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Date : 20160628


Dossier : IMM-2696-16

Référence : 2016 CF 730

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 juin 2016

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

ZOLTAN DANYI

VERONIKA MATYAS

ALEX DANYI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

(Motifs prononcés à l’audience, le 27 juin 2016.)

[1]               Les demandeurs sont une famille d’origine rom provenant de la Hongrie. Zoltan Danyi et Veronika Matyas forment un couple. Leur fils, Alex Danyi, a cinq ans.

[2]               Les demandeurs se sont présentés à la Cour avec une demande de sursis de renvoi qui entrerait en vigueur ce soir. Une demande sous-jacente d’autorisation et de contrôle judiciaire a été soumise à la Cour en ce qui a trait au rejet d’une demande de report par un agent chargé du renvoi. De plus, une demande aux motifs d’ordre humanitaire a été soumise par les demandeurs.

[3]               La Cour reconnaît les éléments de preuve démontrant un préjudice psychologique grave qui n’ont pas été pris en compte relativement à la demanderesse. Il semblerait qu’elle songerait au suicide en raison du traumatisme causé par l’idée de retourner en Hongrie.

[4]               De plus, il ressort du dossier que l’intérêt supérieur de l’enfant quant au trouble de stress post-traumatique possible qui a été diagnostiqué selon la preuve n’a pas été pris en considération (mentionné plus bas dans l’arrêt Kanthasamy de la Cour suprême).

[5]               Comme l’a indiqué précédemment le soussigné dans la décision Csonka c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1056 :

[68]      Pour savoir si la situation que subissent les demandeurs équivaut à de la persécution, il faut déterminer si leurs droits fondamentaux de la personne sont menacés « de façon importante » (Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593, au paragraphe 70; Sadeghi-Pari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 282). En tranchant cette question, la Commission doit tenir compte de l’effet cumulatif des incidents de persécution (Munderere c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 84).

[69]      La preuve documentaire sur la situation générale qui règne en Hongrie pour les Roms soulève de graves préoccupations quant aux droits de la personne. Les obstacles en matière d’éducation, d’emploi, de logement, d’économie et de santé ainsi que la violence dirigée contre les Roms dont la preuve fait état montrent que les conditions dans lesquelles certains Roms vivent en Hongrie pourraient équivaloir à de la persécution.

[6]               La Cour fait aussi précisément référence aux décisions Bors c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1004 et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Racz, 2015 CF 218, qui démontrent toutes deux le degré de persécution que subissent les Roms, très souvent mentionné dans la preuve. Une analyse adéquate doit donc être faite par rapport au pays d’origine et aux nouveaux développements touchant certains Roms qui y vivent.

[7]               Il est fait référence à la décision récente de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, aux paragraphes 35, 36 et 40 :

[35]      L’application du principe de l’» intérêt supérieur de l’enfant [...] dépen[d] fortement du contexte » en raison de « la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant » (Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, par. 11; Gordon c. Goertz, [1996] 2 R.C.S. 27, par. 20). Elle doit donc tenir compte de l’âge de l’enfant, de ses capacités, de ses besoins et de son degré de maturité (voir A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), [2009] 2 R.C.S. 181, par. 89). Le degré de développement de l’enfant déterminera l’application précise du principe dans les circonstances particulières du cas sous étude.

[36]      La protection des enfants par l’application du principe de l’» intérêt supérieur de l’enfant » fait l’objet d’une reconnaissance générale dans le système de justice canadien (A.B. c. Bragg Communications Inc., [2012] 2 R.C.S. 567, par. 17). Il s’agit dès lors [traduction] « de décider de ce qui [...], dans les circonstances, paraît le plus propice à la création d’un climat qui permettra le plus possible à l’enfant d’obtenir les soins et l’attention dont il a besoin » (MacGyver c. Richards (1995), 22 O.R. (3d) 481 (C.A.), p. 489).

[…]

[40]      Lorsque, comme en l’espèce, la loi exige expressément la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant « directement touché », cet intérêt représente une considération singulièrement importante dans l’analyse (A.C., par. 80-81). Les Lignes directrices ministérielles font état des facteurs pertinents pour les besoins de cette analyse :

En général, les facteurs liés au bien‑être émotionnel, social, culturel et physique de l’enfant doivent être pris en considération lorsqu’ils sont soulevés. Voici quelques exemples de facteurs qui peuvent être soulevés par le demandeur :

• l’âge de l’enfant;

• le degré de dépendance entre l’enfant et [l’auteur de la demande de dispense pour considérations d’ordre humanitaire] ou entre l’enfant et son répondant;

• le degré d’établissement de l’enfant au Canada;

• les liens de l’enfant avec le pays à l’égard duquel la demande [de dispense pour considérations d’ordre humanitaire] est examinée;

• les conditions qui règnent dans ce pays et l’incidence possible sur l’enfant;

• les problèmes de santé ou les besoins particuliers de l’enfant, le cas échéant;

• les conséquences sur l’éducation de l’enfant;

• les questions relatives au sexe de l’enfant.

(Traitement des demandes au Canada, section 5.12)

[8]               Pour tous les motifs qui précèdent, le critère à trois volets énoncé dans l’arrêt Toth est entièrement rempli en faveur des demandeurs.

[9]               Par conséquent, la demande de sursis de renvoi est accueillie en attendant le règlement définitif de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en suspens.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis de renvoi des demandeurs soit accueillie, en attendant le règlement définitif de la demande de contrôle judiciaire en suspens.

OPINION INCIDENTE

Il est suggéré, de manière exceptionnelle, que les facteurs d’ordre humanitaire soient évalués avant le renvoi, puisque la preuve documentaire démontre un degré élevé de persécution en ce qui a trait à certains Roms dans le pays d’origine concerné et dans les circonstances décrites par les demandeurs.

La Cour reconnaît pleinement qu’il n’est pas de sa compétence ou de son pouvoir discrétionnaire de décider du moment et des questions de fond des facteurs d’ordre humanitaire. Il revient à l’autorité désignée par le gouvernement de les évaluer.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2696-16

 

INTITULÉ :

ZOLTAN DANYI, VERONIKA MATYAS, ALEX DANYI c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

REQUÊTE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 27 JUIN 2016 À OTTAWA (ONTARIO) ET À TORONTO (ONTARIO)

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juin 2016

 

OBSERVATIONS ORALES ET ÉCRITES :

Amedeo Clivio

 

Pour les demandeurs

 

Judy Michaely

 

Pour lE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Amedeo Clivio, J.D.

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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