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Date : 20160727


Dossier : T-1445-15

Référence : 2016 CF 879

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

VALENZUELA, JUAN LUIS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  L’aperçu

[1]  Suffit-il qu’une demande de citoyenneté ait été envoyée aux autorités canadiennes pour qu’elle soit considérée comme ayant été « présentée » avant la date à laquelle sont entrées en vigueur les nouvelles exigences statutaires pour obtenir la citoyenneté canadienne contenues dans la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, LC 2014, c 22 [Loi renforçant la citoyenneté canadienne]? Voilà la question que soulève la demande de contrôle judiciaire déposée par M. Juan Luis Valenzuela dans le présent dossier.

[2]  M. Valenzuela est un citoyen chilien, résident permanent canadien depuis août 2010. Aux termes d’une décision émise en date du 10 août 2015 par Citoyenneté et Immigration Canada [CIC], CIC a refusé la demande de citoyenneté canadienne présentée par M. Valenzuela au motif qu’elle est incomplète car M. Valenzuela a utilisé une version périmée du formulaire de demande de citoyenneté.

[3]  Le 9 juin 2015, M. Valenzuela avait, à partir du Chili, envoyé sa demande de citoyenneté par messager privé. Sa demande n’a toutefois été reçue par CIC à ses bureaux de Sydney au Canada que le 12 juin 2015. Or, dans l’intervalle, soit le 11 juin, les dispositions législatives amendant les exigences en matière d’obtention de citoyenneté sont entrées en vigueur, ce qui rendait irrecevables, selon CIC, les demandes présentées sur la foi des anciennes dispositions et appuyées des précédents formulaires désormais caducs.

[4]  M. Valenzuela demande le contrôle judiciaire de cette décision de CIC. Il plaide qu’en rendant sa décision, CIC a erré dans son interprétation de la disposition transitoire contenue au paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, établissant qu’une demande doit être « présentée » avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions pour bénéficier de l’ancien régime. M. Valenzuela ajoute qu’en refusant ainsi péremptoirement sa demande, CIC a enfreint les règles de l’équité procédurale. M. Valenzuela demande donc à la Cour d’annuler la décision de CIC et de retourner le dossier à CIC pour que sa demande soit évaluée sur la foi du dossier soumis et en vertu des dispositions applicables au moment de l’envoi de sa demande.

[5]  La présente affaire porte sur l’interprétation de la disposition transitoire contenue au paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Les questions en litige soulevées par M. Valenzuela sont au nombre de deux. D’une part, CIC a-t-elle erré en concluant que la demande de M. Valenzuela reçue par CIC le 12 juin 2015 a été « présentée » à cette date aux fins du paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne? D’autre part, la décision de CIC de refuser la demande de M. Valenzuela porte-t-elle atteinte à l’équité procédurale?

[6]  Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Valenzuela doit échouer. En effet, je ne décèle dans la décision de CIC et dans son interprétation législative aucune erreur qui justifierait l’intervention de la Cour. Je suis plutôt d’avis que l’interprétation retenue par CIC non seulement est raisonnable et fait clairement partie des issues possibles acceptables dans les circonstances, mais qu’elle est éminemment correcte. Par ailleurs, la demande de contrôle judiciaire ne soulève aucune question d’équité procédurale.

II.  Le contexte

A.  Les faits

[7]  Les faits pertinents se résument simplement. En décembre 2010, M. Valenzuela commence à travailler pour la compagnie canadienne Fordia à Montréal. En janvier 2012, il est transféré aux bureaux de l’entreprise au Chili. À l’hiver 2015, M. Valenzuela amorce la préparation de sa demande de citoyenneté canadienne. Il ne réussit à rassembler toutes les pièces à l’appui de la demande que le 8 juin 2015. Le 9 juin, il envoie sa demande de citoyenneté complète à CIC par l’entremise de l’entreprise de courrier privée Globex. La demande n’est toutefois reçue par CIC que le 12 juin 2015.

[8]  Au début juillet 2015, M. Valenzuela reçoit un avis de CIC lui indiquant que les demandes de citoyenneté reçues à partir du 11 juin 2015 sont évaluées en vertu des nouvelles dispositions législatives entrées en vigueur à cette date, et que sa demande doit donc être refaite à l’aide des nouveaux formulaires. M. Valenzuela demande à CIC de reconsidérer sa décision. Le 10 août 2015, CIC refuse la demande de reconsidération de M. Valenzuela et lui indique que sa demande de citoyenneté doit être effectuée avec les nouveaux formulaires.

[9]  La décision de CIC est laconique et se résume à peu de choses. En effet, CIC y dit simplement que la demande de citoyenneté de M. Valenzuela est considérée comme « incomplète et n’a pas été traitée » car M. Valenzuela a utilisé et présenté « une version périmée du formulaire de demande de citoyenneté ». Elle invite M. Valenzuela à soumettre sa demande à nouveau en utilisant la version actuelle du formulaire.

B.  Les dispositions législatives pertinentes

[10]  Le 19 juin 2014, la Loi renforçant la citoyenneté canadienne reçoit la sanction royale. Une des dispositions de cette nouvelle loi, soit son paragraphe 3(1), modifie l’obligation de « résidence » contenue aux alinéas 5(1)c) à e) de la Loi sur la citoyenneté canadienne, LRC 1985, c 29 [Loi sur la citoyenneté], et remplace ainsi les exigences de résidence pour l’obtention de la citoyenneté canadienne par un nouveau régime.

[11]  L’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté constitue la pierre angulaire du régime d’accession à la citoyenneté canadienne. Auparavant, avant l’entrée en vigueur des amendements apportés par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, il suffisait de « résider » au Canada pendant au moins trois années sur quatre (soit 1 095 jours) pour être admissible à la citoyenneté. La présence physique au Canada n’était pas nécessairement obligatoire. Aux termes de la jurisprudence développée par cette Cour, trois avenues s’offraient alors au juge de la citoyenneté chargé d’évaluer si un demandeur de citoyenneté satisfait au critère de résidence. Le ou la juge de la citoyenneté pouvait appliquer soit (i) le critère développé dans l’affaire Pourghasemi (Re), [1993] ACF no 232, suivant lequel la résidence s’établit par un calcul strict des jours où le demandeur était réellement au Canada (calcul dont le total devait s’élever à au moins 1 095 jours de résidence au pays au cours des quatre années précédant la demande), soit (ii) celui établi par l’affaire Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 CF 208, un critère plus souple reconnaissant qu’une personne pouvait résider au Canada même si elle en était temporairement absente, pour autant qu’elle conservait de solides attaches avec le Canada, soit, enfin, (iii) celui découlant de l’affaire Koo (Re), [1993] 1 CF 286, qui définissait la résidence comme étant le lieu où une personne « vit régulièrement, normalement ou habituellement » et où elle a « centralisé son mode d’existence ».

[12]  Le paragraphe 3(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne modifie cette obligation de résidence contenue à l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté en remplaçant notamment l’alinéa 5(1)c). Dorénavant, avec la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, une personne doit avoir résidé au Canada pendant quatre années sur six (soit 1 460 jours) pour être admissible à la citoyenneté, et elle doit au surplus avoir été effectivement présente physiquement au Canada pendant au moins 183 jours par année au cours de quatre années sur les six. De plus, une personne doit démontrer avoir l’« intention de résider » au Canada.

[13]  La disposition transitoire contenue au paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne prévoit pour sa part ce qui suit :

31. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la demande qui a été présentée en vertu des paragraphes 5(1), (2) ou (5), 5.1(1), (2) ou (3), 9(1) ou 11(1) de la Loi sur la citoyenneté avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(7) et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par:

31. (1) Subject to subsections (2) and (3), an application that was made under subsection 5(1), (2), or (5), 5.1(1), (2) or (3), 9(1) or 11(1) of the Citizenship Act before the day on which subsection 3(7) comes into force and was not finally disposed of before that day is to be dealt with and disposed of in accord­ance with

a) cette loi, dans sa version antérieure à cette date, exception faite de l’article 3, du paragraphe 5(4), des articles 5.1 et 14 et de l’alinéa 22(1)f);

(a) the provisions of that Act — except section 3, subsection 5(4), sections 5.1 and 14 and paragraph 22(1)(f) — as they read immediately before that day; and

b) les dispositions ci-après de cette loi, dans leur version à cette date:

(b) the following provisions of that Act as they read on that day:

(i) l’article 3,

(i) section 3,

(ii) l’alinéa 5(2)b) et le paragraphe 5(4),

(ii) paragraph 5(2)(b) and subsection 5(4),

(iii) l’article 5.1, exception faite de l’alinéa (1)c.1),

(iii) section 5.1 other than paragraph (1)(c.1),

(v) les alinéas 22(1)a.1), a.2), b.1), e.1), e.2) et f) et les paragraphes 22(1.1), (3) et (4).

(v) paragraphs 22(1)(a.1), (a.2), (b.1), (e.1), (e.2) and (f) and subsections 22(1.1), (3) and (4).

(Nos soulignements.)

[14]  Aux termes du paragraphe 46(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la modification aux obligations de résidence contenue au paragraphe 3(1) de la loi doit entrer en vigueur par décret, à la date fixée par le gouverneur en conseil. Bien que la Loi renforçant la citoyenneté canadienne ait été sanctionnée le 19 juin 2014, le paragraphe 3(1) n’entre pas en vigueur immédiatement à cette date. Ce n’est en effet que le 4 juin 2015 que le gouvernement canadien adopte un décret fixant au 11 juin 2015 la date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(1), et donc du nouvel alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté modifiant les exigences de résidence pour obtenir la citoyenneté canadienne. Dans un communiqué de presse du 5 juin 2015, le gouvernement informe le public que ces dispositions de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne portant sur les exigences de résidence entreront en vigueur le 11 juin 2015. Le 11 juin 2015, les nouvelles dispositions de la loi entrent donc en vigueur en vertu du décret et, le 17 juin 2015, le décret est publié dans la Gazette du Canada.

C.  La norme de contrôle

[15]  La première question soulevée par M. Valenzuela en est une d’interprétation législative, et plus particulièrement du sens à donner aux mesures transitoires contenues à la Loi renforçant la citoyenneté canadienne.

[16]  Il ne fait pas de doute que la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, tout comme la Loi sur la citoyenneté qu’elle a pour effet de modifier, font partie des lois habilitantes que CIC a pour mandat d’administrer et d’appliquer. Or, depuis l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, la Cour suprême a maintes fois rappelé la présomption voulant que « la décision d’un tribunal administratif interprétant ou appliquant sa loi habilitante est assujettie au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable » (Commission scolaire de Laval c Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, 2016 CSC 8 au para 32; B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58 au para 25; Wilson c Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 47 au para 17; ATCO Gas and Pipelines Ltd c Alberta (Utilities Commission), 2015 CSC 45 au para 28; Tervita Corp. c Canada (Commissaire de la concurrence), 2015 CSC 3 au para 35).

[17]  Bien sûr, cette présomption n’est pas irréfragable. Elle peut être repoussée et voir alors la norme de contrôle de la décision correcte s’appliquer, lorsque nous sommes en présence d’un des facteurs que la Cour suprême a d’abord énoncés dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] aux para 43-64 et réitérés récemment dans Mouvement laïque québécois c Saguenay (Ville), 2015 CSC 16 aux para 46-48. C’est le cas lorsqu’une analyse contextuelle révèle une intention claire du législateur de ne pas protéger la compétence du tribunal à l’égard de certaines questions; lorsqu’une compétence concurrente et non exclusive de plusieurs cours existe sur un même point de droit; lorsque se soulève une question de droit générale d’importance pour le système juridique et étrangère au domaine d’expertise du tribunal administratif spécialisé; ou encore lorsqu’une question constitutionnelle est en jeu.

[18]  Il est indéniable qu’aucun de ces cas de figure n’existe en l’espèce et que la présomption établie par l’arrêt Alberta Teachers n’est donc pas réfutée ici. La question d’interprétation que soulève la demande introduite par M. Valenzuela porte sur une loi étroitement liée au mandat de CIC et elle n’appartient pas à la catégorie restreinte de questions pour lesquelles l’arrêt Dunsmuir et sa progéniture prévoient l’application de la norme de la décision correcte. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable. Suivant cette norme, la décision de CIC doit ainsi bénéficier de la déférence de la Cour.

[19]  Ce caractère raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à l’appartenance de la décision « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au para 47). Les motifs d’une décision sont considérés raisonnables « s'ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses] au para 16). Dans ce contexte, la Cour doit faire preuve de retenue envers la décision du tribunal et ne peut lui substituer ses propres motifs. Elle peut toutefois, au besoin, examiner le dossier pour mesurer et apprécier le caractère raisonnable de la décision (Newfoundland Nurses au para 15).

[20]  Dans certains cas, l'éventail des issues acceptables sera vaste alors que, dans d'autres, il sera plus étroit (McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67 [McLean] aux para 37 à 41; Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2 aux para 17, 18 et 23; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 [Khosa] au para 59). La Cour suprême a d’ailleurs tout récemment rappelé, en obiter, que même l’exercice d’interpréter une loi se soldera généralement par plusieurs issues raisonnables (Wilson c Énergie Atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29 au para 34). De rares occasions peuvent toutefois survenir où une seule lecture des faits et du droit peut se justifier et qu’aucun autre résultat n’appartient alors aux issues raisonnables (McLean aux para 26-27; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2011 CSC 53 au para 22).

[21]  La seconde question soulevée par le recours de M. Valenzuela en est une d’équité procédurale et, à ce chapitre, la norme de révision applicable est celle de la décision correcte (Khosa au para 43; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79). La question qui se pose alors n’est pas tant de savoir si la décision est correcte, mais plutôt si le processus suivi par le décideur a été équitable (Majdalani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 294 au para 15; Krishnamoorthy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1342 au para 13).

III.  L’analyse

A.  CIC a-t-elle erré en concluant que la demande de M. Valenzuela reçue par CIC le 12 juin 2015 a été « présentée » à cette date aux fins du paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne?

[22]  M. Valenzuela soutient que l’article 31 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne s’applique à une demande qui a été « présentée » (en anglais, à une « application that was made »), sans nuance quant au moment de la réception de la demande. Il soumet que cette disposition transitoire ne suggère aucunement que les demandes envoyées avant l’entrée en vigueur du nouvel alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté doivent avoir été reçues pour être acceptables. Aussi, prétend M. Valenzuela, puisque sa demande de citoyenneté a bel et bien été postée avant le 11 juin 2015, elle répond aux exigences des mesures transitoires et il est en droit de bénéficier du régime de citoyenneté en place au Canada avant cette date.

[23]  M. Valenzuela ajoute que les dispositions transitoires doivent être interprétées libéralement et que, suivant cette approche, une demande « présentée » avant le 11 juin 2015 doit simplement signifier une demande déposée ou envoyée avant le 11 juin 2015, et non une demande reçue avant cette date butoir. M. Valenzuela soumet que l’interprétation littérale sur laquelle se rabat le ministre est inadéquate et déraisonnable : le mot présenter peut également vouloir dire exprimer ou formuler, et il n’implique pas nécessairement la réception de l’objet par l’interlocuteur. Selon lui, le terme « présentée » ne saurait être plus restreint que sa traduction anglaise « made » utilisée dans la Loi renforçant la citoyenneté canadienne.

[24]  M. Valenzuela plaide également qu’il aurait été incongru d’octroyer aux administrés à peine deux jours d’affaires (le lundi 8 juin et le mardi 9 juin) pour se positionner après le communiqué de presse du gouvernement émis le vendredi 5 juin, et contraindre que les demandes de citoyenneté parviennent à CIC dans les 48 heures suivant le décret annonçant leur entrée en vigueur. Selon M. Valenzuela, une telle exigence tranche avec le traitement de plusieurs autres types de demandes en matière d’immigration qui comportent des délais serrés. M. Valenzuela réfère à ce chapitre aux demandes d’évaluation des risques avant renvoi, pour lesquelles il est de connaissance d’office que le cachet de poste fait foi du dépôt, et aux demandes humanitaires pour les ressortissants d’Haïti suite à la fin du moratoire sur le renvoi vers ce pays, qui ont adopté la même approche du cachet de poste. M. Valenzuela avance que, sur la foi de ces précédents, CIC aurait dû considérer une demande de citoyenneté comme étant « présentée » au moment de son dépôt.

[25]  Enfin, M. Valenzuela fait valoir que l’intention du législateur ne peut avoir été de disqualifier un grand nombre de demandeurs de citoyenneté en imposant des délais extrêmement stricts. L’objectif des amendements était plutôt d’assurer la certitude de la mise en vigueur de nouvelles dispositions. Or, retenir que les demandes envoyées avant le 11 juin 2015 sont des demandes « présentées » n’aurait réduit ni l’efficacité ni la certitude de la mise en place des nouvelles dispositions. Au contraire, dit M. Valenzuela, cette interprétation aurait permis le traitement équitable des demandes envoyées avant le 11 juin 2015.

[26]  Je ne partage pas la position de M. Valenzuela et je ne suis pas convaincu par ses arguments. La question soulevée en est une d’interprétation d’une disposition législative transitoire contenue dans le champ d’expertise de CIC, et il suffit que la décision de CIC soit raisonnable et appartienne aux issues possibles acceptables pour être maintenue. Je considère que c’est manifestement le cas ici.

[27]  Il est bien établi qu’en matière d’interprétation des lois, il faut suivre l’approche moderne et contextuelle consacrée par la Cour suprême dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21. Cette approche oblige à lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, son objet et l’intention du législateur, conformément au « principe moderne » d’interprétation législative préconisé par Drieger (Construction of Statutes, 2e éd 1983, à la p 87). Ceci requiert que « l’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble » (Hypothèques Trustco Canada c Canada, 2005 CSC 54 au para 10). La Cour d’appel fédérale a d’ailleurs récemment reconnu que cette approche doit prévaloir au niveau de l’interprétation de l’article 5.1 de la Loi sur la citoyenneté (Canada (Citizenship and Immigration) v Young, 2016 FCA 183 au para 8).

[28]  Par ailleurs, lorsque l’exercice d’interprétation implique une loi bilingue, il est aussi nécessaire de déterminer s’il y a un sens commun aux deux versions de la loi. Si l’une des deux versions possède un sens plus large que l’autre, le sens le plus limité devrait être utilisé, dans la mesure où cette version est compatible avec l’intention du législateur. Ainsi, « toute divergence entre les deux versions officielles d’un texte législatif est résolue en dégageant, si c’est possible, le sens qui est commun aux deux versions » (R c Daoust, 2004 CSC 6 [Daoust] au para 26, citant Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 3e éd, Montréal, Thémis, 1999 à la p 410). L’interprétation d’un texte bilingue consiste donc à d’abord rechercher le sens commun entre les deux versions de la loi et, lorsque leur portée diffère, à préférer le sens le plus restreint qui soit partagé par les deux versions (Daoust au para 29). Puis, il faut vérifier si le sens commun ainsi dégagé est conforme à l’intention législative, suivant les règles ordinaires d’interprétation (Daoust au para 30).

[29]  Sur la foi de ces principes, il est indéniable que l’interprétation retenue par CIC ne tombe pas hors du champ des issues possibles acceptables en regard des faits et du droit. Si on s’attarde d’abord au texte du paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, il utilise le mot « présentée » dans sa version française et « made » dans sa version anglaise. J’arrête un moment pour mentionner que de nombreuses autres dispositions de la Loi sur la citoyenneté traduisent aussi « une demande a été présentée » par les termes « an application was made ». C’est notamment le cas des articles 3(1)f), 5.2, 5(2)a), 9(2.1), 9(2.2), 11(1)d), 11(1.1)b) et 13 de cette loi.

[30]  Or, parmi les définitions du mot présenter recensées par le Petit Robert de la langue française, on retrouve « remettre (qqch.) à qqn en vue d’un examen, d’une vérification, d’un jugement, etc. Présenter la note. Présenter un devis, un projet. Présenter (une) requête à qqn. Présenter sa candidature à un poste ». Et ce mot remettre emporte avec lui l’idée de réception : il signifie en effet « mettre en la possession ou au pouvoir de qqn. Remettre un paquet en mains propres, au destinataire. Je vous remets une lettre de sa part ». Le mot présenter implique donc une notion de remise, de réception.

[31]  D’autre part, en l’espèce, le mot « présentée » utilisé dans la version française est clairement plus restreint que le mot « made » de la version anglaise, qui revêt une portée plus large. Il y a donc une certaine divergence entre les deux versions de la loi qu’il est difficile de concilier car elles peuvent mener à des résultats concrets différents. Puisqu’aux termes des principes d’interprétation des lois bilingues, il faut rechercher le sens plus restreint qui soit commun aux deux versions, c’est donc la version française impliquant une notion de remise et réception qui doit prévaloir.

[32]  Par ailleurs, un autre argument de texte vient appuyer l’interprétation associant le mot « présentée » à un concept de réception. En effet, le nouvel article 13 de la Loi sur la citoyenneté édicté par l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne stipule expressément que les demandes de citoyenneté ne sont désormais considérées reçues aux fins d’examen que si un certain nombre de conditions sont réunies. Parmi celles-ci figure à l’article 13(a) de la Loi sur la citoyenneté le fait que les demandes soient « présentées selon les modalités, en la forme et au lieu prévus sous le régime de la présente loi ». En précisant que les demandes « présentées » doivent l’être « au lieu » prévu par la loi (la version anglaise dit « at the place »), le législateur a clairement associé la notion de présentation d’une demande à une exigence de réception. Cet article 13 appuie donc une interprétation voulant que, sous la nouvelle Loi sur la citoyenneté, les demandes de citoyenneté « présentées » soient en effet des demandes reçues.

[33]  Incidemment, un décret gouvernemental a fixé au 1er août 2014 la date d’entrée en vigueur de ce nouvel article 13 de la Loi sur la citoyenneté portant sur les critères à rencontrer lorsque des demandes sont présentées, si bien que, depuis août 2014, il est d’ores et déjà acquis que, pour être valables, les demandes formulées sous le nouveau régime d’accession à la citoyenneté canadienne devaient être présentées au lieu prévu sous le régime de la loi.

[34]  Reste à déterminer si une telle interprétation textuelle est compatible avec l’intention du législateur. Je conclus qu’elle l’est. Le sommaire de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne énonce que les modifications apportées aux conditions d’admissibilité à la citoyenneté visent notamment à clarifier le sens de résidence au Canada et à modifier la période pendant laquelle un résident permanent doit habiter au Canada avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté. La loi recherche donc à promouvoir la certitude et, en l’espèce, la disposition transitoire y contribue en permettant à CIC de déterminer quelle version de la loi doit régir chaque demande de citoyenneté. Associer présentation à réception, comme l’a fait CIC dans sa décision, s’harmonise donc sans heurts avec cette intention du législateur. Autrement dit, une interprétation selon laquelle toute demande reçue après une certaine date sera traitée en vertu des nouvelles dispositions peu importe sa date ou sa méthode d’envoi encourage une telle certitude pour les administrés.

[35]  Quant à la jurisprudence, les décisions auxquelles réfère M. Valenzuela (Mou c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1997] ACF no 108; Wong c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1986), 64 NR 309 (CAF); Canada (Citoyenneté et Immigration) c Hamid, 2006 CAF 217) ne lui sont pas d’une grande utilité car elles établissent plutôt que « demande présentée » peut équivaloir à « demande reçue ». En fait, le précédent le plus pertinent est la décision de cette Cour dans Salahova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 352 [Salahova], qui appuie en tous points la décision de CIC et la position du ministre : elle confirme expressément qu’une demande postée mais reçue après l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions n’est pas présentée avant cette date. Dans Salahova, la loi utilisait le terme « faite » et la question à trancher était de savoir si une demande mise à la poste un 25 février mais reçue par les autorités canadiennes un 3 mars avait été faite (ou « made » en anglais) le ou avant la date butoir du 27 février. Dans sa décision, le juge Harrington a conclu que les mots « présentées », « reçues » et « faites » signifiaient tous la même chose, et que la notion de présentation impliquait celle de réception (Salahova au para 20).

[36]  Ainsi, tant l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique que la jurisprudence obligent à conclure que l’interprétation retenue par CIC et qui a mené au rejet de la demande de M. Valenzuela fait manifestement partie de l’éventail des issues raisonnables. En fait, je suis d’avis qu’il s’agit là de l’interprétation correcte de la portée du paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Dans ces circonstances, la Cour n’a pas à intervenir et doit faire preuve de déférence à l’endroit de CIC.

[37]  J’ajoute enfin que, contrairement aux prétentions de M. Valenzuela, il n’existe pas de principe juridique voulant que les dispositions transitoires doivent être interprétées d’une manière plus libérale que d’autres dispositions de la loi. Au soutien de sa position, M. Valenzuela cite le paragraphe 32 de la décision Medovarski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 634. Je ne souscris pas à sa lecture de ce précédent. Comme l’a souligné le ministre, l’argument avancé par M. Valenzuela sur la base de la décision de première instance n’a pas été retenu par la Cour suprême dans Medovarski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51 au para 15. La Cour suprême y rappelle à l’inverse que les dispositions transitoires ne sont pas assujetties à des règles d’interprétation particulières : en matière d’interprétation législative, dit la Cour, il faut toujours chercher à découvrir l’intention du législateur et tenir compte de l’objet de la loi, que l’on parle de disposition transitoire ou de toute autre disposition de la loi.

[38]  Finalement, au plan pratique, je ne peux pas passer sous silence le fait que la Loi renforçant la citoyenneté canadienne a reçu la sanction royale presque une année complète avant la demande logée par M. Valenzuela, soit le 19 juin 2014. Quoique M. Valenzuela s’insurge contre le fait que le gouvernement n’ait donné aux administrés qu’un maigre délai de quelques jours entre l’annonce de l’entrée en vigueur du nouvel alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté et la date effective de celle-ci, cet argument ne résiste pas longtemps à l’analyse.

[39]  En effet, dès qu’un projet de loi a reçu la sanction royale, il devient loi. Or, nul n’est censé ignorer la loi. M. Valenzuela savait donc, ou aurait dû savoir, qu’une fois la Loi renforçant la citoyenneté canadienne adoptée, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions sur les demandes de citoyenneté était imminente et pouvait survenir à tout moment. Il lui eut donc été tout à fait loisible de présenter sa demande de citoyenneté dès le mois de juin 2014 s’il était impératif pour lui de pouvoir bénéficier des dispositions de l’ancien régime.

[40]  Il n’y a aucune obligation pour le gouvernement d’aviser de la date d’entrée en vigueur d’un décret. Dès le moment où la sanction royale a été reçue, la mise en vigueur de dispositions législatives peut être immédiate, sans besoin d’avis. En fait, en décalant l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, le gouvernement se trouvait indirectement à donner un peu de marge aux administrés et à permettre aux personnes comme M. Valenzuela de bénéficier d’un certain délai de grâce avant de voir les nouvelles dispositions entrer en vigueur. M. Valenzuela a ainsi eu tout le temps voulu pour présenter une demande de citoyenneté en vertu de l’ancien régime d’accession à la citoyenneté, et il n’a que lui à blâmer pour avoir omis de le faire avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

[41]  Pour l’ensemble de ces raisons, je conclus que la décision de CIC à l’endroit de M. Valenzuela est tout à fait raisonnable.

B.  La décision de CIC de refuser la demande de M. Valenzuela porte-t-elle atteinte à l’équité procédurale?

[42]  Dans un deuxième temps, M. Valenzuela soutient que la décision de CIC porte atteinte aux règles d’équité procédurale. M. Valenzuela précise qu’il ne conteste pas la validité du décret et ne prétend pas avoir droit à un préavis de l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Il soumet plutôt que l’interprétation voulant que la demande « présentée » veuille dire une demande reçue avant le 11 juin 2015 contrevient à l’équité procédurale.

[43]  Dans le même esprit, M. Valenzuela demande à la Cour d’octroyer un remède en équité, sur la base de la juridiction qu’elle possède aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7. Puisque M. Valenzuela est inadmissible à la citoyenneté canadienne en vertu des nouvelles exigences, réappliquer n’est pas une option pour lui. M. Valenzuela plaide qu’un tel résultat est inéquitable et injuste considérant l’avis extrêmement serré du gouvernement de l’entrée en vigueur de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. M. Valenzuela soumet plus spécifiquement que la Cour dispose d’une large compétence en équité suivant l’alinéa 18.1(4)b) de la Loi sur les Cours fédérales, et que la Cour peut en effet accorder les remèdes prévus au paragraphe 18.1(3) si un office fédéral n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou tout autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter.

[44]  Je constate certes la situation malheureuse et regrettable dans laquelle se retrouve M. Valenzuela. Cependant, en droit, je ne peux pas cautionner sa position sur une prétendue atteinte à l’équité procédurale. Malgré les efforts louables de M. Valenzuela et de ses procureurs pour repérer une question d’équité procédurale dans la décision de CIC, il ne s’y en cache aucune. Peu importe l’angle sous lequel on la regarde, je ne vois pas en quoi cette affaire soulève une question d’équité procédurale. Au surplus, cette Cour ne possède pas le type de juridiction en « equity » dont M. Valenzuela voudrait la voir équipée.

[45]  L’obligation d’agir équitablement ne concerne pas le bien-fondé ou le contenu d’une décision rendue; elle renvoie plutôt au processus suivi. Cette obligation comporte deux volets : le droit à une audition juste et impartiale devant un tribunal indépendant, et le droit d’être entendu (Re Therrien, 2001 CSC 35 au para 82). La nature et la portée de l’obligation d’équité procédurale peut varier en fonction des attributs du tribunal administratif et de sa loi habilitante mais, toujours, ses exigences renvoient à la procédure et non aux droits substantifs déterminés par le tribunal. Jamais le principe d’équité procédurale ne peut-il être créateur de droits substantifs. Il ne fait que protéger les personnes, et permettre l’intervention de la Cour au besoin, lorsqu’une décision ne respecte pas le droit d’un justiciable à une procédure juste et équitable.

[46]  Or, la décision de CIC de ne pas donner suite à la demande de citoyenneté de M. Valenzuela n’a fait entorse à aucune des deux composantes de l’équité procédurale. Il n’y a ici aucune suggestion de partialité de la part du décideur ou de défaut de M. Valenzuela de se faire entendre, ni aucun soupçon de traitement inéquitable de CIC à son endroit.

[47]  M. Valenzuela demande aussi un remède en équité, en ne précisant pas clairement sur quelle base législative il s’appuie. Certes, la Cour fédérale est une cour d’« equity » comme le stipule expressément l’article 3 de la Loi sur les Cours fédérales. Toutefois, cette disposition ne confère pas à la Cour un pouvoir général d’accorder un remède juste et équitable ou de garantir un résultat équitable. Si M. Valenzuela pensait trouver dans cet article 3 le fondement d’une juridiction de la Cour en équité (au sens de résultat équitable), il fait fausse route et frappe à la mauvaise enseigne.

[48]  L’article 3 de la Loi sur les Cours fédérales n’a aucunement pour effet de conférer à la Cour une juridiction résiduaire ou inhérente dans laquelle M. Valenzuela pourrait puiser le fondement juridique pour obtenir le type de remède « juste et équitable » auquel il prétend avoir droit. L’équité que réclame M. Valenzuela ne correspond pas à l’« equity » figurant à la juridiction de la Cour. D’ailleurs, la Cour l’a clairement exprimé dans Maplesden c La Reine, [1997] ACF no 1709 au para 27, en décrivant ainsi la nature de sa juridiction en « equity » :

[27] […] Cet article maintient la Cour à titre de tribunal d'equity et autorise l'application de principes fondés sur l'equity. Cette compétence remonte à l'époque où, avant l'adoption, en 1873, de la Judicature Act, les tribunaux anglais n'étaient pas encore unifiés. L’ « equity » dont il est question à l'article 3 ne s'entend pas de ce qui est juste et équitable. Elle désigne les principes de droit que les tribunaux jugeant en equity (surtout la Cour de chancellerie) appliquaient avant 1873. Les lois fiscales n'ont jamais fait partie de ce régime. Les lois fiscales relevaient en effet de la compétence des cours de l'Échiquier. La Cour fédérale est dotée d'une compétence en equity dans de nombreux domaines (voir Sgayias et autres, Federal Court Practice, 1997, à la page 53). Mais cette compétence ne lui donne pas le pouvoir d'accorder le genre de réparation que la demanderesse (appelante) sollicite. On trouve une explication des principes d'equity et des cas dans lesquels ils s'appliquent dans l'ouvrage de Spry intitulé Equitable Remedies (3e éd., 1984).

(Nos soulignements.)

[49]  Ainsi, cet article 3 n’autorise aucunement la Cour, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, à rendre une décision « juste et équitable » alors qu’une interprétation raisonnable de la disposition par le tribunal administratif concerné aboutirait plutôt à un résultat inverse ou différent. Autrement dit, la juridiction de la Cour en « equity » ne lui permet pas d’accorder un remède qui serait apparemment juste et équitable mais qui s’avérerait par ailleurs contraire à une interprétation raisonnable des faits et du droit ou ne serait pas prévu par la loi.

[50]  Aussi, que l’argument de M. Valenzuela en soit un d’atteinte à l’équité procédurale ou de prétention à un remède en « equity », je conclus qu’il est dénué de tout fondement.

IV.  Conclusion

[51]  Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de M. Valenzuela est rejetée. La décision de CIC et son interprétation de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne sont justifiées, transparentes et intelligibles, et elles appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Il ne s’agit pas d’une situation où il y a lieu pour la Cour d’intervenir. De plus, la décision de CIC ne comporte également aucune atteinte aux règles de l’équité procédurale.

[52]  Les parties n’ont pas soulevé de question à certifier dans leurs représentations écrites et orales, et la Cour est d’accord qu’il n’y en a aucune dans ce dossier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire de M. Valenzuela est rejetée, sans dépens;

  2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1445-15

INTITULÉ :

VALENZUELA, JUAN LUIS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 février 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JUILLET 2016

COMPARUTIONS :

Isabelle Sauriol

Pour le demandeur

Lyne Prince

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand Deslauriers Avocats Inc.

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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