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Date : 20160718


Dossier : IMM-5233-15

Référence : 2016 CF 813

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

MUHAMMAD NASIM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la « LIPR »], d’une décision datée du 27 octobre 2015 de la Section d’appel des réfugiés [la « SAR »] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Dans cette décision rendue conformément à l’alinéa 111(1)a) de la LIPR, la SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la « SPR »] selon laquelle le demandeur n’a ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger.

[2]               La présente demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.                   Contexte

[3]               Les allégations du demandeur sont détaillées dans la partie narrative de son formulaire Fondement de la demande d’asile [le « formulaire FDA »]. Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui allègue qu’en 2000, il a joint le Parti national awami [le « PNA »] dans le district de Swat, au Pakistan. Sous la bannière du PNA, il a travaillé pour trois ONG, soit Save the Children, OMEED et le Devolution Trust for Community Empowerment [le « DTCE »], à la restauration d’écoles et à l’éducation des femmes. Le demandeur allègue que, en raison de ce travail, il a reçu des appels de menaces de la part des talibans, en novembre 2013 et 2014.

[4]               Le demandeur prétend avoir signalé les menaces par téléphone à la police, mais qu’on a refusé de prendre quelque mesure que ce soit parce que le demandeur ne pouvait pas identifier les appelants. Le 23 février 2014, à la suite d’un appel où il a reçu des menaces de mort, le demandeur a déménagé à Karachi. Il affirme que, peu après, des talibans ont tiré sur lui alors qu’il faisait des achats dans un bazar local. Le demandeur affirme qu’il a signalé l’incident de la fusillade à la police, mais que les autorités n’ont rien fait d’autre pour l’aider que de faire un rapport sur l’affaire. Il a ensuite quitté le Pakistan et affirme qu’il lui est impossible de rentrer parce qu’il a peur d’être tué par les talibans.

[5]               Dans son formulaire FDA, le demandeur a également décrit en détail une demande d’asile fondée sur son appartenance au parti Jamaat-e-Islami qu’il a faite au Royaume-Uni en 1996. Sa demande a été rejetée et il a été expulsé vers le Pakistan en 1999. Le demandeur allègue qu’il n’a plus jamais soutenu le parti Jamaat-e-Islami en raison de ses politiques fondamentalistes et de son soutien des talibans.

[6]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le « ministre »] a déposé un avis d’intention d’intervenir à l’audience de la SPR concernant la demande d’asile du demandeur et a présenté des éléments de preuve relatifs à des questions de crédibilité. Le ministre a soumis un rapport de la Conférence des cinq nations publié par le département américain de la Sécurité intérieure indiquant que le demandeur a été soumis à la dactyloscopie le 3 mai 2007 dans le cadre d’une demande de visa de non-immigrant pour les États-Unis, faite sous le nom de Fnu Salim. Le ministre a soutenu que le demandeur n’avait allégué aucune difficulté au Pakistan entre 1999 et novembre 2013 et, qu’à ce titre, il n’avait aucune raison de faire de fausses déclarations à son sujet aux responsables américains au moment de sa demande de visa. Le ministre a conclu que le demandeur avait dit la vérité dans sa demande de visa américain, que son vrai nom est Fnu Salim, et qu’il avait fait de fausses déclarations à son sujet aux autorités canadiennes pour étayer une demande d’asile.

[7]               Dans le cadre de l’intervention, le ministre a également présenté un rapport d’analyse de document de la carte nationale d’identité [la « CNI »] du demandeur indiquant que la carte était probablement authentique, mais qu’elle contenait un certain nombre d’anomalies qui indiquaient qu’elle avait pu être modifiée. La position du ministre était que la SPR doit conclure que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

II.                Décision de la SPR

[8]               La SPR a tiré des conclusions défavorables à l’encontre du demandeur en ce qui concerne son identité et sa crédibilité. En ce qui concerne l’identité, la SPR a conclu qu’il n’y avait aucune preuve irréfutable et convaincante de la véritable identité du demandeur ou de son parcours au Canada. Cependant, tel qu’il est indiqué ci-dessous, la SAR a par la suite accepté l’identité du demandeur telle qu’alléguée. Il n’est donc pas nécessaire d’énoncer l’analyse détaillée de la SPR de cette question.

[9]               La SPR a estimé que l’élément objectif de la crainte fondée de persécution alléguée par le demandeur constituait une question déterminante. Puisque la peur du demandeur était liée à des menaces qu’il aurait reçues parce qu’il a effectué du travail humanitaire avec des ONG, le demandeur a été interrogé à propos de ce travail. Il a déclaré dans son témoignage qu’il y avait 15 travailleurs à temps plein et 9 ou 10 bénévoles. Il ne savait pas si les travailleurs à temps plein avaient été menacés et a déclaré que quelques bénévoles avaient reçu des menaces, mais qu’ils n’étaient pas aussi actifs que lui. Dans l’évaluation de la preuve du demandeur, la SPR a noté que le demandeur était vague dans ses réponses concernant des menaces reçues par les autres personnes travaillant dans des conditions similaires. En conséquence, la SPR a tiré une conclusion défavorable de ce manque de connaissance et a conclu que son témoignage n’était pas digne de foi ni crédible.

[10]           La SPR a également conclu que le demandeur n’avait pas fourni une preuve irréfutable et convaincante que le Pakistan était incapable de protéger ses citoyens. Le demandeur a déclaré qu’il avait signalé les appels de menaces à la police, mais qu’étant donné qu’il n’était pas en mesure d’identifier les appelants, la police n’avait rien fait. La SPR a conclu qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve suggérant que, étant donné les circonstances particulières, la police n’avait pas agi conformément à la seule preuve qui lui avait été fournie, soit le signalement d’appels de source inconnue.

[11]           La SPR a examiné le témoignage du demandeur qui affirme qu’après les menaces, il a déménagé à Karachi et que, peu de temps après, alors qu’il se rendait à un bazar local, il a été la cible de talibans qui ont tenté de le tuer. La SPR a fait observer que le demandeur a répondu aux questions sur cet incident d’une manière très confuse, déclarant qu’il ne pouvait dire combien de talibans l’avaient attaqué parce qu’il ne les a pas vus, qu’il était le seul piéton dans la rue, qu’il a entendu les coups de feu, qu’il est tombé au sol, que les balles sont tombées près de lui et qu’il a entendu les talibans s’enfuir. La SPR a estimé que cette histoire n’était ni crédible ni digne de foi du fait que, si plus d’un taliban poursuivait le demandeur, ils n’auraient pas manqué leur cible et ne se seraient pas enfuis s’il se trouvait en face d’eux dans une rue déserte. La SPR a fait remarquer qu’il n’était pas clair dans le témoignage du demandeur comment il savait qu’il s’agissait de talibans. En outre, la SPR a estimé qu’il était difficile de croire que les talibans avaient réussi à retrouver le demandeur seulement quelques jours après son arrivée à Karachi, une ville d’environ 15 millions d’habitants.

[12]           Le demandeur a fourni des articles de journaux et des lettres à l’appui de ses allégations concernant l’attaque à Karachi. Cependant, à la lumière de ses conclusions défavorables relatives à la crédibilité, la SPR n’a donné aucun poids à ces éléments de preuve, estimant qu’ils ont été fabriqués dans l’intention d’établir une demande d’asile.

III.             Décision de la SAR

[13]           Le demandeur a formé un recours auprès de la SAR, qui a accepté l’identité du demandeur telle qu’alléguée, mais qui, en raison d’un manque de crédibilité, a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[14]           La SAR a estimé que la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, lui indiquait la norme à appliquer à l’examen de la décision de la SPR. La SAR a reconnu que son rôle était d’examiner tous les aspects de la décision de la SPR et d’effectuer une évaluation indépendante de la demande d’asile, en faisant preuve de déférence à l’égard des conclusions du tribunal de niveau inférieur relatives à la crédibilité puisqu’il bénéficie d’un avantage particulier quant à ces questions.

[15]           Dans l’examen du fondement objectif d’une crainte fondée de persécution, la SAR a déclaré qu’elle a examiné tous les éléments de la preuve du demandeur, y compris l’enregistrement sur CD de l’audience de la SPR, et souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle il était raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur ait discuté des appels de menaces allégués avec les travailleurs à plein temps des ONG, avec d’autres bénévoles et, à tout le moins, avec ceux qui géraient son travail allégué avec les ONG en question. La SAR a également fait observer que le demandeur n’a divulgué aucun document corroborant son association avec les trois ONG, autres que : une lettre d’OMEED manuscrite et datée du 3 août 2014, qui semblait être une réponse à une autodéclaration du demandeur; quelques photos; et une lettre de son frère. En conséquence, la SAR a estimé que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles démontrant qu’il avait été personnellement menacé par les talibans.

[16]           En ce qui concerne la question de la protection de l’État, la SAR a déclaré qu’elle doutait que le demandeur ait sollicité la protection de la police et qu’il était loisible à la SPR de conclure que la réponse de la police a été raisonnable dans les circonstances. En conséquence, la SAR a convenu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État.

[17]           La SAR a ensuite fait remarquer que la SPR a omis d’examiner la preuve documentaire à l’appui de la fusillade alléguée à Karachi. Cependant, la SAR a examiné la preuve et conclu que, compte tenu de l’invraisemblance du fait que les talibans retrouvent le demandeur à Karachi, et l’absence d’éléments de preuve concernant la fusillade de Karachi, la SPR pouvait à juste titre conclure que cette histoire n’était ni crédible ni digne de foi. La SAR a approuvé cette conclusion.

[18]           La SAR a également examiné les éléments de preuve concernant la recherche de sécurité par le demandeur au Royaume-Uni et aux États-Unis avant de venir au Canada. La SAR a conclu que ces événements étaient significatifs puisqu’ils se rapportaient à la crédibilité générale du demandeur. En ce qui a trait à la demande d’asile du demandeur au Royaume-Uni, la SAR a estimé qu’il est très difficile de croire qu’il fuyait la persécution considérant qu’il a attendu environ trois ans pour faire une demande au Royaume-Uni; sa demande a été rejetée faute de corroboration, et il allègue que le problème avec le prétendu agent de sa persécution aurait été résolu dans une conversation avec son père. En ce qui concerne la demande d’un visa de non-immigrant pour les États-Unis en 2007, la SAR fait observer que le demandeur a affirmé qu’il avait fait la demande parce qu’il craignait les talibans. Cependant, il n’a mentionné dans son formulaire FDA aucun risque posé par les talibans qui l’aurait incité à quitter le pays à cette époque.

[19]           La SAR a également fait observer que, en plus des fausses déclarations du demandeur aux autorités américaines, il s’est présenté sous une fausse identité aux autorités canadiennes dans son entrevue au point d’entrée [« PDE »] lorsqu’il a déclaré qu’il n’avait jamais utilisé un autre nom et qu’aucun autre pays ne lui avait refusé l’asile. En définitive, la SAR a conclu que les actes et le témoignage du demandeur soulevaient un doute sérieux quant à sa crédibilité et qu’il y avait une insuffisance d’éléments de preuve crédibles pour conclure qu’il risquait d’être persécuté ou que sa vie serait en péril s’il était renvoyé au Pakistan.

IV.             Questions en litige et norme de contrôle

[20]           Tel qu’il est mentionné ci-dessous dans le résumé des arguments du demandeur, le demandeur soulève un certain nombre de questions que la Cour doit examiner. Ces questions, dans leur ensemble, reviennent à se demander si la décision de la SAR était déraisonnable. Les parties conviennent – et je suis d’accord – que la norme applicable à l’examen par la Cour de la décision de la SAR est celle du caractère raisonnable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica], au paragraphe 14; Sui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 406, au paragraphe 14).

[21]           Les parties ont confirmé que l’énoncé de la SAR de la norme applicable à son examen de la décision de la SPR, comme abordé récemment par la Cour d’appel fédérale dans Huruglica, n’est pas remis en question en l’espèce, même si le demandeur fait valoir, à l’appui de sa position selon laquelle la décision de la SAR est déraisonnable, que la SAR n’a pas réussi à mener sa propre évaluation indépendante et complète de la preuve tel qu’il est exigé d’un tribunal d’appel (voir Ali c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 396).

V.                Les thèses des parties

A.                Observations du demandeur

(1)               Discussion avec les autres au sujet des menaces

[22]           Le demandeur affirme que la SAR ne pouvait estimer que de manière très hypothétique que la conclusion de la SPR selon laquelle on pouvait s’attendre à ce que le demandeur ait discuté des appels de menaces allégués avec d’autres travailleurs à temps plein ou d’autres personnes associées aux ONG était raisonnable. Le demandeur souligne qu’il a déclaré qu’il n’avait pas eu de contact direct avec les travailleurs des ONG à temps plein qui peuvent avoir reçu des menaces.

(2)               Établissement de l’identité et omission d’examiner des éléments de preuve

[23]           Le demandeur soutient également que la décision de la SAR est déraisonnable compte tenu de sa conclusion voulant que le demandeur ait établi son identité, et de sa conclusion que la SPR a omis de tenir compte de la preuve documentaire à l’appui de la fusillade alléguée à Karachi.

(3)               Évaluation de l’élément de preuve documentaire

[24]           Le demandeur est d’avis que l’évaluation par la SAR des éléments de preuve corroborant sa demande est déraisonnable pour les raisons suivantes :

A.                Il a fourni deux lettres de l’organisation OMEED (pas qu’une seule, comme l’a conclu la SAR) qui ont confirmé son travail bénévole auprès de l’organisation en question et le fait que sa vie était menacée par les talibans.

B.                 La SAR a énoncé incorrectement la source et la date d’une lettre de la National Youth Organization. La SAR a également tiré une conclusion déraisonnable et sans fondement en indiquant que la lettre de la National Youth Organization était un outil d’autodéclaration produit par le demandeur.

C.                 Contrairement aux conclusions de la SAR, il a fourni d’autres éléments de preuve corroborant son travail avec les ONG et les problèmes avec lesquels il a dû composer au Pakistan par la suite, notamment la lettre de la National Youth Organization, ainsi qu’une lettre du secrétaire général du PNA.

D.                L’évaluation de la SAR des deux articles de journaux à l’appui de sa demande est déraisonnable, et l’argument qu’il puisse avoir été l’auteur de l’un ou des deux articles n’apporte aucun fondement pour en discréditer la valeur probante.

E.                 La SAR a ignoré ou a omis d’apprécier adéquatement la valeur probante d’autres documents présentés pour établir la crédibilité du demandeur et le bien-fondé de sa demande, notamment : les documents du PNA; ses cartes de la Commission électorale; une déclaration écrite d’un agent du poste de police; un affidavit de son frère; et des photographies le montrant alors qu’il participait à des activités de bienfaisance avec des ONG. En conséquence, la conclusion de la SAR selon laquelle il n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve corroborant son association avec les ONG au Pakistan et ses problèmes avec les talibans est déraisonnable.

F.                  La conclusion de la SAR quant à l’invraisemblance du fait que les talibans aient pu retrouver le demandeur à Karachi est déraisonnable étant donné l’omniprésence reconnue et documentée des talibans au Pakistan. Le demandeur fait référence à la documentation sur la situation dans le pays établissant cette omniprésence et le lien entre les talibans et le crime organisé et les services du renseignement du Pakistan et l’armée.

(4)               Présomption de la protection de l’État

[25]           Selon le demandeur, la conclusion suivant laquelle il n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État est déraisonnable. Pour démontrer son point, il affirme que sa preuve indiquait de toute évidence que la police a manqué à son devoir par son traitement de la tentative d’assassinat par les talibans et que la preuve documentaire concernant la situation au Pakistan démontre l’incapacité de la police pakistanaise à traiter avec des organisations terroristes telles que les talibans. Il souligne également que la SAR n’a pas conclu qu’il n’avait pas sollicité la protection de l’État, mais plutôt qu’elle doutait qu’il l’ait fait. Le demandeur fait valoir que, en omettant d’effectuer sa propre évaluation de la preuve documentaire, la SAR n’a pas vraiment agi comme un tribunal d’appel et n’a pas tiré sa propre conclusion à l’égard du caractère raisonnable de la conclusion de la SPR quant à la question de la protection de l’État, tel qu’il est prescrit dans Huruglica.

(5)                  Antécédents du demandeur en matière d’immigration

[26]           Le demandeur soutient que la SAR a déraisonnablement concentré son examen sur ses antécédents en matière d’immigration avec les autorités de l’immigration aux États-Unis et au Royaume-Uni pour apprécier la crédibilité et le bien-fondé de sa demande d’asile. Le demandeur souligne que ses antécédents en matière d’immigration avec les autorités de l’immigration aux États-Unis et au Royaume-Uni sont de l’histoire ancienne, que les incidents graves précipitant sa demande d’asile au Canada sont postérieurs, de plusieurs années, à ses demandes auprès des autorités américaines et britanniques, et que ses antécédents en matière d’immigration ne touchent pas au cœur de sa demande d’asile.

(6)               Invraisemblance de l’incident de Karachi

[27]           Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en n’estimant pas que la conclusion de la SPR, suivant laquelle les talibans n’auraient pas manqué leur cible s’ils avaient eu l’intention de le tuer, est très hypothétique. Afin d’étayer sa position, il cite Huruglica pour démontrer que la SAR n’est pas tenue de faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de la SPR qui ne sont pas relatives à la crédibilité de la preuve, notamment en ce qui a trait aux conclusions d’invraisemblance. Le demandeur fait valoir qu’un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le demandeur que « dans les cas les plus évidents », c’est-à-dire que « si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend » (voir Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776 [Valtchev]).

B.                 Arguments du défendeur

[28]           La position globale du défendeur est que la SAR a rejeté la demande d’asile du demandeur parce qu’il n’était pas crédible comme témoin. En conséquence, il y avait insuffisance d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour que la SAR conclue au bien-fondé de la demande. Le défendeur affirme que les motifs de la SAR sont intelligibles et transparents et qu’au regard de la décision dans son ensemble, le demandeur n’a apporté aucun argument convaincant suggérant que la SAR a erré dans ses conclusions.

(1)               Établissement de l’identité

[29]           Le défendeur soutient que l’endossement par la SAR de l’ensemble des conclusions défavorables de la SPR n’est pas déraisonnable. La SPR a tiré, sur la question de la crédibilité, plusieurs conclusions qui n’ont aucun rapport avec l’incapacité du demandeur d’établir son identité devant la SPR. Ainsi, les conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité demeurent à titre subsidiaire et la SAR doit en tenir compte en appel; la SAR a effectué sa propre appréciation de la preuve et a confirmé la décision de la SPR : (voir Siddiqui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1028, au paragraphe 105).

(2)               Discussion avec les autres au sujet des menaces

[30]           Le défendeur cite des sources faisant autorité concernant le rôle d’une cour de révision dans l’appréciation du caractère raisonnable d’une conclusion d’invraisemblance, particulièrement en ce qui a trait à une évaluation défavorable quant à la crédibilité (voir K.K. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 78, aux paragraphes 65, 66 et 69 [K.K.]; Navarrete Andrade c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 436, au paragraphe 14; Rahal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 44; Aguebor c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] ACF no 732 (CAF); Faryna c. Chorny (1951), [1952] 2 DLR 354 (BCCA); Alizadeh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 11 (CAF); Shahamati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 415 (CAF); Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Abdo, 2007 CAF 64, au paragraphe 12; Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 805 (CFPI); Pathmanapan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 763, au paragraphe 12). Le défendeur soutient que la SPR et la SAR sont habilitées à apprécier le bien-fondé et la crédibilité des menaces alléguées par le demandeur par ses réactions à ces mêmes menaces, notamment ses actes et sa connaissance liés aux menaces à l’endroit d’autres personnes qui faisaient le même travail, au regard du sens commun, de la rationalité, de la preuve sur la situation dans le pays et de leur propre compréhension du comportement humain et de leur expertise évidente dans la conclusion.

[31]           La position du défendeur est que la SAR a raisonnablement souscrit à la conclusion de la SPR suivant laquelle si le demandeur avait été menacé, comme il l’a prétendu, il était raisonnable de s’attendre à ce qu’il en discute avec les travailleurs à temps plein et le personnel bénévole ou avec les responsables du travail des ONG. Le défendeur soutient qu’il s’agit d’une déduction qui pouvait raisonnablement être tirée, puisque l’on peut s’attendre d’une personne qu’elle discute avec l’organisation des problèmes engendrés par l’exécution de son travail pour l’organisation et, à tout le moins, qu’elle tente de déterminer l’ampleur et la gravité des menaces à l’échelle de l’organisation.

(3)               Erreurs relatives aux lettres d’OMEED

[32]           Le défendeur reconnaît que la SAR a, à tort, et d’après les traductions manuscrites, considéré les deux lettres d’OMEED comme une seule lettre, mais soutient qu’il ne s’agit pas d’une erreur déterminante, et que cela ne mine pas l’appréciation globale des éléments de preuve concernant les allégations de menaces à l’endroit du demandeur.

(4)               Preuve relative au travail des ONG et aux menaces

[33]           Le défendeur soutient qu’il est de jurisprudence constante que la SAR n’est pas tenue de mentionner chaque élément de preuve dans sa décision. Le demandeur n’a fourni aucune preuve confirmant son travail pour deux ONG pour lesquelles il a allégué faire du bénévolat, c’est-à-dire l’organisation Save the Children et DTCE. En ce qui a trait à son travail pour OMEED, le défendeur souligne que la SAR a examiné les lettres d’OMEED, les photos du demandeur prises à un événement semestriel, et la déclaration de son frère dans l’affidavit. Le défendeur souligne également que la lettre du PNA fait vaguement référence au travail du demandeur pour quelques ONG, lettre qui semble être une autodéclaration, et que la lettre de la National Youth Organization ne fait aucunement mention du travail allégué du demandeur avec des ONG. La position du défendeur est que ces documents ne peuvent être considérés comme une preuve de source sûre ou comme des éléments de preuve suffisamment crédibles et probants du travail du demandeur et des menaces qui en ont résulté.

(5)               Invraisemblance de l’incident de Karachi

[34]           La position du défendeur est qu’il était raisonnable que la SAR conclue que le récit par le demandeur de la fusillade alléguée à Karachi n’était pas crédible, puisque des déductions raisonnables ont été tirées pour arriver à cette conclusion. Le défendeur fait observer que la SAR a examiné la conclusion de la SPR suivant laquelle la version du demandeur concernant l’incident de Karachi n’était pas crédible et que la SAR a ensuite examiné la conclusion de la SPR à la lumière de sa propre appréciation de la preuve documentaire, c.-à-d., les deux articles de journaux, et a conclu que ces derniers ne constituaient pas des éléments de preuve suffisamment crédibles et dignes de foi de valeur probante suffisante pour établir l’incident de la fusillade et ses circonstances. Compte tenu du fait que les préoccupations relatives à la crédibilité n’ont pas été dissipées par les articles de journaux, le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle la version du demandeur concernant la fusillade alléguée n’était pas crédible.

[35]           Le défendeur mentionne que, lorsqu’une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité est tirée, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur. Il incombe au demandeur de démontrer qu’il existe une telle preuve (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Sellan, 2008 CAF 381, au paragraphe 3; Ogiriki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 342, au paragraphe 11; Waheed c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 329, aux paragraphes 41 et 42). Le défendeur affirme que, dans l’ensemble et compte tenu du manque de crédibilité du demandeur, la SAR a raisonnablement conclu à l’insuffisance de la preuve du demandeur pour démontrer qu’il avait été personnellement menacé par les talibans dans le district de Swat.

(6)               Présomption de la protection de l’État

[36]           Le défendeur fait observer que la SAR a raisonnablement douté que le demandeur ait sollicité la protection de l’État, et fait valoir que, puisqu’il incombe au demandeur d’établir un besoin de protection de l’État, cette conclusion est déterminante pour la question de la protection de l’État.

(7)               Antécédents du demandeur en matière d’immigration

[37]           En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel la SAR a accordé un poids excessif à ses antécédents en matière d’immigration, le défendeur fait remarquer que l’appréciation du poids de la preuve fait partie des compétences de la SAR. Le défendeur affirme que la SAR était en droit d’examiner les antécédents du demandeur en matière d’immigration et de leur accorder un poids important puisque ces antécédents sont liés à la crédibilité générale du demandeur. Le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité générale du demandeur de ses fausses déclarations, surtout que le demandeur n’avait aucune raison apparente de ne pas dire toute la vérité aux autorités canadiennes de l’immigration. Le défendeur cite la jurisprudence de la Cour fédérale suivant laquelle l’incidence cumulative de questions accessoires à une crainte fondée de persécution peut soutenir le rejet de la demande lorsque ces questions révèlent une tendance à la tromperie par le demandeur qui entache la crédibilité de l’ensemble de la demande (voir Naeem c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1134, au paragraphe 14; Karakaya c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 777, au paragraphe 33; Manoharan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 871, aux paragraphes 7 et 14; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 998, au paragraphe 17; Leung c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 685 (CAF); Feng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 476, au paragraphe 13; Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] ACF no 604 (CAF)).

VI.             Analyse

[38]           Pour les motifs qui suivent, ma conclusion est que, considérée dans son ensemble, la décision de la SAR est raisonnable et démontre l’évaluation indépendante de la preuve requise, soutenant des conclusions qui sont intelligibles et transparentes.

A.                Événements dans le district de Swat

[39]           En ce qui concerne les conclusions de la SAR entourant le travail du demandeur avec les ONG et les menaces qu’il aurait reçues dans le district de Swat, je suis en désaccord avec la position du demandeur suivant laquelle la SAR ne pouvait estimer que de manière très hypothétique que la conclusion de la SPR selon laquelle on pouvait s’attendre à ce que le demandeur ait discuté des appels de menaces allégués avec d’autres travailleurs à temps plein ou d’autres personnes associées aux ONG était raisonnable. Bien que le demandeur souligne avoir déclaré qu’il n’avait pas de contacts directs avec les travailleurs à temps plein des ONG, la SAR fait remarquer qu’il a déclaré lors de ce témoignage qu’il ne savait pas si l’un de ces travailleurs avait reçu des appels de menaces. La SAR n’a pas fait fi de la preuve pour en arriver à sa conclusion sur ce point et je ne puis conclure que sa conclusion est déraisonnable.

[40]           Toutefois, le demandeur a raison, et le défendeur le reconnaît, que la SAR a commis des erreurs en citant la preuve documentaire liée aux ONG et les menaces présumées dans le district de Swat. Le demandeur fait valoir que la SAR a considéré les deux lettres d’OMEED comme une seule lettre, alors qu’il y avait en fait deux lettres, a, à tort, fait référence à la lettre manuscrite de la National Youth Organization comme provenant d’OMEED et a incorrectement énoncé la date de celle-ci. La SAR a également omis de mentionner une lettre du PNA qui faisait référence au bénévolat du demandeur pour les ONG et au fait qu’il avait dit au PNA qu’il avait été menacé.

[41]           Je conviens que ces erreurs ont été faites par la SAR. J’inclus dans cette conclusion qu’on n’a pas tenu compte de la lettre du PNA. Je suis conscient qu’un tribunal comme la SAR est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve et n’a pas à faire référence à chaque élément de preuve qui a été présenté (voir Kandha c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 430, au paragraphe 16). Cependant, je conclus que la SAR a fait fi de la lettre du PNA parce que la SAR a énuméré les documents corroborant le travail du demandeur avec les trois ONG, mais a omis de mentionner cette lettre bien qu’elle fasse référence à son travail bénévole.

[42]           Néanmoins, je ne considère pas les erreurs décrites ci-dessus comme des erreurs suffisamment importantes pour miner le caractère raisonnable de la décision de la SAR. La SAR a conclu à l’insuffisance de la preuve du demandeur pour établir qu’il avait été menacé par les talibans. En ce qui a trait à la preuve documentaire liée aux ONG, j’interprète le raisonnement de la SAR comme une déduction d’autodéclaration par le demandeur. Le demandeur fait valoir que c’est une erreur puisque la seule lettre qui fait explicitement référence au fait que son auteur a été informé des menaces par le demandeur est précisément celle du PNA. Aucune des autres lettres des ONG ne démontre cependant une connaissance directe des menaces qui auraient été reçues par le demandeur. Je ne peux donc pas conclure que l’erreur de la SAR entourant les lettres d’OMEED et de la National Youth Organization touche le cœur de la décision. Il en est de même de l’omission de mentionner la seconde lettre d’OMEED, puisque cette lettre ne fait aucune mention des menaces.

[43]           Le demandeur soutient également que, même si les lettres constituent une autodéclaration, cela ne représente pas un fondement valable pour refuser de leur accorder quelque poids corroborant que ce soit. J’accepte que la SAR puisse avoir considéré le fait que le demandeur a signalé les menaces aux ONG comme une corroboration de son témoignage. Cependant, la SAR est tenue de faire preuve de déférence à l’égard du poids qu’elle a choisi d’accorder à ces éléments de preuve, mais, puisqu’ils ne sont pas issus d’une source indépendante du demandeur, je ne puis conclure que la conclusion de la SAR sur ce point est déraisonnable.

[44]           En ce qui concerne les autres éléments de preuve documentaire pertinents aux allégations de menaces reçues dans le district de Swat (c.-à-d. la déclaration écrite du demandeur à un agent du poste de police, l’affidavit de son frère et les photographies illustrant ses activités de promotion de l’éducation des femmes au Pakistan), la SAR fait référence à l’argument du demandeur selon lequel la SPR n’a donné aucune valeur probante à ces documents et a par la suite mentionné avoir procédé à l’examen de tous les éléments de preuve, y compris les photos et le témoignage de son frère. Par conséquent, je ne puis conclure que la SAR a omis de prendre en compte ces éléments de preuve.

[45]           Bien que le demandeur souligne que la SAR ait à tort fait référence à l’affidavit de son frère comme étant une lettre, la SAR l’avait bien cité comme un affidavit plus tôt dans la décision. Par conséquent, je ne crois pas que la SAR a commis une erreur en se méprenant sur la nature du document. Le demandeur fait également observer que sa déclaration à un agent du poste de police n’a pas été mentionnée de nouveau par la SAR lorsqu’elle a fait référence à l’argumentation du demandeur. Cependant, il s’agit d’un autre exemple d’autodéclaration du demandeur, et il ressort des motifs de la SAR, en relation avec les événements dans le district de Swat et les événements plus tard à Karachi (tel que discuté ci-dessous) qu’elle n’était pas prête à traiter ce genre d’éléments de preuve comme une corroboration suffisante de la crédibilité du demandeur.

B.                 Événements de Karachi

[46]           En ce qui concerne les événements à Karachi, la SAR a examiné les articles des journaux sur la fusillade alléguée et a fait remarquer que la SPR ne l’avait pas fait; par contre, encore une fois, la SAR n’a pas estimé que les articles constituent une corroboration suffisante du témoignage du demandeur parce qu’ils étaient fondés sur des déclarations du demandeur.

[47]           Comme c’est le cas de l’analyse de la SAR entourant la preuve documentaire relative aux événements dans le district de Swat, sa décision dans son ensemble démontre la préoccupation de la SAR concernant la crédibilité du demandeur et qu’elle n’était pas disposée à accorder un poids important à des éléments de preuve qui n’émanaient pas de sources indépendantes du demandeur. Cette préoccupation est démontrée en particulier par les conclusions suivantes de la SAR qui ont soulevé un doute sérieux quant à la crédibilité générale du demandeur :

A.                Il a résidé au Royaume-Uni de 1993 à 1996, sans demander l’asile, puis a déposé une demande d’asile qui a été rejetée en l’absence de preuve corroborante.

B.                 Il a déclaré qu’il avait fait une demande de visa de non-immigrant pour les États-Unis en 2007 parce qu’il craignait les talibans, mais il n’a mentionné aucune menace des talibans dans son formulaire FDA avant 2013.

C.                 Il s’est présenté sous une fausse identité à la fois aux autorités américaines et canadiennes. Dans sa demande d’asile au Canada, il a faussement affirmé qu’il n’avait jamais utilisé un autre nom et qu’il ne s’était jamais vu refuser l’asile dans un autre pays.

[48]           Ces conclusions relatives à la crédibilité ont eu une incidence sur l’évaluation globale par la SAR de l’honnêteté du demandeur. Dans ce contexte, je ne puis conclure que la SAR a agi de façon déraisonnable dans son approche de la preuve documentaire présentée par le demandeur.

[49]           Le demandeur soutient également que la conclusion de la SAR, voulant que la version du demandeur de la fusillade à Karachi ne soit ni crédible ni digne de foi, est le fruit d’une recherche inadmissible d’invraisemblances remettant en cause la possibilité que les talibans soient en mesure de pourchasser le demandeur jusqu’à Karachi, une ville de 15 millions d’habitants située à 2 500 km du district de Swat. Le demandeur soutient que cette conclusion n’est pas le genre d’analyse prescrite dans Valtchev, et cite Santos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 937, au paragraphe 15, où le juge Mosley a déclaré que les conclusions d’invraisemblance doivent être fondées sur une preuve claire et un raisonnement clair.

[50]           Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur en tirant ses conclusions d’invraisemblance concernant la présumée fusillade à Karachi, et en omettant d’examiner la preuve documentaire qui fait état de l’omniprésence du réseau des talibans. Bien que la SAR ne cite pas la preuve documentaire, ses motifs expliquent qu’elle a tiré sa conclusion sur les talibans [traduction] « malgré l’existence présumée de leur réseau ». On ne peut donc conclure que la SAR n’a pas tenu compte de ce point. Je considère que la conclusion de la SAR s’appuie sur la preuve et découle d’un raisonnement clair. En concluant de la sorte, je remarque que la SAR n’a pas rejeté le témoignage du demandeur uniquement en raison de son analyse des invraisemblances, mais a aussi examiné la preuve documentaire à l’appui de l’allégation de fusillade, puisqu’elle a conclu que la SPR aurait dû faire de même. La SAR a cependant noté le témoignage du demandeur selon lequel il était seul sur la route lorsque l’incident se serait produit et, tel qu’il est expliqué ci-dessus, elle a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve corroborant ses dires. À mon avis, l’analyse globale de la SAR de cet incident présumé n’est pas déraisonnable.

C.                 Présomption de la protection de l’État

[51]           En ce qui a trait à la question de la présomption de la protection de l’État, je conviens avec le défendeur qu’il était raisonnable que la SAR conclue, après avoir tiré la conclusion précitée concernant les appels de menaces allégués, qu’il était peu probable que le demandeur ait sollicité la protection de la police. Il n’était pas nécessaire que la SAR effectue une analyse de cette question. Bien que le demandeur fasse valoir que le terme [traduction] « peu probable » ne constitue pas une conclusion sur cette question, encore une fois, je suis d’accord avec le défendeur que, étant donné qu’il incombe au demandeur d’établir le bien-fondé de sa demande, la SAR, par cette conclusion, s’est acquittée de son mandat en tant que tribunal d’appel.

VII.          Conclusion

[52]           J’estime que la décision de la SAR dans son ensemble est raisonnable et appartient à la gamme des issues possibles et acceptables. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[53]           Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5233-15

INTITULÉ :

MUHAMMAD NASIM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER JUIN 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Southcott

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JUILLET 2016

COMPARUTIONS :

John Savaglio

Pour le demandeur

Alexis Singer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Savaglio

Avocat

Pickering (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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