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Date : 20160818


Dossier : IMM-180-16
IMM-181-16

Référence : 2016 CF 948

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

Dossier : IMM-180-16

ENTRE :

BACARY TRAORE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ET ENTRE :

Dossier : IMM-181-16

ISSA TRAORE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Ces deux demandes impliquent des parties liées dont les décisions sont identiques et qui ont été entendues ensemble. Par conséquent, une seule série de motifs est présentée pour être déposée dans chaque dossier.

[2]               Les demandeurs sont des frères qui vivent au Mali. Ils ont présenté une demande de résidence permanente parrainée au titre de la catégorie du regroupement familial comme le prévoit l’alinéa 117(1)f) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[3]               Afin de satisfaire aux exigences du Règlement, chaque enfant devait être une personne dont « [ses] parents sont décédés ». Le défendeur a informé les demandeurs que [traduction] « l’agent n’était pas convaincu que les certificats de décès présentés... étaient authentiques ». On leur a demandé de fournir des documents supplémentaires; certains d’entre eux ont pu être fournis et d’autres non. Quoi qu’il en soit, des documents supplémentaires ont été fournis au défendeur afin d’établir que les demandeurs étaient orphelins. Un de ces documents était une ordonnance de la Cour datée du 27 juin 2013 d’une Cour du Mali (l’ordonnance de la Cour).

[4]               En rendant une décision négative, le décideur a conclu que les demandeurs étaient inadmissibles en raison de fausses déclarations en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 « directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi ». En conséquence, le droit d’appel des demandeurs à la Section d’appel de l’immigration est interdit en vertu du paragraphe 64(3) de la Loi.

[5]               Les demandeurs exposent qu’il n’y a pas eu de fausses représentations. Ils reconnaissent que les certificats de décès peuvent avoir été discutables, mais ils soulignent que le décideur n’est jamais venu à la conclusion qu’il s’agissait de documents frauduleux; simplement qu’il n’était pas satisfait de leur authenticité. Ils affirment qu’ils ont fourni suffisamment d’éléments de preuve additionnels pour établir qu’ils étaient orphelins.

[6]               Les demandeurs soutiennent en outre que même si les certificats de décès étaient des documents frauduleux, on ne peut raisonnablement dire qu’un manquement à l’alinéa 40(1)a) de la Loi ne se soit produit parce qu’ils n’ont fait aucune fausse représentation d’un fait « matériel » puisqu’ils représentaient exactement la situation, soit que leurs parents étaient décédés. Par conséquent, ils soumettent que l’agent aurait dû refuser la demande sans invoquer l’alinéa 40(1)a) de la Loi, les privant ainsi du droit d’interjeter appel.

[7]               À mon avis, les demandeurs doivent obtenir gain de cause dans leurs requêtes. Pour invoquer l’alinéa 40(1)a) de la Loi, le décideur devait déterminer qu’en soumettant les certificats de décès, les demandeurs « directement ou indirectement, [faisaient] une présentation erronée... sur un fait important quant à un objet pertinent, [...], ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi ».

[8]               Je suis d’accord avec le défendeur que les certificats de décès relatent des faits pertinents en l’espèce, parce que les demandeurs devaient établir le décès de leurs parents. Par contre, il ne s’agit que d’un volet du critère; le décideur doit également déterminer si cette présentation erronée pourrait entraîner une erreur dans l’application de la présente loi.

[9]               L’avocat du défendeur convient que si les parents des défendeurs sont effectivement décédés et que ceux-ci sont orphelins, alors, même si les certificats de décès étaient carrément des créations frauduleuses, ils n’auraient pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi si la demande avait été acceptée parce que les demandeurs, en tant qu’orphelins, étaient en droit d’être acceptés comme résidents permanents.

[10]           À ce titre, le décideur se devait d’en arriver à la conclusion que les demandeurs n’étaient pas orphelins. Or, l’agent n’a pas tiré cette conclusion. Par ailleurs, à mon avis, on ne pouvait pas tirer cette conclusion dans ce dossier.

[11]           Incluse, en tant que document fourni par les demandeurs, est l’ordonnance de la Cour qui accordait la requête d’une ordonnance d’adoption-protection des parrains canadiens des demandeurs fondée sur le fait que leurs parents étaient décédés. En plus du parrain, le Service des poursuites pénales du Canada et la direction générale de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille étaient présents à l’audience. Le décideur ne s’est jamais penché sur cette preuve.

[12]           À mon avis, l’ordonnance de la Cour constitue une preuve prima facie que les demandeurs sont orphelins. Pour en venir à la conclusion de l’existence de fausses déclarations, il aurait fallu que le décideur conclue que cette ordonnance de la Cour était également un document frauduleux, ou qu’elle n’appuyait pas ce qui est évident; que les demandeurs sont orphelins. Pour ce motif, les décisions sont déraisonnables et elles sont annulées.

[13]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT : Les requêtes sont accueillies, les décisions sont annulées et les demandes des demandeurs doivent être considérées depuis le début par un nouveau décideur. Les demandeurs sont autorisés à déposer de nouveaux éléments de preuve s’ils le désirent.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-180-16

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BACARY TRAORE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

DOSSIER :

imm-181-16

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ISSA TRAORE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

18 août 2016

COMPARUTIONS :

Joel Sandaluk

Pour les demandeurs

Leanne Briscoe

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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