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Date : 20161104


Dossier : IMM-1182-16

Référence : 2016 CF 1226

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 4 novembre 2016

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

MAHMOOD MANOOCHEHRI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’agent) datée du 21 mars 2016, dans laquelle il a refusé de reporter le renvoi du demandeur du Canada (la décision). La présente demande a été présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Iran âgé de 34 ans. Toutefois, il est né aux Émirats arabes unis où il a toujours vécu. Il s’est rendu en Iran six ou sept fois et les visites duraient au plus trois semaines.

[3]               Le demandeur est un musulman chiite de naissance, mais il s’est converti et devenu un musulman sunnite afin de se marier à sa première épouse en 2002. Il a par la suite divorcé et s’est marié à sa deuxième épouse, qui est également sunnite. Ils ont eu deux enfants. Cependant, le mariage s’est détérioré et le demandeur a quitté les Émirats arabes unis et est venu au Canada en tant que visiteur le 22 février 2013. La deuxième épouse du demandeur lui a dit depuis qu’elle a divorcé et qu’elle a annulé son statut de résident aux Émirats arabes unis, qui dépendait apparemment du mariage.

[4]               Le 7 janvier 2014, le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada, mais le 14 août 2014, sa demande a été rejetée. Par la suite, le 15 avril 2015, son appel à la Section d’appel des réfugiés a été refusé, comme sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Des dispositions ont été prises pour son renvoi en Iran. Un report du renvoi a été demandé et refusé le 25 mars 2016. Par la suite, un sursis de la mesure de renvoi a été accordé en attendant le résultat du présent contrôle judiciaire.

I.                   Demande de report

[5]               Le demandeur a été victime d’un accident de travail en août 2014 et d’un accident de voiture en août 2015. Au moment de la présentation de la demande de report, il comptait trois actions en justice en cours ou en attente découlant de ces accidents (les questions juridiques). La première consiste en un appel au Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (TASPAAT), la deuxième consistait en une demande de prestations à l’encontre de son assureur; et la troisième était une action civile éventuelle contre le conducteur « responsable » de l’accident de voiture. Au moment où l’agent a examiné la demande de report, cette poursuite n’avait pas encore débuté. 

[6]               Le report de la mesure de renvoi a été demandé pour les motifs suivants :

a)                  ses questions juridiques ne pouvaient pas être réglées s’il n’était pas présent au Canada;

b)                  il avait besoin de traitements et de soins médicaux continus concernant sa dépendance au médicament Percocet;

c)                  il avait une nouvelle compagne et ils ne voulaient pas être séparés;

d)                 il risquerait d’être persécuté et d’être victime de violations des droits de la personne en Iran en tant que musulman sunnite et toxicomane.

II.                Décision

[7]               L’agent a reconnu que l’avocat du demandeur dans les questions juridiques avait envoyé une lettre dans laquelle il disait que le demandeur [traduction] « ne pourra pas poursuivre ses actions en justice s’il n’est pas au Canada, étant donné qu’il doit comparaître devant les tribunaux à certaines dates, ou qu’il doit être disponible pour être évalué aux fins des traitements par l’agence d’assurance. »

[8]               Toutefois, l’agent a décidé qu’un report n’était pas justifié pour les questions juridiques, parce qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve qui indiquaient les raisons pour lesquelles le demandeur ne pouvait pas présenter un appel par écrit au TASPAAT. L’agent a aussi souligné que le statut des affaires juridiques était incertain en ce sens qu’on ne savait pas trop à quel moment l’action civile serait lancée et quand l’une ou l’autre des actions se conclurait.

[9]               L’agent a reconnu que le demandeur souffre de douleurs chroniques, d’étourdissements, de nausées, de brûlements et d’aigreurs d’estomac, de troubles du sommeil, d’anxiété et de dépression; qu’il a une dépendance au Percocet et qu’il doit subir une coloscopie.

[10]           L’agent a reconnu que le demandeur avait commencé un plan de traitement de trois mois à l’hôpital Mount Sinai Hospital, qu’il était suivi par un médecin pour ses problèmes psychologiques et qu’il devait amorcer un programme de counselling en matière de toxicomanie le 30 mars 2016. L’agent a conclu qu’il était apte à voyager par avion et, bien que la mesure de renvoi interromprait son traitement, on ne disposait pas de suffisamment de renseignements qui indiquaient qu’il ne pouvait pas poursuivre ses traitements à l’égard de tous ses ennuis de santé à son retour en Iran.

[11]           L’agent a signalé qu’aucun des éléments de la preuve documentaire présentés au sujet du traitement de criminel impliqué dans le commerce des drogues en Iran s’appliquait au demandeur parce qu’il a une dépendance à un médicament prescrit par un médecin, plutôt qu’à une drogue illégale vendue dans la rue. L’agent a fait remarquer que le demandeur était disposé à demander des traitements et a conclu que le demandeur pourrait demander l’aide de ses frères pour obtenir des traitements en Iran.

[12]           Au moment de la décision, le demandeur vivait avec une femme depuis environ quatre mois. Ils étaient mariés conformément à leurs convictions religieuses, mais n’étaient pas légalement mariés. L’agent a reconnu que la mesure de renvoi du demandeur entraînerait leur séparation, qui serait vraisemblablement permanente. Cependant, l’agent a fait remarquer qu’il s’agissait d’une conséquence normale, quoique malheureuse, des mesures de renvoi et que cela ne justifiait pas un report.

III.             Analyse et conclusions

[13]           J’estime que la décision est raisonnable. Bien qu’il ne fasse aucun doute que le demandeur ait des ennuis de santé et que ses soins seront interrompus, son renvoi ne crée pas un risque imminent et aucun élément de preuve indique qu’il ne sera pas en mesure de prendre des dispositions pour recevoir les traitements nécessaires en Iran.

[14]           En outre, bien que les sunnites fassent l’objet de discrimination relativement à l’emploi, à l’éducation et au logement, la perspective de discrimination ne constitue pas une circonstance déterminante qui justifie le sursis d’une mesure de renvoi.

[15]           Dans l’affaire Phillips c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1499, le juge Simon Noël s’est fondé sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au paragraphe 80, pour conclure qu’un renvoi à une date indéterminée ne fait pas partie des pouvoirs d’un agent. Par conséquent, le rejet de la demande de report en raison des questions juridiques était raisonnable.

[16]           La preuve documentaire démontre que l’Iran traite de façon sévère les criminels qui œuvrent dans le commerce de la drogue, mais aucun élément de preuve ne laisse entendre qu’une personne qui cherche des traitements relativement à une dépendance à des médicaments d’ordonnance soit à risque.

[17]           La preuve documentaire démontre également que les journalistes, les défenseurs des droits de la personne, les syndicalistes et les défenseurs des droits des femmes et des étudiants sont victimes de violations des droits de la personne. Cependant, étant donné que le demandeur n’appartient à aucun de ces groupes, il était raisonnable que l’agent refuse de reporter le renvoi.

[18]           Finalement, il était raisonnable que l’agent conclue qu’une nouvelle relation n’était pas une circonstance déterminante qui justifiait un report.

IV.             Questions à certifier

[19]           Aucune question n’a été posée aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

« Sandra J. Simpson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-1182-16

 

INTITULÉ :

MAHMOOD MANOOCHEHRI c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

Le 4 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Olivia Mann-Foster

Pour le demandeur

David Knapp

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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