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Date : 20161004


Dossier : IMM-198-16

Référence : 2016 CF 1102

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

CYNTHIA DAMARIS GOMEZ Y GOMEZ

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 12 septembre 2016)

I.                   Aperçu

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision rendue le 21 décembre 2015 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui a rejeté la prétention selon laquelle Cynthia Damaris Gomez Y Gomez (Mme Gomez Y Gomez) est une réfugiée au sens de la Convention et une personne à protéger en vertu respectivement des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]               Pour les motifs exposés dans les présentes, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

II.                Exposé des faits

[3]               Mme Gomez Y Gomez est une citoyenne de la République d’El Salvador, née le 27 décembre 1977. Après avoir terminé ses études secondaires, elle a entrepris des études postsecondaires, qui comprenaient les études en anglais. Pendant 18 mois environ entre 2004 et 2006, Mme Gomez Y Gomez a amélioré ses compétences en anglais en vivant en Californie. En juillet 2006, elle a commencé à travailler en tant qu’agente du service à la clientèle à Sykes, une société d’appels en impartition à San Salvador. Trois années plus tard, elle a été promue comme chef d’équipe d’une nouvelle division à Sykes qui gérait des comptes anglais.

[4]               En février 2015, Mme Gomez Y Gomez a interviewé des candidats pour un poste. Un des candidats, qui sera désigné sous le nom de Jean Untel, avait des liens étroits avec le gang Mara Salvatrucha (gang MS-13); Mme Gomez Y Gomez n’a pas embauché Jean Untel. Ses candidatures pour d’autres postes à Sykes ont également été refusées. Jean Untel, apparemment à tort, reproche à Mme Gomez Y Gomez son incapacité à obtenir un emploi au sein de l’entreprise.

[5]               Un soir, Mme Gomez Y Gomez s’est rendue à sa voiture pour trouver son pare-brise recouvert de boue avec le logo du gang MS-13 inscrit dessus. Elle a entendu les rumeurs selon lesquelles ses collègues, Cesar et Torta, racontaient qu’elle, Mme Gomez Y Gomez, ne savait pas à qui elle avait affaire.

[6]               Peu de temps après, le 3 mars 2015, un individu inconnu a crevé les pneus de sa voiture. Elle a signalé cet incident à la police. La police lui aurait dit de revenir la voir si elle avait le nom d’un suspect. Malgré le fait que les deux collègues de Mme Gomez Y Gomez, Cesar et Torta, connaissaient le véritable nom de Jean Untel et du fait que son nom aurait été aisément apparent à l’examen de sa demande d’emploi, elle n’a pas donné à la police le nom d’un suspect.

[7]               Le 13 avril 2015, Mme Gomez Y Gomez a été abordée par un ancien collègue de Sykes, Danilo. Danilo avait des liens avec le gang MS-13. Il portait une arme. Mme Gomez Y Gomez prétend que Danilo lui aurait dit qu’il avait reçu des instructions de la tuer. Il lui aurait dit que s’il la voyait à nouveau, « il fera ce qu’il a à faire ». Mme Gomez Y Gomez n’a pas signalé cette menace à la police.

[8]               Je souligne ici que la police avait offert d’enquêter sur les dommages matériels causés par le crime, à condition que Mme Gomez Y Gomez lui fournisse le nom d’un suspect. La police a clairement exprimé sa volonté de l’aider. Toutefois, au lieu de contacter la police avec des renseignements supplémentaires concernant les dommages matériels et, au lieu de signaler la menace de mort, Mme Gomez Y Gomez a choisi de visiter sa tante à San Salvador et de se rendre ensuite en Italie.

[9]               Mme Gomez Y Gomez est retournée à San Salvador le 4 juin 2015, où elle a ouvert une école de langue anglaise. Quelque temps après l’ouverture de l’école, ses voisins lui ont dit que les membres du gang la cherchaient. Elle a quitté El Salvador le 3 juillet 2015 et a voyagé aux États-Unis. Le 11 septembre 2015, elle est arrivée au Canada et y a demandé l’asile.

III.             La décision contestée

[10]           La SPR a conclu que Mme Gomez Y Gomez n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. Elle a conclu que celle-ci n’avait pas réfuté, selon la prépondérance des probabilités, la présomption de la protection de l’État. La SPR a aussi conclu que Soyapango et même San Salvador, où les dommages sont survenus et où les menaces ont été proférées, étaient des possibilités de refuge intérieur (PRI) disponibles pour Mme Gomez y Gomez.

IV.             Questions en litige

[11]           Bien que la SPR traite de multiples questions, y compris la PRI, je suis d’avis que cette demande de contrôle judiciaire sera uniquement décidée en fonction de la présomption de protection de l’État. Autrement dit, la décision de la SPR selon laquelle Mme Gomez Y Gomez n’a pas réfuté la présomption de protection raisonnable de l’État? Voir, Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9, au paragraphe 47.

V.                Analyse

[12]           Je note d’abord que Mme Gomez Y Gomez n’a pas fourni le nom de Jean Untel à la police, même s’il lui était facilement accessible. Nous pouvons seulement spéculer sur la protection qui aurait été disponible pour elle s’il elle avait répondu à la demande de renseignements supplémentaires de la police. Deuxièmement, Mme Gomez Y Gomez n’a pas signalé les menaces de mort à la police.

[13]           En outre, après s’être rendue à San Salvador et en Italie, Mme Gomez Y Gomez est retournée au Savaldor. El Salvador a un gouvernement démocratiquement élu. Malgré la présence de la violence des gangs, il existe une présomption selon laquelle l’État est capable de garantir une protection à ses citoyens : Gonzalez Torres c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 234 [2010] ACF no 264; Canada c. Ward, [1993] 2 RCS 689 [1993] ACS no 74 [Ward]. Ses actions en retournant au Salvador ne témoignent pas de l’attitude d’une personne qui remet en cause la capacité de l’État à assurer sa protection.

[14]           La SPR a analysé les circonstances et les actions de Mme Gomez Y Gomez dans le contexte de l’information objective concernant la situation actuelle au Salvador. Elle me demande d’adopter une approche contextuelle de la protection de l’État avancée par le juge Zinn dans l’affaire Torres, notamment en tenant compte du profil du gang MS-13. Même en adoptant une telle approche, je suis convaincu quant à la raisonnabilité de la décision de la SPR que Mme Gomez Y Gomez n’a pas réfuté la présomption de la protection de l’État (Ruszo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004, au paragraphe 29, [2013] A.C.F. no 1099; Ward, précité, aux paragraphes 57 et 59).

[15]           Pour les motifs exposés ci-dessus, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune question à certifier n’a été proposée et aucune n’est certifiée.

JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens. Aucune question n’est certifiée.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


INTITULÉ :

CYNTHIA DAMARIS GOMEZ Y GOMEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 SEPTEMBRE 2016    

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 octobre 2016

 

COMPARUTIONS :

Lily Tekle

 

Pour la demanderesse

 

Christopher Crighton

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lily Tekle

Avocat

Hamilton (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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