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Date : 20161020


Dossier : T-2107-15

Référence : 2016 CF 1173

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2016

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

LEAF TREMBACK

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               En application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, le demandeur, M. Leaf Tremback, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 27 novembre 2015 par le chef d’état-major de la Défense, le général J.H. Vance, en sa qualité d’autorité de dernière instance (ADI) du processus de grief des Forces armées canadiennes (FAC). L’ADI a rejeté le grief de M. Tremback.

I.                   Aperçu

[2]               M. Tremback est un élève-officier retraité des FAC. En 2008, pendant un entraînement militaire, il a été mordu par une tique. La tique a été retirée par des médecins des FAC. On lui a tout d’abord prescrit une antibiothérapie parce qu’on suspectait qu’il avait contracté la maladie de Lyme. L’antibiothérapie a été interrompue après que des analyses sanguines eurent révélé l’absence de Borrelia burgdorferi, la bactérie à l’origine de la maladie de Lyme. Après plusieurs années de suivi par des médecins et des spécialistes des FAC, M. Tremback a finalement reçu un diagnostic de trouble somatoforme indifférencié. Le 8 juin 2012, M. Tremback a déposé un grief dans lequel il alléguait que les FAC ne lui avaient pas procuré les traitements médicaux adéquats.

[3]               M. Tremback a été libéré des FAC pour des raisons médicales le 27 septembre 2012. Il ne conteste pas que son état médical ne lui permet pas de continuer à servir dans les FAC, mais il soutient que ses différents symptômes et son état de santé général sont attribuables à la maladie de Lyme et non au trouble somatoforme. Il reproche aux FAC de ne pas lui avoir prodigué les traitements médicaux adéquats, et que la raison médicale qui devrait figurer à son dossier de libération est la maladie de Lyme.

[4]               Le grief de M. Tremback a été rejeté à toutes les étapes de la procédure de règlement. L’ADI a conclu que le diagnostic posé et les traitements proposés par les FAC étaient adéquats compte tenu de la preuve médicale disponible.

[5]               Dans le cadre du présent contrôle judiciaire, M. Tremback allègue que la décision n’est pas fondée sur la preuve et qu’elle n’est donc ni raisonnable ni intelligible. Il fait valoir que, compte tenu de la preuve à sa disposition, l’ADI ne pouvait pas exclure la maladie de Lyme. Qui plus est, M. Tremback estime que l’ADI ne pouvait raisonnablement conclure d’une part que le traitement médical prodigué par les FAC, y compris des antibiotiques contre la maladie de Lyme, était adéquat et, d’autre part, que la preuve n’étayait pas le diagnostic de la maladie de Lyme.

[6]               La décision de l’ADI de rejeter le grief de M. Tremback est raisonnable. L’ADI a rendu une décision exhaustive, qui comporte une analyse rigoureuse des éléments de preuve pris en considération. L’ADI a aussi expliqué pourquoi il lui était impossible de tenir compte des avis de deux médecins indépendants qui ont donné à M. Tremback un diagnostic de maladie de Lyme à partir de méthodes et d’analyses qui ne sont pas approuvées au Canada. À chaque étape du processus de grief, les décideurs ont évalué diverses sources d’information médicale et sollicité des avis indépendants sur la fiabilité des analyses réalisées aux États-Unis (É.-U.). Le rôle de l’ADI n’était pas de poser un diagnostic, mais d’analyser l’ensemble du dossier de preuve pour trancher le grief de M. Tremback, et plus particulièrement pour déterminer si les FAC lui avaient procuré des soins médicaux appropriés. La conclusion selon laquelle il a reçu tous les soins médicaux dont il avait besoin est largement étayée par un dossier de preuve très étoffé.

II.                Le contexte factuel

[7]               Le résumé qui suit des événements et des conclusions médicales d’importance permettra de bien comprendre le contexte du présent grief.

Chronologie des principaux événements et des traitements

  • Le 16 juillet 2008, M. Tremback a été mordu par une tique lors d’un entraînement militaire tenu à Farnham, au Québec. La tique a été retirée le jour même par le personnel des services médicaux des FAC à Farnham.
  • Un mois plus tard, en août 2008, M. Tremback a demandé d’être traité pour des douleurs articulaires. Les médecins des FAC lui ont prescrit de l’amoxicilline, un antibiotique utilisé contre les infections bactériennes, dont la maladie de Lyme. Une analyse sanguine a été réalisée pour dépister Borrelia burgdorferi, la bactérie à l’origine de la maladie de Lyme. Les résultats de cette analyse n’ont révélé aucun signe d’infection.
  • M. Tremback a été admis à l’Hôpital général de Kingston (HGK), en septembre 2008, pour une réaction allergique à son antibiothérapie. En raison des résultats négatifs d’autres analyses sanguines réalisées à ce moment, l’antibiothérapie a été interrompue.
  • Le 12 février 2009, M. Tremback a été traité pour des douleurs articulaires persistantes par le Dr Isaac Dwosh, de la clinique de rhumatologie de l’HGK. Dans son rapport, le Dr Dwosh indique que les analyses sanguines de M. Tremback n’ont pas permis de dépister la maladie de Lyme et qu’il n’a pas été en mesure de trouver la cause de ses symptômes.
  • En septembre 2009, M. Tremback a été traité par la Dre Anne Ellis, de la clinique d’allergie et d’immunologie de l’HGK, pour l’arthrite séronégative et une réaction allergique à la pénicilline.
  • En décembre 2009, les FAC ont adressé M. Tremback au Dr Hovsep Baghdadlian, un infectiologue exerçant à Toronto. Le Dr Baghdadlian a examiné M. Tremback et lui a prescrit une cure antibiotique d’une année. Dans son rapport aux FAC du 22 mars 2010, le Dr Baghdadlian indiquait qu’il suspectait que les symptômes de M. Tremback pourraient être liés à la maladie de Lyme. Il a expliqué à M. Tremback qu’il s’agissait d’un diagnostic provisoire, et qu’il était difficile de poser un diagnostic définitif en l’absence d’une biopsie des tissus.
  • En février 2011, dans un second rapport aux FAC, le Dr Baghdadlian parlait d’une grande amélioration de l’état de M. Tremback. Il conclut ainsi : [traduction] « Il est difficile de diagnostiquer l’infection dont ce patient est atteint, mais comme son état s’est détérioré rapidement après la morsure de tique et vu sa réponse aux antibiotiques, il est probable qu’il a contracté une infection bactérienne à transmission vectorielle. » Il ajoute que les tests de dépistage de ces agents pathogènes sont limités.
  • Le 24 mai 2011, le Dr Crouzat, un médecin des FAC, a procédé à une évaluation de suivi de M. Tremback pour la [traduction] « maladie de Lyme suspectée ».
  • En juin 2011, M. Tremback a consulté la Dre Maureen McShane, une omnipraticienne indépendante exerçant à Plattsburgh, dans l’État de New York. La Dre McShane a soumis des prélèvements sanguins à plusieurs laboratoires privés à but lucratif des États-Unis. En août 2011, l’une des analyses de ces échantillons a révélé [traduction] « une prolifération de spirochètes dans le sang », un indicateur possible de la maladie de Lyme. La Dre McShane a diagnostiqué la maladie de Lyme à M. Tremback.
  • En juillet 2011, M. Tremback a demandé aux FAC de continuer à payer ses traitements contre la maladie de Lyme.
  • Les FAC l’ont alors dirigé vers le Dr William Cameron, un professeur de médecine exerçant à la clinique des maladies infectieuses de l’Hôpital d’Ottawa. Le Dr Cameron a examiné tous les antécédents de M. Tremback et dressé un rapport de son examen physique ainsi que de tous les tests médicaux réalisés. Il a souligné qu’il avait consulté le Dr Andrew Smith, un psychologue clinicien, pour discuter avec lui du diagnostic de trouble somatoforme, notamment.
  • Dans son rapport aux FAC du 25 juillet 2011, le Dr Cameron mentionnait que rien n’indiquait que M. Tremback souffrait de la maladie de Lyme. Il a alors posé un diagnostic présomptif de trouble somatoforme.
  • M. Tremback a rencontré le Dr Smith en octobre et novembre 2011. En janvier 2012, celui-ci a confirmé le diagnostic présomptif de trouble somatoforme indifférencié du Dr Cameron. Le Dr Smith a recommandé l’hypnothérapie pour le soulagement de la douleur. M. Tremback n’a pas donné suite à cette recommandation.
  • En février 2012, il a de nouveau consulté la Dre McShane, aux États-Unis.
  • Il a aussi consulté la Dre Jennifer Armstrong, une omnipraticienne exerçant à l’Ottawa Environmental Health Clinic. La Dre Armstrong a transmis un avis médical à l’avocat de M. Tremback le 8 juin 2012, dans lequel elle fait état de son diagnostic clinique de maladie de Lyme et de sensibilité environnementale. 
  • Le 20 juin 2012, le Dr Matthew Landry, un médecin des FAC, a pris connaissance du diagnostic clinique de la Dre Armstrong et conclu qu’il n’avait pas été établi que le critère diagnostique de la maladie de Lyme était rempli.
  • Le 5 septembre 2012, le Dr Christopher Funk, un médecin des FAC, a évalué M. Tremback en vue de sa libération définitive pour des raisons médicales. Dans son rapport, le Dr Funk affirme qu’aucune preuve tangible ne permettait de conclure que M. Tremback a déjà eu la maladie de Lyme, malgré le traitement antibiotique qui lui a été prescrit contre cette maladie. Le Dr Funk a informé M. Tremback que sa libération pour des raisons médicales serait fondée sur un diagnostic de trouble somatoforme.
  • M. Tremback a signé un protocole d’entente de libération ou de transfert le 12 septembre 2012, dans lequel il reconnaît qu’il a été libéré aux termes de l’article 3B. Ce document ne fait état d’aucun diagnostic médical. Le 27 septembre 2012, M. Tremback a été libéré des FAC pour des raisons d’ordre médical.
  • En septembre 2013, il s’est vu accorder par Anciens Combattants Canada (ACC) une indemnité d’invalidité en raison d’un diagnostic de maladie de Lyme. La décision d’ACC reposait sur un autre dossier que celui dont disposait l’ADI, qui comprenait notamment un avis de la Dre Armstrong et un questionnaire d’auto-évaluation rempli par M. Tremback.

Le grief

[8]               Le 8 juin 2012, M. Tremback a saisi les FAC d’un grief en application du paragraphe 29(1) de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, et de l’article 7.04 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, vol. I, ch. 7. Ce grief, a expliqué M. Tremback, portait sur le défaut des FAC de lui fournir des soins de santé adéquats. Plus précisément, il reprochait aux FAC de ne pas lui avoir offert des traitements médicaux [traduction] appropriés et efficaces. Il réclame la réparation suivante : [traduction] « [q]ue les Forces canadiennes me fournissent les soins médicaux qui me permettront d’avoir une vie à peu près normale ou, si jamais il est établi que je souffre de façon chronique de la maladie de Lyme, que les Forces continuent de payer mes soins de santé après ma libération ».

[9]               Le 13 août 2012, M. Tremback a ajouté une demande à son grief : que les FAC reconnaissent que le diagnostic du Dr Baghdadlian était juste et qu’en conséquence, le traitement approprié contre la maladie de Lyme soit repris et poursuivi. Il a ajouté une nouvelle demande de réparation à son grief en mars 2015.

[10]           Le grief a été examiné une première fois par le lieutenant-colonel Coleman McLean, le 9 octobre 2013. M. Tremback a alors été invité à soumettre d’autres documents médicaux provenant de fournisseurs de soins de santé de l’extérieur des FAC.

[11]           Le 21 août 2014, le brigadier-général J.J.-R.S. Bernier, qui agissait à titre d’autorité initiale, a conclu que les FAC avaient procuré des soins de santé appropriés à M. Tremback et il a rejeté son grief. Conformément à la procédure obligatoire, le grief a été soumis à l’examen du Comité externe d’examen des griefs militaires (le Comité).

[12]           Le 31 mars 2015, M. Tremback a ajouté deux nouvelles demandes de réparation à son grief : un paiement de 250 000 $ à titre gracieux et l’inscription de la maladie de Lyme plutôt que du trouble somatoforme comme raison médicale de sa libération au titre de l’article 3B.

[13]           Le 19 août 2015, le Comité a transmis à l’ADI et à M. Tremback ses conclusions et sa recommandation portant rejet du grief.

[14]           Le 11 septembre 2015, M. Tremback a présenté des observations en réplique aux conclusions du Comité.

[15]           L’ADI a rendu sa décision le 27 novembre 2015.

III.             La décision faisant l’objet du contrôle

[16]           L’ADI a procédé à un examen de novo du grief. L’ADI a accepté les conclusions et les recommandations du Comité, en soulignant que celui-ci avait fait une analyse rigoureuse des questions en litige. L’ADI a joint le rapport du Comité à sa décision. Étant donné que l’ADI a adhéré aux conclusions du Comité, un résumé en est fourni ci-après.

Les conclusions du Comité

[17]           Le Comité s’est penché sur le libellé du grief de M. Tremback, qui se plaint du défaut des FAC de lui avoir procuré des soins de santé appropriés et efficaces. Aux yeux du Comité, le terme [traduction] « efficaces » renvoie à la notion de guérison, qui n’est pas toujours un objectif réalisable. Le Comité s’est ensuite employé à établir si les FAC avaient procuré à M. Tremback des soins de santé [traduction] « appropriés » pour le soulager de ce qu’il estimait être la maladie de Lyme.

[18]           Le Comité a examiné le protocole canadien de diagnostic et de traitement de la maladie de Lyme, et fait remarquer que les lignes directrices en matière de pratique clinique émanent de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA). Les lignes directrices de l’IDSA sont suivies par les laboratoires de Santé publique Ontario et le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada. Le protocole exige que les analyses sanguines soient réalisées par un laboratoire approuvé et selon des méthodes scientifiquement validées. Le Comité rappelle les mises en garde de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis concernant les protocoles différents qui sont suivis par certains laboratoires américains privés et à but lucratif pour le dépistage de la maladie de Lyme.

[19]           Le Comité a conclu que les deux médecins civils consultés par M. Tremback avaient eu recours à des tests pour lesquels il n’existait aucune preuve de validité scientifique et qui n’étaient reconnus ni par les CDC ni par l’ASPC. Le Comité a jugé qu’il était approprié pour les FAC de refuser le diagnostic de maladie de Lyme.

[20]           Le Comité a souligné que le médecin civil de M. Tremback lui avait prescrit une cure antibiotique de longue durée et des suppléments, une pratique contraire au protocole de l’IDSA. Le Comité a admis que le Dr Baghdadlian avait prescrit des antibiotiques pour une année à partir des symptômes que présentait M. Tremback au moment de la consultation. Le Comité a conclu que le refus des FAC de continuer à payer ce traitement était raisonnable parce qu’il n’était pas conforme au protocole de l’IDSA auquel adhèrent les agences de santé canadiennes. Le Comité a rappelé la mise en garde de l’ASPC concernant l’utilisation prolongée d’antibiotiques pour traiter des symptômes persistants, et sa recommandation de limiter le traitement à quatre semaines.

[21]           Le Comité est au fait de la controverse entourant le traitement de la maladie de Lyme et les critiques formulées à l’égard du protocole de l’IDSA; toutefois, selon les études publiées, l’innocuité et l’efficacité d’une cure antibiotique prolongée n’ont pas été prouvées, et les milieux scientifiques et médicaux ne sont pas d’accord avec ce traitement.

[22]           Le traitement reçu par M. Tremback, a jugé le Comité, n’était pas prévu dans le protocole approuvé par l’IDSA et excédait celui qui aurait été offert à d’autres Canadiens bénéficiaires des régimes provinciaux d’assurance-maladie.

[23]           Le Comité souligne que pour rejeter le diagnostic de maladie de Lyme, l’équipe médicale des FAC s’est appuyée sur des analyses approuvées et des pratiques médicales fondées sur des éléments de preuve conformes aux principes de la norme de diligence et aux normes médicales canadiennes. Le Comité a établi que les FAC avaient procuré des soins médicaux appropriés à M. Tremback.

La décision de l’ADI

[24]           L’ADI a également établi que les FAC ont procuré des soins de santé appropriés à M. Tremback, y compris pour ce qui est du diagnostic et du traitement, en toute conformité avec les normes médicales canadiennes et avec le degré de diligence voulu. Par conséquent, le grief de M. Tremback a été rejeté.

[25]           L’ADI a constaté que M. Tremback avait été examiné par plusieurs médecins des FAC et six médecins spécialistes. Les FAC lui ont prodigué des soins primaires considérables, l’ont adressé à des médecins spécialistes de l’extérieur et lui ont fourni des services de soutien et de soins à domicile. En plus des examens cliniques, des tests diagnostiques ont été effectués, mais aucun de ceux qui sont approuvés et reconnus par l’ASPC n’a permis d’établir un diagnostic officiel de maladie de Lyme. L’ADI a pris acte du diagnostic de maladie de Lyme provenant de médecins civils. Cependant, ce diagnostic a été posé à partir des symptômes vagues et fortement subjectifs de M. Tremback, ainsi que de tests non approuvés par l’ASPC, les CDC ou la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis.

[26]           Pour ce qui concerne le traitement, l’ADI a remarqué que M. Tremback avait tout d’abord été traité pour ce qui pouvait ressembler à la maladie de Lyme en raison de son tableau clinique et de ses antécédents récents. Des antibiotiques lui ont été prescrits très rapidement après la morsure de tique. Le Dr Baghdadlian, un infectiologue, a prescrit une cure antibiotique d’une année à partir des symptômes cliniques de M. Tremback. L’ADI a tenu compte du rapport du Dr Baghdadlian concernant une [traduction] « amélioration remarquable » et l’atténuation des symptômes.

[27]           Selon l’ADI, il est clair que M. Tremback a eu droit à la prestation de soins médicaux opportuns et appropriés par les FAC, conformément au protocole médical reconnu par Santé Canada pour le traitement de la maladie de Lyme. L’ADI a ajouté qu’il n’existait pas de preuve que les FAC auraient retardé la prestation des traitements ou refusé de poser un diagnostic rapide.

[28]           De l’avis de l’ADI, de multiples analyses sanguines négatives ont permis « d’écarter » tout soupçon de maladie de Lyme; M. Tremback a ensuite été dirigé vers un autre infectiologue, puis vers un psychologue. Un diagnostic présomptif de trouble somatoforme indifférencié a alors été posé. Compte tenu de ce diagnostic présomptif, l’ADI a conclu que le traitement proposé (l’hypnothérapie) par le psychologue des FAC était approprié. L’ADI a noté que M. Tremback ne s’était pas prévalu de ce traitement.

IV.             Les questions en litige

[29]           M. Tremback fait valoir, à titre préliminaire, que le dossier certifié du tribunal (DCT) ne contenait pas l’intégralité de son dossier médical des FAC et de ses antécédents médicaux. Il s’estime lésé parce que l’ADI n’a pas examiné la totalité de ses renseignements médicaux.

[30]           Le principal argument de M. Tremback a trait au caractère déraisonnable de la décision, qui selon lui n’est pas étayée par l’ensemble de la preuve et qui est inintelligible.

V.                La norme de contrôle

[31]           Il n’a pas été contesté qu’une décision émanant d’une ADI relativement au bien-fondé d’un grief militaire est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Snieder c. Canada (Procureur général), 2013 CF 218, au paragraphe 20).

[32]           L’évaluation par la Cour du caractère raisonnable d’une décision « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel »; elle doit aussi vérifier « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

VI.             La question préliminaire : le DCT

[33]            Dans sa plaidoirie écrite, M. Tremback déclare que le DCT ne contenait pas l’intégralité de son dossier médical des FAC et de ses antécédents médicaux, et qu’il a été lésé parce que l’ADI n’a pas examiné tous ses renseignements médicaux. M. Tremback reproche aux FAC d’avoir [traduction] « fait un tri » dans les éléments de preuve, et notamment d’avoir retenu des documents du dossier qui lui étaient favorables et écarté ceux qui militaient pour ses prétentions à lui.

[34]           Le défendeur a rétorqué que M. Tremback avait en main toute l’information pertinente. Qui plus est, M. Tremback n’a jamais contesté la teneur du dossier soumis à l’ADI, malgré les possibilités raisonnables qui lui ont été offertes à cet égard. Il n’a pas non plus demandé l’autorisation de produire un affidavit supplémentaire en vue de soumettre de nouveaux éléments de preuve à la Cour. L’information qui selon M. Tremback serait absente du DCT n’a jamais été mise à la disposition de l’ADI. La Cour doit s’en tenir au dossier dont disposait l’ADI pour établir le caractère raisonnable de sa décision.

[35]           Bien que M. Tremback n’ait pas poussé plus loin cet argument lors de l’audience, il n’y a pas renoncé non plus. J’ai donc examiné cette question en prenant bien soin de tenir compte de l’ensemble du volumineux dossier. À mon avis, le dossier dont disposait l’ADI comprenait toute l’information pertinente. La décision de l’ADI, qui a adhéré aux conclusions et aux recommandations du Comité, indique qu’un large éventail d’éléments de preuve a été analysé, dont certains favorisaient la position de M. Tremback. L’information qui, selon M. Tremback n’a pas été soumise à l’ADI, se retrouve d’une façon ou d’une autre dans les éléments du dossier que l’ADI a manifestement analysés. L’ADI est au fait de la controverse qui entoure le diagnostic de la maladie de Lyme, mais il explique de manière limpide pourquoi il s’est fondé sur les protocoles de l’IDSA que l’ASPC applique, accepte et érige en référence, et qui sont de surcroît conformes à la norme de diligence des FAC. L’ajout de documents qui, aux dires de M. Tremback, militent en sa faveur n’aurait rien changé à la démarche fondée sur des preuves et les lignes directrices suivies par les FAC.

VII.          La décision est-elle raisonnable?

[36]           Aux yeux de M. Tremback, la décision de le débouter de son grief est déraisonnable au motif qu’elle est inintelligible et qu’elle n’est pas justifiée vu les faits.

[37]           Selon lui, les FAC n’ont pas suivi une démarche fondée sur la preuve, au contraire de leurs prétentions, puisque la preuve corrobore un diagnostic de maladie de Lyme.

[38]           M. Tremback a raconté qu’il avait été mordu par une tique, que les médecins ne l’avaient pas retirée correctement et qu’aucun test n’avait été effectué à ce moment. Les symptômes de la maladie de Lyme sont apparus rapidement après cet événement. Des médicaments contre la maladie de Lyme lui ont été prescrits au début et, même si son état s’était amélioré, le traitement a été interrompu.

[39]           De l’avis de M. Tremback, les médecins des FAC l’ont [traduction] « évalué » parce qu’ils suspectaient la maladie de Lyme ou qu’il présentait des symptômes liés à celle-ci. Le Dr Baghdadlian a diagnostiqué la maladie de Lyme et l’a traité pendant une année, avec de bons résultats. Ensuite, le Dr Crouzat, un médecin des FAC, a suspecté qu’il souffrait de la maladie de Lyme et il a fait une évaluation en ce sens. Pour M. Tremback, l’évaluation du Dr Crouzat et le traitement qui lui a été administré contre la maladie de Lyme prouvent clairement que les FAC ont posé ce diagnostic.

[40]           Par conséquent, l’ADI a conclu de manière incorrecte et déraisonnable que la maladie de Lyme avait été [traduction] « écartée ».

[41]           M. Tremback soutient par ailleurs que la décision est inintelligible. L’ADI a conclu à tort qu’il avait reçu des soins médicaux adéquats puisque les médecins des FAC lui ont diagnostiqué un trouble somatoforme indifférencié, mais lui ont néanmoins prescrit une antibiothérapie correspondant à un diagnostic de maladie de Lyme. Selon M. Tremback, il n’a pas eu droit à un traitement médical approprié, d’une façon ou d’une autre. Si le diagnostic de trouble somatoforme est le bon, on lui a inutilement prescrit des antibiotiques contre la maladie de Lyme. À l’inverse, si ce diagnostic est erroné, il n’a pas été traité pour la maladie de Lyme, alors qu’il aurait dû l’être. Il en découle selon lui que, d’une façon ou d’une autre, les FAC ne lui ont pas procuré les traitements médicaux dont il avait besoin.

[42]           M. Tremback est aussi d’avis que l’ADI a commis une erreur en faisant sienne la conclusion du Comité comme quoi il avait reçu beaucoup plus de traitements que ceux auxquels auraient eu droit les bénéficiaires des régimes provinciaux d’assurance-maladie. Il affirme que la conclusion selon laquelle il aurait reçu des traitements adéquats ou excessifs est incompatible avec la décision ultérieure des FAC selon laquelle il n’était pas atteint de la maladie visée par ces traitements.

[43]           M. Tremback observe en outre qu’à sa libération pour des raisons médicales, le Dr Funk lui a prescrit des antibiotiques qui, allègue-t-il, sont utilisés pour traiter la maladie de Lyme. Il n’y avait pas lieu, à son avis, de prescrire ces médicaments contre le trouble somatoforme. C’est une autre preuve qu’il n’a pas bénéficié d’un traitement médical approprié de la part des FAC.

[44]           Il a demandé que son grief soit examiné de nouveau au vu de l’ensemble de la preuve au dossier, et qu’il soit déterminé pourquoi on lui a prescrit des médicaments pour une maladie dont il ne souffre pas d’après les FAC.

[45]           Le défendeur estime que la décision de l’ADI présente toutes les caractéristiques de la raisonnabilité selon les principes enseignés dans l’arrêt Dunsmuir. Les conclusions de l’ADI au sujet du diagnostic donné à M. Tremback et les traitements reçus reposent sur une preuve médicale fiable, qui ne corrobore pas un diagnostic de maladie de Lyme. La preuve objective au dossier indique que M. Tremback a bénéficié de soins médicaux appropriés, conformes aux règlements et aux politiques des FAC. L’ADI a exposé ses motifs en détail, explique sur quels éléments de preuve repose sa décision, et lesquels n’étaient pas recevables.

[46]           De l’avis du défendeur, plusieurs des assertions factuelles de M. Tremback ne sont pas corroborées par le dossier de preuve. L’argument principal du défendeur tient au fait qu’aucun des médecins des FAC n’a diagnostiqué la maladie de Lyme, même s’il admet qu’elle a été suspectée au début.

[47]           Selon le défendeur, le Dr Baghdadlian n’a pas confirmé le diagnostic de maladie de Lyme en mars 2010. Il a posé un diagnostic provisoire à partir des symptômes de M. Tremback, mais il n’a pas demandé de test de confirmation.

[48]           Le Dr Crouzat, un médecin des FAC, n’a pas non plus donné un diagnostic de maladie de Lyme à M. Tremback. Il a évalué M. Tremback en mai 2011, après la fin du traitement prescrit par le Dr Baghdadlian, et a [traduction] « suspecté » la maladie de Lyme.

[49]           Le Dr Cameron, un médecin qui ne fait pas partie des FAC, a effectué un examen physique complet et examiné le dossier médical de M. Tremback. Il a complètement écarté la maladie de Lyme et recommandé que d’autres causes possibles des symptômes soient explorées.

[50]           Les Dres Armstrong et McShane ont fait analyser des prélèvements sanguins par des laboratoires à but lucratif des États-Unis, mais ces tests ne sont pas approuvés par l’ASPC ni par la FDA des États-Unis, et un seul a donné des résultats positifs.

[51]           Le défendeur a ajouté que tous les éléments de preuve disponibles avaient été pris en considération à toutes les étapes du processus de grief. Ainsi, la Dre Marcie Lorenzen, qui coordonne les plaintes reçues par les FAC, a demandé conseil à un autre spécialiste concernant l’état de santé de M. Tremback et les avis médicaux divergents. La Dre Lorenzen a demandé au spécialiste d’examiner et de commenter plusieurs des articles invoqués par M. Tremback, ainsi que la décision d’ACC.

[52]           Le défendeur soutient que la décision est raisonnable. L’ADI a bien cerné les questions en litige, exposé ses motifs en incorporant des renvois à la preuve au dossier, et expliqué pourquoi les résultats des tests menés selon des méthodes non approuvées n’étaient pas recevables.

[53]           Le défendeur ne nie pas que certains éléments de preuve au dossier puissent corroborer un diagnostic de maladie de Lyme. Toutefois, il estime que l’ADI a agi de façon raisonnable en écartant les diagnostics des Dres McShane et Armstrong, qui sont fondés sur des tests non approuvés.

[54]           Le défendeur ajoute que la décision d’ACC d’accorder une indemnité d’invalidité au demandeur se fonde sur un autre dossier, et que la conclusion d’ACC comme quoi M. Tremback souffre de la maladie de Lyme contredit sa propre évaluation médicale.

La décision de l’ADI est raisonnable

                                i.            Grief et recours

[55]           L’ADI n’a pas commis d’erreur en s’abstenant d’examiner la réparation demandée par M. Tremback. Le grief déposé par M. Tremback porte sur le caractère adéquat des soins médicaux et des traitements fournis par les FAC.

[56]           En mars 2015, M. Tremback a été invité à signifier les modifications souhaitées au recours exercé. Sa réponse portait uniquement sur le recours; il n’a pas sollicité de modification à l’objet de son grief, centré sur le caractère approprié des soins médicaux fournis par les FAC. L’ADI et le Comité ont tous les deux reconnu que M. Tremback avait modifié les réparations demandées pour y inclure un paiement à titre gracieux et une révision de son dossier de libération pour des raisons médicales, afin que le diagnostic de la maladie de Lyme y figure.

[57]           Étant donné que l’ADI a rejeté le grief et conclu que des soins médicaux appropriés avaient été fournis, il ne lui était pas nécessaire de statuer sur la demande de M. Tremback concernant la mention de la maladie de Lyme dans son dossier de libération. De plus, comme l’a évoqué le défendeur, le dossier de libération pour des raisons médicales mentionne seulement l’article 3B, sans référence à une condition médicale particulière (même si la raison de la libération est le diagnostic de trouble somatoforme). Par conséquent, même si l’ADI avait jugé le grief fondé, la réparation demandée par le plaignant aurait été inutile.

                              ii.            La décision est étayée par la preuve objective au dossier

[58]           Malgré les désaccords entre M. Tremback et le défendeur quant à certains faits, et notamment sur la question de savoir si les médecins des FAC ou le Dr Baghdadlian ont posé un diagnostic officiel de maladie de Lyme, le dossier indique que seules les Dres Armstrong et McShane ont prononcé un diagnostic non équivoque de maladie de Lyme. Ce diagnostic reposait sur les symptômes de M. Tremback et une analyse sanguine positive émanant d’un laboratoire privé aux États-Unis. Les médecins des FAC n’ont jamais prononcé de diagnostic de maladie de Lyme; ils ont suspecté la maladie au début et évalué M. Tremback à différents moments pour déterminer s’il en était atteint. L’avis du Dr Baghadadlian était sans équivoque. Il a tout d’abord suspecté que M. Tremback souffrait de la maladie de Lyme, il a posé un diagnostic provisoire à partir des symptômes cliniques, et il a expliqué la controverse entourant le diagnostic. Il n’a pas demandé d’analyses sanguines ou d’autres tests diagnostiques pour confirmer ses soupçons.

[59]           Tant l’ADI que le Comité ont insisté sur le fait que les autorités médicales des FAC ne peuvent pas s’appuyer sur des résultats de tests non approuvés, ce qui irait à l’encontre des lignes directrices qui leur commandent de respecter les principes scientifiques de la médecine fondée sur la preuve. En fait, les rapports du laboratoire sur lesquels s’est reposée la Dre McShane contiennent un avertissement indiquant qu’il n’est pas approuvé par la FDA des États-Unis.

[60]           L’ADI n’a pas commis d’erreur en déclarant que la maladie de Lyme a éventuellement été [traduction] « écartée ». Malgré son caractère catégorique si l’on considère la controverse entourant le diagnostic de la maladie soulève la controverse et la nécessité d’une analyse sanguine sûre pour le confirmer, les FAC ont eu raison de s’en tenir aux protocoles acceptés au Canada pour l’écarter. L’ADI est au fait que les protocoles de l’IDSA sont critiqués, mais il a expliqué qu’ils guident actuellement la prestation de soins de santé au sein des FAC et partout au Canada. Par surcroît, l’avis du Dr Cameron étaye la conclusion de l’ADI selon laquelle la maladie de Lyme a été [traduction] « écartée ». Le Dr Cameron, un infectiologue qui ne fait pas partie des FAC, a formulé un avis définitif à l’issue d’un examen complet de M. Tremback et d’une évaluation de ses antécédents médicaux.

[61]           Selon le Dr Cameron, [traduction] « [M. Tremback] est séronégatif à la maladie de Lyme selon les analyses réalisées par notre laboratoire de santé publique. Ce résultat est incompatible avec un diagnostic de maladie de Lyme chronique typique de la région de la Nouvelle-Angleterre, en dépit de ce qui se dit au sujet du sérodiagnostic dans les milieux des médecines douces, pseudo-médicaux ou non scientifiques. » Le Dr Cameron conclut ainsi : [traduction] « J’ai bien peur que le syndrome révélé par les symptômes de ce patient ne soit pas diagnostique, ni même suggestif de la maladie de Lyme ou de toute autre maladie infectieuse ordinaire actuellement dépistable. Il est clair que les signes concomitants sont factices. » [Non souligné dans l’original.]

[62]           Le Dr Funk, après son évaluation de M. Tremback en vue de sa libération pour des raisons médicales, n’a pas relevé non plus de signe concret indiquant que M. Tremback avait déjà eu la maladie de Lyme.

[63]           L’ADI n’a pas commis d’erreur en souscrivant à la conclusion du Comité selon laquelle les traitements prodigués à M. Tremback excèdent ceux que des civils auraient reçus auprès de médecins n’appartenant pas aux FAC. Le dossier corrobore ce point de vue. Les protocoles de l’IDSA et de l’ASPC pour le traitement de la maladie de Lyme prévoient une antibiothérapie d’une durée maximale d’un mois. L’ADI a reconnu que la cure de un an prescrite par le Dr Baghdadlian avait donné de bons résultats. Toutefois, l’ADI a conclu raisonnablement que c’est beaucoup plus que le traitement normalement offert. Le refus des FAC de payer pour le traitement en cours était aussi raisonnable, compte tenu des mêmes protocoles.

[64]           L’ADI n’a fait fi d’aucun élément de preuve au dossier. Il a manifestement pris en considération les éléments de preuve contradictoires, et sa décision expose clairement les raisons pour lesquelles certains éléments de preuve n’étaient pas recevables ou ont reçu moins de poids.

[65]           L’ADI a conclu de manière raisonnable que les FAC ont fourni des soins médicaux adéquats – depuis le diagnostic jusqu’au traitement – compte tenu de la preuve médicale la plus crédible à disposition. L’ADI pouvait à bon droit privilégier les avis médicaux fondés sur des protocoles approuvés au Canada pour le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme plutôt que les avis fondés sur des tests non approuvés, susceptibles de ne pas être conformes aux principes de la norme de diligence des FAC. Les FAC ont raisonnablement conclu que les symptômes de M. Tremback étaient liés à un trouble somatoforme, et recommandé un traitement en conséquence.

                            iii.            La décision n’est pas intelligible

[66]           Je ne suis pas d’accord pour dire que la décision n’est pas intelligible. D’après le dossier, les FAC ont tenu compte de l’information médicale la plus fiable dont elles disposaient et procuré à M. Tremback les traitements adaptés à ses symptômes à différentes périodes. Il aurait été contraire aux principes de la norme de diligence de ne pas prescrire à M. Tremback des antibiotiques contre la maladie de Lyme après une morsure de tique et d’après les symptômes présentés. Cependant, en raison des résultats négatifs de ses analyses sanguines, les médecins des FAC ont raisonnablement décidé d’interrompre l’antibiothérapie.

[67]           Les FAC ont par la suite adressé M. Tremback au Dr Baghdadlian qui, d’après les symptômes présentés et son diagnostic provisoire de maladie de Lyme, lui a prescrit une cure antibiotique d’une année. Toutefois, dans son rapport, le Dr Baghdadlian mentionne qu’il suspecte la maladie de Lyme, mais qu’il n’a pas demandé de test de confirmation; il a expliqué à M. Tremback la controverse entourant le diagnostic de la maladie de Lyme. 

[68]           Les FAC ont continué de suivre M. Tremback après le traitement du Dr Baghdadlian et, en l’absence d’un test fiable pour confirmer la maladie de Lyme, elles l’ont dirigé vers d’autres spécialistes afin qu’ils fassent d’autres évaluations.

[69]           Le Dr Funk a effectivement prescrit des antibiotiques à M. Tremback au moment de sa libération pour des raisons médicales, en dépit du diagnostic de trouble somatoforme. Selon M. Tremback, cette ordonnance s’ajoutait à la liste des contradictions. Cependant, rien dans le dossier de preuve n’indique de quels antibiotiques il s’agit ni pourquoi ils ont été prescrits. Par ailleurs, le Dr Funk explique dans son rapport qu’il a dit à M. Tremback qu’il ne recommanderait pas le régime médicamenteux qu’il suivait à ce moment. Le Dr Funk ajoute qu’il a [traduction« accepté » de prescrire trois antibiotiques pour trente jours.

[70]           M. Tremback affirme que les antibiotiques prescrits au début et plus tard par le Dr Baghdadlian, pour la cure de un an, ne lui ont pas causé de problème. Au contraire, son état s’était amélioré. Néanmoins, il pense que par principe, l’administration de soins pour une maladie qu’il n’avait pas, selon les médecins des FAC, constitue un traitement médical inadéquat. Subsidiairement, s’il s’avérait qu’il souffre vraiment de la maladie de Lyme, l’interruption de son traitement par les FAC serait une autre preuve du caractère inadéquat des soins médicaux.

[71]           Bref, d’une façon ou d’une autre, les FAC n’ont pas fait ce qu’il fallait. M. Tremback est convaincu que les FAC l’ont laissé tomber, et même qu’elles ont intérêt à nier le diagnostic de maladie de Lyme pour camoufler le fait qu’elles ne lui ont pas procuré des soins adéquats. Ce n’est pas du tout ce qui ressort du dossier, qui suggère au contraire que les médecins des FAC, loin de baisser les bras, ont cherché pendant de nombreuses années la cause des problèmes de santé de M. Tremback et le traitement approprié.

[72]           L’ADI a raisonnablement conclu que les FAC ont procuré des soins de santé et des traitements adéquats à M. Tremback, et que le bien-fondé de son grief n’a pas été établi. Cette conclusion est corroborée par le dossier, qui renferme un large éventail d’évaluations médicales menées selon une démarche fondée sur la preuve, conformément aux principes de la norme de diligence des FAC et aux normes médicales canadiennes. Les soins et les traitements fournis ont évolué en même temps que les connaissances et la publication de nouvelles données médicales fiables.

[73]           La décision d’ACC d’accorder une indemnité d’invalidité en raison d’un diagnostic de maladie de Lyme repose sur un dossier différent et beaucoup moins étoffé que celui dont l’ADI disposait.

[74]           Par ailleurs, rien dans la preuve n’étaye la prétention de M. Tremback selon laquelle les FAC auraient désapprouvé sa quête d’avis médicaux et de traitements auprès de professionnels indépendants, et que le diagnostic de trouble somatoforme a été posé en guise de [traduction« représailles ». Le diagnostic de trouble somatoforme, même s’il ne satisfait pas M. Tremback, a été prononcé par des professionnels de la santé au terme d’une évaluation rigoureuse.

[75]           Je conviens avec le défendeur que la décision de l’ADI remplit les critères de raisonnabilité de l’arrêt Dunsmuir. L’ADI a rendu une décision transparente, justifiée au vu des faits au dossier et intelligible. L’ADI a examiné toute la preuve, y compris les éléments contradictoires, et a expliqué clairement pourquoi les éléments non conformes aux normes médicales canadiennes et à la norme de diligence des FAC ne pouvaient être pris en compte.

VIII.       Conclusion

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties ont convenu que des dépens de 2 500 $ suivraient l’issue du grief. Par conséquent, des dépens de 2 500 $ sont adjugés au défendeur.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Des dépens de 2 500 $ sont adjugés au défendeur.

« Catherine M. Kane »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2107-15

 

INTITULÉ :

LEAF TREMBACK c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 août 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 octobre 2016

 

COMPARUTIONS :

Joshua Juneau

Michel Drapeau

 

Pour le demandeur

LEAF TREMBACK

 

Daniel Caron

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet juridique Michel Drapeau

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

LEAF TREMBACK

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

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