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Date : 20161004


Dossier : T-892-16

Référence : 2016 CF 1106

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

ADE OLUMIDE

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les défendeurs, Sa Majesté la Reine du chef du Canada et le procureur général du Canada, déposent une demande pour que la Cour déclare le demandeur dans la présente procédure, M. Ade Olumide, plaideur quérulent.


[2]               La présente demande s’appuie sur le paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch. F-7 [la Loi] :

40 (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

40 (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

 

[3]               La présente demande – qui est faite avec le consentement du procureur général du Canada (paragraphe 40(2) de la Loi) – a été déposée au moyen d’un avis de requête en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Selon la Cour d’appel fédérale, il s’agit là d’un moyen convenable (Nelson c. Canada, 2003 CAF 127, au paragraphe 22, [2003] ACF no 407).

[4]               La demande s’appuie sur les affidavits de Mme Paule Chamberland, datés du 8 septembre 2016, et sur ceux de Mme Patricia Suys, datés du 9 septembre 2016, et les éléments de preuve documentaire en annexe. Les éléments de preuve des défendeurs fournissent également une quantité considérable de détails sur l’historique des diverses actions en justice intentées par M. Olumide aux niveaux fédéral et provincial (y compris les instances et appels connexes en matière fiscale de M. Olumide et de multiples contestations constitutionnelles), ainsi que sur les divers dépens impayés adjugés contre M. Olumide relativement à ses nombreuses actions et demandes.

[5]               En date d’aujourd’hui et à l’heure actuelle, M. Olumide n’a déposé devant la Cour aucun document pour répondre à la requête des défendeurs, et je n’ai aucune raison de douter de la véracité des faits allégués dans les affidavits de Mme Chamberland et de Mme Suys, ni de l’authenticité des diverses pièces produites. Les éléments de preuve à l’appui de la demande des défendeurs sont convaincants, tout comme les arguments présentés dans les observations écrites des défendeurs.

[6]               Je n’ai pas besoin de répéter dans les présents motifs la nature et la portée des allégations apparemment non fondées et hypothétiques faites au fil du temps par M. Olumide dans les nombreuses instances qu’il a introduites. Depuis 2013, M. Olumide a déposé 14 demandes et actions en justice à la Cour fédérale et à la Cour canadienne de l’impôt, introduit 15 instances à la Cour d’appel fédérale, déposé cinq demandes d’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada et introduit au moins 10 instances devant les tribunaux ontariens. À l’exception des quelques instances qu’il a abandonnées, il a été débouté dans toutes les instances qu’il a introduites, dont un bon nombre ont été jugées abusives, scandaleuses, frivoles et vexatoires.

[7]               En fait, comme il est souligné dans les affidavits de Mme Chamberland et de Mme Suys, et dans un certain nombre de décisions de notre Cour et d’autres tribunaux, M. Olumide a été sermonné pour avoir introduit des instances frivoles, qualifiées de scandaleuses, vexatoires et abusives. Il remet en litige des questions ayant déjà été tranchées et il interjette constamment et systématiquement appel des décisions qui lui sont défavorables. Il fait des observations qui sont confuses et difficiles à décoder, ainsi que des allégations scandaleuses et non fondées contre les tribunaux, les parties adverses et les fonctionnaires fédéraux. Il fait fi des ordonnances des tribunaux, des échéances et des règles des tribunaux, et refuse de payer les dépens non réglés adjugés contre lui. Le fait que M. Olumide a été enjoint de verser un cautionnement pour dépens ne l’a pas empêché de continuer à introduire des instances, sans aucune considération pour les ressources publiques nécessaires pour répondre à ses poursuites non fondées.

[8]               En date du 30 août 2016, les dépens adjugés contre M. Olumide en faveur de la Couronne s’élevaient à 14 652,75 $. Le total des dépens impayés, qui apparaît dans les mémoires de dépens fournis à M. Olumide, s’élève à 2 643,95 $. Ces montants n’incluent pas les dépens adjugés en faveur de défendeurs autres que la Couronne. Comme il est souligné dans l’affidavit de Mme Chamberland, en date du 8 septembre 2016, M. Olumide n’a payé aucun des dépens dus à la Couronne, malgré les demandes répétées pour qu’il s’exécute, et malgré le fait qu’il ait été informé que tout montant impayé serait transféré à l’Agence du revenu du Canada aux fins de recouvrement.

[9]               Je conclus que M. Olumide porte toutes les marques d’un plaideur quérulent. Je souscris pleinement aux arguments présentés par les défendeurs dans leurs observations afin de déclarer M. Olumide plaideur quérulent en vertu de l’article 40 de la Loi (voir les paragraphes 77 à 109 des observations écrites de Sa Majesté la Reine du chef du Canada et du procureur général du Canada datées du 13 septembre 2016).


[10]           En particulier, je tire les conclusions suivantes :

(a)                M. Olumide a été sermonné par divers tribunaux pour avoir eu un comportement vexatoire et abusif.

(b)               M. Olumide intente des poursuites frivoles (y compris des requêtes, des demandes, des actions en justice et des appels).

(c)                M. Olumide fait des allégations scandaleuses et non fondées contre les parties adverses à la Cour.

(d)               M. Olumide remet en litige des questions ayant déjà été tranchées contre lui.

(e)                M. Olumide interjette couramment et systématiquement appel de décisions interlocutoires et finales, et ce, sans succès.

(f)                M. Olumide fait fi des ordonnances des tribunaux et des règles des tribunaux.

(g)               M. Olumide refuse de payer les dépens non réglés adjugés contre lui.

[11]           Par conséquent, en fonction des éléments de preuve au dossier, je conclus que M. Olumide « a de façon persistante introduit des instances vexatoires [...] ou [...] a agi de façon vexatoire au cours d’une instance » (paragraphe 40(1) de la Loi). À l’heure actuelle, M. Olumide ne s’est pas laissé dissuader par les nombreux jugements qui lui sont défavorables, les avertissements de divers tribunaux, les conséquences des dépens, ni par une ordonnance l’enjoignant de verser un cautionnement pour dépens. Cela inclut la conduite de M. Olumide dans la présente instance (dossier T-892-16) et l’appel connexe à la Cour d’appel fédérale (dossier A-201-16), et qui une fois encore, montre clairement que le comportement de M. Olumide devant la Cour est ingérable.

[12]           Ayant pris en considération tous les facteurs pertinents mentionnés au paragraphe 40(1) de la Loi et dans la jurisprudence (notamment la décision Canada c. Olympia Interiors Ltd., 2001 C.F. 1re inst. 859, au paragraphe 51, [2001] FCJ no 1224 [Olympia CF], confirmé par l’arrêt Olympia Interiors Ltd. c. Canada, 2004 CAF 195, aux paragraphes 3, 8 et 9, [2004] FCJ no 868 [Olympia CAF]), dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je conclus que, dans les circonstances, une ordonnance en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi « est nécessaire dans certains cas pour assurer le respect du processus judiciaire et pour protéger d’autres personnes contre des litiges frivoles et inutiles » (Olympia CF, au paragraphe 50).

[13]           La présente requête est accueillie, et la déclaration et l’ordonnance demandées par les défendeurs sont rendues. M. Ade Olumide est un plaideur quérulent aux termes de l’article 40 de la Loi. Toutes les instances engagées par M. Olumide et actuellement devant la Cour fédérale sont suspendues. Aucune instance d’aucune sorte devant la Cour fédérale ne peut être engagée ou poursuivie sans l’autorisation de la Cour. Aucun acte de procédure ou document déposé par M. Olumide, qu’il agisse en son nom ou qu’il soit représenté par une autre personne, ne doit être accepté par le registraire de la Cour fédérale, sauf avec la permission de la Cour. Les défendeurs ont droit aux dépens de la requête, qui sont fixés à 2 240 $, en lieu et place des dépens taxés.


JUGEMENT

LA COUR ADJUGE, DÉCLARE ET ORDONNE :

1.                  La requête des défendeurs est accueillie.

2.                  M. Ade Olumide est un plaideur quérulent en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch. F-7;

3.                  Toutes les instances engagées par M. Olumide et actuellement devant la Cour fédérale sont suspendues.

4.                  Aucune instance d’aucune sorte devant la Cour fédérale ne peut être engagée ou poursuivie sans l’autorisation de la Cour.

5.                  Aucun acte de procédure ou document déposé par M. Olumide, qu’il agisse en son nom ou qu’il soit représenté par une autre personne, ne doit être accepté par le registraire de la Cour fédérale, sauf avec la permission de la Cour.

6.                  M. Ade Olumide est condamné à verser aux défendeurs la somme forfaitaire de 2 240 $ en lieu et place des dépens taxés.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-892-16

 

INTITULÉ :

ADE OLUMIDE c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 OCTOBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Daniel Caron

 

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ade Olumide

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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