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Date : 20160815


Dossier : T-2045-15

Référence : 2016 CF 930

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 août 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

LIEUTENANT-COLONEL DONALD JAMES HAMILTON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, le lieutenant-colonel Donald James Hamilton, qui se représente lui-même dans la présente instance, a demandé un contrôle judiciaire d’une décision du directeur général de l’Autorité des griefs des Forces canadiennes datée du 18 octobre 2015, dans laquelle le Colonel J.R.F. Malo [le directeur général] rejette le grief du demandeur concernant le recouvrement d’un congé annuel excédentaire.

I.                   Contexte

[2]               Le demandeur s’est joint aux Forces canadiennes [FC] en 1981 en tant que membre de la Force régulière. Passé à la Force de réserve en 2002, il est revenu à la Force régulière en 2007. Durant le processus de retour à la Force régulière, une erreur administrative s’est produite au moment où le droit aux congés du demandeur a été saisi dans le système de gestion des ressources humaines, de sorte que ses années de service au sein de la Force de réserve ont été incluses par erreur dans le calcul de son droit à des congés annuels. Par conséquent, à compter de 2009, le demandeur a commencé à recevoir 30 jours de congé annuel au lieu des 25 jours auxquels il avait droit selon ses années de service au sein de la Force régulière. Cette situation s’est poursuivie jusqu’en 2014, alors que l’erreur a été constatée durant un audit des congés annuels. Par conséquent, le 8 juillet 2014, le demandeur a été informé qu’il devait rembourser les 25 jours de congé excédentaires, ce qui représentait la somme de 8 080,83 $.

[3]               Le 31 juillet 2014, le demandeur a déposé un grief demandant qu’un congé spécial ou annuel soit approuvé de façon rétroactive et que la politique sur les congés soit modifiée afin de corriger l’injustice. Cependant, dans une décision datée du 13 avril 2015, le directeur général, Rémunération et Avantages sociaux, agissant à titre d’autorité initiale [l’AI] en vertu de la procédure de grief établie en vertu de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, [la Loi], a rejeté le grief du demandeur. L’AI a conclu que la politique était claire et que, puisque les années de service du demandeur n’auraient pas dû être incluses aux fins du calcul du droit à 30 jours de congé annuel, celui-ci devait rembourser les 25 journées de congé annuel excédentaires de son droit annuel. De plus, l’AI a déterminé que seul le ministre de la Défense nationale avait le pouvoir de modifier la politique sur les congés.

[4]               Dans une décision datée du 19 juin 2015, le Comité externe d’examen des griefs militaires [CEEGM] a formulé une recommandation non exécutoire voulant que le grief soit accueilli. Le CEEGM a noté que, depuis 2006, il avait constamment conclu que l’exclusion des années de service dans la Force de réserve du calcul du droit à 30 jours de congé annuel était injuste. Le CEEGM a également noté que bien que la politique ait été modifiée avec effet le 1er avril 2015, cette modification n’était pas rétroactive, de sorte que la situation du demandeur a dû être examinée à la lumière de la réglementation en vigueur au moment où le congé excédentaire a été accordé. Le CEEGM a conclu que la politique en vigueur au moment du grief du demandeur était explicite et que seules les années de service au sein de la Force régulière étaient applicables afin de déterminer si un membre des FC avait droit à 30 jours de congé annuel. Le CEEGM a recommandé que, même si le demandeur n’avait pas droit à 30 jours de congé annuel, la décision de recouvrer les 25 journées de congé excédentaires accordées au demandeur soit annulée en vertu de l’alinéa 208.315a) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [ORFC] ou qu’il soit accordé au demandeur 25 journées de congé spécial afin de compenser le congé excédentaire en vertu de l’article 16.20 des ORFC.

II.                Décision du directeur général

[5]               Dans une décision datée du 28 octobre 2015, le directeur général, agissant comme autorité de dernière instance dans les procédures de grief établies en vertu de la Loi, a déterminé, après nouvel examen du grief déposé par le demandeur, que : bien qu’il comprenne à quel point il peut sembler injuste au demandeur d’avoir à rembourser l’équivalent de 25 journées de congé annuel, l’exigence de remboursement était équitable et conforme aux règles, règlements et politiques applicables, et que par conséquent il ne pouvait pas accorder le redressement recherché par le demandeur.

[6]               Après avoir examiné le contexte du grief et les recommandations formulées par le CEEGM, le directeur général a noté que, conformément à la politique pertinente en vigueur à ce moment-là, le demandeur n’avait pas droit aux 30 jours de congé annuel dont il a bénéficié. Le directeur général a rejeté la recommandation du CEEGM voulant qu’il utilise les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’alinéa 208.315 a) des ORFC pour conclure que les congés excédentaires n’auraient pas dû être retenus parce qu’à son avis, cet alinéa ne confère pas la latitude de ne pas recouvrer le congé. Selon le directeur général, l’article 208.315, associés aux articles 208.05 et 203.04 traitant des plus-payés, donne la latitude d’annuler une directive de recouvrer un congé accordé par erreur uniquement si l’erreur peut être corrigée et que le membre des FC avait par ailleurs droit au congé en vertu des ordonnances et règlements. Dans le cas du demandeur, le directeur général a indiqué que les congés excédentaires qui lui ont été accordés relevaient d’une [traduction] « erreur de plus-payés » et qu’il avait reçu des congés auxquels il n’avait pas droit.

[7]               Le directeur général est également en désaccord avec la seconde recommandation du CEEGM, qui propose, si la directive de recouvrement du congé n’est pas annulée, d’accorder au demandeur un congé spécial de 25 jours en vertu de l’article 16.20 des ORFC. Le directeur général a également rejeté cette recommandation, parce que l’octroi d’un congé spécial au demandeur lui conférerait un avantage qui n’est pas offert aux autres membres des FC [traduction] « ayant fait l’objet d’une erreur similaire ou n’ayant pas reçu de congé supplémentaire en reconnaissance de leurs années de service au sein de la Force régulière et de la Force de réserve ». Le directeur général conclut donc que le demandeur n’a pas subi de préjudice grave du fait de l’erreur et que, parce qu’il a reçu un avantage auquel il n’avait pas droit, sous la forme d’un congé annuel, le demandeur doit rembourser un montant équivalent à la valeur de 25 journées de congé.

III.             Questions en litige

[8]               Les parties soulèvent différentes questions en lien avec la décision du directeur général. À mon avis cependant, les questions principales se résument ainsi : (1) est-ce que la décision rendue respecte l’équité procédurale; et (2) est-ce que la décision est raisonnable?

IV.             Norme de contrôle

[9]               Que les règles d’équité procédurale aient été enfreintes lors du traitement du grief du demandeur est une question soumise à la norme de contrôle du bien-fondé (voir : l’arrêt Mission Institution c. Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79, [2014] 1 RCS 502, voir aussi Smith c. Canada (Défense nationale), 2010 CF 321, aux paragraphes 34 à 37, 363 FTR 186). La Cour devra donc déterminer si le processus appliqué par le directeur général a atteint le niveau d’équité exigé par les circonstances en l’espèce (voir : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 115, [2002] 1 RCS 3). Il ne s’agit donc pas tant de savoir si la décision prise par le directeur général était correcte, mais bien si la procédure qu’il a suivie pour arriver à cette décision était équitable (voir : la décision Hashi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 154, au paragraphe 14, 238 ACWS (3d) 199; et la décision Makoundi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1177, au paragraphe 35, 249 ACWS (3d) 112).

[10]           Il est bien établi dans la jurisprudence que les décisions relatives aux griefs qui touchent des membres des FC traitent de questions de fait ou de questions mixtes de fait et de droit et, en tant que telles, doivent faire l’objet d’un contrôle judiciaire conformément à la norme du caractère raisonnable [voir : par exemple, la décision MacPhail c. Canada (Procureur général), 2016 CF 153, aux paragraphes 8 et 9; la décision Bossé c. Canada, 2015 CF 1143, au paragraphe 25, 259 ACWS (3d) 686; la décision Bourassa c. Canada (Défense nationale), 2014 CF 936, au paragraphe 40, 249 ACWS (3d) 788; l’arrêt Harris c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 278, [2013] ACF no 1312 [affirmant la décision Harris c. Canada (Procureur général), 2013 CF 571, au paragraphe 30, [2013] 433 FTR 181); la décision Babineau c. Canada (Procureur général), 2014 CF 398, au paragraphe 22, [2014] ACF no 440; la décision Osterroth c. Chef d’état-major de la Défense, 2014 CF 438, au paragraphe 18, [2014] ACF no 483; la décision Moodie c. Canada (Procureur général), 2014 CF 433, au paragraphe 44, [2014] FCJ no 447; Lampron c. Canada (Procureur général), 2012 CF 825, au paragraphe 27, [2012] ACF no 1713, et la décision Rompré c. Canada (Procureur général), 2012 CF 101, aux paragraphes 22 et 23, 404 FTR 161.

[11]           Par conséquent, bien que la Cour puisse intervenir « si le décideur a ignoré des éléments de preuve importants ou pris en compte des éléments qui sont inexacts ou dénués d’importance » [décision James c Canada (Procureur général), 2015 CF 965, au paragraphe 86, 257 ACWS (3d) 113], elle ne devrait pas intervenir si la décision du directeur général est intelligible, transparente, justifiable et défendable au regard des faits et du droit : arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190. Les motifs répondent aux critères établis « s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador [Conseil du Trésor], 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708).

[12]           En outre, il faut considérer la décision du directeur général comme un tout et la Cour doit s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur (arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54, [2013] 2 RCS 458; voir aussi la décision Ameni c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 164, au paragraphe 35, [2016] A.C.F. no 142 (QL)). De plus, « si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » : arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 R.C.S. 339.

V.                Analyse

A.                Est-ce que la décision du directeur général était inéquitable sur le plan de la procédure?

[13]           Le demandeur prétend qu’il y a eu un délai déraisonnable dans le changement apporté à la politique de congé annuel. Cette prétention est toutefois sans mérite, puisqu’elle se situe en dehors du champ de la présente demande de contrôle judiciaire et que la politique sur le congé annuel a effectivement été modifiée en 2015 pour inclure les années de service au sein de la Force de réserve dans le calcul du droit d’un membre de la Force régulière à 30 jours de congé annuel.

[14]           Le demandeur prétend également que le directeur général n’a pas correctement examiné les conclusions et les recommandations du CEEGM et n’en a pas tenu compte. Cette prétention est elle aussi sans mérite. Le directeur général était tenu de considérer ces conclusions et ces recommandations. Son devoir, en vertu de l’alinéa 10.5d) des Directives et ordonnances administratives de la défense 2017-1 [DOAD], était d’indiquer les raisons pour lesquelles il a choisi de ne pas suivre les conclusions ou recommandations du CEEGM, ce qu’il a fait en l’espèce, puisqu’il a explicitement abordé la question des recommandations du CEEGM, indiquant qu’il était en désaccord avec ces recommandations et donnant les motifs de son désaccord. Même si les motifs donnés par le directeur général pour ne pas suivre les recommandations du CEEGM sont énoncés brièvement, ils n’en sont pas moins suffisants pour expliquer pourquoi il est en désaccord avec ces recommandations. En outre, le directeur général n’était pas tenu, comme l’a fait valoir le demandeur à l’audience, d’expliquer de façon détaillée dans ses motifs la façon dont l’erreur est survenue et le fait que le demandeur était tenu de prendre le congé qui lui était accordé.

[15]           Le demandeur fait aussi valoir que le chef d’état-major aurait dû traiter le grief, puisqu’il portait sur un enjeu [traduction] « systémique » dépassant les pouvoirs délégués au directeur général dans la lettre de délégation du 21 juillet 2015. Cette observation semble fondée, à tout le moins en partie, sur le motif principal invoqué par le directeur général pour rejeter la demande de congé spécial présentée par le demandeur; à savoir que cela conférerait au demandeur, selon les mots du directeur général, [traduction] « un avantage qui n’est pas offert aux autres membres des FC ayant fait l’objet d’une erreur similaire ou n’ayant pas reçu de congé supplémentaire en reconnaissance de leurs années de service au sein de la Force régulière et de la Force de réserve ». Ce raisonnement donne à penser qu’il pourrait y avoir eu d’autres personnes ayant fait l’objet d’une erreur similaire à celle dont a fait l’objet le demandeur; si c’est le cas, le demandeur n’avait pas accès à cette information et on ne pouvait pas non plus s’attendre à ce qu’il réponde à des observations sur cette question. Il ne s’agit cependant pas d’une question d’équité procédurale, puisque le raisonnement du directeur général à cet égard est conjectural ou spéculatif, dans la mesure où le dossier montre qu’il ne disposait pas d’éléments de preuve selon lesquels d’autres membres ont fait l’objet d’une erreur similaire ou n’ont pas reçu de congé supplémentaire en reconnaissance de leurs années de service au sein de la Force régulière et de la Force de réserve, et que le demandeur n’en a pas déposé.

[16]           En bref, je conclus que la décision du directeur général a été rendue de manière équitable sur le plan de la procédure et conformément aux DOAD. Les procédures suivies, dans ce cas, étaient ouvertes et transparentes, et le demandeur était au courant de la question qu’il devait résoudre. Le demandeur n’a pas fait l’objet d’un déni d’équité procédurale dans la décision prise par le directeur général de rejeter son grief.

B.                 La décision du directeur général était-elle déraisonnable?

[17]           Le demandeur fait valoir que le directeur général a la latitude d’imposer ou non une suppression de solde et d’indemnités à l’égard d’un congé. Il soutient que le directeur général a erré en interprétant l’approbation du congé comme une décision financière et donc assujettie aux dispositions sur les plus-payés.

[18]           Dans les motifs de sa décision, le directeur général a noté la formulation obligatoire du paragraphe 16.14(7) des ORFC :

(7) Lorsqu’un officier ou militaire du rang a obtenu, pendant un exercice financier, un congé annuel qui dépasse le nombre de jours autorisés en vertu de l’alinéa (4) pour cet exercice financier, ce congé excédentaire est traité conformément à l’article 208.315 (Suppressions de solde et d’indemnités à l’égard d’un congé). [Souligné dans l’original.]

[19]           En conséquence de cet article, le directeur général a conclu que : [traduction] « Les pouvoirs conférés par l’article 208.315 des QR&O ne confèrent pas la latitude de ne pas recouvrer un congé qui ne peut être considéré autrement que comme un plus-payé ». L’article 208.315 prévoit ce qui suit :

208.315 - SUPPRESSIONS DE SOLDE ET D’INDEMNITÉS À L’ÉGARD D’UN CONGÉ

208.315 - FORFEITURES IN RESPECT OF LEAVE

Sous réserve de toutes restrictions prescrites par le chef de l’état-major de la défense, tout officier désigné par ce dernier à cette fin peut ordonner qu’un officier ou militaire du rang soit privé de sa solde et de ses indemnités pour :

Subject to any limitations prescribed by the Chief of the Defence Staff, such officers as the Chief of the Defence Staff may designate for the purpose may direct that a forfeiture be imposed upon an officer or non-commissioned member for:

a) chaque journée de congé annuel accordée qui dépasse la période réglementaire ou qui lui aura été accordée, autrement qu’en conformité des règlements et ordonnances en vigueur de temps à autre;

(a) each day of annual leave granted to him in excess of his entitlement or granted to him otherwise than in accordance with regulations and orders in force from time to time;

b) chaque journée de congé qui lui aura été accordée pour raisons personnelles de nature apparemment urgente, s’il a omis par la suite de vérifier si les raisons personnelles étaient bien fondées; ou

(b) each day of compassionate leave granted to him for apparently urgent reasons and in respect of which he fails to subsequently verify that the alleged compassionate circumstances existed; or

c) chaque journée de tout autre genre de congé qui lui aura été accordée, autrement qu’en conformité des règlements et ordonnances en vigueur de temps à autre.

(c) each day of any other type of leave granted to him otherwise than in accordance with regulations and orders in force from time to time.

[20]           Le directeur général a déterminé que l’article 208.315 ne devrait pas être interprété isolément de l’obligation de recouvrer les plus-payés en vertu des articles 201.05 et 203.04. L’article 201.05 se lit comme suit :

201.05 – RESPONSABILITÉS FINANCIÈRES DES OFFICIERS COMPTABLES

201.05 - FINANCIAL RESPONSIBILITIES OF ACCOUNTING OFFICERS

(1) L’officier comptable est responsable de la réception, de la garde, du contrôle, des dépenses et de la comptabilité des fonds qui lui sont confiés.

(1) An accounting officer is responsible for the receipt, custody, control and disbursement of, and accounting for, public funds.

(2) L’officier comptable est personnellement responsable de tout paiement effectué contrairement aux règlements, par lui-même ou sous sa direction, ou effectué sans autorisation ou à la suite d’erreurs commises par lui-même ou ses subordonnés. Il doit chercher à recouvrer, de celui qui l’a reçu, tout paiement en trop ainsi effectué.

(2) An accounting officer is personally responsible for any payment made by him or by his direction contrary to regulations, or otherwise without authorization, or through error by himself or his subordinates. He shall be required to seek recovery of the amount of any overpayment from the payee.

(3) Lorsqu’un officier comptable a été tenu responsable d’un paiement en trop et a comblé le déficit, il a droit à un remboursement égal à la somme recouvrée.

(3) When an accounting officer has been held liable for an overpayment and has made good the loss he is entitled to be reimbursed to the extent to which recovery has been made.

(4) À moins de directives contraires publiées par le chef de l’état-major de la défense, l’officier comptable ne doit accepter la garde d’aucun fonds personnels.

(4) Except as otherwise prescribed in orders issued by the Chief of the Defence Staff, an accounting officer shall not accept personal funds for safekeeping.

(5) L’officier comptable ne doit, ni directement ni indirectement, retirer d’avantages pécuniaires de son poste, autres que les soldes et indemnités auxquelles il a droit. Il ne doit ni prêter, ni échanger, ni autrement affecter les fonds publics à aucune fin ni d’aucune façon non autorisée par les autorités compétentes, et il doit surtout s’abstenir de payer des chèques personnels ou d’autres effets négociables, à moins de directives contraires publiées par le chef de l’état-major de la défense.

(5) An accounting officer shall not directly or indirectly derive any pecuniary advantage from his position beyond his authorized pay and allowances. He shall not lend, exchange or otherwise apply public funds for any purpose or in any manner not authorized by proper authority and, in particular, he shall not, except as prescribed in orders issued by the Chief of the Defence Staff, cash personal cheques or other negotiable instruments.

[21]           L’article 203.04 se lit comme suit :

203.04 – PLUS-PAYÉS

203.04 – OVERPAYMENTS

(1) Chaque officier ou militaire du rang doit se renseigner sur les tarifs de solde, les indemnités et les autres prestations financières ou frais auxquels il peut avoir droit, ainsi que sur les conditions qui en régissent la distribution.

(1) It is the duty of every officer or non-commissioned member to be acquainted with the rates of pay, allowances and other financial benefits and reimbursable expenses to which that officer or non-commissioned member may be entitled, and the conditions governing their issue.

(2) Si un officier ou un militaire du rang accepte un paiement qui dépasse le montant auquel il a droit, il doit signaler ces paiements et rembourser le montant payé en trop à l’officier comptable de la base ou autre unité ou élément où l’officier ou le militaire du rang est présent.

(2) If an officer or non-commissioned member accepts a payment in excess of the entitlement due, the officer or non-commissioned member shall report and refund the amount of the overpayment to the accounting officer of the base or other unit or element where the officer or non-commissioned member is present.

(3) L’officier ou le militaire du rang doit normalement rembourser un trop-payé en un seul versement ou au moyen de retenues mensuelles effectuées sur son compte de solde, pourvu que ces mensualités ne soient pas inférieures au tarif mensuel auquel le paiement en trop a été effectué. Toutefois, dans des circonstances extraordinaires, le chef de l’état-major de la défense peut étendre la période du recouvrement ou autoriser un taux de remboursement moins élevé.

(3) Refund of the amount of an overpayment shall normally be made by an officer or non-commissioned member in either one lump sum or by monthly deductions in the pay account in amounts not less than the monthly rate at which the overpayment was made. In exceptional circumstances, the Chief of the Defence Staff may extend the period of recovery and authorize a lesser rate of repayment.

[22]           Le défendeur fait valoir que les articles 201.05 et 203.04 montrent qu’aucune latitude n’est accordée en vertu de l’article 208.315 de ne pas recouvrer les congés excédentaires et qu’il est clair que les congés font partie de la rémunération du demandeur et qu’il a reçu un paiement en trop sous la forme d’un congé excédentaire. En revanche, le demandeur fait valoir que le congé excédentaire n’est pas un plus-payé ou un avantage remboursable et que le directeur général a erré en interprétant l’approbation de congé comme une décision financière et donc assujettie à la réglementation sur les plus-payés.

[23]           Le critère de la décision raisonnable est présumé s’appliquer à l’interprétation faite par le directeur général des articles des ORFC précités (voir : l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 54; l’arrêt Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30, [2011] 3 RCS 654 [Alberta Teachers]; l’arrêt Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, 2016 CSC 8, au paragraphe 32, 396 DLR (4th) 1; et l’arrêt Commission canadienne des droits de la personne c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 200, au paragraphe 61, 2016 CarswellNat 3213 [Droits de la personne]). Cette présomption, cependant, ne s’applique pas lorsque la question en litige concerne : a) une question constitutionnelle (autre qu’une question portant sur l’exercice d’une latitude qui viole la Charte ou qui ne respecte pas les valeurs de la Charte); b) une question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui est étrangère au domaine d’expertise du décideur; ou c) une question touchant la délimitation des compétences respectives de deux tribunaux spécialisés ou plus et les questions touchant « véritablement » à la compétence (voir : Dunsmuir, aux paragraphes 58 à 61; Alberta Teachers, au paragraphe 30; et Droits de la personne au paragraphe 62). En l’espèce, aucune de ces questions ne se pose, de sorte que la question n’est pas de savoir si l’interprétation faite par le directeur général de ces articles est correcte, mais plutôt s’il était raisonnable pour lui de conclure que l’article 208.315 ne lui conférait pas la latitude de ne pas recouvrer le congé excédentaire.

[24]           À mon avis, il n’était pas raisonnable pour le directeur général de rejeter la recommandation du CEEGM d’annuler la décision de recouvrer le congé excédentaire en vertu de l’article 208.315, parce que cette interprétation ne tient pas compte et ne reconnaît pas la latitude implicite et inhérente à l’expression « peut ordonner » la suppression de la solde et des indemnités. Cette formulation est clairement permissive et prévoit une décision non seulement d’ordonner la suppression du congé, comme ce fut le cas en l’espèce, mais aussi d’ordonner qu’il n’y ait pas de suppression de congé. L’interprétation donnée par le directeur général à l’article 208.315 est contraire au principe de l’interprétation législative, dans laquelle l’utilisation du mot « peut » indique souvent qu’une certaine latitude a été laissée au décideur administratif (voir : l’arrêt Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Cha, 2006 CAF 126, au paragraphe 19, [2007] 1 FCR 409), et est aussi contraire à l’article 11 de la Loi d’interprétation, LRC (1985), ch. I-21, qui dispose ce qui suit : « L’obligation s’exprime essentiellement par l’indicatif présent du verbe porteur de sens principal et, à l’occasion, par des verbes ou expressions comportant cette notion. L’octroi de pouvoirs, de droits, d’autorisations ou de facultés s’exprime essentiellement par le verbe ‘‘pouvoir’’ et, à l’occasion, par des expressions comportant ces notions ». Même s’il peut avoir été raisonnable de caractériser le congé excédentaire dont a bénéficié le demandeur sous une forme de plus-payé, il était quand même, à mon avis, déraisonnable pour le directeur général d’accentuer et d’appliquer la formulation obligatoire ou impérative du paragraphe 16.14(7) des ORFC à son interprétation et son analyse de l’article 208.315.

[25]           Il était également déraisonnable pour le directeur général de rejeter la recommandation du CEEGM d’accorder au demandeur 25 jours de congé spécial en vertu de l’article 16.20 des ORFC, parce que les motifs invoqués pour refuser d’accorder ce congé se fondent sur la conjecture et la spéculation. Le directeur général ne disposait d’aucune preuve quant à savoir si d’autres membres des FC auraient pu avoir fait l’objet d’une erreur similaire à celle dont le demandeur a fait l’objet ou n’ont pas reçu de congé supplémentaire en reconnaissance de leurs années de service au sein de la Force régulière et de la Force de réserve. Une conjecture peut être plausible, mais elle n’a aucune valeur en droit et elle ne peut constituer un motif raisonnable pour rejeter la demande de congé spécial présentée par le demandeur, parce qu’elle ne constitue rien de plus qu’une simple supposition (voir la décision Amour International Mines d’Or Ltée c. Canada (Procureur général), 2010 CF 1070, aux paragraphes 26 et 27, [2010] ACF no 1325 (QL)). La décision du directeur général de ne pas accorder au demandeur un congé spécial en vertu de l’article 16.20 était, de façon déraisonnable, fondée sur une supposition voulant que si d’autres membres des FC se trouvaient dans la même situation que le demandeur, ils se seraient vus refuser un avantage offert au demandeur, mais non à eux.

[26]           En résumé, je conclus que la décision du directeur général n’est pas justifiable parce qu’elle adopte une interprétation déraisonnable de l’article 208.315 des ORFC et parce qu’elle est fondée, à tout le moins pour la demande de congé spécial, sur des conjectures et des spéculations. La décision dans son ensemble ne se situe pas dans une gamme de résultats possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

VI.             Conclusion

[27]           Je conclus donc que la décision du directeur général est déraisonnable pour les motifs énoncés ci-dessus et, par conséquent, la décision est annulée. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée aux fins de nouvel examen par un délégué différent du chef d’état-major de la Défense, en tenant compte des présents motifs de jugement.

[28]           Compte tenu de l’ensemble des circonstances en l’espèce, et après examen des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, il n’y aura aucune adjudication de dépens.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire; la décision rendue le 28 octobre 2015 par le colonel J.R.F. Malo est annulée; l’affaire est renvoyée aux fins de réexamen par un délégué différent du chef d’état-major de la Défense, en tenant compte des présents motifs de jugement; et il n’y a aucune adjudication de dépens.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2045-15

 

INTITULÉ :

LIEUTENANT-COLONEL DONALD JAMES HAMILTON c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mai 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 août 2016

 

COMPARUTIONS :

Lieutenant-colonel Donald James Hamilton

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Max Binnie

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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