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Date : 20161020


Dossier : IMM-1005-16

Référence : 2016 CF 1164

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

PATRICK AZIEGBE EGHEOMA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 1er février 2016 par un agent de la section des visas du Haut-Commissariat au Ghana de Citoyenneté et Immigration Canada ayant refusé d’accorder un permis d’études à M. Egheoma.

[2]               M. Egheoma, un citoyen du Nigéria, a soumis une demande de permis d’études en décembre 2015 en vue de fréquenter le Bow Valley College, à Calgary, en Alberta, où il avait été admis dans un programme de deux ans menant au diplôme de « Justice Studies ».

[3]               Dans sa demande de permis d’études, M. Egheoma déclarait qu’il avait obtenu un « diplôme national d’études supérieures » de l’école Federal Polytechnic Oko en 2002.

[4]               L’agent a refusé la demande au motif que M. Egheoma n’avait pas fourni de raison impérieuse de refaire au Canada un programme d’études du même niveau que celui dans lequel il avait été diplômé au Nigéria. M. Egheoma allègue que cette décision est déraisonnable et injuste. Je suis d’accord. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie pour les motifs qui suivent.

I.                   Question préliminaire

[5]               À titre préliminaire, le défendeur conteste certains éléments de preuve que M. Egheoma a tenté d’introduire et dont le décideur ne disposait pas. Plus particulièrement, le défendeur conteste les paragraphes 5, 6, 9, 10 et 11, ainsi que la pièce B de l’affidavit de M. Egheoma.

[6]               Étant donné que ces éléments de preuve n’avaient pas été soumis au décideur, j’admets qu’ils ne devraient pas être pris en considération dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

II.                Question en litige

[7]               La question de l’équité procédurale est déterminante de l’issue de la présente demande. Il est acquis de part et d’autre que les allégations de manquement à l’obligation d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43.

III.             Analyse

[8]               M. Egheoma affirme que la principale réserve de l’agent ayant trait à la crédibilité, il aurait dû en être informé afin de pouvoir dissiper ses doutes (voir Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1284, au paragraphe 35; Hassani c. Canada (Citoyenneté et l’Immigration), 2006 CF 1283 [Hassani]; Gu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 522; Hernandez Bonilla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 20).

[9]               Dans les notes inscrites au SMGC le 1er février 2016, soit le jour même de la décision, les motifs sont exposés comme suit :

[traduction] Le demandeur n’a pas fourni de raison impérieuse pour venir étudier au Canada. Il est difficile de comprendre pourquoi le demandeur engagerait des dépenses pour déménager au Canada afin de faire des études de même niveau que celles qu’il a terminées dans son pays de résidence. La possibilité que le demandeur sollicite un permis d’études pour faciliter son entrée au Canada plutôt que pour parfaire sa formation soulève des réserves. Au vu des renseignements à ma disposition, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin du séjour autorisé [sic].

[10]           Une note antérieure, inscrite le 20 janvier 2016 par un autre agent des visas, fournit des renseignements additionnels :

[traduction] A répondu non à toutes les questions imposées par la loi, sauf aux questions 4a et b : 21 juin 1995 – 1er avril 2009 – service au Nigéria. – Nigérian marié souhaitant suivre le programme menant au diplôme d’études de justice au Bow Valley College; vérification de la lettre d’avis; 360 heures d’expérience de travail communautaire bénévole incluses. Frais de scolarité de 7 720 $ payés. States Higher National Diploma, Federal Polytechnic OKO au Nigéria : Janvier 2001 à décembre 2002; conseiller en sécurité nationale pour la Neconda Energy Limited, à Warri, au Nigéria, depuis décembre 2012. Salaire sur la fiche de paye d’août : 1 170 357 NGN par mois (8 616 $ CAN). – Épouse et enfants au Nigéria; n’accompagneront pas le demandeur. Visa de touriste à durée limitée Europe/États-Unis, visa pour les États-Unis valide jusqu’au 9 septembre 2017. BS – Somme jointe de 6 990 372 NGN (51 465 $ CAN) et 99 282 NGN (731 $ CAN) en décembre 2015.

[11]           L’obligation d’équité de l’agent des visas à l’égard d’un demandeur est résumée au paragraphe 24 de la décision Hassani :

Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci-dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande [...].

[12]           En l’espèce, les doutes de l’agent ont trait à la crédibilité du demandeur lui-même; la suffisance des éléments de preuve fournis n’est pas en cause. Le départ du Canada au terme de la période autorisée constitue une exigence législative future; à l’étape de la demande de permis, l’obligation de convaincre un agent des visas que cette exigence sera remplie met en jeu la crédibilité du demandeur et ses motivations pour demander un permis.

[13]           L’agent a donc fondé sa décision sur une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Parce qu’il était parvenu à la conclusion que le demandeur avait obtenu un diplôme d’études similaire au Nigéria, l’agent ne croyait pas à son départ du Canada à la fin de son séjour autorisé.

[14]           Cette réserve aurait dû être communiquée au demandeur et celui-ci aurait dû avoir l’occasion de donner de plus amples renseignements concernant son premier diplôme et les raisons pour lesquelles il souhaitait en obtenir un autre au Canada.

[15]           Les droits de M. Egheoma à l’équité du processus de demande ont été bafoués. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la demande de permis soit renvoyée à un autre agent pour réexamen. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1005-16

INTITULÉ :

PATRICK AZIEGBE EGHEOMA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 août 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 20 octobre 2016

COMPARUTIONS :

Babajide Kupoluyi

Pour le demandeur

David Shiroky

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JK Law

Avocats

Calgary (Alberta)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

Pour le défendeur

 

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