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Date : 20160902


Dossier : IMM-5496-15

Référence : 2016 CF 999

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

JACQUELIN CRUZ TATAD

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés oralement à l’audience à Montréal (Québec), le 8 août 2016)


I.                   Aperçu

[1]               Jacquelin Cruz Tatad (Mme Tatad) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) le 5 novembre 2015, dans laquelle un agent de traitement des demandes a rejeté sa demande de résidence permanente au Canada en vertu du Programme des aides familiaux résidants.

[2]               Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire.

I.                   Contexte et questions en litige

[3]               Mme Tatad est une citoyenne des Philippines âgée de quarante ans. À son arrivée au Canada, le 7 novembre 2009, elle a obtenu un permis de travail en tant qu’aide familiale résidante. Par la suite, elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada. Dans une lettre datée du 25 octobre 2012, CIC a accusé réception de sa demande. Le même jour, dans une autre lettre, CIC a informé Mme Tatad qu’elle devait fournir d’autres renseignements pour que l’on puisse poursuivre le traitement de sa demande.

[4]               Les éléments de preuve dont je suis saisi comprennent, entre autres, des allégations que : CIC a égaré certains documents; ii) le consultant en immigration embauché par Mme Tatad ne s’est pas acquitté comme il se devait de son mandat; iii) CIC ne s’est pas acquitté de son obligation d’équité procédurale envers Mme Tatad, en ce qui concerne sa demande de résidence permanente. Même si un examen du dossier montre que de nombreux événements sont survenus entre la date de son arrivée au Canada, soit le 7 novembre 2009, et le moment présent, je suis d’avis que la décision concernant cette affaire doit viser un court laps de temps.

[5]               Tout d’abord, j’estime qu’il n’est pas utile d’établir si CIC a ou non égaré des documents. Les documents en question ne sont pas pertinents pour la question dont je suis saisi. Ensuite, j’estime qu’il n’est pas utile de déterminer si le premier consultant en immigration retenu par Mme Tatad était ou non incompétent. Comme nous le verrons, cette question n’est pas déterminante dans la présente instance. Enfin, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de me pencher sur l’affirmation du défendeur voulant que Mme Tatad ne s’est pas conformée aux exigences du protocole de la Cour fédérale relativement aux allégations d’incompétence à l’endroit d’un avocat. Beaucoup de temps a été consacré à ces questions dans les observations écrites.

[6]               Dans leurs observations orales, les parties se sont concentrées uniquement sur la question pertinente, laquelle peut être récapitulée en ces termes : jusqu’à quel point CIC est-il tenu d’assurer un suivi auprès des demandeurs de résidence permanente s’il veut s’acquitter de son obligation d’équité procédurale.

II.                Norme de contrôle

[7]               Le litige porte sur une question d’équité procédurale et l’application de la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 aux paragraphes 50 à 55; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12; [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43).

III.             Analyse

[8]               Le 24 septembre 2014, Mme et son consultant en immigration ont tous les deux reçu une lettre de CIC. Cette lettre informait Mme Tatad, entre autres, de ce qui suit : [traduction]

Nous avons examiné l’information que vous nous avez transmise concernant votre demande de résidence permanente. Pour pouvoir poursuivre le traitement de votre demande, vous devrez nous fournir des renseignements supplémentaires concernant les membres de votre famille qui habitent aux Philippines. Veuillez consulter le guide pour connaître la définition de l’expression membre de la famille. Cette information sera jointe à votre demande en cours au Centre de traitement des demandes de Vegreville, en Alberta.

[Caractères gras dans l’original.]

[9]               Cette lettre du 24 septembre 2014 informe également Mme  Tatad que la présente lettre est accompagnée d’une copie du formulaire Checklist of Documents for Dependants of Live-In Caregivers  (liste de contrôle des documents - Aide familial résidant et que, si elle ne remplit pas ces formulaires et documents, sa demande sera refusée.

[10]           La lettre mentionne également en caractères gras que, si elle est incapable de fournir tous les documents demandés, elle doit en aviser CIC dans les 90 jours suivant la date de la lettre, sinon sa demande sera refusée. Je comprends que ce délai de 90 jours expirait le 23 décembre 2014. La lettre contenait une énumération de tous les documents requis, y compris certains formulaires, les examens médicaux des membres de sa famille à sa charge, les certificats de police pour ceux-ci et d’autres renseignements pertinents dont CIC avait besoin.

[11]           Si la date exacte à laquelle s’est terminé le mandat du consultant en immigration de Mme Tatad est contestée, il ne fait aucun doute que le 19 mars 2014, ou aux environs de cette date, MmeTatad n’était pas satisfaite des services qui lui étaient fournis. Elle a déclaré dans son témoignage que, quelque temps après le 19 mars, elle a retenu les services d’un avocat en immigration.

[12]           Le 5 novembre 2015, MmeTatad a reçu un avis de l’agent des visas MZST (l’agent), l’informant que l’évaluation de sa demande de résidence permanente était terminée. Il concluait qu’elle (MmeTatad) ne répondait pas aux exigences d’immigration au Canada. Cet avis informait MmeTatad, entre autres, de ce qui suit : [traduction]

Une lettre vous a été envoyée le 24 septembre 2014 demandant des éléments de preuve ou des documents, ou les deux, pour permettre de parachever l’évaluation de votre demande. Dans votre cas, on vous demandait de fournir : les formulaires IMM0008, IMM5406, IMM5569 et les dossiers de mariage. Dans cette lettre, on vous avisait que si vous (ou les personnes à votre charge) ne fournissiez pas les éléments de preuve et les documents requis dans les 90 jours suivant la date de cette lettre, l’évaluation de votre demande serait fondée sur l’information déjà à la disposition de l’agent. Nous n’avons toujours pas reçu, de votre part ou de la part des personnes à votre charge, les renseignements demandés.

Comme vous n’avez pas produit tous les éléments de preuve et tous les documents pertinents qui sont exigés en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il nous est impossible de confirmer que vous répondez aux exigences de résidence permanente qui sont décrites au paragraphe 72(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Compte tenu de l’information dont je dispose, je ne suis pas convaincu que vous ou les membres de votre famille n’êtes pas interdits de territoire et que vous répondez aux exigences de la Loi. Votre demande de résidence permanente au Canada, en tant que membre de la catégorie des aides familiaux résidants, est refusée.

[13]           Mme Tatad soutient que l’équité procédurale exige que, avant de lui envoyer la lettre de refus du 5 novembre 2015, CIC aurait dû communiquer avec elle pour lui signaler que l’on n’avait pas reçu certains des documents importants qui lui avaient été demandés.

[14]           Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 soutient que les exigences en matière de justice naturelle et d’équité procédurale sont en grande partie fondées sur le contexte et sur les questions de liberté en cause. Il est acquis en matière jurisprudentielle que les personnes qui n’ont pas la citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent ne bénéficient pas d’un droit légal d’entrer au Canada.

[15]           J’adopte l’approche pleine de bon sens énoncée dans Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2001] ACF no 1699, au paragraphe 32, où la Cour a décrété :

Finalement, lorsqu’elle fixe le contenu du devoir d’équité qui s’impose pour le traitement des demandes de visas, la Cour doit se garder d’imposer un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration, étant donné le volume des demandes que les agents des visas doivent traiter. La nécessité pour l’État de maîtriser les coûts de l’administration et de ne pas freiner le bon déroulement du processus décisionnel doit être mise en parallèle avec les avantages d’une participation de l’intéressé au processus.

[16]           Dans la présente instance, Mme Tatas était « l’intéressé au processus «. Elle était en possession d’une liste des exigences auxquelles elle devait satisfaire. Abstraction faite des mesures prises par son consultant en immigration précédant, elle bénéficiait des services d’un avocat dès juin 2014, soit au moins quatre mois avant que ne soit rendue la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire.

[17]           Même s’il n’y a aucun élément de preuve concernant le mandat de l’avocat actuel de Mme Tatad relativement à sa demande, il n’est pas contesté que, dès mars 2015, elle n’était pas satisfaite des services fournis par son consultant d’alors. Elle a eu amplement de temps de soumettre ses questions concernant la présente instance à CIC directement ou par l’intermédiaire de son avocat actuel.

IV.             Conclusion

[18]           À mon avis, les droits d’équité procédurale conférés à Mme Tatad ne s’étendent pas à l’obligation pour un agent d’enquêter davantage sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas accompli ce qu’on lui demandait de faire. Il s’ensuit qu’il n’existait aucune obligation de donner un suivi à la correspondance du 24 septembre 2014 (Dong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1108, [2011] ACF no 1370).

JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens. J’estime que la Cour d’appel fédérale n’a à répondre à aucune question certifiée. Par conséquent, aucune question n’est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5496-15

 

INTITULÉ :

JACQUELIN CRUZ TATAD c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 août 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Émile Jean Barakat

 

Pour la demanderesse

 

Patricia Nobl

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Émile Jean Barakat

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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