Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160909


Dossier : T-1053-16

Référence : 2016 CF 1031

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2016

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

BALRAJ SHOAN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Le gouverneur en conseil a révoqué pour un motif valable la nomination de Balraj Shoan à titre de commissaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). M. Shoan a présenté une demande de contrôle judiciaire dans laquelle il conteste la décision de révoquer sa nomination. Il a également présenté une requête sursoyant à la décision du gouverneur en conseil et qu’il soit réintégré dans ses fonctions de commissaire du CRTC, en attendant la décision à l’égard de sa demande de contrôle judiciaire.

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que, bien que M. Shoan ait établi que sa demande de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse, il n’a pu démontrer par des éléments de preuve manifestes et non conjecturaux qu’il subira un préjudice irréparable d’ici à ce que soit rendue la décision finale concernant sa demande de contrôle judiciaire, si le sursis n’est pas accordé. Je conclus par ailleurs que la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur. Par conséquent, la requête de M. Shoan sera rejetée.

I.                   Contexte

[3]               Le résumé des faits suivant qui suit devrait servir à mettre la requête de M. Shoan dans son contexte.

[4]               Le gouverneur en conseil a nommé M. Shoan à titre de conseiller à temps plein du CRTC pour un mandat de cinq ans prenant effet le 3 juillet 2013. M. Shoan occupait son poste « à titre inamovible », sous réserve de révocation motivée uniquement. C’est ce que prévoit le paragraphe 3(2) de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C‑22, qui énonce qu’un membre du Conseil occupe son poste à titre inamovible, « sous réserve de révocation motivée de la part du gouverneur en conseil ».

[5]               La conduite de M. Shoan par la suite a toutefois suscité des inquiétudes et, le 26 février 2016, le ministre du Patrimoine canadien a écrit à M. Shoan pour lui faire part de ses préoccupations quant à sa capacité d’exercer ses fonctions de commissaire du CRTC.

[6]               Les préoccupations du ministre s’inscrivaient dans cinq catégories précises. La première catégorie était liée au dénigrement public du CRTC et de son président de la part de M. Shoan, ainsi qu’aux accusations prétendument non fondées de conduite contraire à l’éthique et de conflit d’intérêts portées à l’endroit du président et de certains employés du CRTC.

[7]               La deuxième catégorie concernait les renseignements confidentiels que M. Shoan aurait prétendument divulgués, notamment des renseignements protégés par le secret professionnel, dans une procédure que M. Shoan avait introduite auprès de la Cour et de la Cour d’appel fédérale.

[8]               La troisième catégorie découlait de réunions ex parte inappropriées que M. Shoan aurait tenues avec des intervenants en cause dans une procédure en instance devant le CRTC.

[9]               Le ministre s’est également dit préoccupé par les effets des actions de M. Shoan sur le fonctionnement interne du CRTC. Le ministre a notamment souligné le fait que M. Shoan avait porté des accusations semble-t-il non fondées de conduite contraire à l’éthique ou de conflits d’intérêts à l’endroit du président et de certains employés du CRTC pour justifier le non-respect des procédures internes mises en place pour permettre au CRTC de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

[10]           Enfin, le ministre a mentionné qu’une enquête menée par un tiers indépendant, au sujet d’une plainte déposée par un employé du CRTC alléguant avoir été victime de harcèlement de la part de M. Shoan, a conclu que les allégations de harcèlement étaient bien fondées, et des mesures correctives ont été imposées à l’égard de M. Shoan.

[11]           Le ministre a conclu que, pris ensemble, ces événements remettaient en cause la capacité de M. Shoan à continuer à exercer ses fonctions de commissaire du CRTC. M. Shoan a été invité à présenter toutes les observations qu’il souhaitait que l’on prenne en compte avant qu’une décision soit rendue au sujet de son avenir. Par l’intermédiaire de son avocat, M. Shoan a présenté une réponse détaillée aux allégations formulées dans la lettre du ministre.

[12]           M. Shoan a également demandé une révision judiciaire des conclusions de l’enquête sur le harcèlement, demande qui a été entendue par le juge Zinn, le 21 juin 2016. Le juge Zinn a pris sa décision en délibéré après l’audition de l’affaire.

[13]           Manifestement, la réponse de M. Shoan aux préoccupations du ministre a été jugée insatisfaisante. Après avoir conclu que ses actions étaient fondamentalement incompatibles avec ses fonctions, et que ce dernier ne jouissait plus de sa confiance pour assumer les fonctions de commissaire du CRTC, le gouverneur en conseil a révoqué la nomination de M. Shoan pour motif valable le 23 juin 2016, cette décision ayant pris effet le lendemain. La demande de contrôle judiciaire présentée par M. Shoan à l’encontre de cette décision sous-tend la présente requête.

[14]           Peu avant que soit entendue la requête visant à surseoir à la révocation de la nomination de M. Shoan, le juge Zinn a rendu sa décision concernant le contrôle judiciaire des conclusions de l’enquête sur le harcèlement. Dans une décision très critique du processus suivi par l’enquêtrice, le juge Zinn a conclu que M. Shoan n’avait pas eu droit à l’équité procédurale durant le processus d’enquête, car l’enquêtrice avait fait preuve d’étroitesse d’esprit.

[15]           La demande de contrôle judiciaire de M. Shoan a donc été accueillie, et le rapport d’enquête de même que les mesures correctives imposées à l’égard de M. Shoan par le président du CRTC ont été annulés.

[16]           J’ai été saisie de la requête en sursis de M. Shoan le 6 septembre 2016.

II.                Faut-il accorder un sursis en l’espèce?

[17]           Dans sa requête, M. Shoan demande que la décision du gouverneur en conseil de révoquer sa nomination soit suspendue et qu’il soit réintégré dans ses fonctions de commissaire du CRTC, en attendant que soit rendue la décision concernant sa demande de contrôle judiciaire.

[18]           Il est constant que le critère devant s’appliquer pour déterminer si M. Shoan a droit à l’injonction interlocutoire qu’il demande soit celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, [1994] A.C.S. no 17.

[19]           En d’autres termes, M. Shoan doit établir :

1)                  que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente soulève une question sérieuse à trancher;

2)                  qu’il subira un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée;

3)                  que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une injonction.

[20]           Comme le critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald est conjonctif, M. Shoan doit satisfaire aux trois volets de ce critère pour avoir droit à un redressement : Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 112, au paragraphe 14, [2014] A.C.F. no 471.

III.             Question sérieuse

[21]           Dans la plupart des cas, pour établir l’existence d’une question sérieuse dans une instance, le demandeur doit démontrer non seulement que la demande n’est ni futile ni vexatoire, mais aussi qu’il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire : RJR-MacDonald, précité, au paragraphe 50. M. Shoan soutient qu’il s’agit de la norme devant s’appliquer en l’espèce.

[22]           Le défendeur allègue, au contraire, qu’un examen plus approfondi du bien-fondé de la cause de M. Shoan s’impose en l’espèce, compte tenu de la nature du redressement demandé. Le défendeur fait entre autres valoir que, si la Cour devait suspendre la décision du gouverneur en conseil, cela aurait pour effet pratique d’accorder à M. Shoan le redressement visé par sa demande de contrôle judiciaire, à savoir sa réintégration dans ses fonctions de commissaire du CRTC.

[23]           Je suis d’accord avec le défendeur et j’estime que la nature du redressement déclaratoire demandé par M. Shoan en l’espèce est telle que la norme supérieure devrait s’appliquer pour établir l’établissement d’une question sérieuse : décision Gould v. Canada (Attorney General), [1984] 1 F.C. 1133, [1984] F.C.J. No. 82 (FAC), (confirmée par [1984] 2 S.C.R. 124); Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 (1re inst.) [2001] 3 C.F. 682.

[24]           Cela étant dit, je conclus que M. Shoan a néanmoins satisfait au volet du critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald concernant l’établissement d’une question sérieuse.

[25]           Il ne fait aucun doute, à la lecture de la lettre du 26 février 2016, envoyée par le ministre du Patrimoine canadien à M. Shoan, que le ministre a émis certaines réserves au sujet de la conduite de M. Shoan, dont plusieurs n’étaient nullement liées aux allégations de harcèlement portées à son endroit. Parmi ces préoccupations, mentionnons les réunions inappropriées que M. Shoan aurait tenues avec des intervenants du CRTC.

[26]           L’examen de la lettre du ministre montre toutefois clairement que les conclusions de l’enquête sur le harcèlement étaient une préoccupation importante du ministre, et que ces conclusions ont beaucoup influé sur la décision de révoquer la nomination de M. Shoan. En effet, le mémoire des faits et du droit du défendeur précise que les préoccupations exprimées dans la lettre du ministre, datée du 26 février 2016 [traduction] « se fondant sur des préoccupations antérieures concernant des actions de M. Shoan ayant été considérées comme du harcèlement à l’endroit d’un employé du CRTC ».

[27]           Le rapport d’enquête sur le harcèlement a maintenant été annulé à la suite de la décision rendue par le juge Zinn qui a conclu que le processus d’enquête n’avait pas été mené selon les principes d’équité procédurale et de justice naturelle auxquels M. Shoan avait droit, car l’enquêtrice avait fait preuve d’étroitesse d’esprit et parce que l’issue de l’enquête avait été prédéterminée : décision Shoan v. Canada (Procureur général), 2016 FC 1003, au paragraphe 54.

[28]           Le juge Zinn a également conclu que l’enquêtrice avait outrepassé son mandat d’une manière qui était injuste pour M. Shoan; voir, par exemple, Shoan, précitée, aux paragraphes 70, 82, 85 et 92. Il a aussi déterminé que l’enquêtrice avait omis de faire une analyse critique et impartiale de certaines, sinon de la plupart, des chaînes de courriels en cause dans la plainte de harcèlement : Shoan, précitée, au paragraphe 98. Le juge Zinn a en outre conclu que l’enquêtrice avait fait une interprétation déraisonnable du langage utilisé par M. Shoan dans les courriels : Shoan, précitée, aux paragraphes 109 et 130. Enfin, le juge Zinn s’est dit préoccupé du fait que le président du CRTC avait agi à la fois comme témoin des faits reprochés et comme ultime décideur, au paragraphe 79.

[29]           Ces observations soulèvent une question sérieuse quant à savoir s’il était pertinent de se fonder sur les conclusions du rapport d’enquête pour conclure que les actions de M. Shoan étaient fondamentalement incompatibles avec son poste de commissaire, ainsi que pour mettre fin à sa nomination pour motif valable.

[30]           La conclusion du juge Zinn, selon qui aucune ordonnance de confidentialité n’était nécessaire pour protéger l’identité de la plaignante dans l’affaire de harcèlement, soulève également une question sérieuse liée à l’allégation du ministre selon qui, en déposant des documents auprès de la Cour en lien avec sa demande de contrôle judiciaire du rapport d’enquête, M. Shoan [traduction] « a, inutilement et de manière inacceptable, inclus des renseignements personnels sur une personne qui avait déposé une plainte de harcèlement contre [lui] » : voir la lettre du 26 février 2016 du ministre à l’attention de M. Shoan et la décision Shoan, précitée, aux paragraphes 148 et 149.

[31]           Que les choses soient claires : il ne m’appartient pas, à ce stade-ci de l’instance, d’émettre une opinion quant à savoir si les arguments de M. Shoan concernant l’importance de la décision du juge Zinn seront accueillis. Je me contenterai de dire que je conclus que les observations du juge Zinn soulèvent une question sérieuse quant à la pertinence de se fonder sur les conclusions du rapport d’enquête comme motif pour révoquer la nomination de M. Shoan.

IV.             Préjudice irréparable

[32]           Le volet du critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald concernant l’existence d’une question sérieuse ayant été satisfait, il s’agit maintenant de déterminer si M. Shoan a fourni des éléments de preuve manifestes et non conjecturaux démontrant qu’il subira un préjudice irréparable d’ici le règlement final de sa demande de contrôle judiciaire, s’il n’est pas réintégré dans ses fonctions de commissaire du CRTC.

[33]           Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre : RJR-MacDonald, précité, au paragraphe 59.

[34]           La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une partie ne peut satisfaire au volet du préjudice irréparable du critère à respecter pour accorder un sursis en se fondant sur de simples affirmations de préjudice : Choson Kallah Fund of Toronto c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 311, aux paragraphes 5 et 8, [2008] A.C.F. no 1576 (autorisation de pourvoi refusée : [2008] C.S.C.R. no 528 (C.S.C.)).

[35]           Il faut plutôt « produire des éléments de preuve suffisamment probants, dont il ressort une forte probabilité que, faute de sursis, un préjudice irréparable sera inévitablement causé » : Gateway City Church c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 126, au paragraphe 16, [2013] A.C.F. no 514, citant l’arrêt Glooscap Heritage Society c. Canada (Revenu national), 2012 CAF 255, au paragraphe 31, [2012] A.C.F. no 1661.

[36]           Cela étant dit, la Cour peut tirer des conclusions qui découlent logiquement des éléments de preuve lorsqu’il n’y a aucune preuve qu’il y a déjà eu préjudice irréparable : Ciba-Geigy Canada Ltd. v. Novopharm Ltd., [1994] F.C.J. No. 1120, au paragraphe 119, [1984] 83 F.T.R. 161.

[37]           M. Shoan soutient qu’il subira un préjudice irréparable en l’espèce, car la révocation de sa nomination pour motif valable indiquera au public que, lorsqu’il était commissaire du CRTC, ses actions étaient discutables et manquaient d’impartialité, et qu’on ne peut pas lui faire confiance. Cela nuira à sa réputation à l’« avenir », notamment compte tenu de la vaste couverture médiatique nationale que sa révocation a suscitée. Il est également peu probable qu’il puisse à l’avenir trouver un emploi dans son domaine d’expertise, étant donné la nature et les répercussions de sa révocation.

[38]           Selon M. Shoan, plus sa période de destitution sera longue, plus sa légitimité en tant que décideur au sein du CRTC risque d’être compromise. Cela aura une incidence négative sur sa capacité d’agir à titre de décideur et nuira également à sa capacité d’entretenir des liens avec les intervenants. Qui plus est, cela portera préjudice au CRTC en tant qu’institution. M. Shoan allègue en outre que sa destitution aura un effet dissuasif sur d’autres personnes, en les dissuadant de formuler des plaintes légitimes à l’avenir.

[39]           Ce dernier point, concernant le présumé préjudice causé au CRTC et l’« effet dissuasif » sur d’autres personnes, peut être rapidement écarté, car seul le préjudice subi par la partie requérante peut être qualifié de « préjudice irréparable » au titre de ce volet du critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald : RJR-MacDonald, précité, au paragraphe 58.

[40]           En ce qui a trait aux affirmations de M. Shoan concernant l’atteinte à sa réputation, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le mal est en grande partie déjà fait. En effet, comme M. Shoan l’a lui-même reconnu dans son affidavit, ses divergences d’opinions quant à la manière dont le CRTC est géré, ainsi que la révocation de sa nomination pour motif valable par le gouverneur en conseil, ont déjà fait l’objet d’une large couverture médiatique.

[41]           Ordonner que M. Shoan soit réintégré dans ses fonctions au sein du CRTC, en attendant l’audition de sa demande de contrôle judiciaire concernant sa révocation, n’aiderait en aucune façon à rétablir la confiance du gouverneur en conseil à son égard. De plus, sa réintégration, en attendant l’audition de sa demande de contrôle judiciaire, n’aurait pas pour effet de réparer l’atteinte à sa réputation découlant de la perte de confiance du gouverneur en conseil quant à sa capacité de s’acquitter de ses responsabilités à titre de commissaire du CRTC.

[42]           Je ne suis pas persuadée non plus que tout préjudice à sa réputation, que M. Shoan pourrait avoir subi, soit « irréparable » au sens de la jurisprudence. Si la demande de contrôle judiciaire de M. Shoan est accueillie, il lui sera alors loisible d’intenter une action en dommages-intérêts, tant pour la perte de revenu que pour le préjudice qu’il dit avoir subi sur le plan de sa réputation et de ses perspectives de carrière : décision Weatherill c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 58, aux paragraphes 30, 143 F.T.R. 302.

[43]           Comme le volet relatif au « préjudice irréparable » du critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald n’a pas été satisfait, la requête en sursis de M. Shoan sera rejetée. Cependant, par souci d’exhaustivité, j’examinerai également brièvement la question de la prépondérance des inconvénients.

V.                Prépondérance des inconvénients

[44]           À la troisième étape du critère établi dans l’arrêt RJR-MacDonald, une évaluation doit être faite pour déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond.

[45]           La Cour suprême a conclu que l’une ou l’autre partie peut faire pencher la balance des inconvénients en sa faveur en démontrant au tribunal que l’intérêt public commande l’octroi ou le refus du redressement demandé : RJR-MacDonald, précité, aux paragraphes 62 et 66.

[46]           Bien qu’il n’ait pas présenté de requête en vue d’accélérer l’audition de sa demande de contrôle judiciaire, M. Shoan fait valoir qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que sa demande soit traitée rapidement. Il allègue que la prépondérance des inconvénients favorise largement l’octroi d’une injonction pour maintenir le statu quo qui existait avant la révocation de sa nomination. Cela est d’autant plus vrai, souligne M. Shoan, que le ministre n’a jamais exprimé de préoccupations quant à sa capacité d’exercer ses fonctions.

[47]           Je reconnais que la révocation de la nomination et la perte de revenu en découlant ont certainement causé préjudice à M. Shoan, bien que, comme je l’ai mentionné précédemment, il n’a pu être établi que ce préjudice était irréparable.

[48]           En revanche, je n’accepte pas l’affirmation de M. Shoan lorsque celui-ci déclare que le ministre n’a jamais exprimé de préoccupations concernant sa capacité à faire son travail. Le ministre a allégué, entre autres, que M. Shoan avait tenu une réunion ex parte inappropriée avec des intervenants dans une instance en cours devant le CRTC, ce qui a amené une partie à l’instance à exprimer des inquiétudes quant à une crainte potentielle de partialité de M. Shoan. Cette même partie a demandé sa récusation de l’instance. Ces faits mettent directement en doute le jugement de M. Shoan et sa capacité à faire son travail.

[49]           Qui plus est, il est fortement dans l’intérêt public de préserver l’intégrité du CRTC et la confiance du public à son endroit. Cette confiance serait minée si M. Shoan était réintégré dans ses fonctions de commissaire du CRTC avant que soit rendue la décision concernant sa demande de contrôle judiciaire contestant la révocation de sa nomination pour motif valable.

[50]           Il est également dans l’intérêt public de faire respecter les décrets qui jouissent d’une présomption de validité. Si un sursis était accordé à M. Shoan, le gouverneur en conseil ne pourrait exercer les pouvoirs qu’il tient de la loi et de sa prérogative : Weatherill, précitée, au paragraphe 31.

[51]           Enfin, il est fortement dans l’intérêt public d’assurer un fonctionnement efficace et harmonieux du CRTC. Sans chercher à désigner un fautif, il ne fait aucun doute que la relation entre M. Shoan, le président et certains employés du CRTC est devenue très tendue. La réintégration provisoire de M. Shoan dans ses fonctions nuirait certainement à la collégialité nécessaire pour assurer le fonctionnement efficace du CRTC.

[52]           Par conséquent, je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise la mise en application du décret révoquant la nomination de M. Shoan au sein du CRTC jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire contestant cette décision puisse être entendue.

VI.             Conclusion

[53]           Pour les motifs énoncés, la requête de M. Shoan visant à suspendre le décret révoquant sa nomination au CRTC est rejetée. Les dépens suivront l’issue de la cause.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  la demande soit rejetée;

2.                  les dépens suivent l’issue de la cause.

« Anne L. Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1053-16

 

INTITULÉ :

BALRAJ SHOAN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 septembre 2016

 

Ordonnance et MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Craig Stehr

 

Pour le demandeur

 

Sean Gaudet

Roy Lee

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.