi que la peine d’emprisonnement potentielle en cas de révocation de l’exemption et de refus du demandeur de poursuivre son service national, mais elle a raisonnablement conclu qu’il était plus probable qu’improbable que l’exemption médicale soit permanente. Le défendeur affirme que le demandeur demande à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et que cela dépasse le cadre du présent contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, le défendeur soutient que la révocabilité de l’exemption médicale n’est pas déterminante étant donné que la SAR était convaincue que même si l’État envisageait de la révoquer, les Forces armées de Singapour respecteraient probablement la loi et traiteraient le demandeur équitablement et raisonnablement comme elle l’avait fait par le passé.

[56]           Le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement conclu qu’en tant que non-militaire, le demandeur pouvait recourir au système de justice civile pour toute question relative aux Forces armées de Singapour. Il soutient en outre que le processus de contrôle judiciaire limite le demandeur à contester la conclusion de la SAR selon laquelle la justice militaire n’était pas sa seule forme de recours. Au lieu de cela, le demandeur traite le processus de contrôle judiciaire comme s’il s’agissait d’un appel de novo, et il tente tacitement de faire porter à la SAR le fardeau de justifier la disponibilité de la protection de l’État.

[57]           Le défendeur soutient que les conclusions de SAR relatives à la protection en matière d’emploi visent les arguments du demandeur quant à la discrimination en matière d’emploi. LA SAR a trouvé la preuve concernant Job Club dans le dossier dont disposait la SPR et, même s’il n’y avait pas d’autres organismes, il y avait au moins la possibilité de faire appel à Job Club. Lors de l’appel, le demandeur a fait fi de cette preuve et il essaie maintenant de présenter de nouveaux arguments pour expliquer pourquoi il refuserait de solliciter l’aide de Job Club. Ces nouveaux arguments ne relèvent pas du champ d’application du contrôle judiciaire et, encore une fois, le demandeur tente de faire porter indûment à la SAR le fardeau de prouver qu’une protection de l’État existe. Le défendeur note également que la SAR a dûment pris en considération les arguments et la preuve du demandeur concernant la discrimination en matière d’emploi, mais qu’elle avait également le droit de pondérer la preuve compensatoire de la protection de l’État qui figurait dans le dossier dont disposait la SPR.

Analyse

[58]           Au début de son analyse, la SAR fait référence à la jurisprudence de la Cour qui a jugé qu’une approche contextuelle est requise dans l’évaluation de la disponibilité de la protection de l’État. La SAR a également reconnu qu’elle devait prendre en considération la situation personnelle du demandeur, le risque particulier allégué, l’agent de persécution et les conditions dans le pays. Après avoir exposé le cadre juridique applicable, la SAR a pris en considération les motifs de la persécution subie par le demandeur, le fait que le demandeur alléguait que son persécuteur était l’État et la situation physiologique et psychologique du demandeur. Compte tenu de ces considérations, la SAR a alors conclu que le demandeur pouvait bénéficier de la protection de l’État en passant par le système de justice civile, le régime de national de santé de Singapour, et des organismes gouvernementaux tels que Job Club.

[59]           Par conséquent, à mon avis, et contrairement aux arguments du demandeur, dans son analyse de la protection de l’État, la SAR n’a pas fait abstraction de la situation personnelle du demandeur, y compris ses circonstances psychologiques, et elle n’a pas procédé à une analyse dans le vide. La SAR a procédé à une analyse de la situation personnelle du demandeur avant de conclure qu’il n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État.

[60]           La SAR a également examiné tous les points soulevés par le demandeur quant à la révocabilité de l’exemption de service militaire, y compris la formulation de l’avis d’exemption, la possibilité de révocation, l’état de santé physique et mental du demandeur et la peine d’emprisonnement potentielle en cas de révocation de l’exemption et de refus du demandeur de poursuivre sa formation dans le cadre du service national. Après avoir évalué et soupesé la totalité de la preuve, la SAR a ensuite conclu que l’exemption de service militaire était permanente.

[61]           À mon avis, l’évaluation par la SAR de l’exemption en tant qu’exemption « permanente » était déraisonnable. L’article 29 de la Enlistment Act (loi sur l’enrôlement) stipule que l’autorité compétente peut, au moyen d’un avis, dispenser une personne de tout ou partie de la responsabilité qui lui incombe en vertu de cette loi.

[62]           De plus, dans une lettre datée du 23 mai 2014, le demandeur a reçu un avis qui précisait ce qui suit : [traduction]

THE ENLISTMENT ACT (CAP.93)

AVIS D’EXEMPTION

1.    Le présent avis vous informe qu’en vertu de l’article 29 de la Enlistment Act (Cap. 93), vous êtes exempté de ce qui suit :

a.    Service national à temps plein

b.    Service national opérationnel

c.    Obligation d’obtenir un permis de sortie

2.    Cette exemption prend effet à partir du 28 mai 2014 et elle s’applique sauf si elle est révoquée par la suite par l’autorité compétente lorsque cela est jugé opportun.

[63]           L’article 30 de la Enlistment Act est libellé en partie comme suit : [traduction]

(4) Une ordonnance ou un avis délivrés en vertu de la présente loi demeurent en vigueur jusqu’à ce qu’ils soient respectés ou révoqués et une personne qui ne se conforme pas à une telle ordonnance ou à un tel avis au moment déterminé doit s’y conformer le plus tôt possible.

(5) Une ordonnance, un avis, un permis ou une convocation délivrés ou établis en vertu de la présente loi peuvent être soumis à des conditions et peuvent être révoqués à tout moment.

[64]           Ainsi, à la simple lecture de ces dispositions, il est clair que l’exemption de service militaire est révocable. Cependant, l’interprétation contraire faite par la SAR ne rend pas déraisonnable sa décision finale sur la question de la protection de l’État. Il est clair que la SAR a également examiné les circonstances de fait qui ont conduit à l’exemption délivrée. Elle avait mentionné que le demandeur avait effectué deux mois de service avant de bénéficier de l’exemption et que les autorités avaient agi raisonnablement et rapidement en prenant cette décision. En outre, la preuve documentaire indiquait que la sécurité des conscrits était prise au sérieux, faute de quoi il s’ensuivait souvent un examen public approfondi. De plus, des éléments de preuve concernant des personnes en situation similaire démontraient que Singapour avait adopté des mesures pour gérer l’incapacité physique et mentale des membres du service national et les mauvais traitements qu’ils subissent de la part d’autres membres de l’armée. Plus important encore, la SAR a conclu que le demandeur avait bénéficié de l’application régulière de la loi lors de la présentation de son témoignage médical à l’appui de ses incapacités et de son inaptitude au service et que, si Singapour devait envisager la révocation de son exemption, il aurait une nouvelle fois droit à l’application régulière de la loi. De plus, s’il a été victime d’abus ou de corruption dans le cadre de la révocation, des mécanismes efficaces étaient en place pour y remédier.

[65]           Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur a soutenu devant la SAR que la justice militaire était la seule forme de recours disponible pour répondre à la persécution que les Forces armées de Singapour lui auraient infligée. La SAR était en désaccord avec la position du demandeur au motif que, en tant que non-militaire, son recours pour sa persécution alléguée ne se limitait pas au système de justice militaire. Après avoir examiné la preuve documentaire au dossier dont disposait la SPR, la SAR a noté que les autorités civiles maintenaient un contrôle effectif sur les forces armées à Singapour et a conclu que ces autorités pourraient répondre comme il se doit à toutes les questions ou plaintes du demandeur relativement aux actions des Forces armées de Singapour et les traiter. Le demandeur conteste la déclaration de la SAR selon laquelle il a [traduction] « le droit de demander réparation auprès des autorités civiles » puisque la déclaration ne précise pas la signification du terme « autorités civiles » ou comment ces autorités doivent assurer la protection du demandeur. Le demandeur affirme également que la déclaration a été faite sans tenir compte de la preuve.

[66]           Toutefois, il convient de rappeler qu’il est présumé que les États ont tous la capacité et la volonté d’assurer une protection efficace à leurs citoyens (Canada (procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689, à la page 725 [Ward]). Cette présomption crée de ce fait un fardeau de preuve qu’un demandeur d’asile est tenu de réfuter. Un demandeur d’asile doit donc fournir une preuve claire et convaincante, qui est à la fois pertinente et fiable, et suffisante pour convaincre le tribunal que la protection de l’État est inadéquate (Flores Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94; Gonzalez Torres, au paragraphe 27). Toutefois, en l’espèce, le demandeur tente de faire porter à la SAR le fardeau d’établir que la protection de l’État existe par l’entremise des autorités civiles. La décision de la SAR sur la question de la protection de l’État ne peut pas être considérée comme déraisonnable pour les motifs allégués par le demandeur.

[67]           En outre, dans la plupart des cas, un demandeur d’asile doit fournir la preuve qu’il a sollicité la protection de l’État et que cette protection n’a jamais été assurée. Cependant, il n’a pas à solliciter la protection de l’État s’il est objectivement raisonnable de présumer qu’elle ne serait pas assurée. Comme l’a fait remarquer la Cour dans l’arrêt Ward : « [...] le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d’un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l’encontre de l’objet de la protection internationale » (à la page 724). Dans la présente affaire, le demandeur n’a pas demandé la protection de l’État avant de fuir vers le Canada et la SAR a estimé qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable de sa part de le faire. À mon avis, la conclusion de la SAR en ce qui concerne la disponibilité des recours auprès des autorités civiles n’était pas déraisonnable.

[68]           Le demandeur conteste également la référence de la SAR aux [traduction] « programmes gouvernementaux tels que Job Club » comme source de « protection en matière d’emploi ». Même si je suis d’accord avec le demandeur que ni la SAR ni le dossier ne définissent d’autres programmes gouvernementaux, cette question n’est pas pertinente. En outre, il ne suffit pas de souligner les éléments de preuve présentés par le demandeur à l’appui de son allégation qu’il ne pourra pas obtenir un emploi à Singapour en raison de son exemption de service militaire pour que la décision de la SAR soit déraisonnable. La SAR a examiné les arguments et les éléments de preuve du demandeur sur cette question, mais elle n’a pas estimé que le demandeur s’était acquitté du fardeau de présenter une preuve claire et convaincante.

[69]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR est justifiable, transparente, intelligible et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

Question à certifier

[70]           Le demandeur a proposé la question à certifier suivante :

Lorsque le ministre interjette appel à la Section d’appel des réfugiés d’une décision favorable de la Section de la protection des réfugiés, est-ce qu’il incombe à l’intimé/au demandeur de démontrer que la décision devrait être maintenue ou est-ce qu’il incombe à l’appelant/au ministre de démontrer que la décision devrait être renversée?

[71]           Le défendeur s’oppose à la question proposée et il soutient qu’elle n’est pas déterminante.

[72]           Conformément à l’alinéa 74(d) de la LIPR, un appel ne peut être lancé auprès de la Cour d’appel fédérale que si le juge, en rendant sa décision, certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci. Le critère à appliquer au moment de déterminer si une question sied à une certification est énoncé dans Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168 :

[9]        Il est de droit constant que, pour être certifiée, une question doit i) être déterminante quant à l’issue de l’appel, ii) transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. En corollaire, la question doit avoir été soulevée et examinée dans la décision de la cour d’instance inférieure, et elle doit découler de l’affaire, et non des motifs du juge (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Liyanagamage, 176 N.R. 4, 51 A.C.W.S. (3d) 910 (C.A.F.), au paragraphe 4; Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Zazai, 2004 CAF 89,[2004] A.C.F. no 368 (C.A.)  aux paragraphes 11 et 12; Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129, aux paragraphes 28, 29 et 32).

[73]           À mon avis, la question proposée par le demandeur ne répond pas au critère relatif à la certification, car elle ne soulève aucune question grave de portée générale. Dans la mesure où il y a un « fardeau », comme le présente le demandeur dans la question certifiée, il fait l’objet de la jurisprudence constante. Comme il est indiqué plus haut, le paragraphe 110(1) de la LIPR prévoit qu’une personne ou le ministre peut interjeter appel devant la SAR d’une décision de la SPR, en conformité avec cette disposition et les Règles de la SAR. Lorsque le ministre est l’appelant, en vertu de l’alinéa 9(2)f) des Règles de la SAR, il incombe au ministre d’identifier dans son mémoire les erreurs qui constituent les motifs de l’appel et l’endroit où se trouvent ces erreurs dans les motifs écrits de la décision de la SPR ou dans la transcription ou dans tout enregistrement audio ou électronique de l’audience tenue devant cette dernière. L’alinéa 10(3)e) des Règles de la SAR exige que le défendeur définisse les motifs pour lesquels il conteste l’appel. Conformément au sous-alinéa 11(2)c)(i) des Règles de la SAR, le ministre peut répondre à ces motifs. Une fois que les motifs d’appel ont été définis, la SAR doit examiner la décision de la SPR conformément à la norme et l’orientation établies par la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Huruglica CAF (Ghauri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548, aux paragraphes 30 à 33).

[74]           La certification de la question proposée ne serait pas non plus déterminante pour la demande. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, la demande est rejetée parce que la SAR n’a pas soulevé de nouvelle question et n’a pas manqué à son devoir d’équité procédurale. La décision de la SAR est également raisonnablement sur le fond. Par conséquent, la question ne sera pas certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

3.      Aucune question n’est certifiée.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-243-16

 

INTITULÉ :

JEDIDIAH IAN ZHI TAN (AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE JEDIDIAH IAN TAN ZHI AN) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 juillet 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Erin C. Roth

 

Pour le demandeur

 

Marjan Double

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.