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Date : 20160805


Dossier : T-541-10

Référence : 2016 CF 899

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 août 2016

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

RÉGENT BOILY

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   L’aperçu

[1]               La défenderesse, sa Majesté la Reine [la Couronne], interjette appel, aux termes de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles], d’une ordonnance rendue par le protonotaire Morneau en date du 11 mars 2016 [l’ordonnance]. Dans l’ordonnance, le protonotaire rejetait la requête de la Couronne pour la délivrance d’une lettre rogatoire désignant un commissaire pour recueillir la déposition écrite de deux résidents mexicains, MM. Juan Carlos Abraham Osorio et Isidro Delgato Martinez, afin de valoir à titre de témoignages à l’instruction. La requête de la Couronne visait aussi à obtenir la délivrance d’une lettre de demande adressée aux autorités judiciaires du Mexique pour que celles-ci émettent au besoin toute ordonnance appropriée pour contraindre ces deux résidents mexicains à témoigner par écrit devant le commissaire.

[2]               Cette requête s’inscrivait dans le cadre d’une action en dommages intentée contre la Couronne par le demandeur, M. Régent Boily, dans laquelle M. Boily réclame des dommages totalisant près de 10 millions de dollars pour le préjudice moral et physique et les troubles et inconvénients qu’il aurait subis en raison de mauvais traitements que lui auraient infligés les autorités carcérales mexicaines en août 2007.

[3]               La Couronne soutient qu’en rejetant sa requête, le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de mauvais principes et d’une appréciation erronée des faits, et que son ordonnance est ainsi entachée d’une erreur flagrante. La Couronne reproche notamment au protonotaire de s’être fondé à tort sur le délai écoulé avant que la Couronne ne cherche à interroger MM. Osorio et Martinez dans le cadre du recours intenté par M. Boily. La Couronne demande donc à la Cour d’infirmer l’ordonnance émise par le protonotaire et d’ordonner la délivrance des lettres rogatoire et de demande sollicitées.

[4]               L’appel logé par la Couronne soulève deux questions :

  • En rendant son ordonnance, le protonotaire a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits?
  • Dans l’affirmative, la Cour devrait-elle exercer sa discrétion de novo et accueillir la requête de la Couronne?

[5]               Pour les motifs énoncés ci-après, la requête de la Couronne est accueillie. La Cour est d’avis que l’ordonnance est fondée sur une mauvaise appréciation des faits et sur un mauvais principe. Certes, le critère à remplir pour autoriser la Cour à intervenir suite à un appel d’une décision discrétionnaire d’un protonotaire rendue dans le contexte d’une gestion d’instance est élevé. Toutefois, la Cour conclut qu’en l’espèce, les conclusions du protonotaire sur les délais intervenus dans ce dossier, sur l’absence de valeur probante des témoignages à recueillir aux termes de la lettre rogatoire demandée et sur le retard que la requête pourrait causer à l’instruction constituent une série d’erreurs autorisant l’intervention de la Cour. Suite à un examen de novo de la requête déposée par la Couronne, la Cour est d’avis que celle-ci doit être accueillie suivant les termes proposés.

II.                Le contexte

A.                Les faits

[6]               M. Boily est un citoyen canadien maintenant âgé de 71 ans. En novembre 1998, M. Boily est condamné au Mexique à une peine d’emprisonnement de quatorze ans pour le transport de près de 600 kilos de marijuana. En mars 1999, il s’évade de la prison de Zacatecas au Mexique où il est détenu. Un gardien de prison mexicain perd la vie au cours de cette évasion.

[7]               Revenu vivre au Canada à partir de 1999, M. Boily est arrêté par les autorités canadiennes en mars 2005. Le Mexique demande alors son extradition afin que M. Boily retourne au Mexique pour y purger le reliquat de sa peine concernant son infraction de trafic de drogue et y répondre à une poursuite pénale relativement à des accusations d’évasion et d’homicide. En janvier 2007, le ministre de la Justice informe M. Boily que le Canada a reçu des assurances diplomatiques de la part des autorités mexicaines eu égard à la sécurité de M. Boily en cas de renvoi au Mexique; le ministre de la Justice ordonne alors l’extradition de M. Boily. M. Boily loge une demande de contrôle judiciaire de la décision ministérielle d’extradition, laquelle est rejetée tout autant que les appels déposés par M. Boily jusqu’en Cour suprême du Canada.

[8]               M. Boily est extradé au Mexique en août 2007, et incarcéré dans la même prison d’où il s’est évadé huit ans plus tôt. M. Boily allègue avoir été torturé par des gardiens de sécurité de la prison mexicaine lors de son retour au Mexique en août 2007. Il dénonce les actes de torture qu’il aurait alors subis à deux agents consulaires canadiens venus lui rendre visite à la prison en août 2007. Les mauvais traitements de M. Boily cessent suite à cette visite.

[9]               En avril 2010, M. Boily dépose une action contre la Couronne réclamant des dommages de l’ordre de 6 millions de dollars pour préjudice moral et physique, troubles et inconvénients en raison des mauvais traitements infligés par les autorités carcérales mexicaines en août 2007. Il réclame aussi une somme supplémentaire de 3 millions de dollars à titre de dommages exemplaires.

[10]           La Couronne produit une défense en février 2011 affirmant ne pas pouvoir être responsable des mauvais traitements apparemment subis par M. Boily au Mexique. Elle nie la torture alléguée par M. Boily et ajoute qu’à tout événement, ce ne sont pas ses préposés qui auraient infligé ces sévices à M. Boily.

[11]           En août 2013, M. Boily obtient, à sa demande, une suspension sine die de son dossier puisqu’il ne trouve aucun moyen de se rendre disponible pour être interrogé par la Couronne. À la suite de la levée de cette suspension, les procureurs de M. Boily cessent d’occuper et, en février 2015, de nouveaux avocats commencent à le représenter. Puisque la Couronne ne trouve pas de solution pour interroger M. Boily oralement au Canada ou à distance par visioconférence, M. Boily et la Couronne s’entendent finalement pour interroger M. Boily par écrit. Dans ses réponses écrites datées de la fin août 2015 et reçues par la Couronne en novembre 2015, M. Boily identifie notamment le nom des personnes qui l’auraient torturé en août 2007. Il précise alors que « [l]es personnes qui m’ont torturé sont le chef de sécurité, Juan Carlos Abraham Osorio, le gardien de sécurité Isidro Delgato Martinez et un gardien dénommé David », et ne pas avoir d’autres informations à leur sujet.

[12]           Suite à ces renseignements précisant l’identité de MM. Osorio et Martinez et aux réponses fournies par M. Boily lors de l’interrogatoire par écrit, la Couronne dépose sa requête pour obtenir l’émission d’une lettre rogatoire désignant un avocat mexicain à titre de commissaire pour recueillir les dépositions écrites de MM. Osorio et Martinez, pour valoir comme témoignage à l’instruction de l’action intentée par M. Boily.

[13]           M. Boily demeure toujours emprisonné au Mexique à ce jour.

B.                 La décision du protonotaire

[14]           Dans son ordonnance, le protonotaire rejette la requête de la Couronne avec dépens. Après avoir repris l’historique des faits reliés au litige, le protonotaire note que la requête arrive à un stade avancé du dossier. Il mentionne que, suivant la Couronne, « ce ne serait qu’en août 2015, dans le cadre des réponses du demandeur à son interrogatoire au préalable par écrit, que les noms de MM. Osorio et Martinez auraient été dévoilés ». Cependant, le protonotaire indique que « les gestes reprochés et en grande partie l’identité de MM. Osorio et Martinez auraient été portés toutefois à l’attention des autorités fédérales canadiennes dès le 22 août 2007, puis dans un affidavit de mars 2009 du demandeur, et que ces informations auraient fait partie du dossier de cette Cour dès son début en 2010 ».

[15]           Après avoir résumé les critères jurisprudentiels régissant l’émission d’une commission rogatoire, le protonotaire souligne que « l’administration de la justice ne favorise pas ici l’octroi de la requête de la défenderesse ». Sans mettre en doute la bonne foi de la Couronne et tout en reconnaissant la pertinence des interrogatoires recherchés, il « constate néanmoins que les autorités fédérales canadiennes auraient très bien pu dès la fin août 2007 chercher à interroger MM. Osorio et Martinez ». Ainsi, le protonotaire se dit d’avis que le retard devrait jouer contre la Couronne, car c’est elle qui bénéficierait logiquement des témoignages puisque, selon lui, MM. Osorio et Martinez « nieraient vraisemblablement avoir commis des actes de torture ».

[16]           Au niveau de la collaboration des autorités mexicaines ou du retard qu’essuierait l’action de M. Boily si la requête était accordée, le protonotaire donne raison à M. Boily en ce que la Couronne n’a fourni aucune preuve au sujet de la collaboration à laquelle cette Cour devrait s’attendre de la part des autorités mexicaines ni quant à la longueur des délais à prévoir pour les interrogatoires hors cour.

[17]           Enfin, le protonotaire affirme épouser la position de M. Boily à l’effet que « [l]oin d’être requis par l’administration de la justice, accorder la présente [r]equête récompensera la défenderesse pour son inaction au cours des dernières 8 années et occasionnera des délais que la défenderesse n’a même pas osé de [sic] quantifier, le tout afin de recueillir une preuve dénuée de toute force probante de la part de témoins que la défenderesse n’a même pas tenté de localiser ».

C.                La norme d’intervention

[18]           Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un appel comme celui dont la Cour est saisie, un juge ne doit modifier la décision discrétionnaire d’un protonotaire que si la décision « est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits » ou « lorsque le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond » (Z.I. Pompey Industrie c ECU-Line NV, 2003 CSC 27 au para 18; Sport Maska Inc c Bauer Hockey Corp, 2016 CAF 44 [Sport Maska] au para 26; Apotex Inc c Eli Lilly Canada Inc, 2013 CAF 45 au para 4; Merck & Co c Apotex Inc, 2003 CAF 488 aux para 17-19).

[19]           Une erreur flagrante en est une où le décideur a « manifestement eu tort » (AstraZeneca AB c Apotex Inc, 2004 CF 71 au para 37). Par contre, il n’y aura pas d’erreur flagrante lorsque la décision à laquelle un protonotaire aboutit « était la seule qu’il lui était loisible de rendre » (Moudgill c Canada, 2014 CAF 90 aux para 7-8). Enfin, une erreur n’ayant aucune conséquence sur l’ordonnance rendue ne permet pas en soi l’intervention du juge des requêtes (Sport Maska au para 69).

[20]           Par ailleurs, lorsqu’un appel porte sur une décision rendue un protonotaire dans le cadre d’une gestion d’instance, la norme d’intervention impose encore plus de déférence à la Cour siégeant en appel. Comme la Cour d’appel fédérale l’a rappelé dans J2 Global Communications Inc c Protus IP Solutions Inc, 2009 CAF 41 [J2 Global], « en raison de leur connaissance intime du procès et de sa dynamique, les protonotaires et les juges de première instance doivent pouvoir jouir d’une grande latitude dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des instances » (J2 Global au para 16). La Cour ne doit alors intervenir que « pour empêcher des injustices flagrantes et pour corriger des erreurs graves et évidentes » (J2 Global au para 16). Dans de tels cas, les décisions discrétionnaires des protonotaires ne doivent être modifiées que si elles sont fondées sur un exercice clairement inadéquat de leur discrétion (Turmel v Canada, 2016 FCA 9 aux para 10-11). La Cour « n’interviendra relativement à une ordonnance rendue par un juge responsable de la gestion de l’instance agissant en cette qualité que dans les cas où un pouvoir discrétionnaire judiciaire a manifestement été mal exercé » (Constant c Canada, 2012 CAF 89 au para 12). Il s’agit donc d’une norme de révision élevée.

[21]           Lorsque la décision d’un protonotaire comporte une erreur flagrante ou porte sur une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond, le ou la juge chargé(e) de l’examen peut alors examiner la question de novo et utiliser son pouvoir discrétionnaire pour rendre la décision qui, à ses yeux, aurait dû l’être en premier lieu (Seanix Technology Inc c Synnex Canada Ltd, 2005 CF 243 au para 11). Il est acquis, et admis par les parties, que l’appel de la Couronne ne soulève pas ici une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond. La Cour n’a donc qu’à déterminer si le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

D.                Les dispositions pertinentes

[22]           En ce qui concerne le fond de la requête déposée par la Couronne, les dispositions pertinentes des Règles se retrouvent aux articles 271 et 272 portant sur les interrogatoires hors cour, les commissions rogatoires et la tenue d’interrogatoires à l’étranger. Ces articles font partie des dispositions des Règles traitant des circonstances et moyens par lesquels une partie peut demander de recueillir des dépositions hors cour en vue de l’instruction, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Il s’agit là d’une exception à la règle voulant que les témoins doivent normalement être entendus devant la Cour lors de l’instruction.

[23]           L’article 271 des Règles porte sur l’ensemble des interrogatoires hors cour, tandis que l’article 272 traite plus particulièrement de l’interrogatoire hors cour fait à l’étranger. Ils se lisent comme suit :

271 (1) La Cour peut, sur requête, ordonner qu’une personne soit interrogée hors cour en vue de l’instruction.

271 (1) On motion, the Court may order the examination for trial of a person out of court.

(2) La Cour peut tenir compte des facteurs suivants lorsqu’elle rend l’ordonnance visée au paragraphe (1) :

(2) In making an order under subsection (1), the Court may consider

a) l’absence prévue de la personne au moment de l’instruction;

(a) the expected absence of the person at the time of trial;

b) l’âge ou l’infirmité de la personne;

(b) the age or any infirmity of the person;

c) la distance qui sépare la résidence de la personne du lieu de l’instruction;

(c) the distance the person resides from the place of trial; and

d) les frais qu’occasionnerait la présence de celle-ci à l’instruction.

(d) the expense of having the person attend at trial.

(3) Dans l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe (1) ou sur requête subséquente d’une partie, la Cour peut donner des directives au sujet des date, heure, lieu et frais de l’interrogatoire, de la façon de procéder, de l’avis à donner à la personne à interroger et aux autres parties, de la comparution des témoins et de la production des documents ou éléments matériels demandés.

(3) In an order under subsection (1), or on the subsequent motion of a party, the Court may give directions regarding the time, place, manner and costs of the examination, notice to be given to the person being examined and to other parties, the attendance of witnesses and the production of requested documents or material.

(4) La Cour peut, sur requête, ordonner qu’un témoin interrogé en application du paragraphe (1) subisse un interrogatoire supplémentaire devant elle ou la personne qu’elle désigne à cette fin, si l’interrogatoire n’a pas lieu, la Cour peut refuser d’admettre la déposition de ce témoin.

(4) On motion, the Court may order the further examination, before the Court or before a person designated by the Court, of any witness examined under subsection (1), and if such an examination is not conducted, the Court may refuse to admit the evidence of that witness.

[…]

[…]

272 (1) Lorsque l’interrogatoire visé à la règle 271 doit se faire à l’étranger, la Cour peut ordonner à cette fin, selon les formules 272A, 272B ou 272C, la délivrance d’une commission rogatoire sous son sceau, de lettres rogatoires, d’une lettre de demande ou de tout autre document nécessaire.

272 (1) Where an examination under rule 271 is to be made outside Canada, the Court may order the issuance of a commission under the seal of the Court, letters rogatory, a letter of request or any other document necessary for the examination in Form 272A, 272B or 272C, as the case may be.

(2) À moins que les parties n’en conviennent autrement ou que la Cour n’en ordonne autrement, la personne autorisée en vertu du paragraphe (1) à interroger un témoin dans un pays autre que le Canada procède à cet interrogatoire d’une manière qui lie le témoin selon le droit de ce pays.

(2) A person authorized under subsection (1) to take the examination of a witness in a jurisdiction outside Canada shall, unless the parties agree otherwise or the Court orders otherwise, take the examination in a manner that is binding on the witness under the law of that jurisdiction.

[24]           La lettre rogatoire désignera la personne chargée de recueillir le témoignage et d’en faire parvenir la transcription à la Cour. La lettre de demande, pour sa part, sera émise par un fonctionnaire de la Cour à l’attention de l’autorité judiciaire de l’État étranger pour lui demander de fournir l’assistance requise (par exemple, un acte de procédure) afin de contraindre le témoin à comparaître pour répondre aux questions posées ou apporter les documents identifiés.

III.             L’analyse

A.                Le protonotaire a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits?

[25]           M. Boily soutient que, dans son ordonnance, le protonotaire n’a commis aucune erreur flagrante justifiant l’intervention de la Cour et que les prétentions de la Couronne ne reflètent en fait qu’un désaccord quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire. Selon M. Boily, le protonotaire pouvait considérer le critère du délai excessif que la Couronne a laissé courir, car la diligence à agir fait assurément partie de l’ensemble des circonstances que le décideur doit prendre en compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. M. Boily soumet que le protonotaire ne s’est ni fondé sur un mauvais principe ni mépris dans son appréciation des faits.

[26]           M. Boily ajoute que, dans sa décision, le protonotaire a de plus fait référence à une panoplie de facteurs reconnus par la jurisprudence, lesquels pointent tous vers le rejet de la requête déposée par le Couronne, et que la question du délai ne constituait donc qu’une composante parmi d’autres. Selon M. Boily, le protonotaire a ainsi considéré les droits des parties, les effets de sa décision sur l’administration de la justice, le caractère raisonnable de la demande et l’ensemble des circonstances. M. Boily note également que le protonotaire a aussi relevé le manque de preuve sur la collaboration des autorités mexicaines à laquelle la Cour peut s’attendre si une lettre rogatoire devait être émise.

[27]           Finalement, M. Boily plaide que le protonotaire a valablement retenu les retards à prévoir si la requête de la Couronne était accueillie et a correctement conclu que la Couronne avait omis de fournir de preuves sur ce point, n’osant même pas quantifier l’impact sur l’instruction et se contentant de noter que des retards ne peuvent être exclus.

[28]           La Cour ne partage pas la position de M. Boily et conclut au contraire qu’en faisant lourdement reposer son analyse sur le délai de la Couronne à agir, en retenant l’absence de valeur probante des témoignages à recevoir et en invoquant les possibles retards causés à l’instruction du présent dossier, le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur la base d’une mauvaise appréciation des faits et d’un mauvais principe. La Cour est bien consciente des limites de son pouvoir d’intervention au niveau des décisions discrétionnaires rendues par les protonotaires en matière de gestion d’instance. Cependant, la Cour est d’avis que, suite à une analyse des circonstances particulières entourant le présent dossier, il s’agit d’un de ces rares cas justifiant la Cour d’intervenir et d’infirmer l’ordonnance rendue.

(1)               Le critère du délai

[29]           La Cour veut d’abord préciser d’abord qu’elle ne souscrit pas à la position de la Couronne voulant que la question du délai ou du retard à agir ne fasse pas partie des critères jurisprudentiels ou législatifs que pouvait retenir le protonotaire pour déterminer si des lettres rogatoire et de demande devaient être émises.

[30]           Le protonotaire a bien résumé, au paragraphe 5 de son ordonnance, les principes juridiques régissant l’émission d’une commission rogatoire, et les parties ne les contestent pas.

[31]           Ainsi, la délivrance d’une commission rogatoire ou de lettres rogatoires est une procédure extraordinaire qui n’est octroyée que lorsque des circonstances spéciales existent et que l’administration de la justice le requiert (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Seifert, 2004 CF 1010 [Seifert] au para 10). La Cour possède donc un large pouvoir discrétionnaire dans l’émission de lettres rogatoires. En exerçant cette discrétion, la Cour doit considérer non seulement les droits des parties et les circonstances en cause, mais elle doit au premier chef mesurer les effets de sa décision sur l’administration de la justice (Sanofi-Aventis Canada Inc v Apotex Inc, 2009 FC 294 [Sanofi-Aventis] au para 39).

[32]           La décision de délivrer une commission rogatoire ou une lettre rogatoire est généralement examinée en fonction de quatre volets, à savoir : 1) la demande est-elle présentée de bonne foi?; 2) le témoignage porte-t-il sur une question litigieuse que la Cour sera appelée à trancher?; 3) les témoins nommés fourniront-ils des dépositions pertinentes d’une grande importance?; et 4) existe-t-il un motif valable expliquant pourquoi ces témoins ne peuvent pas être interrogés au Canada? (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Fast, 2001 CFPI 594 [Fast] au para 7). Cette liste n’est pas exhaustive et d’autres facteurs ont aussi déjà été considérés par les tribunaux, comme par exemple le caractère raisonnable de la demande en regard de l’ensemble des circonstances, l’habileté des témoins à témoigner ou encore la collaboration des autorités étrangères (Seifert au para 5). Ces facteurs peuvent se présenter sous différents visages mais, toujours, ils reflètent le souci de préserver la bonne administration de la justice.

[33]           La Cour convient que le « délai » à déposer une demande pour recueillir une déposition hors cour à l’étranger ne figure pas expressément dans les éléments recensés par les précédents jurisprudentiels. Cependant, la Cour voit mal comment la Couronne peut prétendre que ce critère ne peut pas appartenir au souci général d’administration de la justice qui doit encadrer et sous-tendre l’exercice de la discrétion de la Cour en matière de délivrance d’une commission rogatoire. On pourrait aussi aisément rattacher cette question du délai au caractère raisonnable de la demande de lettre rogatoire, mentionné dans l’affaire Seifert. Cette préoccupation quant à la diligence d’agir fait donc assurément partie de l’ensemble des circonstances et facteurs que la Cour est autorisée à prendre en compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (Sanofi-Aventis au para 44; Seifert au para 5).

[34]           Dans son ordonnance, le protonotaire a affirmé que, sans reprendre un à un tous les critères énoncés dans la jurisprudence, il considérait que « l’administration de la justice ne favorise pas ici l’octroi de la requête » de la Couronne. Et c’est à cet impératif d’administration de la justice que le protonotaire a associé le trop long délai d’agir qu’il reproche à la Couronne. La Cour considère que, ce faisant, le protonotaire a assurément énoncé le bon principe et n’a commis aucune erreur flagrante.

(2)               La mauvaise appréciation des faits eu égard au délai

[35]           Toutefois, la Cour est d’avis, après analyse, que le protonotaire a mal appliqué ce critère dans sa décision de refuser la délivrance des lettres rogatoire et de demande recherchées par la Couronne, et qu’il s’est fondé sur une appréciation erronée des faits du présent dossier pour arriver à ses conclusions. Plus précisément, la Cour conclut que l’ordonnance du protonotaire (et l’atteinte à l’administration de la justice qu’il identifie) repose sur une mauvaise appréciation des faits eu égard au délai écoulé avant que la Couronne ne présente sa requête pour interroger MM. Osorio et Martinez, tant en ce qui concerne le temps couru avant que M. Boily n’initie son processus judiciaire qu’en ce qui a trait à celui qui s’est égrené depuis.

[36]           Rappelons qu’il s’agit ici du délai pris par la Couronne pour procéder aux interrogatoires hors cour qui font l’objet de sa demande de lettres rogatoire et de demande. Essentiellement, dans l’ordonnance, le protonotaire fait grief à la Couronne de ne pas avoir agi suffisamment rapidement et mentionne que les événements dont se plaint M. Boily et « en grande partie » l’identité de MM. Osorio et Martinez auraient été portés à l’attention des autorités fédérales canadiennes dès le 22 août 2007, qu’ils auraient été repris dans un affidavit de mars 2009 de M. Boily, et que ces informations auraient fait partie du dossier de la Cour dès son début en 2010.

[37]           Le protonotaire a d’abord commis une erreur manifeste en tenant compte, dans son appréciation du délai, du temps écoulé avant que l’action de M. Boily ne soit initiée, soit d’août 2007 à avril 2010. Il est inexact de dire que la Couronne pouvait interroger les deux gardiens de prison dès la fin août 2007, alors que l’action de M. Boily n’a été déposée qu’en 2010. Il n’y avait en effet aucune raison pour les représentants de la Couronne d’interroger MM. Osorio et Martinez avant l’amorce du processus judiciaire, et la Cour est d’avis que c’est une mauvaise appréciation des faits de la part du protonotaire que d’avoir ainsi considéré ce délai de près de trois ans et de l’avoir inclus dans les 8 années d’inaction reprochées à la Couronne. En décidant ainsi, le protonotaire a manifestement eu tort et a mal exercé sa discrétion, car le délai écoulé entre les faits générateurs invoqués par M. Boily et le dépôt de l’action elle-même n’est tout simplement pas pertinent pour évaluer la diligence de la Couronne à demander la délivrance d’une lettre rogatoire dans le cadre de l’action déposée par M. Boily.

[38]           En ce qui concerne le délai écoulé entre le dépôt de l’action de M. Boily et le moment où la Couronne a déposé sa requête pour recueillir les témoignages des deux gardiens de prison à l’étranger, la Cour est également d’avis qu’il n’est pas excessif ou incongru en regard de la trame factuelle du dossier, et que c’est une mauvaise appréciation des faits que d’avoir retenu cet élément pour conclure que la requête de la Couronne ne servait pas les intérêts de la justice.

[39]           Suite à une revue du dossier, la Cour conclut en effet que la Couronne ne peut être tenue responsable des délais de mise en état dans le présent dossier. L’historique des procédures fait notamment ressortir que le passage de nombreuses années depuis le dépôt de l’action de M. Boily lui est attribuable dans une large mesure, car c’est à la demande de M. Boily que les procédures ont été suspendues au mois d’août 2013 et le sont demeurées pendant un long délai de près de deux ans entre 2013 et 2015 avant de pouvoir procéder à son interrogatoire.

[40]           De plus, la Cour ne voit pas comment on peut reprocher à la Couronne son délai à agir pour recueillir les témoignages des deux gardiens en vue de l’instruction, alors que la Couronne n’a pu interroger M. Boily qu’en 2015, qu’elle a dû se résigner à le faire par écrit en raison de l’impossibilité à pouvoir mettre en place un interrogatoire par visioconférence, que M. Boily n’a complété ses réponses écrites qu’en août 2015, et que la Couronne n’a reçu signification de ces réponses qu’en novembre 2015. Le processus d’interrogatoire au préalable n’a donc été amorcé et complété qu’en 2015. Or, il est bien reconnu qu’au niveau procédural, l’interrogatoire au préalable du demandeur doit généralement précéder l’interrogatoire hors cour de tiers.

[41]           La Cour observe par ailleurs que, dans l’échéancier convenu entre les avocats des parties en juin 2015 pour procéder aux interrogatoires écrits, il était incidemment prévu que la Couronne ne signifierait sa demande pour permission d’interroger par écrit des tiers que dans un délai suivant la signification de la réponse de M. Boily à son interrogatoire écrit.

[42]           La Cour ajoute que, dans ses réponses à son interrogatoire écrit, M. Boily n’a pas fourni les coordonnées de ses tortionnaires allégués, n’a pas identifié d’autres témoins des actes d’août 2007 dont il se dit victime, a indiqué n’avoir aucune trace de la torture alléguée, n’a identifié aucune preuve permettant de corroborer ses allégations, et a indiqué n’avoir aucun moyen pour connaître la version des faits de MM. Osorio et Martinez ni avoir intenté de recours à leur encontre ou celle de leur employeur.

[43]           Ce n’est donc qu’une fois reçues les réponses de M. Boily à son interrogatoire écrit, et une fois constatées les lacunes qu’elles comportaient, que la nécessité du témoignage des deux gardiens est devenue cruciale pour la Couronne afin de pouvoir dresser le portrait complet de la trame factuelle à la source de l’action de M. Boily et de déterminer la véracité de ses allégations de torture. Il ne fait aucun doute pour la Cour qu’il s’agit là d’une question d’importance dans le présent dossier, sur laquelle la bonne administration de la justice requiert d’avoir l’ensemble des éléments factuels pertinents. D’ailleurs, le protonotaire admet la pertinence des interrogatoires sollicités dans sa décision, mais conclut que l’intérêt de l’administration de la justice commande néanmoins le rejet de la demande de la Couronne en raison du temps écoulé dans le dossier.

[44]           De plus, la preuve au dossier indique que la Couronne n’a été informée du nom complet d’un des deux gardiens de sécurité, soit M. Isidro Delgato Martinez, qu’après la réception des réponses de M. Boily à son interrogatoire écrit en novembre 2015. Contrairement aux propos de M. Boily affirmant que le nom de M. Martinez était connu bien avant, plus particulièrement dans le rapport du Comité contre la torture daté le 14 novembre 2011, ce rapport révèle plutôt que les noms des gardiens n’y sont pas précisés. La Cour note au surplus que les noms indiqués dans la déclaration amendée de M. Boily sont « un gardien nommé David […] un autre gardien, appelé Isidro » ainsi que « le chef de sécurité, appelé J. Carlos Abrajan Osorio ». Le nom complet de M. Martinez n’y figure pas. De la même manière, l’affidavit de M. Boily du 21 mars 2009 n’identifie pas le nom de famille d’Isidro et réfère simplement à « un autre gardien, appelé Isidro » qui menaçait M. Boily.

[45]           La Couronne a donc raison d’indiquer que le nom complet de M. Martinez n’était pas connu avant l’interrogatoire écrit de M. Boily, et il était donc erroné de la part du protonotaire d’affirmer dans l’ordonnance que les noms des deux gardiens étaient « en grande partie » connus de la Couronne. Recourir aux mots « en grande partie » n’est assurément pas exact quand le nom de famille d’une des deux personnes impliquées manque à l’appel.

[46]           Certes, la Cour reconnaît qu’outre le long délai d’agir, le protonotaire a retenu d’autres critères à l’appui de sa décision de rejeter la requête de la Couronne. Il est aussi exact que le protonotaire a tempéré ses propos sur la question des délais occasionnés dans le déroulement de l’instance, et qu’il n’en a pas imputé toute la responsabilité à la Couronne, soulignant expressément qu’une partie de cette responsabilité était attribuable à M. Boily. Cependant, la lecture de l’ordonnance révèle que cette question du délai de la Couronne à procéder est la clef de voûte de l’ordonnance rendue par le protonotaire et le point d’ancrage principal de sa conclusion au niveau des intérêts de l’administration de la justice. Elle y occupe une place tellement centrale que la mauvaise appréciation des faits à ce chapitre suffit à plomber l’ensemble de l’analyse, à rendre clairement inadéquat l’exercice de sa discrétion, et à justifier l’intervention de la Cour. La Cour est persuadée que, sans cette appréciation erronée des faits à la source du délai de la Couronne à demander les interrogatoires hors cour de MM. Osorio et Martinez, la requête de la Couronne n’aurait pas été rejetée.

[47]           Il ne s’agit assurément pas ici d’une erreur qu’on peut qualifier de secondaire ou sans conséquence (Sport Maska au para 69).

(3)               La question de la valeur probante

[48]           Par ailleurs, la Cour est d’avis que l’ordonnance du protonotaire est également entachée d’une erreur au niveau de sa considération de la valeur probante. En effet, la Cour ne voit pas comment le protonotaire a pu conclure, au stade de la demande d’interrogatoire et en regard des faits au dossier, que les interrogatoires hors cour de MM. Osorio et Martinez étaient nécessairement dénués de toute force probante.

[49]           À cet égard, le protonotaire se contente, au paragraphe 9 de sa décision, d’endosser les représentations écrites des procureurs de M. Boily, sans élaborer davantage. Le protonotaire mentionne ailleurs dans sa décision que ces témoignages bénéficieront probablement à la Couronne puisque MM. Osorio et Martinez « nieraient vraisemblablement avoir commis des actes de torture ». Or, le fait qu’on puisse raisonnablement s’attendre à ce que les témoignages des deux gardiens de prison viennent contredire la position de M. Boily et cautionner les prétentions des autorités mexicaines ne leur retire pas pour autant toute valeur probante.

[50]           En avalisant et en faisant ainsi siens les propos de M. Boily sur l’absence de force probante, la Cour considère que le protonotaire s’est fondé à la fois sur un mauvais principe et sur une mauvaise appréciation des faits.

[51]           Tout d’abord, la force probante d’un éventuel témoignage n’est pas un critère reconnu par la jurisprudence pour décider de l’opportunité de procéder au recueil d’une déposition hors cour, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Et, selon la Cour, ce n’est pas non plus un élément que l’on peut associer aux intérêts de la bonne administration de la justice sur une telle question procédurale ou au caractère raisonnable d’une demande d’interrogatoire. Tout au contraire, l’intérêt de la justice commande plutôt que le ou la juge du fond puisse entendre ou disposer de toute la preuve pertinente au dossier afin de pouvoir en apprécier la valeur probante lors de l’instruction.

[52]           La force probante d’un témoignage est tributaire de la quantité et de la qualité des propos énoncés par la personne qui témoigne, et il s’agit là d’une dimension qui doit généralement être laissée à l’appréciation du juge du fond. La valeur probante dépend de la teneur des propos du témoin, de la qualité de son témoignage, et de la crédibilité du témoin. Ce n’est pas quelque chose qui peut être préjugé sur la seule foi de l’identité ou du profil des personnes dont on cherche à obtenir le témoignage par le biais d’un interrogatoire hors cour en vue de l’instruction.

[53]           Aussi, en acceptant l’invitation que lui faisait M. Boily de voir dans les témoignages des deux gardiens de prison une preuve dénuée de force probante, le protonotaire a, aux yeux de la Cour, exercé sa discrétion sur la base d’un mauvais principe.

[54]           Cette conclusion reflète aussi une appréciation erronée des faits. Personne ne peut savoir, au stade de la demande d’interrogatoire hors cour par voie de lettre rogatoire, quelles seront les réponses de MM. Osorio et Martinez aux questions qui leur seront posées. On peut imaginer à cet égard plusieurs cas de figure, allant de la négation totale de leur présence à la prison mexicaine ce jour d’août 2007 où M. Boily prétend avoir été victime de torture de leur part, à la négation des gestes de torture allégués, ou encore à une confirmation de leur présence et d’une participation quelconque aux gestes allégués par M. Boily à l’appui de son action. Peu importe la réponse, il est indéniable que ces témoignages risquent tout au contraire d’avoir une valeur probante certaine, qu’ils aillent dans le sens attendu par M. Boily et le protonotaire ou dans le sens inverse. Que MM. Osorio et Martinez nient ou confirment leur participation aux mauvais traitements allégués par M. Boily, leurs témoignages joueront assurément un rôle dans l’évaluation que le ou la juge du fond devra faire de la crédibilité de M. Boily et de ses allégations de torture.

[55]           Il n’y avait donc, au stade de la requête de la Couronne, aucun indice ou élément de fait qui permette d’affirmer que les témoignages de MM. Osorio et Martinez seront dénués de toute force probante. Une telle affirmation est prématurée et entièrement spéculative, ne repose sur aucun élément de preuve et constitue donc une mauvaise appréciation des faits de la part du protonotaire.

(4)               Le retard causé à l’instruction

[56]           Enfin, la Cour note au surplus que la demande de la Couronne de recueillir les témoignages de MM. Osorio et Martinez par l’entremise d’un commissaire mexicain a été présentée bien en avance de l’instruction et qu’elle n’a pas pour effet de retarder le déroulement de l’instance, comme l’a reconnu le procureur de la Couronne lors de l’audience. La situation diffère profondément de l’affaire Sanofi-Aventis où une réouverture d’enquête était à l’enjeu.

[57]           La Cour partage le point de vue du protonotaire selon lequel il est dans l’intérêt de la justice de voir à ce que le dossier soit mis en état et que l’affaire soit instruite dans les meilleurs délais. Or, le remède recherché par la Couronne par l’entremise de sa requête ne porte pas atteinte à cette observation et va tout à fait dans ce sens, car les procédures de la présente affaire doivent se poursuivre en parallèle avec les interrogatoires des deux gardiens de prison. Aussi, ce n’était pas un élément sur lequel le protonotaire pouvait valablement asseoir sa conclusion.

[58]           Le protonotaire reprend dans son ordonnance les propos de M. Boily disant que la Couronne n’a pas quantifié la longueur des délais à prévoir pour les interrogatoires hors cour de MM. Osorio et Martinez. C’est vrai. Cependant, la Cour estime qu’inférer de ce défaut que la requête de la Couronne occasionnerait un retard au stade de l’instruction constitue une mauvaise appréciation des faits. Ce n’est pas ce que le dossier ou les soumissions déposées par la Couronne indiquent ou suggèrent.

[59]           Dans les circonstances, et pour l’ensemble de ces raisons, la Cour est d’avis qu’en décidant que l’octroi de la requête recherchée par la Couronne n’est pas dans l’intérêt de l’administration de la justice, le protonotaire a mal exercé sa discrétion en l’appuyant sur une mauvaise appréciation de plusieurs éléments factuels entourant le recours de M. Boily. Tout au contraire, la Cour estime que c’est plutôt le refus de permettre la délivrance des lettres rogatoire et de demande sollicitées par la Couronne qui constituerait une injustice flagrante et une entorse à la bonne administration de la justice dans le cas présent.

[60]           Cette mauvaise appréciation des faits est ici suffisante pour faire basculer la décision du protonotaire dans le champ des rares situations justifiant l’intervention de la Cour.

B.                 Suite à un examen de novo, la Cour devrait-elle exercer sa discrétion pour accueillir la requête de la Couronne?

[61]           Procédant maintenant à un exercice de novo, la Cour est d’avis que la requête de la Couronne doit être accueillie, car les critères pour l’émission d’une lettre rogatoire et d’une lettre de demande sont remplis et qu’il est éminemment dans l’intérêt de l’administration de la justice d’avoir le bénéfice des témoignages de MM. Osorio et Martinez.

[62]           Certes, il est possible que le ou la juge du fond attribue éventuellement une faible valeur probante aux témoignages de MM. Osorio et Martinez. Mais priver la Couronne de la possibilité d’interroger les deux gardiens de prison et de connaître leur version des faits signifierait que seul le témoignage de M. Boily existerait sur les événements pourtant à la source de son action et de sa réclamation en dommages contre le gouvernement canadien.

[63]           Il est manifeste aux yeux de la Cour qu’il est utile et préférable, voire nécessaire, de recueillir les témoignages de MM. Osorio et Martinez à ce stade du dossier, plutôt que d’attendre à l’occasion de l’instruction, puisque ces individus disposent de renseignements qui pourraient permettre d’identifier des éléments de preuve ou des témoins pertinents pour l’instruction. Ceci est d’autant plus vrai que M. Boily a révélé lors de son interrogatoire préalable par écrit qu’il n’y a ni témoin ni preuve permettant de confirmer ou d’infirmer ses propos. Sans la délivrance de lettres rogatoire et de demande, la version des faits de MM. Osorio et Martinez risquerait de ne pas être au dossier de la Cour.

[64]           De plus, la Cour est d’accord avec la Couronne qu’il est à craindre que les témoignages de MM. Osorio et Martinez ne soient jamais au dossier s’ils ne sont pas recueillis à l’étranger, puisque la Cour n’a pas de pouvoir de contrainte sur des personnes qui résident à l’extérieur du Canada dans le cadre de procédures civiles comme celle initiée par M. Boily. Le Mexique est un pays avec lequel le Canada n’a pas de traité permettant de contraindre des témoins dans une cause civile au Canada.

[65]           La Cour est par ailleurs satisfaite qu’il n’en résultera pas de préjudice, retard, inconvénient ou coût déraisonnable pour M. Boily, la mise en état du dossier n’ayant pas à être retardée pour que le commissaire désigné recueille les dépositions de MM. Osorio et Martinez aux termes de la demande de la Couronne.

[66]           Les ordonnances sollicitées sont dans l’intérêt de l’administration de la justice car elles offrent un véhicule procédural permettant de fournir un portrait complet du témoignage de tous les acteurs qui pourraient être concernés par les événements soulevés par M. Boily à l’appui de son recours. En fait, la Cour est d’avis qu’elles sont nécessaires pour empêcher une injustice flagrante envers la Couronne. C’est donc une situation où la Cour est justifiée d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour ordonner la mise en place de la procédure extraordinaire et exceptionnelle qu’est la délivrance d’une lettre rogatoire.

[67]           La Cour est aussi satisfaite que l’ensemble des critères identifiés par la jurisprudence et que la Cour prend normalement en compte avant de délivrer des lettres rogatoires et de demande sont remplis ici (Fast au para 7). En effet, rien dans la preuve au dossier ne permet de dire que la demande de la Couronne n’est pas présentée de bonne foi. De plus, les témoignages des deux gardiens de prison portent assurément sur une question litigieuse centrale que la Cour sera appelée à trancher; en fait, les témoignages et les questions identifiées par la Couronne dans la demande de lettre rogatoire portent sur le cœur de l’action de M. Boily, soit ses allégations de torture. Du même souffle, les deux témoins fourniront des dépositions pertinentes d’une grande importance car ils sont les seuls à pouvoir posséder des renseignements sur les événements à la source des dommages réclamés par M. Boily. D’ailleurs, le protonotaire reconnaît expressément dans l’ordonnance que les interrogatoires envisagés portent sur un aspect pertinent à la position des deux parties dans le cadre de l’action de M. Boily. Enfin, il existe un motif valable expliquant pourquoi ces témoins ne peuvent pas être interrogés au Canada, soit le fait qu’ils ne peuvent être contraints à venir témoigner au Canada lors de l’instruction de la procédure civile lancée par M. Boily, et qu’il y a des économies de coûts et de temps à procéder par voie d’interrogatoires hors cour à l’étranger.

[68]           Si on regarde les autres critères identifiés par la jurisprudence, soit le caractère raisonnable de la demande en tenant compte de l’ensemble des circonstances, la pertinence de la preuve à recueillir ou les intérêts liés à l’administration de la justice (Seifert au para 5), la Cour est persuadée qu’ils militent également pour l’exercice de sa discrétion en faveur de la délivrance des lettres rogatoire et de demande recherchées par la Couronne.

[69]           La Couronne a droit à une défense pleine et entière. Il est manifestement dans l’intérêt de la justice de permettre la délivrance des lettres rogatoire et de demande car conclure à l’inverse priverait la Cour d’avoir le bénéfice du seul moyen d’avoir des témoignages permettant de valider ou d’infirmer la version des faits de M. Boily. Il est indéniable que c’est là une question névralgique au centre de l’action de M. Boily. Il appartiendra au juge du fond de déterminer quelle version doit prévaloir selon la prépondérance des probabilités, mais ce n’est certainement pas dans l’intérêt de l’administration de la justice d’empêcher l’obtention de ces témoignages à ce stade et de faire en sorte que le ou la juge du fond ne dispose que d’un portrait tronqué de la trame factuelle à la source de la réclamation de M. Boily.

[70]           La Cour partage enfin la position de la Couronne à l’effet que l’importance des témoignages de MM. Osorio et Martinez ne pouvait pas se cristalliser avant que les réponses de M. Boily à son interrogatoire ne soient connues. En l’espèce, la Cour est d’avis que loin d’être tardive ou logée à un stade trop avancé des procédures, la demande de la Couronne a en fait été rapidement formulée à la première opportunité réelle possible, soit une fois l’interrogatoire écrit de M. Boily complété et avant l’instruction elle-même.

[71]           La Cour note que la Couronne n’a pas fourni de preuve convaincante au sujet de la collaboration à laquelle cette Cour devrait s’attendre de la part des autorités mexicaines, ni quant à la longueur précise des délais à escompter pour mener à terme les interrogatoires hors cour de MM. Osorio et Martinez. M. Boily insiste sur le fait que la Couronne a elle-même indiqué dans ses soumissions écrites que des risques de retards « ne peuvent être exclus puisque MM. Osorio et Martinez devront être localisés par le commissaire et que leur témoignage pourrait nécessiter que ce commissaire ait recours aux tribunaux mexicains ».

[72]           Il est indéniable qu’il eût été préférable que la Couronne élabore davantage sur ce sujet pour solidifier le bien-fondé de sa demande. Cependant, la Cour observe que la jurisprudence ne requiert pas une preuve de collaboration escomptée de la part des autorités étrangères pour autoriser la délivrance de lettres rogatoires, et qu’il s’agit plutôt d’un élément parmi d’autres identifiés par la jurisprudence dans l’exercice de la discrétion de la Cour (Siefert au para 5). En l’espèce, en regard des nombreux autres facteurs qui appuient fortement un exercice de discrétion en faveur de la délivrance des lettres rogatoire et de demande sollicitées, la Cour conclut que cet élément ne suffit pas à justifier de refuser la requête de la Couronne.

[73]           Au surplus, la Cour ne comprend pas les propos de la Couronne comme indiquant qu’il faut s’attendre à des délais au niveau de l’instruction de l’action de M. Boily, ou que le procès sera retardé en raison de la demande d’interrogatoires hors cour. Lorsque lu dans son contexte, il appert que la référence aux retards « qui ne peuvent être exclus » porte uniquement sur le fait qu’il pourrait y avoir du retard dans l’exécution de la commission rogatoire elle-même. D’ailleurs, à l’audience, la Couronne a réaffirmé que la tenue de ces interrogatoires hors cour n’a pas pour effet de retarder l’instruction.

IV.             Conclusion

[74]           Pour les motifs qui précèdent, l’appel de la Couronne est accueilli et la décision du protonotaire est infirmée. La Cour conclut que l’ordonnance du protonotaire est fondée sur une mauvaise appréciation des faits et sur un mauvais principe, et que les conclusions sur les délais intervenus dans ce dossier, sur l’absence de valeur probante des témoignages à recueillir aux termes de la lettre rogatoire demandée et sur le retard que la requête causerait à l’instruction constituent un exercice erroné de sa discrétion autorisant l’intervention de la Cour. Suite à un examen de novo de la requête déposée par la Couronne, la Cour est d’avis que celle-ci doit être accueillie suivant les termes proposés.


JUGEMENT

LA COUR :

  1. ACCUEILLE la présente requête;
  2. INFIRME la décision rendue le 11 mars 2016 par le protonotaire Morneau, et en conséquence;
  3. ORDONNE à l’administrateur de la Cour d’émettre une lettre rogatoire en anglais afin de désigner M. Javier Navarro Velasco, avocat au sein du cabinet Baker & McKenzie, ayant une place d’affaires au Oficinas en el Parque, Torre Baker & McKenzie – Piso 10, Blvd. Antonio L. Rodriguez 1884 Pte., 64650 Monterrey, N.L., Mexico, afin que celui-ci puisse localiser et recueillir le témoignage écrit de M. Juan Carlos Abraham Osorio et de M. Isidro Delgato Martinez sur tous les faits se rapportant au litige, selon les termes du « Draft Commission » ci-joint;
  4. ORDONNE à l’administrateur de la Cour d’émettre une lettre de demande en anglais adressée aux autorités judiciaires du Mexique en vertu de la règle 272 des Règles des Cours fédérales, et ce, afin de solliciter des autorités judiciaires mexicaines l’émission de toute ordonnance appropriée pour contraindre M. Juan Carlos Abraham Osorio et de M. Isidro Delgato Martinez d’être assignés à témoigner par écrit devant M. Javier Navarro Velasco du cabinet Baker & McKenzie sur tous les faits se rapportant au litige, selon les termes du « Draft Letter of Request » ci-joint;

5.      ORDONNE aux parties de poursuivre la finalisation des procédures et des étapes en vue de mettre en état le présent dossier et de fixer les dates de l’instruction;

6.      LE TOUT avec dépens en faveur de la défenderesse.

« Denis Gascon »

Juge


Dossier : T-541-10

COUR FÉDÉRALE

ENTRE :

RÉGENT BOILY

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ÉBAUCHE : COMMISSION ROGATOIRE

DESTINATAIRE :     Javier Navarro Velasco

Baker & McKenzie

Oficinas en el Parque

Torre Baker & McKenzie, Piso 10

Blvd. Antonio L. Rodriguez 1884 Pte.

64650 Monterrey, N.L., Mexico

VOUS ÊTES NOMMÉ COMMISSAIRE chargé de recueillir des témoignages relativement à une instance devant cette Cour, en vertu d’une ordonnance rendue par celle-ci, dont une copie est jointe.

VOUS AVEZ PLEINS POUVOIRS de prendre les mesures nécessaires pour recueillir les témoignages dont il est fait mention dans l’ordonnance autorisant la présente commission rogatoire. Vous devez faire parvenir à la Cour la transcription des témoignages, accompagnée de la présente commission rogatoire, sans délai après que les réponses écrites à l’interrogatoire auront été fournies et assermentées. Pour l’exécution de la présente commission rogatoire, vous devez suivre les directives énoncées dans l’ordonnance de même que les instructions qui suivent.

LA PRÉSENTE COMMISSION ROGATOIRE porte les seing et sceau de la Cour en vertu d’une ordonnance.

(Date)

Délivré par :    __________________________________________

(Agent du greffe)

Adresse du bureau local :        90, rue Sparks

Ottawa (Ontario)  K1A 0H9

Canada


INSTRUCTIONS AU COMMISSAIRE

1.             Avant d’exécuter la présente commission rogatoire, vous devez prêter le serment (ou faire l’affirmation solennelle) qui figure ci-dessous. Vous pouvez le faire devant la personne autorisée, aux termes du paragraphe 54(2) de la Loi sur les Cours fédérales, à faire prêter serment ou à recevoir des affidavits à l’étranger.

Je soussigné, Javier Navarro Velasco, jure (ou affirme solennellement) que je recueillerai, de façon honnête et loyale, selon mes aptitudes et mes connaissances et sans parti pris, le témoignage de chacun des témoins interrogés aux termes de la présente commission rogatoire, que je ferai transcrire le témoignage et que j’en enverrai la transcription à la Cour. (Dans le cas d’un serment, terminer par la formule suivante : Que Dieu me soit en aide.)

Déclaré sous serment (ou affirmé solennellement) devant moi dans la/le (ville, etc.) de (nom), dans (l’État, le pays, etc.) de/du (nom), le (date).

________________________________________

(Signature et titre de la personne qui reçoit le serment ou l’affirmation solennelle)

________________________________________

(Signature du commissaire)

2.             Le commissaire est tenu de donner à la personne interrogée un préavis d’au moins 10 jours.

3.             Vous devez faire prêter le serment suivant à chacun des témoins dont le témoignage doit être recueilli (ou recevoir de chacun d’eux l’affirmation solennelle suivante) : Vous jurez (ou affirmez solennellement) lors de votre témoignage concernant les questions en litige entre les parties à la présente instance de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. (Dans le cas d’un serment, terminer par la formule suivante : Que Dieu vous soit en aide.)

4.             Si le témoin ne comprend pas la langue ou est sourd ou muet, son témoignage doit être rendu par l’intermédiaire d’un interprète. Vous devez faire prêter à l’interprète le serment suivant (ou recevoir de celui-ci l’affirmation solennelle suivante) : Vous jurez (ou affirmez solennellement) que vous comprenez la langue (langue du témoin) et la langue dans laquelle doit se dérouler l’interrogatoire et que vous ferez au témoin la traduction fidèle de la formule du serment (ou de l’affirmation solennelle) de même que de chacune des questions qui lui seront posées et de ses réponses, au mieux de vos aptitudes et de votre entendement. (Dans le cas d’un serment, terminer par la formule suivante : Que Dieu vous soit en aide.)

Vous devez annexer à la présente commission les réponses écrites aux questions écrites suivantes, rédigées dans la langue choisie par les témoins, de même que tous autres renseignements jugés pertinents par les témoins et qui relèvent de leur connaissance personnelle, de manière à soumettre un énoncé complet des faits en l’espèce :

Liste de questions en français

A.           Travaillez-vous en ce moment? Dans l’affirmative, qui est votre employeur, où travaillez-vous et quel type de travail effectuez-vous?

B.            Travailliez-vous en 2007? Dans l’affirmative, qui était votre employeur à ce moment, où travailliez-vous et quel type de travail effectuiez-vous?

C.            Connaissez-vous personnellement le prisonnier Régent Boily ou tout autre prisonnier canadien détenu à la prison de l’État de Zacatecas en août 2007 portant un nom similaire (ci-après « M. Boily »)?

D.           Savez-vous qu’il a été allégué que M. Boily avait été torturé à la prison de l’État de Zacatecas en août 2007?

E.            Avez-vous déjà eu recours à la force physique contre M. Boily ou avez-vous déjà menacé de le tuer, lui ou des membres de sa famille, en août 2007? Dans la négative, savez-vous si une telle torture s’est produite? Dans l’affirmative, veuillez fournir tous les renseignements à cet égard dont vous avez une connaissance personnelle, de même que tous éléments de preuve dont vous pourriez disposer sur le sujet.

Liste de questions en anglais

A.          At present, do you work? If so, who is your employer, where do you work and what type of work do you do?

B.            Did you work in August 2007? If so, who was your employer at that time, where did you work and what type of work did you do?

C.            Do you personally know inmate Régent Boily or any other Canadian inmate detained at the Zacatecas prison in August 2007 bearing a similar name (hereafter “Mr. Boily”)?

D.           Are you aware that there have been allegations that Mr. Boily was tortured at the Zacatecas prison in August of 2007?

E.            Have you ever used physical force against Mr. Boily or threatened to kill him or members of his family in August 2007? If not, are you aware that any such torture took place? If so, provide all information in this regard that is to your personal knowledge and any evidence you might have on the topic.

Liste de questions en espagnol

A.    Usted trabaja en este momento? Si es el caso, quién es su empleador, en dónde trabaja y qué tipo de trabajo hace?

B.     Trabajaba en agosto de 2007? Si sí, quién era su empleador en ese tiempo, en dónde trabajaba y qué tipo de trabajo hacía?

C.     Conoce personalmente al detenido Régent Boily o a algún otro canadiense detenido en la cárcel de Zacatecas en agosto de 2007 que tuviera un nombre parecido (de ahora en adelante “Sr. Boily”)?

D.    Sabe usted que ha habido alegaciones de que el Sr. Boily fue torturado en la cárcel de Zacatecas en agosto de 2007?

E.     Alguna vez hizo uso de fuerza en contra del Sr. Boily o amenazo matarlo a él o a miembros de su familia en agosto de 2007? En caso contrario, sabe si hubo algún tipo de tortura? Si es el caso, proporcione toda la información a este respecto que sea de su conocimiento personal.

5.             Vous devez remplir l’attestation qui figure ci-dessous et envoyer par la poste la présente commission, les interrogatoires écrits, les réponses écrites et, le cas échéant, les pièces, au bureau de la Cour qui a délivré la commission. Vous devez conserver une copie des interrogatoires écrits, des réponses écrites, de la transcription et, dans la mesure du possible, une copie des pièces, jusqu’à ce que la Cour ait statué sur l’instance. Vous devez, dès la mise à la poste de la présente commission et des documents qui l’accompagnent, aviser de ce fait les parties qui ont comparu à l’interrogatoire.

ATTESTATION DU COMMISSAIRE

Je soussigné, Javier Navarro Velasco, atteste ce qui suit :

  1. J’ai fait prêter le serment (ou l’affirmation solennelle), à l’interprète par l’intermédiaire duquel le témoignage a été rendu.
  2. Le témoignage du témoin a été dûment recueilli.
  3. Le témoignage du témoin a été transcrit fidèlement.

(Date)

_______________________________________

(Signature du commissaire)


Dossier : T-541-10

COUR FÉDÉRALE

ENTRE :

RÉGENT BOILY

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ÉBAUCHE : LETTRE DE DEMANDE

À L’AUTORITÉ JUDICIAIRE COMPÉTENTE DES ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE.

UNE INSTANCE EST EN COURS DEVANT LA COUR entre Régent Boily et Sa Majesté la Reine.

IL A ÉTÉ DÉMONTRÉ À CETTE COUR qu’il appert nécessaire, dans l’intérêt de la justice, qu’un témoin résidant dans votre juridiction y soit interrogé, et ce, par écrit.

LA COUR A DÉLIVRÉ UNE COMMISSION ROGATOIRE à Javier Navarro Velasco, un avocat de la firme Baker & McKenzie, dont les bureaux sont situés aux Oficinas en el Parque, Torre Baker & McKenzie, Piso 10, Blvd. Antonio L. Rodriguez 1884 Pte., 64650 Monterrey, N.L., Mexico, prévoyant l’interrogatoire écrit de Juan Carlos Abraham Osorio et de Isidro Delgato Martinez, qui travaillaient tous deux à la prison de l’État de Zacatecas, en août 2007.

VOUS ÊTES PRIÉE, dans l’intérêt de la justice, selon le mode en usage dans votre juridiction, d’amener Juan Carlos Abraham Osorio et Isidro Delgato Martinez à comparaître devant le commissaire et, en cas de besoin, d’assurer leur présence, pour qu’ils répondent sous serment ou sous affirmation solennelle aux questions posées par écrit ci-jointes.

VOUS ÊTES ÉGALEMENT PRIÉE de permettre au commissaire de mener l’interrogatoire des deux (2) témoins, conformément aux Règles des Cours fédérales et à la commission rogatoire délivrée par la Cour.

À VOTRE DEMANDE, la Cour fédérale est disposée à agir de même à votre endroit, en pareil cas.

LA PRÉSENTE LETTRE DE DEMANDE, porte les seing et sceau de la Cour en vertu d’une ordonnance rendue le (date).

Délivré par :    __________________________________________

(Agent du greffe)

Adresse du bureau local :        90, rue Sparks
Ottawa (Ontario)  K1A 0H9
Canada


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-541-10

INTITULÉ :

RÉGENT BOILY c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 mai 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

LE 5 AOÛT 2016

COMPARUTIONS :

Me Audrey Boctor

Me Christian Deslauriers

Pour le demandeur

Me Vincent Veilleux

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Irving Mitchell Kalichman

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

La Société Professionnelle de Christian Deslauriers Inc.

Avocat(s)

Ottawa (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour la défenderesse

 

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