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Date : 20160902


Dossier : IMM-624-16

Référence : 2016 CF 1001

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

JORGE MAXIMO YACTAYO RAMOS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec) le 11 août 2016)

I.  Nature de l’affaire

[1]  Jorge Maximo Yactayo Ramos [M. Ramos] demande un contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui a maintenu la décision de la Section de l’immigration [SI] à l’effet que M. Ramos a fait une fausse déclaration pour obtenir la résidence permanente. Par le fait même, la SI a émis une mesure d’expulsion contre M. Ramos.

II.  Faits

[2]  M. Ramos est né le 22 juillet 1977 au Pérou. Il est venu au Canada le 27 septembre 1995 et a fait une demande de réfugié à son arrivée. Le 10 décembre 1998, sa demande a été refusée. Le 19 septembre 1998, M. Ramos a épousé Mme Daisy Toro Guevara [Mme Guevara], citoyenne canadienne d’origine péruvienne. Le 15 février 1999, Mme Guevara a parrainé M. Ramos pour qu’il obtienne le statut de résident permanent. Le 20 juin 2000, M. Ramos a obtenu son statut de résident permanent.

[3]  Le 22 avril 2009, un rapport d’interdiction de territoire fondé sur le paragraphe 44(1) et l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi] a été émis statuant que M. Ramos n’avait pas déclaré qu’il s’était séparé de sa première femme environ quatre mois avant l’octroi de sa résidence permanente, ce qui constitue une présentation erronée ou une réticence sur un fait important, portant sur un objet pertinent au sens de l’alinéa 49(1)a) de la Loi. Le dossier de M. Ramos a donc été déféré à la SI. Plusieurs versions contradictoires ont été données devant la SI par M. Ramos et sa première femme, Mme Guevara, par rapport à la date de leur séparation.

[4]  En effet, les dates de séparation varient : M. Ramos a avoué à un agent qu’ils s’étaient séparés en février 2000, tandis que son épouse a témoigné qu’ils s’étaient séparés début juillet. Par la suite, M. Ramos a témoigné qu’ils s’étaient séparés le 22 juillet et son épouse a finalement témoigné qu’ils s’étaient séparés fin juillet. Les différences sont expliquées dans la décision de la SAI au paragraphe 28 :

Le conseil de l’appelant dans ses soumissions a mentionné que l’appelant et sa première épouse avaient essayé d’arranger leurs témoignages pour corriger leurs erreurs antérieures et que cela avait été une erreur de leur part.

[5]  La SI a conclu que M. Ramos et Mme Guevara étaient séparés lorsque M. Ramos est devenu un résident permanent. En raison des contradictions et invraisemblances, elle a conséquemment conclu qu’il était visé par le lien 40(1)a) de la Loi. La SI a tenu une enquête, a conclu qu’il avait fait une fausse déclaration et a émis une mesure d’exclusion à l’encontre de M. Ramos.

III.  Questions en litige

[6]  Cette affaire met d’avant deux questions en litige :

  1. Est-ce que les conclusions de la SAI sur la validité de la mesure d’exclusion étaient raisonnables ?

  2. Est-ce que les motifs d’ordre humanitaire étaient suffisants ?

IV.  Norme de contrôle

[7]  Les parties s’entendent sur la norme de contrôle applicable, soit celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]). La Cour ne doit pas intervenir si la décision de la SAI est justifiée, transparente et intelligible, et si elle appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité au para 47). La Cour doit faire preuve d’un degré élevé de retenue judiciaire devant les conclusions de preuve et de crédibilité de la SAI.

V.  Analyse

[8]  En ce qui concerne la validité de la mesure d’exclusion, le ministre rappelle que deux facteurs doivent être présents pour conclure à l’inadmissibilité au terme du paragraphe 40(1) de la Loi : (i) la personne doit avoir fait de fausses déclarations; et (ii) ces fausses déclarations doivent porter sur un fait important et entraîner ou risquer d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi (Ghasemzadeh c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 716 au para 12, [2010] FCJ 875).

[9]  Ces principes directeurs sont résumés par la juge Strickland dans Goburdhun c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 971 au para 28, [2013] ACF 1235. Les principes clés comprennent : (i) la large portée de la disposition; (ii) que toute exception à la règle est étroite et s’applique uniquement aux circonstances extraordinaires; et (iii) un demandeur a une obligation de franchise et doit fournir des renseignements complets, honnêtes et véridiques en tout point.

[10]  M. Ramos soutient que les conclusions de fait de la SAI, notamment qu’il n’était pas en couple lorsqu’il a obtenu son statut de résident permanent, ne sont pas supportés par la preuve. Je note toutefois que la SAI a souligné de nombreuses contradictions et invraisemblances dans la preuve, plus particulièrement au niveau de la date de séparation de M. Ramos et Mme Guevara. La SAI a conclu qu’ils ont caché la véritable date de leur séparation afin de faciliter l’obtention de la résidence permanente de M. Ramos.

[11]  L’évaluation de la preuve est au cœur de la compétence de la SAI. En ce qui concerne la conclusion d’insuffisance de motifs humanitaires qui pourraient justifier la prise de mesures spéciales, M. Ramos soutient que la SAI a accordé un poids démesuré à la gravité des fausses déclarations, ce qui rend déraisonnable son analyse de la suffisance de motifs d’ordre humanitaire. Il soutient que la SAI n’a pas tenu compte de la preuve à l’effet qu’il est le principal soutien de sa famille immédiate et qu’il est dans l’intérêt de ses enfants d’avoir un soutien émotif et économique. Il soutient également que la SAI n’a pas accordé un poids assez lourd au rapport psychologique (à cet effet, je note que M. Ramos a une épouse et deux enfants au Pérou).

[12]  La SAI a effectué une évaluation exhaustive des motifs d’ordre humanitaire, incluant le soutien financier que M. Ramos apporte à sa famille. L’évaluation des considérations d’ordre humanitaire est une appréciation globale. L’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dépend fortement du contexte en raison de la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant (Kanthasamy c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CSC 61 au para 35, [2015] ACS 61). L’intérêt supérieur de l’enfant doit être apprécié à la lumière de la demande dans son ensemble.

[13]  En l’espèce, en plus d’avoir fait une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, la SAI a fait une analyse exhaustive d’autres considérations d’ordre humanitaire, y inclus le poids qu’elle accorderait à un rapport d’un psychologue et les liens familiaux au Canada.

[14]   Il n’appartient pas à notre Cour de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par l’agent chargé de se prononcer sur les raisons d’ordre humanitaire (Kisana c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189 au para 24, [2009] ACF 713). Je suis donc d’avis que la conclusion de la SAI en lien à l’application des motifs d’ordre humanitaire appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

VI.  Conclusion

[15]  Dans son ensemble, la décision de la SAI est raisonnable selon les paramètres établis dans Dunsmuir. L’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

[16]  Je rejetterais ainsi la présente demande de contrôle judiciaire.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens. Aucune question n’est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-624-16

 

INTITULÉ :

JORGE MAXIMO YACTAYO RAMOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MontrÉal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 août 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Jorge Colasurdo

 

pour le demandeur

 

Thi My Dung Tran

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Jorge Colasurdo

Avocat

Montréal (Québec)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

 

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