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Date : 20160607


Dossier : T-1870-15

Référence : 2016 CF 627

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2016

En présence de l’honorable juge Harrington

ENTRE :

NADIA BOUHIA

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision par une juge de la citoyenneté de refuser la demande de citoyenneté canadienne faite par la demanderesse, Mme Bouhia. La demande avait été présentée avant que la Loi sur la citoyenneté ne soit modifiée en 2014. La juge était d’avis que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’elle était présente au Canada pendant au moins trois des quatre années précédant sa demande, soit 1 095 jours. La juge, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a choisi le critère strict de la présence physique tel qu’établi par M. le juge Muldoon dans l’arrêt Pourghasemi (Re), [1993] ACF No 232, 62 FTR 122. Cela n’aurait dû poser aucun problème puisque la demanderesse déclarait 1 126 jours de présence au Canada.

[2]               L’audition de la demande de contrôle judiciaire était fixée pour le 25 mai 2016. Le 6 mai, le Ministre a déposé une requête écrite par laquelle il proposait que les parties consentent à un jugement accordant la demande de contrôle judiciaire et renvoyant l’affaire devant un autre juge de la citoyenneté pour que celle-ci soit de nouveau évaluée.

[3]               Mme Bouhia a refusé de consentir aux modalités ainsi proposées. Elle estimait avoir droit aux dépens selon la colonne V du Tarif B vu le caractère choquant de la décision faisant l’objet du présent contrôle et le fait que celle-ci avait été rendue de façon tardive. Elle a aussi insisté pour qu’une audition ait lieu devant un nouveau juge de la citoyenneté dans les 30 jours du jugement de cette Cour et pour que ce nouveau juge soit tenu de conclure, d’une part, que la preuve de présence au Canada des enfants de la demanderesse était une preuve de sa propre présence au Canada et, d’autre part, que les relevés de comptes bancaires soumis par la demanderesse étaient valides.

[4]               Le Ministre s’est vigoureusement opposé aux propositions de la demanderesse. Les Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés prévoient à la Règle 22 que

22 Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

22 No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.

[5]               Dans les circonstances, j’ai émis une directive à l’effet que « la Cour n’[était] pas prête à décider du contrôle judiciaire par écrit » et ordonné que l’audition ait lieu le 25 mai 2016, comme prévu.

[6]               L’audition a effectivement eu lieu. J’ai avisé la demanderesse que, avant de pouvoir examiner ses réclamations quant aux conclusions de fait et aux dépens, je devrais d’abord décider du mérite de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente. Ainsi, je ne pouvais pas me limiter à trancher uniquement la question des conclusions de fait et des dépens et, ce, même si le Ministre semblait prêt à concéder que la décision de la juge de la citoyenneté était déraisonnable.

[7]               En l’occurrence, la demanderesse m’a convaincu que la décision devait être infirmée. L’appréciation par la juge de la citoyenneté des relevés de comptes bancaires s’est faite d’une façon qui portait atteinte à l’équité procédurale.

[8]               J’ai avisé les parties que j’allais émettre un jugement conforme à ce qui avait été proposé par le Ministre et que je n’accorderais pas les demandes de la demanderesse quant aux conclusions de fait ou aux dépens. Il n’y avait aucune raison spéciale pour lui adjuger les dépens. De plus, les conclusions de fait reviennent au juge de la citoyenneté lors du réexamen du dossier et non pas à la Cour fédérale à l’étape du contrôle judiciaire.

[9]               Naturellement, eu égard aux circonstances, le Ministre a réclamé des dépens pour les faux frais qu’il a engagé. Il a fait valoir que la demanderesse n’avait au final obtenu que ce qu’elle aurait obtenu si elle avait accepté la proposition faite par le Ministre deux semaines plus tôt et que cela aurait évité la tenue d’une audition.

[10]           Bien que j’étais tenté d’adjuger les dépens au Ministre, j’ai cru qu’il serait mieux de mettre fin rapidement à cette triste histoire. Je n’adjuge les dépens à aucune des parties.


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS;

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.         La décision de la juge de la citoyenneté rendue le 23 septembre 2015 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour que la demande de citoyenneté de la demanderesse soit de nouveau évaluée.

3.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

4.         Le tout, sans frais.

« Sean Harrington »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1870-15

 

INTITULÉ :

NADIA BOUHIA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 MAI 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 juin 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Patricia Gamliel

 

pour le demandeur

 

Me Suzon Létourneau

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dunton Rainville

Montréal, (Québec)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney, c.r.

Montréal, (Québec)

pour le défendeur

 

 

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