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Date : 20160721

Dossier : IMM-5901-15

Référence : 2016 CF 858

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

MARTIN RUTY NGEZE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) d’une décision rendue le 8 décembre 2015 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, par laquelle la SPR a décidé que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur, Martin Ruty Ngeze, est un ressortissant congolais de la province du Nord-Kivu, située dans la partie orientale de la République démocratique du Congo (RDC).

[3]               Le demandeur allègue qu’il est exposé au risque d’être persécuté en République démocratique du Congo en raison de son origine ethnique, comme Tutsi congolais. Il a fui au Rwanda en 2000 en raison des conflits et de la violence en République démocratique du Congo, et il est retourné en République démocratique du Congo à deux reprises : en 2005 et en 2010.

[4]               Pendant son séjour au Rwanda, le demandeur affirme avoir été kidnappé par le ministère rwandais du Renseignement militaire et avoir par la suite été remis au groupe rebelle M23 pour se battre contre les forces armées congolaises. Le demandeur s’est échappé, a traversé la frontière pour se rendre en Ouganda, et s’est ensuite rendu au Canada via les États-Unis en utilisant un passeport rwandais obtenu frauduleusement. Le demandeur craint d’être persécuté par les rebelles du M23, la milice congolaise, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), et le ministère rwandais du Renseignement militaire.

[5]               En octobre 2012, le demandeur a déposé une demande l’asile auprès de la SPR.

[6]               Dans une décision datée du 8 décembre 2015, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur. Les questions déterminantes étaient l’identité et la crédibilité. La SPR a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de la preuve en vertu de l’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, car il n’avait pas fourni de documents crédibles établissant son identité personnelle ou ethnique.

[7]               La SPR a souligné de graves préoccupations relatives à la crédibilité et a rejeté la demande pour absence de fondement crédible en vertu du paragraphe 107(2) de la Loi, concluant qu’il n’y avait pas de preuve crédible ou digne de foi lui permettant de rendre une décision favorable.

[8]               À l’audience, le demandeur a présenté un permis de conduire de la République démocratique du Congo délivré en 2005, et un certificat de naissance délivré en 2010 pour établir son identité congolaise.

A.                Permis de conduire

[9]               La SPR a conclu que le permis de conduire du demandeur était frauduleux. Elle a estimé que le témoignage du demandeur selon lequel il a obtenu le permis de conduire en se rendant au poste de police en République démocratique du Congo contredisait son témoignage où il a affirmé que lorsqu’il est retourné en République démocratique du Congo en provenance du Rwanda, il l’a fait dans la clandestinité. En conséquence, la SPR a tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité.

[10]           La SPR a également mis en doute l’authenticité même du permis de conduire, car il portait l’en-tête de la République du Zaïre, malgré le fait qu’il avait été émis huit ans après que la République du Zaïre eut été renommée la République démocratique du Congo. En outre, la SPR a souligné que le permis de conduire contenait des incohérences internes, comme le fait que sa page de couverture indique qu’il était valide de 2005 à 2010; il y a pourtant des renouvellements du permis ailleurs dans le document de 2005 à 2006 et de 2006 à 2007.

[11]           La SPR a ensuite souligné que le demandeur avait déclaré que le permis de conduire était authentique dans son formulaire de demande d’asile et avait attesté de son authenticité au cours de l’audience. Puisqu’il a présenté le document comme étant authentique, la SPR a conclu que le demandeur avait présenté de façon erronée un fait qui a une incidence directe sur la question de son identité, et a donc tiré des conclusions négatives relatives à la crédibilité. En outre, la SPR a estimé que le témoignage du demandeur en ce qui a trait à la manière dont il a obtenu son permis de conduire contredisait l’information du cartable national de documentation (CND).

B.                 Le certificat de naissance

[12]           La SPR a également conclu que le certificat de naissance du demandeur était frauduleux. Elle a tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité du témoignage du demandeur voulant que les renseignements dans son certificat de naissance aient été obtenus à partir des registres congolais contenant des renseignements personnels des citoyens, puisque le cartable national de documentation ne fait aucune mention de ces registres. La SPR a en outre souligné que le certificat de naissance contenait plusieurs erreurs de grammaire française, que le modèle et le contenu du document étaient incohérents, et que la façon dont il a été obtenu était nébuleuse et peu convaincante.

[13]           Encore une fois, la SPR a souligné que le demandeur avait indiqué que le certificat de naissance était authentique dans son formulaire de demande et avait plus tard confirmé son authenticité au cours de l’audience, ce qui, pour les mêmes raisons énoncées ci-dessus, a eu une incidence négative sur sa crédibilité.

C.                 L’absence d’autres documents d’identité

[14]           La SPR a tiré une autre conclusion défavorable relative à la crédibilité du témoignage du demandeur voulant qu’il ne soit pas au courant d’une attestation de documents perdus, étant donné qu’il avait fourni l’attestation de perte de documents de son frère dans le dossier. La SPR a également conclu qu’au cours des trois années écoulées entre le dépôt de son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et la date de l’audience, le demandeur aurait pu prendre des mesures pour obtenir une pièce d’identification officielle, mais ne l’a pas fait. En dépit de l’information du cartable national de documentation exposant les difficultés associées à l’obtention de documentation en République démocratique du Congo, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas pris des mesures raisonnables pour obtenir des documents d’identité, et avait donc échoué à établir son identité personnelle et ethnique.

D.                La preuve documentaire présentée par le frère

[15]           La SPR a examiné la preuve documentaire déposée par le demandeur après l’audience qui était constituée de photocopies de documents relatifs à son frère, qui avait obtenu l’asile au Canada en 2009. Cette preuve comprend : une déclaration signée par le frère; deux pièces d’identité de la République démocratique du Congo; une lettre du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés au Rwanda concernant le frère; la décision de la SPR accueillant la demande d’asile du frère en juin 2009; et un autre document du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés concernant les réfugiés au Rwanda. La SPR a conclu qu’à la lumière des préoccupations relatives à la crédibilité du demandeur, les documents ne suffisaient pas à établir l’identité personnelle, nationale et ethnique du demandeur, car le seul lien entre les documents et le demandeur étaient son propre témoignage.

E.                 La position du demandeur

[16]           La SPR a en outre conclu que le témoignage abondant du demandeur au sujet de la situation au Rwanda ne suffisait pas pour établir son identité. En outre, la SPR n’avait aucun moyen d’évaluer la connaissance du demandeur du kinyarwanda, la langue du groupe auquel le demandeur affirme appartenir – puisqu’il n’a pas témoigné dans cette langue.

F.                  Documents rwandais

[17]           Afin d’établir sa résidence au Rwanda, le demandeur a déposé une lettre de la Mount Kenya University confirmant son admission et une carte de paiement des frais. La SPR a conclu que la lettre de la Mount Kenya University était insuffisante pour établir que le demandeur était au Rwanda en raison des incohérences entre le document et le témoignage du demandeur. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il était un étudiant universitaire au Rwanda ou comment il avait été en mesure de s’inscrire à l’université sans documents d’identité, et a tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité.

[18]           La SPR a également décelé des caractères d’imprimerie irréguliers sur les cartes de paiement des frais et a noté que les modèles des cartes n’étaient pas uniformes. La SPR a ensuite conclu que le demandeur avait présenté des éléments de preuve contradictoires quant à la date à laquelle il allègue être arrivé au Rwanda.

G.                Le demandeur s’est réclamé à nouveau de la protection de la République démocratique du Congo

[19]           Le demandeur est retourné deux fois en République démocratique du Congo, plus précisément dans la région qu’il avait fuie, ce que le SPR a estimé être en contradiction avec la crainte subjective de persécution alléguée par le demandeur.

H.                Le demandeur n’a pas présenté de demande dans d’autres pays

[20]           La SPR a en outre conclu que l’explication fournie par le demandeur pour ne pas avoir présenté de demande d’asile au Rwanda – parce que ses parents ne voulaient pas que leurs enfants demandent l’asile au Rwanda – a été contredite par la preuve voulant que son frère ait présenté une demande au Rwanda auprès du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. En conséquence, la SPR a conclu que la décision du demandeur de ne pas présenter de demande d’asile au Rwanda était déraisonnable et en a tiré une conclusion défavorable relative à la crédibilité.

III.             Questions en litige

[21]           Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La SPR a-t-elle commis un manquement à l’équité procédurale?
  2. La décision de la SPR est-elle raisonnable?

IV.             Norme de contrôle

[22]           Les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[23]           Les conclusions de la SPR relatives à l’identité sont fondées sur les faits et commandent la déférence, et sont donc examinées selon la norme de la décision raisonnable (Liu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 377, au paragraphe 8). Pour ce qui est des questions relatives à l’examen des conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR, c’est également la norme de la raisonnabilité qui s’applique (Triana Aguirre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 571, au paragraphe 14).

V.                Analyse

[24]           À titre de question préliminaire, le défendeur s’oppose à divers paragraphes de l’affidavit du demandeur (paragraphes 6, 13 à 24 et 26 à 28) et de l’affidavit du frère du demandeur (paragraphes 5 et 8 à 16) et soutient qu’ils sont irrecevables puisqu’ils relèvent de l’argumentation et de l’interprétation de la preuve, ou constituent des éléments de preuve qui n’ont pas été déposés devant la SPR.

[25]           En réponse, le demandeur fait valoir que la Cour doit considérer ces éléments de preuve, car ils appartiennent à l’une des exceptions au principe général interdisant d’admettre dans une demande de révision judiciaire de nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au décideur administratif (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, aux paragraphes 14 à 20). Plus précisément, le demandeur affirme que l’information contenue dans les affidavits [traduction] « appartient à l’origine de la violation de l’équité procédurale dans l’affaire en instance ».

[26]           Le matériel fourni dans les affidavits ne fait pas partie de l’une des exceptions à la règle générale selon laquelle le dossier de la preuve devant la Cour de révision est limité à la preuve dont disposait le décideur. Les paragraphes contestés sont de nature argumentative, contiennent des témoignages d’opinion, et une interprétation des éléments de preuve déjà examinés par la SPR.

[27]           J’ai examiné ces éléments de preuve et j’ai accordé peu de poids aux paragraphes contestés.

A.                La SPR a-t-elle commis un manquement à l’équité procédurale?

[28]           Le demandeur soutient que la SPR a violé son droit à l’équité procédurale en ne lui donnant pas, à lui ou à son frère, une occasion d’aborder les préoccupations soulevées par la preuve présentée après l’audience à l’appui de l’identité du demandeur.

[29]           Je ne suis pas d’accord. Comme l’a déclaré le défendeur, la préoccupation de la SPR relative à la preuve présentée après l’audience ne touchait pas les documents eux-mêmes, mais plutôt le fait que le seul élément de preuve reliant les documents au demandeur était le témoignage du demandeur – témoignage qui a été jugé non crédible. Cette conclusion n’appelle pas une occasion d’y répondre, et j’estime que la SPR n’a pas enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale.

[30]           En outre, les éléments de preuve présentés après l’audience étaient pertinents à la question sous-jacente de l’identité, qui se pose toujours lors des audiences tenues en vertu des articles 96 et 97, qui est au cœur de toute demande d’asile, et qui doit être établie par le demandeur selon la prépondérance des probabilités. L’avocate du demandeur devait être au courant de ce fait et du fait que la conclusion de la SPR selon laquelle cette nouvelle documentation n’avait pas permis d’établir l’identité du demandeur n’appelait pas une occasion d’y répondre (Behary c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 794, au paragraphe 18). Le demandeur a été informé à l’audience de la SPR que son identité était en cause, et a eu l’occasion de présenter de la preuve écrite, après l’audience, pour aborder ce point précis.

B.                 La décision de la SPR est-elle raisonnable?

[31]           Le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable pour la SPR de ne pas examiner la preuve documentaire présentée par son frère. Le demandeur s’appuie sur les décisions de notre Cour qui maintiennent que plus la preuve est pertinente, et plus augmente l’obligation du décideur d’aborder la preuve dans ses motifs, en particulier si l’information est en contradiction directe avec les conclusions de la SPR (Cepeda-Guiterrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425, au paragraphe 17; Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 331, au paragraphe 9).

[32]           Le demandeur soutient également que la SPR a erré dans son évaluation de ses pièces d’identité. Il affirme que la SPR a déraisonnablement rejeté son explication de la raison pour laquelle son permis de conduire a été délivré par la République du Zaïre plutôt que par la République démocratique du Congo. En outre, d’autres éléments de preuve du cartable national de documentation qui n’ont pas été abordés par la SPR traitent de la difficulté d’obtenir des pièces d’identité officielles en République démocratique du Congo.

[33]           Le demandeur fait également valoir que lorsqu’on tire des conclusions sur la vraisemblance, il faut veiller à ne pas projeter ses valeurs culturelles sur le cas étudié, et que les conclusions d’invraisemblance qu’a tirées la SPR en l’espèce ne satisfont pas à ce critère. (Ghannadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 879, au paragraphe 33).

[34]           Enfin, le demandeur rappelle plusieurs erreurs factuelles concernant ses antécédents culturels et son origine ethnique, et qui, selon lui, sont tellement manifestes que notre Cour doit faire droit à sa demande de contrôle judiciaire en vertu de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, puisque la décision de la SPR a été prise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Le demandeur affirme également que la décision de la SPR est déraisonnable en raison de l’omission d’examiner le bien-fondé de sa demande, malgré sa conclusion sur la question de la crédibilité.

[35]           Le demandeur a le fardeau de prouver son identité par la production de documents acceptables, faute de quoi il doit raisonnablement justifier la raison de leur absence (article 106 de la Loi). Il est bien établi que le défaut d’établir l’identité est fatal à la poursuite de l’examen d’une demande d’asile. Les questions de l’identité et de la crédibilité sont au cœur même de l’expertise de la SPR, et la Cour doit se garder de réexaminer les conclusions de la SPR à cet égard (Rahal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, aux paragraphes 47 et 48 [Rahal]).

[36]           J’estime que, selon la preuve au dossier, la conclusion défavorable de la SPR relative à la crédibilité quant à l’identité du demandeur était raisonnable, étant donné :

  1. les incohérences entre le témoignage du demandeur et les documents qu’il a fournis;
  2. les incohérences entre le témoignage du demandeur et les documents du cartable national de documentation;
  3. la décision du demandeur de ne pas demander l’asile au Rwanda;
  4. le retour volontaire du demandeur en cartable national de documentation;
  5. la constatation que le demandeur avait fourni de faux documents à l’appui de sa demande.

[37]           Ces incohérences et préoccupations relatives à la crédibilité touchant le cœur de la demande d’asile du demandeur ont surtout trait à l’établissement de son identité en tant que ressortissant congolais – un élément essentiel à sa demande d’asile – faute de quoi sa crainte d’être persécuté ne peut pas être établie. La SPR a fourni des raisons valables de ne pas accepter les explications du demandeur, et sa conclusion voulant que le demandeur n’ait pas établi de façon crédible son identité était raisonnable.

[38]           Contrairement à l’argument du demandeur que la SPR a commis une erreur en n’examinant pas les principaux documents d’identité crédibles de son frère (Mishel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 226, au paragraphe 29), la SPR n’a pas omis d’examiner les éléments de preuve déposés postérieurement à l’audience. La SPR a plutôt évalué la preuve, mais a refusé de lui accorder du poids vu le peu de crédibilité du demandeur.

[39]           Il était raisonnable que la SPR conclue que le seul lien entre les éléments de preuve postérieurs à l’audience et le demandeur était le témoignage du demandeur, jugé non crédible, et ne leur a donc accordé que peu de poids. Il était également raisonnable que la SPR conclue que la preuve présentée après l’audience était insuffisante pour dissiper ses graves préoccupations relatives à la crédibilité et établir l’identité personnelle, nationale et ethnique du demandeur.

[40]           Bien que le demandeur invoque d’autres éléments de preuve déposés devant la SPR, lesquels allègue-t-il font le lien avec la déclaration de son frère à l’appui de son identité, comme la décision de 2009 accordant l’asile à son frère et l’attestation à cet effet du demandeur dans son FRP, cette preuve provient du demandeur, et non d’un témoin indépendant ou d’un témoignage sous serment.

[41]           En définitive, le demandeur convie la Cour à apprécier de nouveau la preuve postérieure à l’audience et à substituer ses conclusions à celles de la SPR, ce qui n’est pas la tâche que la Cour doit accomplir dans l’examen de décisions en fonction de la norme de la décision raisonnable (Hughes c. Canadian Airport Workers Union (CAWU STCA Canada), 2012 CAF 236, au paragraphe 8).

[42]           Ainsi, je ne crois pas que la SPR a évalué de façon déraisonnable les documents du demandeur relatifs à son identité. La SPR a fourni amplement de motifs pour expliquer sa conclusion que le permis de conduire était frauduleux, notamment : le témoignage contradictoire du demandeur indiquant qu’il a obtenu le permis de conduire en se rendant au poste de police congolais, malgré le fait qu’il ait affirmé se cacher des autorités congolaises; le permis de conduire a été délivré par la République du Zaïre, huit ans après que la République du Zaïre eut été renommée la  République démocratique du Congo; les irrégularités sur le permis de conduire lui-même; l’information du cartable national de documentation au sujet de la prévalence de documents d’identité falsifiés en République démocratique du Congo; et l’information du cartable national de documentation contredisant le témoignage du demandeur quant à la manière dont il avait obtenu le permis de conduire.

[43]           De même, en ce qui concerne le certificat de naissance du demandeur, la SPR a souligné le fait qu’il ne fasse pas partie des documents d’identité reconnus par les autorités de la République démocratique du Congo. La SPR a également estimé que le document était frauduleux, étant donné que le témoignage du demandeur concernant la source de l’information contenue dans le certificat de naissance était incompatible avec le document lui-même et l’information énoncée dans le cartable national de documentation.

[44]           Même si la SPR a pu sembler préciser à tort l’origine ethnique du demandeur en décrivant les allégations contenues dans la décision, il est évident que cette incohérence n’a aucune incidence sur l’analyse de la SPR en ce qui a trait à l’authenticité des documents d’identité du demandeur ou de l’ensemble de la preuve. Cela ne constitue pas une erreur abusive ou arbitraire qui a influé sur la décision et l’analyse de la SPR d’aucune manière.

[45]           Les conclusions relatives à la crédibilité et à l’identité sont au cœur de l’expertise de la SPR, et à la lumière de l’évaluation approfondie de la preuve par la SPR, et de la déférence qu’il convient de faire preuve à l’égard des conclusions de la SPR relatives à ces questions, la décision de la SPR était raisonnable (Rahal, précité, au paragraphe 48).


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5901-15

INTITULÉ :

MARTIN RUTY NGEZE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 juillet 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

DATE DES MOTIFS :

Le 21 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Roxanne Hanniff-Darwent

Pour le demandeur

David Shiroky

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Darwent Law Office

Calgary (Alberta)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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