Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160826


Dossier : IMM-331-16

Référence : 2016 CF 973

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 août 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

TAJUDEEN MODUPE OLUWAKEMI TAJUDEEN DAMILOLA YUSSUF

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs, soit une mère et son enfant, sont des citoyens du Nigéria. Ils ont présenté une demande d’asile car ils ont été accusés de sorcellerie et, par conséquent, ils ont été pourchassés par la famille du mari de la demanderesse principale et les autorités. La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté leur demande en raison de doutes sur leur crédibilité et elle a conclu qu’une possibilité de refuge intérieur (PRI) leur était disponible.

[2]               Ils ont fait appel de la décision à la Section d’appel des réfugiés (SAR). Ils ont déposé de nouveaux éléments de preuve et ont demandé à être entendus oralement devant la SAR. La SAR a accepté les nouveaux éléments de preuve au sens du paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, mais elle a refusé de tenir une audience. Voici l’interprétation des articles pertinents de la Loi :

Pris dans leur ensemble, les paragraphes 110(3), 110(4) et 110(6) établissent que la SAR procède sans tenir d’audience dans un appel comme celui-ci, à moins qu’il n’y ait de nouveaux éléments de preuve, auquel cas la SAR peut tenir une audience si ces nouveaux éléments de preuve soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité des appelants, sont au cœur de la décision de la SPR et, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

La SAR a conclu que les nouveaux éléments de preuve admis en l’espèce ne respectent pas les critères énoncés au paragraphe 110(6) et, par conséquent, que la SAR doit procéder sans tenir d’audience.

[3]               À l’étape de l’autorisation, les demandeurs se sont représentés eux-mêmes et ils ont déposé un court exposé des arguments laissant entendre qu’ils ont reçu de l’aide d’une personne qui a une formation juridique ou des connaissances de la jurisprudence en matière d’immigration.

[4]               À l’audience de la demande, ils étaient représentés par un avocat. Aucun mémoire supplémentaire n’a été déposé. L’avocat a présenté plusieurs observations qui ne figuraient pas dans l’exposé soumis à la Cour. Il n’a pas informé l’avocat du ministre qu’il allait présenter ces nouvelles observations. Je suis d’accord avec l’observation de l’avocat du ministre selon laquelle cette conduite prend le ministre au dépourvu et cause préjudice. Si l’avocat n’avait pas présenté ces nouvelles observations de la façon appropriée, je les aurais écartées.

[5]               Selon les demandeurs, la SAR devait, en l’espèce, tenir une audience. Ils se plaignent que la SAR a omis de présenter une explication sur le refus de tenir une audience, à l’exception de l’observation ci-dessus, selon laquelle les nouveaux éléments de preuve admis en l’espèce ne respectent pas les critères énoncés au paragraphe 110(6).

[6]               Je conviens qu’une explication de la SAR sur la non-conformité des critères énoncés au paragraphe 110(6) aurait été utile; cependant, après avoir lu la décision en entier, il est évident que la SAR a souscrit à la conclusion de la SPR concernant la crédibilité des demandeurs. Elle n’a également accordé que très peu de poids aux « nouveaux » éléments de preuve et elle a conclu qu’ils étaient insuffisants pour réfuter les conclusions précédentes défavorables quant à la crédibilité. À ce titre, les nouveaux éléments de preuve qui ont été acceptés ne justifiaient pas que la demande soit acceptée si les critères énoncés dans le paragraphe n’étaient pas respectés.

[7]               Quoi qu’il en soit, comme l’a fait remarquer le ministre, même si une demande respecte tous les critères du paragraphe, la décision de tenir une audience relève toujours du pouvoir discrétionnaire de la SAR, étant donné que le paragraphe mentionne la possibilité de tenir une audience dans cette situation. Je ne crois pas que le refus de la SAR d’exercer son pouvoir discrétionnaire était déraisonnable.

[8]               Les demandeurs soutiennent également que la SAR [traduction« s’est aventurée trop loin en se basant sur une hypothèse » lorsqu’elle a affirmé que le rapport psychologique du Dr Devins avait franchi [traduction] « la ligne qui sépare l’opinion d’experts du plaidoyer lorsqu’il a défendu l’octroi du statut de réfugié ». Le Dr Devins ne s’est pas exprimé de cette façon, mais une lecture juste et raisonnable de ses conclusions permet en effet de tirer la conclusion qu’il défend l’octroi du statut de réfugié de la demanderesse principale. Il n’y a rien d’hypothétique dans la discussion de la SAR. Je conclus aussi qu’il a franchi la ligne.

[9]               Le ministre mentionne à juste titre que dans l’exposé écrit, les demandeurs ne contestent pas la conclusion relative à la possibilité de refuge intérieur de la SAR, ce qui laisse entendre qu’ils acceptent cette dernière. Cette conclusion à elle seule, l’avocat a fait valoir, tranche la demande. Au cours de l’audience, l’avocat a fait valoir que la conclusion était déraisonnable, car elle ne tenait pas compte du « fait » que les policiers faisaient partie des agents de persécution.

[10]           Il s’agit de l’un des motifs d’appel à la SAR, soit que la SPR a commis une erreur en omettant de tenir compte du fait que les policiers sont des agents de persécution. La SAR se prononce sur la question aux paragraphes 83 et 84 de ses motifs. Elle a conclu que les allégations selon lesquelles les demandeurs étaient pourchassés par les autorités n’étaient pas crédibles. À mon avis, cette conclusion était raisonnable en fonction du dossier. Plus précisément, « l’avis de recherche » présenté par les demandeurs est pratiquement une tentative risible de créer l’impression que la demanderesse principale est recherchée par les autorités. L’analyse du document de la SAR énumère les raisons :

[L]es avis de recherche contenaient des insertions manuscrites des renseignements biographiques et des photos des demandeurs collés sur le document. … [L]es avis ne présentaient pas les caractéristiques d’un document authentique et ils ne respectaient pas la qualité et le style des rapports de police du Nigéria.

[11]           Pour ces motifs, la demande doit être rejetée, puisque la décision de la SAR était raisonnable et amplement étayée par le dossier qui a été présenté à cette dernière.

[12]           Aucune question n’a été posée aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande. Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-331-16

 

INTITULÉ :

TAJUDEEN MODUPE OLUWAKEMI, TAJUDEEN DAMILOLA YUSSUF c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

Le xx août 2016

 

COMPARUTIONS :

Peter Lucic

Pour les demandeurs

Norah Dorcine

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lucic

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.