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Date : 20161104


Dossier : IMM-4554-16

Référence : 2016 CF 1239

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

ALEXANDRE CHIPOVALOV

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Un décideur ne devrait pas badiner en concluant sur une preuve claire, nette et précise sans avoir prévu les conséquences de sa décision, compte tenu d’une preuve dans son ensemble convaincante menant à une décision déraisonnable. De plus, une décision pareille est propice à être mise de côté par le test Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF) et R.J.R. MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [R.J.R. MacDonald] selon ses trois critères conjonctifs donnant raison à la partie gagnante.

[2]               Le demandeur se présente devant cette Cour avec une demande de sursis à l’encontre de l’ordonnance de mise en liberté émise par un commissaire de la Section de l’immigration [SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

[3]               Le défendeur n’a pas satisfait aux conditions antérieures à l’égard de son dossier criminel; c’est-à-dire à partir de 1999, le défendeur a été condamné pour des actes criminels, vols qualifiés, voie de fait, recel, entrave, possession de biens obtenus par criminalité, bris de conditions, omission de se conformer à un engagement, etc. De plus, le défendeur a été arrêté au motif qu’il était considéré comme un risque de fuite selon ses antécédents.

[4]               La SI a maintenu la détention du défendeur depuis 2013, suite à au moins trente-cinq (35) révisions de détention pour risque de fuite et aucune alternative raisonnable n’a été vue selon les circonstances du cas.

[5]               Aucune justification de la décision de la SI n’est considérée comme raisonnable selon les faits du cas.

[6]               Pour écarter un raisonnement antérieur de la SI à l’égard d’une libération de détention, l’obligation existe de démontrer une justification pour son éloignement des décisions antérieures, et ceci, seulement si la situation s’est transformée pour en effet justifier d’une façon raisonnable une libération de détention. Ce n’est pas le cas d’aucune façon raisonnable en envisageant les faits appuyés par la preuve au dossier; et, même pendant la détention actuelle le contraire est démontré suite aux agissements du défendeur. La Cour note également une soixantaine de bris d’engagement ou de bris de probation; la SI, dans le passé, a conclu que l’alternative ne contrebalançait pas le risque de fuite vu que le défendeur n’a pas collaboré. Dans son ensemble, la même situation demeure.

[7]               La Cour signale l’importance du jugement Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 RCF 572 au para 24 :

[24]      Les motifs de la juge Gauthier sont énoncés de façon logique et claire. Je suis entièrement convaincu qu'elle a correctement appliqué aux conclusions tirées par M. Iozzo les normes de contrôle appropriées et qu'elle a correctement interprété le droit applicable. Je réponds à la question certifiée de la façon suivante :

Lors de tout contrôle des motifs de la détention effectué suivant les articles 57 et 58 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, la Section de l'immigration doit rendre une nouvelle décision quant à la question de savoir si une personne détenue devrait être maintenue en détention. Bien que le fardeau de preuve puisse être déplacé pour incomber au détenu une fois que le ministre a établi prima facie qu'il y a lieu de maintenir la détention, il incombe en fin de compte toujours au ministre, lors de tels contrôles des motifs de la détention, d'établir que la personne détenue constitue un danger pour la sécurité publique au Canada ou qu'elle risque de se soustraire à la justice. Cependant, les décisions antérieures ordonnant la détention d'une personne doivent être prises en compte lors de contrôles subséquents et la Section de l'immigration doit énoncer des motifs clairs et convaincants pour pouvoir aller à l'encontre des décisions antérieures.

[8]               Le demandeur a entièrement satisfait aux exigences spécifiées dans ce jugement.

[9]               La SI a ignoré une preuve claire, nette et précise.

[10]           Un décideur ne peut pas spéculer plutôt qu’analyser une preuve au dossier sur lequel le décideur doit se pencher (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Li, 2009 CAF 85 au para 62).

[62]      En toute déférence, je ne crois pas qu’il était convenable, de la part de la Commission, lors du contrôle des motifs de détention du 11 septembre 2008, de fonder son estimation de la durée prévue de la détention sur une simple opinion préliminaire alors que la décision finale ne pouvait être connue qu’un mois plus tard et qu’un contrôle des motifs de détention a lieu chaque mois. Cette opinion a amené la Commission à présumer que la Cour fédérale autoriserait l’introduction d’une demande de contrôle judiciaire et qu’un appel serait nécessairement interjeté à la Cour d’appel. Elle s’est alors estimée justifiée de réviser son estimation de temps précédente pour tenir compte de la période supplémentaire attribuable à cette hypothèse.

[11]           Le demandeur a satisfait aux trois critères conjonctifs de la décision de la Cour Suprême du Canada dans R.J.R. MacDonald Inc., ci-dessus.

[12]           La Cour ordonne le sursis à l’ordonnance de la mise en liberté du défendeur jusqu’à ce que le défendeur ait une nouvelle révision de sa détention avec une décision à l’appui et jusqu’à ce que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit tranchée par la Cour.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le sursis à l’ordonnance de la mise en liberté du défendeur jusqu’à ce que le défendeur ait une nouvelle révision de sa détention avec une décision rendue à l’appui et jusqu’à ce que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit tranchée par la Cour.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4554-16

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c ALEXANDRE CHIPOVALOV

 

REQUÊTE CONSIDÉRÉE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 4 NOVEMBRE 2016 ENTRE OTTAWA, ONTARIO ET MONTRÉAL, QUÉBEC

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 novembre 2016

 

PRÉTENTIONS ORALES ET ÉCRITES PAR :

Thi My Dung Tran

Caroline Doyon

 

Pour le demandeur

 

Mélanie Calisto Azevedo

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Mélanie Azevedo, avocate

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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