Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160818


Dossier : IMM-393-16

Référence : 2016 CF 947

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

CHARVEY ZERNA AGUILAR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demande de permis d’étude de Mme Aguilar a été rejetée par un agent des visas à Manille, qui lui a fourni une lettre type à cases à cocher qui indiquait ce qui suit :

[traduction] Vous ne m’avez pas convaincu que vous quitteriez le Canada à la fin de votre séjour. Pour en arriver à cette décision, j’ai pris en considération plusieurs facteurs, dont ce qui suit :

Perspectives d’emploi dans le pays de résidence

Situation professionnelle actuelle

[2]               Les notes au dossier de l’agent des visas expliquent, d’une certaine façon, le motif de sa décision. Dans le passage pertinent, les notes indiquent ce qui suit :

[traduction] Elle avait travaillé comme soignante depuis mai 2011, mais n’a pas fourni de preuve d’emploi, de revenu ou d’épargne personnelle.

[3]               Bien que l’agent ait d’autres préoccupations, l’absence de cette preuve semble avoir été le plus important facteur dans sa décision défavorable.

[4]               Je conclus que la décision ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Le problème quant à la décision de l’agent se rapporte aux faits, plus particulièrement aux renseignements sur l’emploi.

[5]               L’agent a déposé un affidavit dans la demande, dans lequel il atteste que la demanderesse n’a pas fourni de preuve d’emploi, de revenu ou d’épargne personnelle. Je fais remarquer que la preuve d’épargne personnelle n’était pas pertinente, étant donné que la tante et l’oncle de la demanderesse avaient fourni la preuve qu’ils payaient ses frais de scolarité et lui fournissaient un soutien financier pendant qu’elle était au Canada.

[6]               L’avocat du défendeur a concédé que la déclaration de l’agent devait être fondée sur les notes prises par l’agent au moment où il avait rendu la décision, puisque, comme il a été reconnu en toute franchise, le dossier certifié du tribunal (DCT) ne contient aucun des renseignements indiqués dans la demande. Le dossier certifié du tribunal  contient seulement la demande sur papier ainsi qu’une liste des documents fournis. Le dossier a été supprimé par le défendeur après que la décision a été rendue.

[7]               Puisque le dossier a été supprimé, il n’est pas possible de confirmer ou de rejeter la déclaration de l’agent. Toutefois, il y a des éléments de preuve dans le dossier certifié du tribunal qui indiquent que la demanderesse avait présenté les documents, soit la liste de contrôle des documents à la page 17 du dossier certifié du tribunal présentée avec sa demande, qui comporte une mention indiquant de remplir la liste et de la placer sur le dessus de la demande. Chaque élément que la demanderesse devait soumettre a été coché, y compris l’élément [traduction« Lettres de votre employeur actuel et de vos employeurs antérieurs, datées d’au plus deux mois avant la demande, indiquant le poste occupé, le salaire et les années d’emploi ».

[8]               Il n’est pas contesté que la demanderesse a bel et bien soumis les documents indiqués à chacun des 11 autres éléments qu’elle a cochés (bien qu’aucun ne se trouve dans le dossier certifié du tribunal). Pourquoi aurait-elle coché les éléments, mais omis de remettre l’un d’entre eux? Peut-être a-t-elle oublié, ou peut-être l’agent a-t-il oublié de vérifier? Pour ce seul motif, et compte tenu du fait que le défendeur a supprimé le dossier, j’aurais accueilli la demande.

[9]               La demanderesse a déposé un affidavit de sa tante se trouvant au Canada qui, avec son mari, paie les frais de scolarité de la demanderesse et lui fournit un soutien financier pendant son séjour au Canada. Elle déclare qu’elle [traduction] « est une partie dans cette affaire et est parfaitement au courant des faits aux présentes ». Au paragraphe 7, elle déclare ce qui suit.

Contrairement à l’affirmation de l’agent déclarant que la demanderesse [traduction] « n’a pas fourni de preuve d’emploi, de revenu ou d’épargne personnelle » : [traduction] « Il m’a été dit, et je le crois sincèrement, que ma nièce a présenté une preuve d’emploi et de revenu avec sa demande à l’ambassade. En pièce jointe, vous trouverez la “pièce C” de mon présent affidavit, soit une copie de son certificat d’emploi et de son bordereau de paie d’Allied Home Services qui ont été remis à l’ambassade. »

La pièce indiquée est un certificat d’emploi daté du 27 novembre 2015, soit trois jours avant la date de dépôt de la demande (c’est-à-dire le 1er décembre 2015), et son bordereau de paie pour la période du 1er au 30 novembre 2015.

[10]           Le défendeur affirme que cet élément de preuve par affidavit ne devrait pas être accepté, puisqu’il n’a pas été présenté au décideur et parce que la tante a omis de dire qui l’a informée des faits qu’elle déclare. Il s’agit des seuls motifs d’opposition invoqués.

[11]           La première opposition est sans fondement. Si cette observation état acceptée, il ne pourrait jamais être prouvé que l’agent a en fait obtenu un document qu’il dit ne pas avoir obtenu.

[12]           La deuxième opposition est fondée. La demanderesse soutient qu’il est évident, compte tenu du dossier et des circonstances dans lesquelles elle reçoit du soutien de sa tante au Canada, que c’est elle-même qui a informé sa tante des faits. Il se peut que ce soit le cas. Toutefois, l’opposition précise formulée touche à la force probante, et non à l’admissibilité.

[13]           La liste de contrôle présentée comme élément de preuve avec la demande ainsi que le poids accordé à l’affidavit de la tante établissent selon la prépondérance des probabilités que les documents « manquants » avaient été fournis. Par conséquent, la décision de l’agent doit être annulée.

[14]           Puisque le dossier de la demande a été supprimé, la demanderesse se verra accorder la possibilité de présenter de nouveau les documents qu’elle avait présentés ainsi que tout nouveau document ou renseignement à l’appui de sa demande, qui sera examinée par un autre agent des visas.

[15]           Je répète ce que j’ai dit à l’avocat pendant l’audience : je trouve irresponsable de la part du défendeur de supprimer des dossiers aussi rapidement. La suppression devrait avoir lieu uniquement après l’expiration du délai alloué pour le dépôt d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Cette affaire ne se serait probablement pas rendue devant la Cour si la suppression n’avait pas eu lieu.

[16]           Aucune question de certification n’a été proposée.

 


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande. La décision de l’agent des visas est annulée. La demande sera examinée par un autre agent après que la demanderesse aura eu l’occasion de présenter les documents qu’elle avait initialement fournis ainsi que tout autre renseignement pertinent. Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-393-16

 

INTITULÉ :

CHARVEY ZERNA AGUILAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 août 2016

 

COMPARUTIONS

Casimir Eziefule

Pour la demanderesse

Nimanthika Kaneira

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Casimir Eziefule

Avocat

Windsor (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.