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Date : 20160826


Dossier : T-63-16

Référence : 2016 CF 974

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 août 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

OLUPASEAYO ANUPO RUNSEWE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

[1]               Le ministre interjette appel de la décision d’un juge de la citoyenneté datée du 10 décembre 2015, attribuant la citoyenneté canadienne à M. Runsewe en appliquant le critère de la résidence établi dans la décision Re Papadogiorgakis, [1978] 2 CF 208 (CFPI) [Papadogiorgakis]. Le présent appel est rejeté pour les motifs qui suivent.

[2]               Les faits importants ne sont pas contestés. M. Runsewe est citoyen du Nigéria. Il a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 22 février 2012, et en conséquence, la période pertinente de quatre ans visée par la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, est comprise entre le 22 février 2008 et le 22 février 2012.

[3]               Il est arrivé au Canada en compagnie des autres membres de sa famille à titre de résident permanent le 8 juillet 2007. Ils sont retournés au Nigéria quinze jours plus tard. Toute la famille est revenue au Canada le 13 juin 2008. Les renseignements fournis par l’Agence des services frontaliers du Canada démontrent que M. Runsewe est effectivement entré au Canada après être parti en 2007 et avant la période pertinente, à savoir le 28 novembre 2007 et le 11 février 2008.

[4]               Dans sa demande, il a déclaré 832 jours d’absence du Canada. Il a déclaré 828 jours d’absence dans son questionnaire de la résidence. Il est allé en vacances pendant 3 jours en Hollande sans sa famille en rentrant du travail. À l’exception de quelques jours de vacances aux États-Unis avec sa famille et la Hollande, toutes ses absences du Canada sont des périodes lors desquelles il était au Nigéria pour travailler sur une plate-forme pétrolière en mer.

[5]               La première observation du ministre est que le juge de la citoyenneté a omis d’aborder raisonnablement la question préliminaire de savoir si M. Runsewe avait établi sa résidence au Canada au début de la période pertinente de quatre ans.

[6]               Il est judicieusement reconnu que le juge de la citoyenneté a jugé en fait que M. Runsewe avait établi la résidence canadienne. Il écrit : [traduction] « Il est clair que le demandeur et sa famille avaient établi leur domicile à Ottawa en juin 2008 et qu’ils l’ont maintenue tout ce temps, que ce soit dans un appartement à Ottawa ou à la résidence achetée par la famille à Nepean (Ontario) ». Le ministre affirme que même s’il est reconnu que M. Runsewe a établi sa résidence en juin 2008, cela est déraisonnable puisque c’était environ cinq mois après la date de début pertinente de la période d’admissibilité de quatre ans.

[7]               Je ne suis pas persuadé que la date pour établir la résidence du demandeur doit coïncider avec le premier jour de la période pertinente de quatre ans. L’exigence prévue à la Loi sur la citoyenneté, telle qu’elle se lisait à l’époque, était simplement qu’un demandeur possède trois années de résidence pendant la période de quatre ans précédente. Par conséquent, il est suffisant que le demandeur ait établi sa résidence à quelque moment au cours des trois dernières années de la période d’admissibilité. Une conclusion semblable a été énoncée par le juge Phelan dans la décision Faria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1385, au paragraphe 11, [2004] ACF no 1849, sur laquelle le ministre s’appuie à d’autres fins.

[8]               Lorsqu’un juge de la citoyenneté applique le critère de l’arrêt Papadogiorgakis, le juge examine si après avoir établi la résidence canadienne du demandeur, la résidence est maintenue malgré les absences supplémentaires du demandeur. Le critère de l’arrêt Papadogiorgakis établit une « résidence par déduction » dans les circonstances, de façon à ce le demandeur maintienne sa résidence malgré les absences.

[9]               La décision du juge de la citoyenneté selon laquelle M. Runsewe et sa famille avaient établi résidence en juin 2008 est une conclusion raisonnable. Le dossier démontre qu’ils ont tous déménagé de façon permanente du Nigéria à Ottawa à cette date, avec l’intention de s’établir ici en permanence. M. Runsewe a d’abord loué, puis acheté une maison pour sa famille. Son épouse était enceinte de jumeaux lorsqu’ils sont arrivés et les jumeaux sont nés au Canada. Son expertise est dans le domaine de l’industrie pétrolière; il dit qu’il a essayé de trouver un emploi au Canada, mais qu’il en a été incapable. Il avait gardé son emploi au Nigéria parce que son épouse était enceinte et qu’elle avait quitté son emploi au Nigéria pour venir au Canada.

[10]           Le ministre soutient ensuite que le juge de la citoyenneté a déterminé de façon déraisonnable que M. Runsewe avait maintenu sa résidence au Canada après juin 2008, puisqu’il était absent pendant plus d’un an après l’exemption d’un an prévue par la Loi sur la citoyenneté. Je ne vois rien de déraisonnable dans la décision du juge.

[11]           Il est clair d’après le dossier que M. Runsewe quitte le Canada seulement pour des fins liées au travail. Il se rend au Nigéria et il travaille à titre d’employé sur une plate-forme pétrolière pendant environ 28 jours, puis il a environ 28 jours de congé. Toutes les fois où il ne travaille pas, il retourne à sa famille au Canada. Il ne possède aucun bien au Nigéria; ils sont tous au Canada. Le ministre remarque qu’il paie des impôts au Nigéria et qu’il paie peu d’impôts au Canada, suggérant que cela démontre son manque de résidence au Canada. Cela ne prouve rien à mon avis. Il est un employé au Nigéria et il y paie des impôts. Son imposition s’inscrit sous l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital.

[12]           Je préfère l’opinion exprimée par l’avocat de M. Runsewe selon laquelle il ne visite pas le Canada, il revient à la maison.

[13]           Enfin, le ministre soutient que M. Runsewe ne possède que des indices passifs pour démontrer qu’il a maintenu sa résidence au Canada et qu’il « tente de faire sienne » la situation des autres membres de sa famille en matière de résidence. Je ne partage pas l’opinion selon laquelle il tente de faire sienne la résidence comme cette expression a été utilisée dans Faria. Comme il est indiqué au paragraphe 12, « [l]a situation de chacun est examinée individuellement selon ses propres circonstances ». Je ne vois rien pouvant faire penser que le juge de la citoyenneté a fait autrement. Il a jugé sur le fondement de la preuve qu’on lui avait présenté que [traduction« [à] aucun moment depuis juin 2008 le demandeur n’a-t-il cessé de résider au Canada ». À mon avis, il pouvait raisonnablement tirer la conclusion qu’il a tirée à cet égard, compte tenu de la preuve des liens de M. Runsewe avec le Nigéria, lesquels n’étaient que pour son travail, et ceux avec le Canada.

[14]           Aucune des parties n’a demandé des dépens et aucuns dépens ne sont accordés.

 


JUGEMENT

LA COUR rejette le présent appel, sans dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-63-16

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. OLUPASEAYO ANUPO RUNSEWE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 août 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 août 2016

 

COMPARUTIONS :

Orlagh O’Kelly

Pour le demandeur

 

Warren L. Creates

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le demandeur

 

Perley-Robertson, Hill & McDougall s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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