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Date : 20160921


Dossier : IMM-1504-16

Référence : 2016 CF 1074

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 21 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

GYULA HORVATH

GYULANE HORVATH

GYULA HORVATH (un mineur)

BOGLARKA HORVATH (une mineure), FANNI HORVATH (une mineure)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Toronto [Ontario], le 21 septembre 2016)

I.                   Aperçu

[1]               Peu importe l’issue de l’affaire, elle concerne directement la Section d’appel des réfugiés. Elle doit cependant effectuer sa propre évaluation! La jurisprudence confirme clairement ce fait (il est fait référence à Majoros c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 421, plus particulièrement les paragraphes 8, 13 et 14) :

[8]        Dans sa décision, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État, car ils n’avaient pas fourni suffisamment d’information après les diverses agressions pour permettre à la police d’enquêter correctement et d’appréhender les agresseurs, et n’avaient pas déposé de plainte auprès d’une quelconque autorité de l’État pour indiquer qu’ils n’étaient pas satisfaits de l’intervention de la police.

[13]      À la lecture de la décision de la Commission dans son ensemble, la seule conclusion possible est que la Commission a tranché en se fondant sur les tentatives qu’avaient faites les demandeurs pour obtenir l’aide de la police, et qu’elle a perdu de vue la vraie question de savoir si la protection de l’État est adéquate en Hongrie.

[14]      L’importance que la Commission a accordée aux démarches de ces demandeurs soulève la difficulté suivante : selon la preuve au dossier, les demandeurs étaient persécutés par les membres d’un mouvement de droite, qui perpétraient aveuglément des actes de violence et de harcèlement. Par conséquent, on peut se demander : « Est-ce que les choses auraient changé si les demandeurs avaient signalé les incidents à la police et l’avaient relancée avec plus de diligence, et que les responsables des divers actes de violence avaient été arrêtés? » D’après le dossier, la réponse est non. À tout le moins, les choses auraient très peu changé : la persécution dirigée contre les Roms en Hongrie est généralisée et, la plupart du temps, systématique. L’État n’offrirait donc pas plus de « protection » qu’avant les actes de persécution particuliers.

[2]               Il s’agit d’un contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR), laquelle a confirmé une conclusion de la Section de la protection des réfugiés (SPR). Cette dernière avait conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés ni des personnes à protéger. La SAR en est arrivée à sa conclusion défavorable en se fondant sur ce qu’elle estime être un manque raisonnable de conclusions de la SPR quant à la crédibilité et de l’incapacité des demandeurs à réfuter la présomption de protection de l’État

[3]               Il importe de noter que la SAR n’a pas évalué les conclusions quant à la crédibilité. Elle a plutôt affirmé ce qui suit : [traduction] « cependant, comme la question de la protection de l’État suffit à rejeter l’appel, il n’est pas nécessaire pour la SAR de tenir compte des arguments des demandeurs quant à la crédibilité, autres que ceux ayant trait à l’analyse de la protection de l’État par la SPR ». Même si la SAR a reconnu les arguments formulés, elle n’a pas tenu compte de la question de la crédibilité, sauf pour confirmer, sans en faire l’examen, les conclusions de la SPR quant à la crédibilité. Ainsi, pour ce seul motif, la SAR n’a pas effectué l’examen et l’évaluation qu’elle est tenue de faire, soit l’examen des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, respectivement.

[4]               La SAR doit analyser chaque cas dans son ensemble et intégralement. Elle doit tenir compte des témoignages de chaque demandeur, puis, elle doit analyser l’ensemble en tenant compte de la preuve entourant le contexte du pays, et ce, non pas comme des extraits segmentés, mais comme un contexte approfondi en fonction des témoignages.

[5]               Les demandeurs se sont fondés sur de nombreux éléments de preuve documentaire concernant le traitement général des Roms en Hongrie. Comme l’a relevé la Cour dans l’affaire Alakozai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 266, il incombe aux demandeurs de démontrer le lien entre leur situation personnelle et la preuve objective. Or, les demandeurs ont présenté cet élément. La preuve doit être analysée par la SAR, sans nécessairement faire l’objet d’une longue décision, en fonction de la jurisprudence générale. Ce faisant, elle ne doit pas tenir compte des éléments de preuve précis sur le traitement de chaque demandeur dans le contexte des conditions du pays, mais plutôt des éléments de preuve précis qui démontrent une analyse indépendante de cette preuve personnelle en contexte, en plus de la preuve sur les conditions du pays.

[6]               La SAR doit en arriver à sa décision de façon indépendante.

[7]               Pour tous les motifs susmentionnés, la Cour renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué de la SAR.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande de contrôle judiciaire. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour réexamen. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1504-16

INTITULÉ :

GYULA HORVATH, GYULANE HORVATH, GYULA HORVATH (UN MINEUR), BOGLARKA HORVATH (UNE MINEURE) FANNI HORVATH (UNE MINEURE) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 septembre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

Le 21 septembre 2016

COMPARUTIONS :

Roger Rowe

Pour les demandeurs

David Knapp

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Offices of Roger Rowe

Avocat

North York (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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