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Date : 20160906


Dossier : IMM-374-16

Référence : 2016 CF 1006

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2016

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

MAHMOUD HOSEINNEJAD ASL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               M. Mahmoud Hoseinnejad Asl réclame le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas a rejeté sa demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés au motif qu’il est interdit de territoire en application des alinéas 40(1)a) et 40(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Le demandeur a fait une fausse déclaration importante en fournissant à l’agent des visas une lettre de recommandation qui n’est pas authentique et qui n’est pas de son employeur.

II.                Exposé des faits

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Iran. En mai 2013, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Il a inclus son épouse dans sa demande. Le demandeur avait l’intention de travailler en tant qu’ingénieur civil au Canada. Il est détenteur d’une maîtrise en génie architectural de l’Université iranienne des sciences et de la technologie de Téhéran et, depuis juillet 2008, il a travaillé comme ingénieur de travaux publics et bâtiments à l’Organisation de dotation et de bienfaisance AWQAF (AWQAF). Il avait auparavant travaillé comme ingénieur de travaux publics et bâtiments pour Khesht o Naghsh Markazi Co, de mars 2004 à décembre 2005, et d’août 2007 à juillet 2008.

[3]               Dans sa demande de résidence permanente, le demandeur a présenté des documents pour décrire son travail et ses fonctions à l’AWQAF, dont une lettre de recommandation de l’employeur précisant les fonctions exercées, ainsi que de la documentation concernant son expérience professionnelle. Le 16 avril 2014, l’Ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne, a transmis une demande d’examen médical et d’autres documents au demandeur. Il a répondu le 21 mai 2014, en envoyant des pièces justificatives supplémentaires, dont un certificat de travail mis à jour de l’AWQAF, daté du 27 avril 2014, décrivant ses fonctions une fois de plus.

[4]               Un peu avant le 4 janvier 2015, l’agent des visas a communiqué avec le service des ressources humaines de l’AWQAF pour faire le suivi d’une demande de vérification de document envoyée par télécopieur à l’AWQAF. L’agent des visas a été informé que bien que le demandeur travaille à l’AWQAF, la lettre de recommandation n’était pas authentique et n’avait pas été délivrée par l’AWQAF. Un extrait des notes de l’agent des visas versées au Système mondial de gestion des cas (SMGC) indique : [traduction] « ai été informé que bien que [le demandeur] travaille pour cette organisation, la lettre de recommandation présentée par celui-ci n’est pas authentique et n’a pas été délivrée par cette organisation ».

[5]               Le demandeur a eu connaissance de la demande de l’agent des visas envoyée par télécopieur et lui a envoyé un courriel l’avisant que : [traduction]  « [AWQAF] est une organisation publique régie par les tenants de la ligne dure et malheureusement, une proclamation a été strictement émise dans de telles organisations publiques interdisant toute forme de communication avec les pays étrangers n’ayant pas d’ambassade en Iran. Par conséquent, les gestionnaires des affaires internationales ou des ressources humaines ne sont pas autorisés à répondre à votre demande par télécopieur ».

[6]               Il n’est pas clair si le demandeur était au courant de la conversation de l’agent avec un représentant de l’AWQAF à ce moment. Dans le courriel, le demandeur a proposé de faciliter les communications entre l’agent des visas et son supérieur immédiat, responsable des « Services techniques », et a également demandé s’il pouvait aider en fournissant de la documentation supplémentaire. Il a indiqué qu’il n’avait pas avisé l’AWQAF de son intention d’immigrer au Canada parce que cela mettrait son emploi en péril. Il a expliqué que sa « recommandation professionnelle » avait donc été adressée à une entreprise locale en Iran.

[7]               Le 27 janvier 2015, l’agent des visas a envoyé au demandeur une lettre d’équité procédurale. Voici un passage pertinent tiré de la lettre :

[traduction] Pour tenter de vérifier l’authenticité de votre lettre de recommandation professionnelle, j’ai communiqué avec (AWQAF) en Iran et j’ai été informé que la lettre de recommandation professionnelle que vous avez présentée n’était pas authentique et n’avait pas été délivrée par cette organisation. Par conséquent, j’ai la conviction que vous avez tenté de m’induire en erreur quant à une question pertinente qui pourrait entraîner une erreur dans l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et j’envisage de recommander à mon superviseur que vous soyez interdit de territoire au Canada pour fausse déclaration en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. […] Vous avez 30 jours à compter de la date de la présente lettre pour répondre par écrit à mes préoccupations indiquées ci-dessus.

[8]               Le demandeur a répondu à la lettre d’équité procédurale et a transmis des documents supplémentaires pour répondre aux préoccupations de l’agent des visas. Il a ainsi déclaré que le directeur des ressources humaines à l’AWQAF lui avait dit [traduction] « nous ne sommes pas autorisés à répondre à la demande de vérification de votre recommandation professionnelle et de plus, votre certificat d’emploi a été délivré à une entreprise locale et vous n’étiez pas autorisé à l’envoyer à l’Ambassade du Canada ». Selon le demandeur, c’est pour cette raison que l’agent des visas avait été avisé que la lettre de recommandation n’était pas authentique.

[9]               De plus, le demandeur a expliqué que sa recommandation professionnelle avait à l’origine été adressée à Canpars, la compagnie locale à laquelle le demandeur avait fait référence dans son courriel précédent. Il a toutefois par la suite supprimé Canpars comme destinataire afin d’envoyer la lettre de recommandation aux fins de l’immigration à l’insu de son employeur. La lettre de Canpars traduite jointe confirme que la société avait reçu le 27 avril 2014 le certificat d’emploi du demandeur qui lui avait été adressé. La seule différence avec le même certificat présenté précédemment par le demandeur est que l’en-tête indique : [traduction] « À : Société Canpars ». En outre, la lettre jointe du Bureau de traduction officielle Pendar indiquait que :

[traduction] Selon les règles strictes en vigueur dans la plupart des organisations publiques iraniennes, la délivrance de certificats d’emploi d’employés à des pays étrangers n’ayant pas d’ambassade en Iran est interdite, de sorte que ces lettres sont habituellement envoyées à une entreprise locale. Aussi aux fins de l’immigration, le contenu de la lettre qu’il [sic] plus important que le destinataire, et il est courant que le bureau de traduction officielle supprime les destinataires auxquelles les lettres sont adressées.

En considérant ce point, Mahmoud Hosinnejad [sic] Asl a prié le bureau de la traduction d’apporter les modifications nécessaires à la lettre au nouveau format portant l’en-tête de la société destinataire (Société Canpars) qui est jointe.

[10]           Le demandeur a présenté d’autres documents de l’AWQAF, notamment : un document d’assurance sociale; un contrat d’emploi; des fiches de paie; un affidavit de trois de ses collègues jurant qu’ils travaillent avec lui; des lettres du Département général de la supervision technique confirmant le poste du demandeur; la carte d’employé du demandeur et celles de trois de ses collègues; un tableau des titres de postes des personnes travaillant au Département général et le poste du demandeur lui-même; et un organigramme.

[11]           Le 22 septembre 2015, le demandeur a envoyé une autre lettre à l’agent, réitérant sa position. Il a également joint un certificat d’emploi délivré par un nouveau directeur des ressources humaines à l’AWQAF qu’il décrit comme n’étant pas aussi orthodoxe que le directeur précédent. Le demandeur a proposé à l’agent de vérifier sa recommandation professionnelle auprès de l’Ambassade de l’Italie ou auprès de l’Ambassade de Norvège à Téhéran, compte tenu de la proclamation du gouvernement interdisant aux sociétés comme l’AWQAF de donner suite à des communications émanant d’un pays n’ayant pas d’ambassade en Iran.

III.             La décision contestée

[12]           L’agent des visas a conclu que le demandeur était [traduction]« interdit de territoire pour fausses déclarations pour avoir directement ou indirectement fait une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi », conformément à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. L’agent des visas a déclaré qu’il avait tiré cette conclusion en se fondant sur le fait que l’AWQAF n’avait pas été en mesure de confirmer l’authenticité de la recommandation professionnelle; le demandeur avait donc fourni une déclaration inexacte concernant ses périodes d’emploi. Il serait donc interdit de territoire pour les cinq années suivant cette constatation, en vertu de l’alinéa 40(2)a) de la LIPR.

[13]           Les notes du SMGC constituent une partie de la décision de l’agent des visas. Les notes de l’agent des visas du 24 avril 2015, indiquent qu’après avoir examiné l’argumentation du demandeur en réponse à la lettre d’équité procédurale :

[traduction] […] l’information fournie n’a pas réussi à dissiper mes préoccupations à l’égard de cette demande. Le fait est que l’employeur [du demandeur] n’a pas confirmé l’authenticité des recommandations professionnelles présentées par [lui]. Bien que [il] travaille peut-être pour cet employeur, à la lumière du fait que des recommandations qui ne sont pas authentiques ont été présentées, il est impossible de vérifier la nature de son poste et si son expérience professionnelle répond aux exigences minimales et aux instructions ministérielles. […]

Ce bureau a effectué de nombreuses vérifications en Iran, notamment auprès d’institutions de l’État telles que des institutions judiciaires, des universités, etc., et aucun des problèmes allégués par le demandeur n’ont été constatés. […]

[14]           Les notes du SMGC du 3 décembre 2015 sont similaires. Dans ces notes, l’agent indique qu’il a examiné la documentation et les renseignements fournis par le demandeur, ainsi que sa réponse; toutefois, « la réponse du client n’a pas dissipé mes préoccupations. À mon avis, selon la prépondérance des probabilités, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que le demandeur n’a pas l’expérience d’emploi qu’il a déclaré avoir ».

IV.             Questions en litige et norme de contrôle

[15]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.                L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur avait produit de fausses déclarations au sujet de son expérience de travail?

B.                 L’agent a-t-il commis une erreur en ne divulguant pas une preuve extrinsèque au demandeur et en ne lui donnant pas l’occasion d’aborder cette preuve extrinsèque?

[16]           La première question est une question mixte de fait et de droit, et est susceptible de révision selon la norme du caractère raisonnable (Seraj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 38, au paragraphe 11 ; Singh c. Canada, 2015 CF 377, au paragraphe 12; Karami c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 788, au paragraphe 14).

[17]           Quant à la deuxième question, les questions relatives à une preuve extrinsèque et à sa divulgation sont des questions d’équité procédurale, et sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte (Qureshi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1081, au paragraphe 14; Dios c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1322, au paragraphe 23).

V.                Analyse

A.                L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur avait produit de fausses déclarations au sujet de son expérience de travail?

[18]           Je ne suis pas d’accord avec le demandeur lorsqu’il affirme que la décision de l’agent faisait fi de plusieurs éléments de preuve. Comme l’ont reconnu les parties, les décideurs ne sont pas tenus de faire référence à chacun des éléments de preuve (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, au paragraphe 16). Comme la juge Gleason a conclu dans Herrera Andrade c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1490, au paragraphe 11, « lorsque la cour de révision est saisie d’un argument qui porte sur les conséquences pour le tribunal de ne pas avoir mentionné des éléments de preuve importants, son examen consiste initialement à présumer que le tribunal a pris en compte l’ensemble du dossier », et par conséquent, le demandeur « doit se montrer très convaincant ». Deuxièmement, lors de l’évaluation du caractère raisonnable, la Cour doit évaluer l’issue et les motifs du tribunal, conformément à Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14. Troisièmement, la Cour doit faire preuve de retenue envers les conclusions du tribunal, notamment lorsque de telles conclusions sont au cœur de l’expertise du tribunal.

[19]           De plus, Andrade, précité au paragraphe 9, conclut que Cepeda-Gutierrez « ne confirme pas l’énoncé selon lequel le défaut d’analyser des éléments de preuve contraires à la conclusion d’un tribunal rend nécessairement une décision déraisonnable ». Au lieu de cela, une décision ne peut être annulée dans les cas où « les éléments de preuve qui ne sont pas mentionnés sont essentiels, contredisent la conclusion du tribunal et que la cour chargée du contrôle de la décision établit que l’omission montre que le tribunal a tiré sa conclusion sans tenir compte des éléments dont il disposait ». Ainsi, le seuil à franchir pour conclure que la décision est déraisonnable est élevé.

[20]           Le demandeur ne m’a pas convaincu que ce seuil est atteint en l’espèce. L’agent a examiné les documents à l’appui fournis par le demandeur, ainsi que le certificat d’emploi, et a conclu que ces documents n’avaient pas dissipé ses préoccupations initiales, c.-à-d. qu’un représentant de l’AWQAF avait déclaré que la lettre de recommandation du demandeur n’était pas authentique et n’avait pas été délivrée par l’AWQAF. La documentation fournie par le demandeur n’a tout simplement pas changé l’opinion de l’agent quant à l’authenticité de la lettre de recommandation initiale. En outre, je conviens avec le défendeur que le demandeur n’a pas fourni la preuve qu’il avait été ciblé par des tenants de la ligne dure. Une telle preuve aurait pu contribuer à étayer l’affirmation selon laquelle le représentant de l’AWQAF a dit à l’agent que la lettre n’était pas authentique en raison de la prétendue proclamation du gouvernement. Le demandeur a fourni la lettre du Bureau de la traduction officielle Pendar indiquant que cette proclamation était en vigueur, mais il n’a pas affirmé que l’AWQAF y était assujettie. Quoi qu’il en soit, l’agent a réussi à communiquer avec l’AWQAF, et la personne jointe a effectivement confirmé que le demandeur y travaillait.

[21]           Je reconnais qu’une conclusion d’interdiction de territoire pour motif de fausse déclaration a des conséquences sérieuses, et il ne faut ainsi pas tirer pareille conclusion en l’absence de « preuve claire et convaincante » (Chughtai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 416, au paragraphe 29; Xu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 784, au paragraphe 16). J’estime que la déclaration du représentant de l’AWQAF à l’agent était claire et convaincante et a démontré que la lettre de recommandation n’était pas authentique, et n’a pas été délivrée par l’AWQAF. Le demandeur ne s’est pas délesté de son fardeau de prouver le contraire.

B.                 L’agent a-t-il commis une erreur en ne divulguant pas une preuve extrinsèque au demandeur et en ne lui donnant pas l’occasion d’aborder cette preuve extrinsèque?

[22]           Notre Cour a conclu que, lors de l’examen d’une preuve extrinsèque, le juge n’a pas à s’interroger sur la norme de contrôle à appliquer; il doit plutôt s’assurer que les règles de l’équité procédurale ont été observées (Qureshi précité, au paragraphe 14; Dios, précité, au paragraphe 23). Les autres questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Sharma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1253, au paragraphe 26; Singh, précité, au paragraphe 12). Dans ce contexte, et pour les motifs énoncés ci-après, je conclus que l’agent n’a pas commis un manquement à l’obligation d’équité procédurale.

[23]           Tout d’abord, je désire souligner que l’obligation d’équité procédurale à laquelle sont soumis les agents des visas se situe à l’extrémité inférieure du spectre (Hamza c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264, au paragraphe 23). Bien sûr, l’obligation d’équité dans ce contexte « impose aux agents des visas de communiquer leurs réserves aux demandeurs, de manière à ce qu’ils aient l’occasion de les dissiper ». Voir Talpur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 21.

[24]           L’agent a envoyé au demandeur une lettre d’équité procédurale le 27 janvier 2015, après avoir envoyé une demande d’information par télécopieur à l’AWQAF et après avoir parlé à un représentant de cette organisation. Dans la lettre, l’agent indique que le représentant l’a informé que la lettre de recommandation n’était pas authentique et n’avait pas été délivrée par l’AWQAF, et que l’agent estimait donc que le demandeur avait tenté de l’induire en erreur. La lettre précisait que c’était la préoccupation à laquelle le demandeur devait répondre, par conséquent il incombait au demandeur de démontrer qu’aucune fausse déclaration n’avait été faite (Bhamra c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 239, au paragraphe 43).

[25]           La question de savoir si les entreprises iraniennes répondent aux demandes de renseignement des autorités étrangères ne faisait pas partie des préoccupations de l’agent, puisqu’il a réussi à communiquer avec le représentant de l’AWQAF. Il importe peu que le demandeur ait été au fait de cette communication quand il a envoyé son courriel du 4 janvier 2015 parce qu’il en a été avisé dans la lettre d’équité procédurale quelques semaines plus tard, et a eu l’occasion d’y répondre à l’époque. Par exemple, si le demandeur était convaincu que le fait que le représentant de l’AWQAF avait parlé à l’agent voulait dire qu’il avait été pris pour cible par les partisans de la ligne dure, il aurait pu fournir une preuve à cet effet, et plus qu’une preuve générale voulant que sociétés iraniennes, dont l’AWQAF, ne pouvaient pas communiquer avec des autorités étrangères. Il ne l’a pas fait.

[26]           La déclaration de l’agent versée au SMGC et indiquant que l’Ambassade du Canada avait communiqué avec succès avec d’autres entreprises iraniennes dans le passé ne démontrait que le succès de sa propre tentative de vérification avec l’AWQAF. Je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’éléments de preuve extrinsèques, comme le demandeur l’affirme. Cela fait tout simplement partie des connaissances générales de l’agent. Ou encore, comme je l’ai énoncé dans la décision Bahr c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 527, au paragraphe 42 :

[42]      Il me paraît donc que le demandeur doit se rappeler que la charge pèse sur lui de constituer un dossier convaincant, et qu’il lui faut s’attendre à ce que l’agent des visas examine la demande en s’appuyant sur son expérience générale et sa connaissance des conditions locales pour faire des déductions et tirer des conclusions à partir des renseignements et documents produits par ledit demandeur, sans nécessairement lui faire part, le cas échéant, des doutes que le dossier suscite. Il incombe au demandeur de faire en sorte que sa demande soit complète et comprenne tous les éléments nécessaires pour convaincre l’agent.

[27]           Même si le demandeur ne connaissait pas l’étendue des connaissances générales de l’agent, il était parfaitement au courant de sa communication avec l’AWQAF. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, si le demandeur était d’avis que la communication entre l’agent et le représentant de l’AWQAF était anormale, il aurait pu aborder cette question avec preuve à l’appui dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale. Il a eu une possibilité raisonnable de défendre sa cause (voir p. ex. Atahi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 753, au paragraphe 31).

[28]           Quoi qu’il en soit, même si le demandeur a raison d’affirmer que la connaissance du fait que l’Ambassade a par le passé réussi à communiquer avec des institutions iraniennes constitue une preuve extrinsèque, je remarque que les agents ne sont pas tenus de divulguer la preuve extrinsèque lorsque le demandeur aurait raisonnablement pu prévoir que ces sources d’information seraient consultées (Qin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 147, au paragraphe 38). Dans le cas présent, il était raisonnable de prévoir que l’agent s’appuie sur ses connaissances générales, notamment de la connaissance des interactions antérieures ou des communications entre l’Ambassade et des sociétés iraniennes.

[29]           De plus, même si l’agent avait commis un manquement à l’équité procédurale en ne divulguant pas une preuve extrinsèque au demandeur, j’estime que la décision de l’agent peut être maintenue, parce que le manquement n’aurait pas changé l’issue de la décision sur le fond (Renaud c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 266, aux paragraphes 4 à 6). Puisque l’agent a réussi à communiquer avec l’AWQAF et a obtenu l’information relative à la lettre frauduleuse lors de cet appel téléphonique, il aurait pu arriver à sa décision sans savoir que l’Ambassade du Canada avait déjà eu des communications avec des sociétés iraniennes.

[30]           Quant à l’argument du demandeur selon lequel l’agent a également commis un manquement à l’équité procédurale en ne divulguant pas que l’AWQAF avait confirmé qu’il y travaillait,  je ne suis pas d’accord. Comme indiqué ci-dessus, l’agent a clairement exprimé l’enjeu dans la lettre d’équité procédurale : il craignait que la lettre de recommandation soit frauduleuse. Même si l’agent estimait que le demandeur travaillait à l’AWQAF, cela ne change rien au fait que le demandeur ait pu produire une fausse lettre de recommandation de cet employeur.

[31]           Le demandeur avait la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agent, et ne s’est pas déchargé de son fardeau de le faire. Par exemple, il aurait pu fournir une preuve sous serment de l’auteur de la lettre de recommandation attestant qu’elle était authentique. Il ne l’a pas fait.

VI.             Conclusion

[32]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’a été soulevée dans la présente affaire.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

3.                  Aucuns dépens ne sont accordés.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-374-16

INTITULÉ :

MAHMOUD HOSEINNEJAD ASL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

Le 6 septembre 2016

COMPARUTIONS :

Andrew Z. Wlodyka

Pour le demandeur

Philippe Alma

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Direction Legal LLP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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