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Date : 20160824


Dossier : IMM-706-16

Référence : 2016 CF 957

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 août 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

BHAGIRATH LAMICHHANE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur conteste une décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration (SAI) refuse d’entendre son appel du rejet de la demande de résidence permanente de sa femme par un agent des visas.

[2]               L’agent et la SAI devaient trancher la question de savoir si le demandeur s’était acquitté de son obligation de prouver que le mariage n’avait pas été contracté à seule fin de faciliter l’immigration de sa femme au Canada. Cette obligation découle du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[3]               La présente demande est rejetée pour les motifs qui suivent. La SAI a rendu une décision raisonnable qu’il n’y a pas lieu de modifier.

[4]               Le demandeur et sa femme ont noué un lien de façon soudaine alors qu’ils étaient géographiquement très éloignés l’un de l’autre. L’homme et la femme ont passé à peine quelques jours ensemble avant et un peu après leur mariage, et ils vivent séparément depuis. Bien qu’ils allèguent avoir eu un enfant, qui apparemment aurait été conçu à leur deuxième rencontre, le caractère singulier de leur relation et le fait que la femme n’a pas témoigné ont suscité des préoccupations légitimes de la SAI.

[5]               Le demandeur et sa femme sont tous les deux des citoyens du Népal. Le demandeur a un statut de réfugié et vivait au Canada, alors que la femme résidait en Australie (et s’y trouve peut-être encore) grâce à un visa d’étudiante. Le demandeur a 35 ans et sa femme a 29 ans.

[6]               Ils ont été mis en contact le 15 février 2013 à l’occasion d’un appel téléphonique organisé par le cousin de la femme, qui est aussi un ami du demandeur. Ce cousin et ami vivait alors au Japon. Après trois mois de contacts téléphoniques, une première rencontre en personne a eu lieu à l’aéroport de Kathmandu, le 3 mai 2013. Les deux intéressés ont ensuite rencontré leurs beaux-parents respectifs, et le demandeur a fait sa demande en mariage 12 jours plus tard, soit le 15 mai 2013. Les parents du demandeur se sont tout d’abord opposés au mariage parce que la femme était déjà mariée. Il a déclaré que ses parents avaient fini par y consentir quand ils ont constaté à quel point le couple était bien assorti.

[7]               La fiancée du demandeur est retournée en Australie et elle a divorcé de son mari en août 2013.

[8]               Le demandeur et sa fiancée se sont revus en Inde le 31 octobre 2013. Ils se sont ensuite rendus au Népal, où ils se sont mariés le 8 novembre 2013. Ils ont vécu ensemble pendant une semaine, puis il est rentré au Canada, tandis que la femme est retournée en Australie.

[9]               La SAI a observé que le demandeur avait faussement déclaré qu’il était marié et avait un enfant dans une demande de permis de travail soumise en 2007. Sur sa demande d’asile, il a déclaré qu’il était célibataire. À l’audience devant la SAI, il a déclaré que l’agent qui l’avait aidé à demander un permis de travail lui avait dit qu’il augmenterait ses chances de succès s’il déclarait qu’il était marié et père d’un enfant. Bien que la SAI ait accepté cette explication, [traduction] « le tribunal n’a pas manqué de remarquer la contradiction entre cette explication et sa version antérieure des faits, dans laquelle il déclare que des amis, et non un agent, lui avaient conseillé de faire de fausses déclarations ».

[10]           La SAI a accepté les explications du demandeur concernant les incohérences dans ses déclarations sur son état matrimonial et les raisons pour lesquelles sa femme ne savait rien de son mariage précédent, mais sa crédibilité a souffert de ses anciens mensonges. [TRADUCTION] « Par conséquent, il doit présenter une preuve solide et fiable de l’authenticité de son mariage et de son objet principal. »

[11]           Même s’il semble que la SAI ait accueilli le point de vue du demandeur comme quoi son mariage était authentique et nullement contracté aux fins de l’immigration, il n’a pas pu témoigner des perceptions et des motivations de sa femme. Voici le commentaire de la SAI à ce propos aux paragraphes 25, 31 et 35 :

[traduction] Comme la femme n’a pas témoigné, il a été impossible de savoir comment, dans le cadre d’une relation à distance avec l’appelant, elle en était venue à prendre la décision de le rencontrer et de l’épouser rapidement avant de repartir pour l’Australie. Le tribunal ne dispose d’aucune preuve de communications téléphoniques ou par Internet, ni de photographies échangées entre les mois de février et de mai 2013 qui attesteraient l’authenticité du mariage ou les intentions. De même, il n’a pas été possible de vérifier si la femme partageait les mêmes souvenirs des événements qui ont précédé le mariage et de leur chronologie.

[...]

Le tribunal s’est dit préoccupé par le fait que le demandeur n’a pas suffisamment documenté les qualités de [sa femme] qui en faisaient un si bon parti pour lui. Comme celle-ci n’a pas été citée à comparaître, le tribunal ne disposait d’aucun élément de preuve expliquant les raisons qui ont pu la convaincre de rencontrer et d’épouser un homme vivant au Canada alors qu’elle-même résidait en Australie.

[...]

Pour trancher l’appel, il est primordial de disposer d’éléments de preuve convaincants eu égard à la connaissance mutuelle et à l’intimité raisonnablement attendues entre les partenaires d’une relation véritable, mais l’appelant n’a pas présenté de tels éléments de preuve. [Non souligné dans l’original.]

[12]           Le tribunal avait des préoccupations légitimes qui subsistent, et les rares références dans le dossier à des échanges entre le demandeur et sa femme ne compensent pas son défaut de témoigner et l’impossibilité pour la SAI de la contre-interroger.

[13]           Pour ce qui concerne l’enfant, la SAI souligne que selon la note médicale fournie, la date de la conception serait le 29 octobre 2013, soit avant la rencontre du 31 octobre 2013 en Inde. [TRADUCTION] « Toutefois, il ne s’agit pas non plus d’un élément de preuve concluant. »  Le demandeur a mentionné que l’enfant a pu être conçu durant cette escale, mais que [traduction] « la grossesse n’avait pas été prévue ». Aucun test d’ADN n’a été effectué ou fourni à la SAI pour confirmer la paternité.

[14]           La SAI semble avoir admis que l’enfant est issu du mariage en cause. Sur la question de la naissance d’un enfant d’un mariage et de sa pertinence, la SAI se réfère à la décision Gill c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 122, et fait remarquer à juste titre que [traduction] « l’existence d’un enfant issu du mariage n’est pas déterminante de son authenticité lorsque l’insuffisance d’éléments de preuve dignes de foi est si manifeste que les questions de crédibilité l’emportent sur les déclarations concernant la naissance de l’enfant » (citant Mansro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), SAI VA6-00931, 18 juillet 2007, 2007 CarswellNat 4765, au paragraphe 14 (Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section d’appel]), et Baljit Kaur Dhaliwal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1182, au paragraphe 9).

[15]           En dépit de l’habile plaidoyer de l’avocat, je ne suis pas convaincu que la décision de la SAI est déraisonnable. Elle avait tout à fait raison d’être préoccupée de l’absence de témoignage de la femme, qui aurait été crucial compte tenu des circonstances tout à fait particulières de l’espèce et des fausses déclarations de son mari aux autorités de l’immigration.

[16]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-706-16

 

INTITULÉ :

BHAGIRATH LAMICHHANE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

Le 24 août 2016

COMPARUTIONS :

Michael Korman

Pour le demandeur

Margherita Braccio

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Otis & Korman

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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