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Date : 20160909


Dossier : IMM-3383-16

Référence : 2016 CF 1029

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

MAGUY KIMBULU TSHIMWENZI

TALINA HILLA KAKO NZIMBI

GABRIËL JEAN E. NZIMBI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               « C’est la justice, la justice que tu poursuivras » est une maxime biblique universelle souvent répétée dans les règles de justice de chaque tradition et dans les sources juridiques laïques, tant par les États nations que par les organisations internationales.

[2]               Cette maxime, en tant que phrase clé, dans laquelle on répète le mot « justice », a pour objet de garantir que tous les éléments de preuve de chaque cas sont, au minimum, reconnus et pris en considération de manière à ce qu’aucun ne soit négligé.

[3]               L’issue d’un dossier n’est jamais évidente; cependant, il va de soi que tous les éléments de preuve doivent être examinés. S’ils ne le sont pas, alors un décideur ne s’est pas acquitté comme il le devait des responsabilités inhérentes à sa tâche.

[4]               Dans la présente instance, le décideur a déclaré que la preuve, qui était manifestement au dossier, n’existait pas. Cela est inacceptable et kafkaïen, car la preuve était manifestement au dossier.

[5]               L’arrêt de la Cour suprême dans Kanthasamy (Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy]) n’indique pas la manière de trancher tous les cas de cette nature, en ce qui concerne leur issue finale propre; c’est-à-dire qu’il n’y a pas toujours nécessairement lieu d’accorder un certain statut aux enfants dans de tels cas; au contraire, l’arrêt Kanthasamy montre, et c’est ce qui est le plus important, quelles sont les considérations primordiales dont il faut tenir compte dans le cas d’enfants, en raison de la fragilité et de la vulnérabilité de leur condition humaine, comme le reconnaissent les lois nationales et internationales. En vertu de la loi, au moment de rendre un jugement impliquant des enfants, il faut porter une attention particulière à ces deux aspects.

II.                MOTIFS

[6]               Le présent jugement est rendu en réponse à une requête en sursis à l’exécution de la décision de l’agent d’exécution qui a refusé de reporter le renvoi de la demanderesse principale et de ses deux enfants mineurs, également demandeurs.

[7]               La présente demande porte sur le contrôle judiciaire d’une décision concernant une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[8]               La demanderesse principale entretenait une relation avec son conjoint de fait (originaire de la République démocratique du Congo), qui est le père de ses deux enfants.

[9]               La présente instance découle des mauvais traitements infligés par le conjoint de fait, notamment les actes de violence physique et psychologique perpétrés sur la demanderesse principale et ses enfants, y compris des actes de violence sexuelle perpétrés sur sa fille mineure.

[10]           Ayant obtenu son congé à la suite d’un séjour dans un hôpital psychiatrique, le conjoint de fait de la demanderesse principale a menacé d’enlever leur fille et de l’amener en République démocratique du Congo.

[11]           Les demandeurs viennent de l’Union européenne, où ils auraient pu s’établir dans n’importe quel pays et où les institutions et entités auraient pu les protéger, mais ils ont expliqué clairement leur crainte et le danger auxquels ils étaient confrontés en s’appuyant sur une série de faits qui justifient leur impression de péril imminent.

[12]           La lettre d’un enfant qui a été versée au dossier montre qu’ils craignaient de se retrouver dans une situation où ils seraient à la portée de leur père, lettre dont le décideur n’a absolument pas tenu compte et dont il a nié l’existence.

[13]           Dès le début de leur séjour au Canada, les demandeurs ont retiré leur demande de statut de réfugié, car ils croyaient que leur cas se prêtait davantage à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[14]           Un rapport psychologique et d’autres documents qui ont été versés au dossier confirment la crainte, l’angoisse et la contrainte fondées sur le danger auquel les demandeurs étaient auparavant exposés, tandis qu’au Canada, ils avaient éprouvé un sentiment de sécurité et de sérénité qu’ils n’avaient pas connu avant leur arrivée au pays. Il est fait référence à Bonil Acevedo c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 401, aux paragraphes 53 et 54 [Acevedo], et aux jugements qui y sont cités, en plus du paragraphe 57 d’Acevedo, dans lequel l’arrêt Baker de la Cour suprême est également cité en raison de sa pertinence dans cette affaire, rappelant le jugement Kim, mentionné dans l’arrêt Kanthasamy précité de la Cour suprême.

[15]           La décision sous-jacente ne fait nullement état des éléments de preuve importants dont la Cour était saisie. Au minimum, ces éléments de preuve auraient dû être examinés, ne serait-ce que superficiellement.

[16]           L’arrêt Kanthasamy plus récent indique le plus clairement que les intérêts des enfants doivent être « bien identifiés et définis »; en conséquence, ils doivent faire l’objet d’une « grande attention » à la lumière des éléments de preuve versés au dossier.

[17]           L’arrêt Kanthasamy n’indique pas la manière de trancher tous les cas de cette nature, en ce qui concerne leur issue finale propre; c’est-à-dire qu’il n’y a pas nécessairement lieu d’accorder un certain statut aux enfants dans de tels cas; au contraire, l’arrêt Kanthasamy, montre, et c’est ce qui est le plus important, quelles sont les considérations primordiales dont il faut tenir compte dans le cas d’enfants, en raison de la fragilité et de la vulnérabilité de leur condition humaine, comme le reconnaissent les lois nationales et internationales. En vertu de la loi, au moment de rendre un jugement impliquant des enfants, il faut porter une attention particulière à ces deux aspects.

[18]           Compte tenu de ce qui précède, les demandeurs ont satisfait pleinement le critère conjoint en trois étapes énoncé dans la décision Toth (Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF)).

[19]           Par conséquent, la demande de sursis de renvoi des demandeurs est accueillie en attendant le règlement définitif de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en suspens.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution du renvoi soit accueillie en attendant le règlement définitif de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en suspens.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3383-16

 

INTITULÉ :

MAGUY KIMBULU TSHIMWENZI, TALINA HILLA KAKO NZIMBI, GABRIËL JEAN E. NZIMBI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

REQUÊTE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 9 SEPTEMBRE 2016 À OTTAWA (ONTARIO) ET À TORONTO (ONTARIO).

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 septembre 2016

 

OBSERVATIONS ORALES ET ÉCRITES :

Molly Joeck

 

Pour les demandeurs

 

Charles J. Jubenville

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jared Will & Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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