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Date : 20160818


Dossier : IMM-681-16

Référence : 2016 CF 942

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Ottawa (Ontario), le 18 août 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

PAT HODGE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La demanderesse présente une demande aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), à être autorisé à présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une commissaire du tribunal de la Section d’appel de l’immigration (SAI) ayant rejeté son appel de la décision d’un agent de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) ayant rejeté la demande que la demanderesse avait présentée en vue de parrainer son mari afin qu’il obtienne le statut de résident permanent au titre de la catégorie du regroupement familial.

II.                Contexte

[2]               La demanderesse est née à Toronto, en Ontario, le 21 décembre 1943. Elle a habité dans plusieurs villes canadiennes, mais elle habite actuellement à Belleville, en Ontario.

[3]               La demanderesse a rencontré son mari, Ayman Mohamed Gaber Hassan, dans un salon de clavardage en ligne. Il est citoyen d’Égypte et il est âgé de 30 ans de moins que la demanderesse.

[4]               La demanderesse a déclaré que la plupart des hommes avec qui elle a parlé dans ce salon de clavardage cherchaient à venir au Canada. La demanderesse et M. Hassan ont poursuivi une relation en ligne pendant environ deux ans. Le couple s’est marié en mai 2010, 13 jours après qu’ils se sont rencontrés en personne pour la première fois.

[5]               Après leur mariage, en février 2011, la demanderesse a parrainé la demande de son mari en vue d’obtenir la résidence permanente au Canada. La demande a été rejetée par un agent des visas dans une décision rendue le 14 juin 2012. La demanderesse a fait appel de cette décision auprès de la SAI.

[6]               La commissaire du tribunal de la SAI avait déterminé que le mariage du couple n’était pas authentique. La commissaire du tribunal de la SAI avait conclu que le couple était incompatible sur le plan culturel, économique, générationnel et financier. La commissaire du tribunal de la SAI a conclu que la preuve concernant le développement de leur relation, la précipitation de leur mariage, l’absence des membres de leur famille ou d’une fête pour célébrer leur mariage, leurs différentes intentions pour l’avenir, l’absence de plans mutuels en tant que couple, et les nombreux cas de témoignages incohérents et contradictoires ont mené à la conclusion que le mariage n’était pas authentique. Au contraire, ils se sont principalement mariés à des fins d’immigration, du moins en ce qui concerne le mari.

[7]               La demanderesse affirme que la commissaire du tribunal de la SAI a commis des erreurs factuelles et a fait fi des éléments de preuve dans sa prise de décision.

III.             Question en litige

[8]               La décision de la SAI est-elle raisonnable?

IV.             Norme de contrôle

[9]               La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

V.                Analyse

[10]           La décision contestée repose sur les faits et il faut faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait de la commissaire du tribunal de la SAI, à moins que cela soit déraisonnable de le faire en se fondant sur le dossier présenté à la Cour.

[11]           La demanderesse fait valoir que la commissaire du tribunal de la SAI n’a pas tenu compte de la preuve ou l’a mal interprétée à plusieurs égards, ce qui a rendu la décision déraisonnable :

  1. La commissaire du tribunal de la SAI a commis une erreur en faisant abstraction des éléments de preuve concernant l’hospitalisation et les problèmes médicaux de la mère du mari, d’où son incapacité d’assister au mariage.
  2. La commissaire du tribunal de la SAI n’a pas considéré que la maladie de la mère du mari était la raison pour laquelle les frères et sœurs du mari n’avaient pas assisté au mariage.
  3. La commissaire du tribunal de la SAI n’a pas tenu compte des éléments de preuve concernant les arrangements de la demanderesse et son mari concernant leurs problèmes financiers.
  4. La commissaire du tribunal de la SAI a commis une erreur en affirmant que la demanderesse n’aimait pas le mode de vie en Égypte et qu’elle n’avait aucune intention d’y vivre.
  5. La commissaire du tribunal de la SAI n’a tenu aucun compte des documents des membres de la famille du mari.
  6. La commissaire du tribunal de la SAI était inconstante. Elle a conclu que l’intention de mariage de la demanderesse n’était pas authentique. Cependant, elle a attaqué la crédibilité de la demanderesse pour le motif que le mariage avait été « précipité » et qu’il n’avait pas été célébré, que le couple n’avait pas discuté d’où ils allaient vivre qu’après le mariage, et qu’ils connaissaient peu de choses sur leurs antécédents.
  7. Enfin, la commissaire du tribunal de la SAI a conclu de façon déraisonnable que la communication continue entre la demanderesse et son mari pourrait être une preuve d’une volonté de constituer un dossier à des fins d’immigration que la preuve d’un mariage authentique.

[12]           Nonobstant des arguments de la demanderesse exposés ci-dessus, les conclusions de la commissaire du tribunal de la SAI ont abordé les préoccupations en détail, lesquelles ont donné lieu à la décision selon laquelle le mariage n’est pas authentique :

  1. La commissaire du tribunal de la SAI ne croyait pas que le mari aurait pu consacrer autant de temps qu’il a affirmé avoir passé à parler à la demanderesse dans un salon de clavardage, tout en travaillant comme ingénieur surveillant.
  2. La commissaire du tribunal de la SAI a conclu que le mari n’avait pas été franc avec les autorités de l’immigration. Le témoignage du couple concernant la tentative du mari en vue d’obtenir un visa de visiteur pour le Canada était contradictoire. La demanderesse a déclaré qu’elle avait invité son mari à visiter le Canada pour voir s’ils s’entendaient bien, alors que son mari a déclaré qu’il souhaitait venir au Canada pour lui rendre visite pendant qu’elle était hospitalisée en raison d’une maladie. Les deux témoignages contredisent les éléments de preuve dans la demande de visa du mari dans laquelle il avait indiqué qu’il souhaitait visiter une amie qu’il avait rencontrée sur Internet, qu’il était fiancé à une autre personne et qu’il n’avait aucunement l’intention de se marier au Canada.
  3. La commissaire du tribunal de la SAI a conclu que le couple semblait incompatible pour les motifs suivants :
    1. La demanderesse a 30 ans de plus que son mari.
    2. La demanderesse n’a pas terminé l’école secondaire, était au chômage et recevait des prestations d’invalidité. En revanche, son mari travaillait comme ingénieur mécanique au moment du mariage.
    3. La demanderesse est divorcée, a cinq enfants qui sont plus âgés que son mari, et elle est elle-même plus âgée que la mère de son mari. Le mari n’a jamais été marié et n’a pas d’enfant.
    4. Le couple habite sur deux continents différents et ne parle pas facilement la langue de l’autre.
  4. Étant donné les grandes différences entre le couple, la commissaire du tribunal de la SAI a trouvé difficile de comprendre pourquoi leur mariage a eu lieu si rapidement après leur première rencontre en personne (c.-à-d. 13 jours après leur première rencontre en personne).
  5. La commissaire du tribunal de la SAI a noté qu’aucun membre de l’une ou l’autre famille n’a assisté au mariage du couple en Égypte :
    1. La commissaire du tribunal de la SAI a fait remarquer des contradictions et des incohérences dans les éléments de preuve présentés par le mari en ce qui concerne la raison pour laquelle sa famille n’a pas assisté au mariage. Le mari avait témoigné qu’aucun membre de sa famille n’avait assisté au mariage, car sa mère était dans le coma et la soignait. Cependant, lors d’une entrevue antérieure avec un agent des visas, il avait déclaré que sa mère n’était pas disponible, car elle passait des examens médicaux.
    2. La commissaire du tribunal de la SAI mentionne qu’il n’était pas crédible que, si la mère du mari était en fait à l’hôpital, le couple ne lui aurait pas rendu visite au moins une fois au cours des huit semaines que la demanderesse était en Égypte.
    3. La commissaire du tribunal de la SAI a fait remarquer qu’il était insolite qu’il n’y eût aucune réception de mariage et que ni famille ni amis n’ont assisté à la cérémonie.

Bien que la demanderesse ait eu raison de dire que la commissaire du tribunal de la SAI avait commis une erreur en indiquant qu’il n’y a aucun élément de preuve documentaire à l’appui de l’hospitalisation de la mère, il ne s’agit que d’un facteur à considérer et ne remet pas en cause la conclusion de manque de crédibilité dans son ensemble.

  1. La commissaire du tribunal de la SAI a conclu que les éléments de preuve présentés par le couple en ce qui concerne la raison pour laquelle ils ont écourté leur voyage de noces étaient incohérents et n’étaient pas crédibles. La demanderesse a expliqué que le couple avait écourté son voyage de noces, car son mari devait commencer à travailler en Arabie saoudite. Toutefois, le mari a déclaré que la demanderesse était revenue au Canada plus tôt pour renouveler ses médicaments, et les éléments de preuve qu’il a présentés démontrent qu’il ne devait pas commencer à travailler en Arabie saoudite qu’à une date ultérieure.
  2. La commissaire du tribunal de la SAI a conclu que le couple n’avait ni mélangé leurs affaires ni fait de plans mutuels en ce qui concerne leurs finances. Il n’y avait aucun élément de preuve relatif à un compte conjoint et la demanderesse connaissait mal le revenu et les épargnes de son mari. Les témoignages du couple concernant le montant d’argent que le mari fournit à la demanderesse ont été jugés incohérents.
  3. La commissaire du tribunal de la SAI a conclu que, bien que le couple ait une bonne connaissance de la famille de l’autre, leur témoignage concernant la relation de la demanderesse avec son ex-mari était contradictoire.
  4. Les éléments de preuve présentés par le couple en ce qui concerne leurs plans pour l’avenir sont incohérents. La demanderesse a déclaré qu’elle s’attend à ce que son mari soit à nouveau admissible à l’immigration et qu’il se trouve un emploi comme ingénieur lorsqu’il arrivera au Canada. Toutefois, le mari a déclaré qu’il a l’intention de démarrer une entreprise, par exemple un restaurant, avec sa femme au Canada.
  5. La commissaire du tribunal de la SAI a tiré une conclusion négative en ce qui concerne la nature du mariage en raison du fait que la demanderesse n’ait pas rendu visite à son mari en Arabie saoudite ou à un autre emplacement. Les éléments de preuve de communication électronique entre eux ne sont pas particulièrement probants, car elle pourrait démontrer la volonté de constituer un solide dossier à des fins d’immigration.

Bien que je convienne avec la demanderesse que cette supposition faite par la commissaire du tribunal de la SAI devrait être accordée que peu de poids, voire pas du tout, compte tenu de la totalité des autres éléments de preuve, elle n’est pas déterminante et ne rend pas la décision déraisonnable sur le plan contextuel.

  1. La commissaire du tribunal de la SAI a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du témoignage du mari selon lequel il n’avait pas l’intention d’avoir des enfants « maintenant », car il ressort clairement de l’âge de la demanderesse que ce mariage ne produirait jamais d’enfants.

[13]           Je conclus que la décision de la commissaire du tribunal de la SAI selon laquelle le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement des fins d’immigration est raisonnablement justifiée, transparente et intelligible, et basée sur un examen complet des éléments de preuve au dossier. Essentiellement, la demanderesse a demandé à la Cour de réévaluer la preuve dont dispose la SAI, ce qui n’est pas le rôle de la Cour. La présente demande devrait être rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-681-16

 

INTITULÉ :

PAT HODGE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 août 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 août 2016

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

Pour la demanderesse

Judy Michaely

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

North York (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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