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Date : 20161017


Dossier : IMM-692-16

Référence : 2016 CF 1150

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 17 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

ASHA ALI HUSSEIN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire concerne une citoyenne de la Somalie qui a présenté une demande d’asile en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) parce qu’elle craignait avec raison d’être persécutée du fait qu’elle était membre du clan minoritaire des Madhibaan et une artiste soufie ciblée par Al-Shabaab.

[2]               Dans une décision rendue le 24 août 2015, la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile de la demanderesse en raison de conclusions défavorables quant à la crédibilité selon lesquelles la demanderesse n’avait pas réussi à établir son identité en tant que citoyenne de la Somalie. Puisque la demanderesse était incapable d’établir son identité en présentant des documents gouvernementaux officiels, elle a fourni son propre témoignage sous serment, un élément de preuve indépendant (soit une lettre de son frère) et un témoignage sous serment d’un témoin qui a témoigné à l’audience pour établir son identité.

[3]               À l’audience, la demanderesse, analphabète et âgée de 67 ans, a rendu son témoignage en somali par l’intermédiaire d’un interprète. La SPR a rejeté la preuve testimoniale de la demanderesse en raison d’une conclusion négative quant à sa crédibilité attribuable aux contradictions et incohérences dans ses éléments de preuve. La demanderesse a interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la Section d’appel des réfugiés (SAR). Dans sa décision du 15 décembre 2015, qui fait actuellement l’objet du contrôle judiciaire, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse.

[4]               Outre son témoignage sous serment, un élément essentiel des efforts de la demanderesse pour établir son identité auprès de la SPR était le témoignage sous serment du témoin.

[5]               L’évaluation du témoignage du témoin par la SPR est fournie au paragraphe 6 de la décision de la SPR, et se lit comme suit :

[traduction] La demanderesse n’a présenté aucun document d’identité. À l’audience, la demanderesse a présenté un témoin venu confirmer son identité, affirmant qu’elle la connaissait à Mogadiscio. La demanderesse a affirmé que le témoin habitait près de chez elle à Mogadiscio et qu’elles se sont vues pour la dernière fois en 1990, avant de reprendre contact il y a une semaine au Canada. On a demandé à la demanderesse quel était l’âge approximatif du témoin la dernière fois qu’elles se sont vues à Mogadiscio. Elle a affirmé que le témoin était « très jeune », et lorsqu’on lui a demandé d’être plus précise, elle a répondu que le témoin était une « femme d’âge mûr ». Lorsqu’on lui a demandé une troisième fois de préciser un âge, la demanderesse a répondu que le témoin devait avoir 14 ou 15 ans en 1990 la dernière fois qu’elle l’avait vue. Selon les renseignements sur le témoin, cette dernière est née en 1963 et avait donc 27 ans en 1990. Quand on a indiqué cela à la demanderesse, elle a répondu : « C’est possible » et « c’était une adulte ». Le tribunal conclut que le témoignage de la demanderesse contredit le témoignage du témoin. Il conclut également qu’une différence de 12 ou 13 ans dans l’estimation de l’âge du témoin est une contradiction importante. Le témoignage de la demanderesse selon lequel le témoin avait 14 ans est, de l’avis du tribunal, très différent par rapport à 27 ans. Même si les réponses de la demanderesse et du témoin étaient cohérentes quant à certains éléments du passé de la demanderesse, par exemple, elles ont toutes les deux indiqué la même grandeur pour la maison de la demanderesse, le tribunal conclut que cette information ne dissipe pas les préoccupations de base quant à la crédibilité soulevées par le fait d’ignorer l’âge du témoin la dernière fois qu’elles se sont vues.

[Non souligné dans l’original.]

(Dossier certifié du tribunal, page 28)

[6]               L’élément important du passage cité est que la SPR a rendu une conclusion négative quant à la crédibilité du témoignage de la demanderesse.

[7]               Dans la décision visée par le contrôle, la SAR a déclaré ce qui suit aux paragraphes 16 et 17 :

[traduction] La SPR a conclu que les éléments de preuve de la demanderesse portaient à confusion et étaient contradictoires. Son témoignage contredisait son exposé écrit et ses explications relatives aux contradictions et aux incohérences étaient déraisonnables. Elle semblait ne pas bien connaître ses propres éléments de preuve. La SAR a examiné l’enregistrement de l’audience et a également conclu que le témoignage portait à confusion et était contradictoire. La SAR reconnaît et respecte les conclusions de la SPR sur la crédibilité de la demanderesse, puisque la SPR a également eu l’occasion d’observer la demanderesse lorsqu’elle a témoigné.

La demanderesse a présenté un témoin pour confirmer son identité qui a affirmé qu’elles s’étaient connues à Mogadiscio. La SPR a posé des questions au témoin et à la demanderesse afin de vérifier les éléments de preuve. La demanderesse a affirmé que la dernière fois qu’elles s’étaient vues, c’était en 1990. Elle a indiqué qu’elles s’étaient revues une semaine avant l’audience dans un centre communautaire du clan. Le témoin a allégué que la demanderesse était une bonne amie de sa mère et qu’elles étaient voisines à Mogadiscio. Elle a également affirmé que la dernière fois qu’elles s’étaient vues, c’était en 1990, avant de se revoir au Canada. La demanderesse a dit que lorsqu’elles s’étaient vues pour la dernière fois à Mogadiscio, le témoin avait 14 ou 15 ans. La SPR lui a fait remarquer que selon les renseignements sur le témoin, cette dernière est née en 1963 et elle avait 27 ans la dernière fois qu’elles s’étaient vues. La SPR a conclu qu’une différence de 12 ou 13 ans dans l’estimation de l’âge du témoin constituait une contradiction importante, et même si certains aspects de la relation entre le témoin et la demanderesse étaient cohérents, comme la grandeur de la maison de la demanderesse, cela n’a pas permis de dissiper les préoccupations de la SPR concernant la crédibilité de la demanderesse. La SAR mentionne également qu’en écoutant l’enregistrement de l’audience, elle a remarqué que la SPR a dû sermonner les parties afin qu’elles ne se parlent pas et ne se regardent pas pendant que le témoin témoignait. La SAR reconnaît et respecte la conclusion de la SPR selon laquelle le témoin n’a pas fourni de preuves crédibles de l’identité de la demanderesse.

[Non souligné dans l’original.]

[8]               L’élément important des paragraphes cités est que la SAR a déterminé que la SPR avait conclu que le témoin n’avait pas fourni un témoignage crédible. L’avocat de la demanderesse affirme que la SPR n’a jamais fait de conclusion quant à la crédibilité du témoin et que, par conséquent, cela était une erreur de déterminer que la SPR avait conclu que le témoin n’était pas crédible (exposé des arguments de la demanderesse, paragraphes 26 à 28). En fonction des citations susmentionnées et soulignées, je conclus que l’avocat de la demanderesse a raison. Puisque l’importante erreur dans les faits invoquée est un élément clé de l’évaluation indépendante de la SAR rejetant l’appel de la demanderesse, je conclus que la décision de la SAR est déraisonnable.


JUGEMENT

LA COUR infirme la décision à l’examen, et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué.

Aucune question n’est certifiée.

« Douglas R. Campbell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-692-16

 

INTITULÉ :

ASHA ALI HUSSEIN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 OCTOBRE 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

LE 17 OCTOBRE 2016

COMPARUTIONS :

Micheal Crane

Pour la demanderesse

Sybil Thompson

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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