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Date : 20161103


Dossier : IMM-1243-16

Référence : 2016 CF 1230

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

KAROLY MARK GALAMB

KRISZTINA GANYI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Les demandeurs, M. Karoly Mark Galamb et sa conjointe de fait, Mme Krisztina Ganyi, sont des citoyens de la Hongrie d’origine ethnique rome. En juin 2015, ils sont arrivés au Canada et ont déposé une demande d’asile alléguant qu’ils craignaient de retourner en Hongrie en raison de la discrimination généralisée contre les Roms et du risque de violence auquel des groupes racistes organisés tels que les têtes rasées et les membres de la Garde hongroise les exposeraient.

[2]               En septembre 2015, la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté leur demande en concluant que M. Galamb et Mme Ganyi n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). En mars 2016, la Section d’appel des réfugiés (SAR) a rejeté l’appel de M. Galamb et de Mme Ganyi, confirmant la décision de la SPR. La SAR n’était pas convaincue que la discrimination subie par M. Galamb et Mme Ganyi en Hongrie équivalait à de la persécution ou que la présomption de la disponibilité de la protection de l’État en Hongrie pour les membres de la communauté rome avait été réfutée à l’aide d’éléments de preuve clairs et convaincants.

[3]               M. Galamb et Mme Ganyi ont demandé à notre Cour un contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en refusant d’accepter de nouveaux éléments de preuve et en n’évaluant pas leur allégation de persécution de façon cumulative, ainsi que dans la conduite de son analyse de la protection de l’État. M. Galamb et Mme Ganyi prétendent également que la SAR n’a pas appliqué la bonne norme d’intervention en appel de la décision de la SPR. Ils demandent à notre Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire aux fins d’un nouvel examen par un nouveau tribunal.

[4]               La demande soumise par M. Galamb et Mme Ganyi soulèvent quatre questions : 1) la SAR a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre la nouvelle preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR; 2) la SAR a-t-elle négligé d’évaluer leur allégation de persécution de façon cumulative; 3) l’analyse de la protection de l’État effectuée par la SAI était-elle déraisonnable; et 4) la SAR a-t-il commis une erreur en appliquant la mauvaise norme de contrôle à la décision de la SPR, en se fondant sur l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93 (Huruglica CAF).

[5]               Ayant examiné la preuve dont disposait la SAR et le droit applicable, je ne vois rien qui permette d’infirmer la décision de la SAR. Dans sa décision, la SAR a tenu compte de la preuve et l’issue peut se justifier au regard des faits et du droit. Elle appartient aux issues possibles acceptables. Il n’y a pas suffisamment de motifs pour justifier l’intervention de la Cour et je dois donc rejeter la demande de contrôle judiciaire de M. Galamb et Mme Ganyi.

II.                Faits et procédures

A.                La décision de la SAR

[6]               Dans sa décision, la SAR a d’abord indiqué qu’elle a adopté et appliqué le critère établi dans Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799 [Huruglica CF]. Elle a donc mené sa propre [TRADUCTION] « évaluation indépendante afin de déterminer si [M. Galamb et Mme Ganyi] ont la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger », tout en respectant « les conclusions de la SPR sur des questions comme la crédibilité ou d’autres questions, lorsque la SPR jouit d’un avantage particulier pour tirer ses conclusions ».

[7]               La SA a amorcé son analyse avec la question du nouvel élément de preuve soumis par M. Galamb et Mme Ganyi conformément au paragraphe 110(4) de la LIPR. Le nouvel élément de preuve a été décrit comme [TRADUCTION] « un article en ligne, daté du 1er octobre 2015, intitulé ‘Hungary’s minorities bear brunt of anti-migrant rhetoric’ (Les minorités de la Hongrie font les frais des discours hostiles à l’immigration) ». La SAR a indiqué que le paragraphe 110(4) de la LIPR permet aux demandeurs de présenter des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou, s’ils étaient accessibles avant le rejet, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’ils les aient présentés au moment du rejet. La SAR a indiqué que « le caractère nouveau d’une preuve documentaire ne saurait dépendre uniquement de la date à laquelle le document a été établi ». La SAR a ajouté que « [c]e qui importe, c’est le fait ou les circonstances que l’on cherche à établir par la preuve documentaire », citant l’arrêt Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385 [Raza], au paragraphe 16. Puisque M. Galamb et Mme Ganyi n’ont soumis aucune observation pour démontrer la conformité du nouvel élément de preuve aux exigences du paragraphe 110(4), la SAR a refusé d’admettre ce nouvel élément de preuve.

[8]               La SAR a mentionné que certaines des conclusions de la SPR concernant la crédibilité, notamment que M. Galamb et Mme Ganyi sont des témoins crédibles, qu’ils sont d’origine rome, qu’ils ont subi de la discrimination à l’éducation et à l’emploi, qu’ils habitaient dans un quartier de Miskolc où les rues portent des numéros et où les résidents sont essentiellement Roms et que Mme Ganyi a donné naissance à une fille mort-née en septembre 2014. Toutefois, la SAR a conclu que la discrimination subie par M. Galamb et Mme Ganyi ne pouvait être qualifiée de persécution. En outre, leur accès à un logement n’était pas limité, bien que leur choix personnel était limité par leur situation économique personnelle. En outre, la SAR a souligné que M. Galamb et Mme Ganyi pouvaient occuper un emploi par l’intermédiaire des programmes de services publics mis en place en Hongrie pour les personnes d’origine rome. La SAR a également conclu que leur accès aux soins de santé n’était pas restreint. Bien que le décès à la naissance de leur fille soit un événement tragique, la SAR a conclu qu’aucun élément ne démontre que M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas reçu des soins médicaux adéquats. La SAR a souligné que bien que l’origine ethnique rome de M. Galamb et Mme Ganyi [TRADUCTION] « puisse provoquer un sentiment d’appréhension et d’insécurité, objectivement, les difficultés pour obtenir une éducation, un emploi, un logement ou des soins de santé ne touchent pas tous les Roms de Hongrie ». La SAR a donc conclu que la discrimination qu’ils subissent individuellement ou cumulativement ne peut être qualifiée de persécution.

[9]               Sur la question de la protection de l’État, la SAR a conclu que M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas réfuté la présomption de disponibilité de protection de l’État. La SAR a souligné que, pour être admissibles à titre de réfugié, les demandeurs doivent démontrer qu’ils ont [TRADUCTION] « cherché à obtenir la protection de leur État d’origine mais n’ont pu l’obtenir ou, en revanche, qu’on ne pouvait s’attendre objectivement à ce que l’État d’origine assure une protection », citant Hinzman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171 [Hinzman], au paragraphe 37. En l’espèce, M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas cherché à obtenir une protection en Hongrie. La SAR a ajouté que pour réfuter une présomption, il faut fournir des éléments de preuves clairs et convaincants. La SAR a fait remarquer qu’il n’est pas nécessaire que la protection de l’État soit parfaite. Même si la SAR a reconnu que les éléments de preuve étaient mitigés et que certains documents démontrent une discrimination de la part des forces policières à l’égard des Roms, elle a conclu que « [l]es autorités civiles contrôlent efficacement la police et le gouvernement a des mécanismes efficaces d’enquête et de répression des abus et de la corruption ».

B.                 La norme de contrôle

[10]           La jurisprudence a déjà déterminé la norme de contrôle applicable à chacune des questions soulevées en l’espèce. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pour déterminer la norme de contrôle appropriée  (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], au paragraphe 62). En ce qui concerne les autres questions, la norme de décision raisonnable s’applique.

[11]           Il s’agit de la norme appliquée à la question d’admissibilité de nouveaux éléments de preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR, puisqu’il s’agit d’une affaire où un tribunal interprète sa propre loi constitutive (Dunsmuir, aux paragraphes 47 à 49; Ajaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 928 [Ajaj], au paragraphe 48; Olowolaiyemo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 895 [Olowolaiyemo] aux paragraphes 9 et 10).

[12]           Dans le cas de l’analyse de la persécution de façon cumulative, la norme de contrôle de décision raisonnable s’applique également (Dubat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1061, au paragraphe 35; Smirnova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 347, aux paragraphes 19 et 25). De même, la question du caractère adéquat de la protection de l’État est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable puisqu’elle soulève des questions mixtes de fait et de droit (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Flores Carrillo, 2008 CAF 94, au paragraphe 36; Hinzman, au paragraphe 38; Gomez Florez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 659, au paragraphe 24; Moran Gudiel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 902, au paragraphe 15).

[13]           En ce qui concerne la question de la norme de contrôle applicable à l’examen de la détermination par la SAR de son rôle relativement à la décision de la SPR, la Cour d’appel fédérale a conclu que notre Cour devait appliquer la norme de la décision raisonnable (Huruglica CAF, au paragraphe 35).

[14]           Lorsque la Cour examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », et les conclusions de la SAR ne devraient pas être modifiées tant que la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).


III.             Analyse

A.                Nouveaux éléments de preuve en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR

[15]           M. Galamb et Mme Ganyi ont d’abord contesté le refus de la SAR d’accueillir des nouveaux éléments de preuve soumis en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR, essentiellement un article daté du 1er octobre 2015 et portant sur la situation des Roms et des musulmans en Hongrie. Selon eux, la conclusion de la SAR est abusive. Puisque le document qu’ils cherchaient à ajouter est daté du 1er octobre 2015, et est par conséquent clairement « postérieur à l’audience » devant la SPR, il est « manifestement évident » que le document satisfait les critères décrits au paragraphe 110(4). Selon M. Galamb et Mme Ganyi, le rejet d’un document qui répond de façon si évidente aux critères au motif qu’ils n’ont pas fourni des « observations complètes et détaillées » constitue une erreur susceptible de révision.

[16]           Je ne suis pas d’accord. Il incombait à M. Galamb et Mme Ganyi de démontrer comment les nouveaux éléments de preuve répondaient aux exigences du paragraphe 110(4) de la LIPR. La seule observation soumise était que le nouvel élément de preuve était postérieur à la date de l’audience de la SPR. Ce n’est pas ce qu’exige la disposition et une simple référence temporelle n’est pas suffisante, quelles que soient les circonstances.

[17]           Le paragraphe 110(4) de la LIPR indique expressément que de nouveaux éléments de preuve peuvent être présentés s’ils sont « survenus depuis le rejet » (non souligné dans l’original), ou s’ils étaient accessibles avant le rejet, « qu’il n’était pas raisonnable » dans les circonstances « de s’attendre » à ce qu’ils les aient présentés au moment du rejet. Étant donné l’utilisation du mot « ou », le critère est disjonctif et non conjonctif (Ajaj, au paragraphe 53; Olowolaiyemo, au paragraphe 19). Cela signifie que les nouveaux éléments de preuve peuvent être acceptés par la SAR s’ils répondent à un de ces deux critères. À l’inverse, pour que la SAR puisse conclure que le nouvel élément de preuve ne satisfait pas aux exigences obligatoires prévues au paragraphe 110(4), elle doit déterminer si les éléments de preuve ne répondent à ni l’une ni l’autre des conditions énoncées dans cette disposition.

[18]           La période pertinente ne se termine pas à la date de l’audience devant la SPR; la date limite est la date de rejet de la demande. Dans le cas de M. Galamb et Mme Ganyi, cette date était le 30 septembre 2015. Par conséquent, l’article qu’ils cherchaient à déposer comme nouvel élément de preuve est postérieur d’un jour à la date de la décision de la SPR. Aucun élément de preuve n’a été soumis par M. Galamb ou Mme Ganyi sur le contenu réel du document, ou sur la question à savoir si cet élément de preuve est survenu après la date de rejet de leur demande. De même, M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas affirmé ou prétendu que l’élément de preuve fourni dans l’article n’était pas disponible avant le rejet ou qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce qu’ils l’aient présenté.

[19]           Il est bien reconnu que le « caractère nouveau » d’une preuve documentaire ne saurait dépendre uniquement de la date à laquelle le document a été établi (Raza, au paragraphe 16). Ce qui importe, c’est le fait ou les circonstances que l’on cherche à établir par la preuve documentaire, et c’est ce qui doit être postérieur à la date de rejet de la demande. De même, il faut démontrer la pertinence du document en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR, car [TRADUCTION] « il serait difficile d’imaginer que la présentation du nouvel élément de preuve puisse être en quelque sorte exempté de ce critère » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 96, au paragraphe 45). En l’espèce, aucune observation n’a été soumise pour démontrer comment le nouvel élément de preuve déposé par M. Galamb et Mme Ganyi répondait à l’exigence du « caractère nouveau », outre sa date apparente, et aucune observation n’a été soumise concernant la pertinence du document dans cette affaire.

[20]           Dans les circonstances, on ne peut pas dire que la conclusion de la SAR de refuser d’admettre le nouvel élément de preuve n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Il incombait à M. Galamb et à Mme Ganyi de soumettre des observations complètes et détaillées pour démontrer comment le nouvel élément de preuve déposé répondait à l’exigence prévue au paragraphe 110(4) et comment le nouvel élément de preuve était lié à leur cas, ce qu’ils n’ont pas fait. J’ajouterais que même un examen sommaire du nouvel élément de preuve à déposer ne me permet pas de conclure que les renseignements factuels qu’il contient sont survenus après le rejet de la demande de M. Galamb et Mme Ganyi, le 30 septembre 2015.

[21]           Le motif de ce contrôle judiciaire est non fondé.

B.                 Persécution cumulative

[22]           M. Galamb et Mme Ganyi soutiennent également que la SAR a commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte de la discrimination qu’ils ont subie de façon cumulative. Ils affirment que la SAR a plutôt examiné la discrimination dans le logement, l’éducation, l’emploi et les soins de santé comme des éléments individuels, séparément les uns des autres. M. Galamb et Mme Ganyi se plaignent que la SAR a simplement indiqué que la discrimination dont ils ont été victimes « ne pouvait, cumulativement, être qualifiée de persécution », sans fournir de motifs à l’appui. Ils soutiennent « [qu’]il ne suffit pas que la [SAR] déclare simplement qu’elle a examiné la nature cumulative des actes de discrimination » (Rahman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 768 [Rahman], au paragraphe 66, citant Mete c. Canada (Ministre de la Citoyenneté e de l’Immigration), 2005 CF 840 [Mete], au paragraphe 9). Par conséquent, ils affirment que [TRADUCTION] « l’omission de fournir un motif raisonnable pour expliquer pourquoi les actes cumulatifs ne peuvent être qualifiés de persécution est une erreur susceptible de révision » (Canada (Citoyenneyé et Immigration) c. Balogh, 2014 CF 932 [Balogh], au paragraphe 32; Hegedüs c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1366 [Hegedüs], au paragraphe 2).

[23]           Je ne suis pas de cet avis. Contrairement aux observations de M. Galamb et Mme Ganyi, une simple lecture de la décision de la SAR montre que le tribunal a tenu compte de tous les éléments de preuve pour tirer la conclusion que, cumulativement, la discrimination qu’ils ont subie ne peut être qualifiée de persécution. La SAR a expressément mentionné la dimension cumulative dès le début de son analyse. Par la suite, la SAR a conclu que M. Galamb et Mme Ganyi n’étaient pas persécutés dans les aspects individuels du logement, de l’éducation, de l’emploi et des soins médicaux. Finalement, la SAR a indiqué que la discrimination subie par M. Galamb et Mme Ganyi dans l’éducation, l’emploi, le logement et les soins de santé « ne pouvait, cumulativement, être qualifiée de persécution » avant de conclure que la discrimination « pour chacun de ces aspects individuels ne constituait pas de la persécution et que, cumulativement, cette discrimination n’équivalait pas à de la persécution ».

[24]           M. Galamb et Mme Ganyi soutiennent que cette conclusion sur la discrimination cumulative n’est pas soutenue par des motifs suffisants. Je reconnais que, comme l’ont souligné M. Galamb et Mme Ganyi, le SAR ne peut simplement affirmer « qu’elle a examiné la nature cumulative des actes de discrimination » (Hegedüs, au paragraphe 2; Rahman, au paragraphe 66; Mete, au paragraphe 9).

[25]           Toutefois, en l’espèce, je ne suis pas persuadé que la conclusion de la SAR n’est pas justifiée. Comme l’a fait remarquer l’avocat du ministre, la SAR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les « droits fondamentaux » de M. Galamb et Mme Ganyi « n’ont pas été violés ». Les motifs mentionnent plusieurs fois les effets cumulatifs de la discrimination. À mon avis, la situation diffère de celle dans Balogh ou Hegedüs, où la conclusion du tribunal n’était pas étayée par une analyse ou une pondération des facteurs ou se limitait à une déclaration au passage sur le critère utilisé. Dans sa décision la SAR a examiné et analysé de manière approfondie les différents facteurs de discrimination, avant de conclure que, tant sur le plan individuel que cumulatif, ces facteurs n’équivalaient pas à une persécution.

[26]           Tout comme dans l’arrêt Awadh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 521 [Awadh], cette décision montre que la SAR était consciente de son obligation d’examiner et d’évaluer les effets cumulatifs de la discrimination et qu’elle a examiné les facteurs de discrimination séparément et collectivement. La conclusion de la SAR peut être interprétée à la lumière de son examen approfondi des cas présumés de discrimination et de leurs répercussions sur M. Galamb et Mme Ganyi. On voit difficilement ce que le SAR aurait pu dire de plus qui aurait été utile (Awadh, au paragraphe 26).

[27]           Par conséquent, je conclus que l’analyse de la persécution cumulative par la SAR appartient aux issues possibles acceptables et est raisonnable. M. Galamb et Mme Ganyi auraient préféré que la SAR élabore sur ce point, mais je suis convaincu que le tribunal s’est penché sur la question de la nature cumulative et l’a abordée de façon raisonnable.

C.                La question de la protection de l’État

[28]           M. Galamb et Mme Ganyi affirment que la SAR a commis des erreurs susceptibles de révision dans son analyse de la protection de l’État.

[29]           Ils soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte de l’efficacité de la protection de l’État en Hongrie et a appliqué le mauvais critère. Ils font valoir que bien que les efforts de la Hongrie pour protéger ses citoyens soient pertinents, ils ne sont ni déterminants ni suffisants. La SAR doit examiner le caractère adéquat de la protection de l’État sur le plan opérationnel, plutôt que simplement la volonté de l’État ou les efforts déployés pour lutter contre la discrimination. M. Galamb et Mme Ganyi affirment également que la SAR a omis d’évaluer la preuve contradictoire du caractère adéquat de la protection de l’État pour les Roms. Ils soutiennent qu’une abondante preuve démontre l’incapacité de la Hongrie d’assurer une protection de l’État et que la SAR a été déraisonnable en n’en tenant pas compte.

[30]           Ils ajoutent qu’il aurait été déraisonnable pour eux de signaler les crimes à la police. M. Galamb et Mme Ganyi soutiennent que lorsque la preuve indique que la protection de l’État ne lui serait pas offerte, un demandeur n’est pas tenu de solliciter cette protection pour le démontrer (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689 [Ward], au paragraphe 724). M. Galamb et Mme Ganyi soutiennent également qu’en concluant que la preuve « ne démontre pas que les Roms ne reçoivent jamais la protection de l’État », la SAR a énoncé une approche incorrecte. Le caractère adéquat de la protection de l’État n’est pas une protection parfaite, ni une absence totale de protection, affirment-ils, et conclure que M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas démontré que les Roms ne recevaient jamais de protection de l’État était une erreur.

[31]           Je ne suis pas d’accord avec les observations de M. Galamb et Mme Ganyi.

(1)               La SAR a appliqué le critère approprié

[32]           Il n’est pas contesté que le critère approprié dans l’analyse de la protection de l’État commande une évaluation du caractère approprié de cette protection sur le plan opérationnel. Le critère utilisé pour évaluer la protection de l’État ne doit pas seulement examiner les efforts de l’État, mais également les résultats réels : « C’est la protection concrète, actuellement offerte qui compte » (Hercegi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 250, aux paragraphes 5 et 6 [italiques dans l’original]). L’analyse de la protection de l’État ne doit pas seulement tenir compte des aspirations du gouvernement. Autrement dit, pour que la protection soit adéquate, elle doit être efficace sur le plan opérationnel. Pour mesurer le caractère adéquat de la protection de l’État, la SAR doit tenir compte de la capacité de l’État à mettre en œuvre des mesures au niveau pratique pour les personnes concernées (Bakos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 191 [Bakos] aux paragraphes 26 et 29; Juhasz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 300 au paragraphe 44; Molnar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 273, au paragraphe 46).

[33]           Il va de soi que les efforts déployés par un gouvernement pour assurer la protection de l’État peuvent être pertinents pour la question du caractère adéquat de la protection sur le terrain. Toutefois, les résultats réels en termes d’accomplissements concrets de la part de l’État doivent également être évalués (Kovacs c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 337 [Kovacs], aux paragraphes 71 et 72). Bien que « [l]e caractère adéquat demeure la norme », il « varie en fonction du pays et des circonstances » (Kovacs, au paragraphe 72).

[34]           Je suis convaincu qu’en l’espèce, la SAR a bel et bien pris en compte non seulement les efforts de la Hongrie pour offrir la protection de l’État à M. Galamb et Mme Ganyi, mais également les résultats des mesures prises en termes d’enquêtes, de poursuites et de condamnations. Alors que la SAR a passé en revue les efforts déployés par l’État afin d’améliorer la protection, elle fait un lien entre ces efforts et la pertinence opérationnelle de la protection de l’État. Contrairement aux observations des demandeurs, je ne suis pas convaincu que la SAR a étudié la preuve documentaire de façon sélective. Il apparaît plutôt évident que dans sa décision, la SAR a tenu compte de la documentation sur la situation en Hongrie et le matériel soumis par M. Galamb et Mme Ganyi. Dans son examen, la SAR a souligné qu’il y a plusieurs organismes et programmes par lesquels les citoyens peuvent demander une protection. La SAR a même reconnu que la preuve concernant le caractère adéquat de la protection de l’État en Hongrie est mitigée. Toutefois, la SAR a également conclu que les inquiétudes de M. Galamb et Mme Ganyi quant au caractère adéquat de la protection de l’État étaient spéculatives, puisqu’ils n’ont jamais eu à demander cette protection pour eux-mêmes.

[35]           Au bout du compte, et à la lumière de ces éléments de preuve, la SAR a accordé plus de poids à la preuve documentaire relative au caractère adéquat de la protection de l’État qu’aux inquiétudes exprimées par M. Galamb et Mme Ganyi. Je ne suis pas convaincu que cette évaluation de la SAR était déraisonnable.

[36]           Je conclus que le raisonnement de la SAR était transparent et intelligible. Il ne s’agit pas d’un cas où la SAR a omis d’aborder et d’évaluer la preuve fournie ou la preuve contraire sur la situation dans le pays. Au contraire, elle a spécifiquement reconnu l’existence d’éléments de preuve mixtes. La SAR a procédé à une analyse détaillée de la preuve. Elle a accepté le fait que la population rome devait faire face à des problèmes graves et qu’à l’occasion, la réponse de l’État aux crimes n’était pas satisfaisante. Je souligne que la SAR n’a pas fait référence à chacun des nombreux éléments de preuve documentaire qui lui ont été soumis. Toutefois, à l’examen des motifs dans leur ensemble, je conclus que la SAR a procédé à une évaluation raisonnablement approfondie et équilibrée de la preuve. À mon avis, la nature de l’information citée par la SAR dans son analyse de la protection offerte par l’État appuie la conclusion qu’elle a appliqué un critère axé sur la pertinence opérationnelle de la protection de l’État.

[37]           Dans leurs observations, M. Galamb et Mme Ganyi tentent d’utiliser la jurisprudence et certains passages des raisonnements de la SAR pour soutenir l’argument selon lequel la SAR a utilisé le mauvais critère pour évaluer la protection de l’État. Je ne souscris pas à leur analyse. Je conclus plutôt que, à la lecture de la décision dans son ensemble, la SAR a appliqué de manière raisonnable le bon critère d’évaluation de la protection de l’État, a tenu compte de la situation particulière de M. Galamb et Mme Ganyi et a déterminé si la protection offerte par la Hongrie était réellement efficace et donnait des résultats concrets.

(2)               La présomption de protection de l’État n’a pas été réfutée

[38]           M. Galamb et Mme Ganyi avaient le fardeau de fournir une preuve claire et convaincante établissant l’insuffisance de la protection de l’État en Hongrie (Flores Carillo, aux paragraphes 18 et 19). Il est bien établi en droit que les tribunaux canadiens doivent présumer que la protection de l’État est offerte dans le pays d’origine du demandeur d’asile. Il faut des éléments de preuve clairs et convaincants pour réfuter la présomption de la protection de l’État (Ward aux pages 724 et 725), et il ne faut pas se limiter à démontrer que la protection de l’État n’est ni parfaite, ni toujours efficace (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189, (CAF), au paragraphe 7).

[39]           Il est également acquis en matière jurisprudentielle que les demandeurs d’asile ne peuvent simplement évoquer leur propre conviction que la protection de l’État ne leur sera pas offerte (Moya c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 315, au paragraphe 75; Ruszo c. Canada (Citoyenneyé et Immigration), 2013 CF 1004, au paragraphe 33). Leur demande doit également être étayée par des éléments de preuve.

[40]           Je ne suis pas convaincu que la SAR a commis une erreur en concluant que M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État. Non seulement M. Galamb et Mme Ganyi n’ont jamais été victimes d’attaques physiques ou de menaces directes, mais ils n’ont pas fourni de preuve convaincante pour démontrer qu’il serait déraisonnable pour eux de signaler les crimes à la police. La conclusion finale de la SAR, selon laquelle M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas fourni de preuve suffisante pour réfuter la présomption de protection de l’État, appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[41]           M. Galamb et Mme Ganyi contestent particulièrement les conclusions de la SAR selon lesquelles ils n’ont pas fourni [traduction] « de preuve précise démontrant qu’eux-mêmes ou d’autres personnes placées dans la même situation n’ont pas réussi à obtenir la protection de la Hongrie ». Cet argument est sans fondement.

[42]           Dans ses motifs, la SAR s’est fondée sur volets de preuves pour déterminer si M. Galamb et Mme Ganyi avaient réfuté la présomption de protection de l’État : la preuve fondée sur l’expérience personnelle de M. Galamb et Mme Ganyi, la preuve fondée sur des personnes placées dans la même situation et la preuve documentaire. La SAR a déterminé que M. Galamb et Mme Ganyi n’avaient fourni de preuve claire et convaincante pour aucun de ces volets.

[43]           Il n’y avait aucune preuve du refus de protection dans le cas précis de M. Galamb et Mme Ganyi puisqu’ils n’ont signalé aucun incident les impliquant personnellement. La preuve ne mentionnait pas non plus de cas de [traduction] « personnes placées dans la même situation ». Bien que l’avocat de M. Galamb et de Mme Ganyi ait soutenu que les éléments de preuve fournis à la SAR comportaient des exemples de personnes placées dans la même situation, je ne suis pas de cet avis. Les extraits cités par l’avocat lors de l’audience devant notre Cour ont été effectivement décrits par M. Galamb et Mme Ganyi comme de la « preuve documentaire » dans leurs propres observations. Ces observations étaient de nature générale et décrivaient le traitement discriminatoire général subi par les Roms de Hongrie, les interventions généralement absentes de la police et le faible taux de poursuites intentées contre les crimes motivés par la race. Elles faisaient mention des attaques contre les Roms, mais en termes généraux.

[44]           Ces éléments de preuve ne peuvent être présentés comme des cas de [traduction« personnes placées dans la même situation » puisqu’ils ne font pas référence à une personne en particulier. Cette preuve ne comporte pas d’exemples de cas où les dispositions prises par l’État n’ont pas aidé des personnes se trouvant dans une situation ou de personnes qui n’ont pu obtenir la protection de l’État (Ward, aux pages 724 et 725).

[45]           Je conviens que la preuve de cas de personnes placées dans la même situation n’a pas à être fournie par des témoignages directs de personnes particulières et que de la preuve documentaire peuvent parfois soutenir ces allégations lorsqu’elles réfèrent à des personnes placées dans la même situation; toutefois, la preuve doit être liée à l’expérience de personnes. Une telle preuve n’a pas été présentée par M. Galamb et Mme Ganyi.

[46]           La preuve de cas de personnes placées dans la même situation était, évidemment, très pertinente en l’espèce puisque l’allégation de persécution était fondée sur des hypothèses, M. Galamb et Mme Ganyi n’ayant aucune expérience personnelle du défaut de protéger de l’État. Toutefois, la preuve fournie par M. Galamb et Mme Ganyi dans leurs observations pour réfuter la déclaration de la SAR est une preuve strictement documentaire portant sur les conditions en Hongrie et n’est pas fondée sur des personnes placées dans la même situation. Ils ne fournissent nulle part de preuve de personnes placées dans la même situation à qui l’État a refusé sa protection ou qui n’ont pu en bénéficier lorsqu’ils l’ont demandée. Par conséquent, je ne trouve pas déraisonnable la conclusion de la SAR sur l’absence de preuve précise démontrant que [traduction] « des personnes dans une situation similaire n’ont pas réussi à obtenir la protection de l’État ».

[47]           En ce qui concerne la preuve documentaire, la SAR a pris en compte un volume important de documents et de renseignements. Elle s’est davantage fondée sur la preuve documentaire plus récente provenant du Département d’État des États-Unis et a préféré cette preuve aux références fournies par M. Galamb et Mme Ganyi. On ne peut pas dire que cette conclusion est déraisonnable.

[48]           Contrairement aux observations de M. Galamb et Mme Ganyi, je ne suis pas d’avis qu’il s’agit d’une affaire où la preuve au dossier est en contradiction directe un élément essentiel d’une conclusion, ou encore où une décision est prise sans tenir compte du matériel soumis (Sanchez Mestre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 375, au paragraphe 15; Hernandez Montoya c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 808, au paragraphe 36). Il est bien reconnu que le décideur est présumé avoir soupesé et pris en considération la totalité des éléments de preuve qui lui ont été soumis, à moins que l’on démontre le contraire (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (CAF), au paragraphe 1). Le défaut de mentionner un élément de preuve particulier ne signifie pas qu’il n’a pas été pris en compte (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], au paragraphe 16). Le décideur n’a pas à faire mention de chacun des éléments de preuve appuyant ses conclusions si les motifs permettent à la Cour de comprendre le fondement de la décision et de déterminer si la conclusion appartient aux issues possibles acceptables. Ce n’est que lorsqu’un tribunal passe sous silence des éléments de preuve qui contredisent ses conclusions de façon claire que la Cour peut intervenir et inférer que le tribunal n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait (Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 331, aux paragraphes 9 et 10; Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 [Cepeda-Gutierrez] aux paragraphes 16 et 17). Cepeda-Gutierrez appuie la proposition selon laquelle plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément est importante et plus la preuve contredit une conclusion, plus une cour de justice sera disposée à conclure que la décision a été prise sans tenir compte des éléments dont elle disposait. À mon avis, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[49]           Il était donc raisonnablement justifié pour la SAR de conclure comme elle l’a fait. Bien qu’une cour de révision puisse préférer lire des motifs détaillés portant sur la preuve de la disponibilité de la protection de l’État, « [i]l se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision » (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16).

[50]           M. Galamb et Mme Ganyi se plaignent également de l’utilisation du mot « jamais » par la SAR pour désigner la protection de l’État reçu par les Roms. Toutefois, cette référence est examinée hors contexte. Dans le paragraphe qui suit immédiatement, la SAR énonce expressément qu’elle a examiné les éléments de preuve sur la protection de l’État selon la prépondérance des probabilités, conformément à Flores Carrillo, aux paragraphes 24 et 30.

[51]           La cour de révision doit considérer les motifs dans leur ensemble, à la lumière du dossier (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 53; Construction Labour Relations c. Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, au paragraphe 3). Un contrôle judiciaire n’est pas une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54). La Cour doit plutôt examiner les motifs en « essayant de les comprendre, et non pas en se posant des questions sur chaque possibilité de contradiction, d’ambiguïté ou sur chaque expression malheureuse » (Ragupathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151, au paragraphe 15). Conformément à cette approche, lorsqu’elle est lue dans son ensemble, la décision de la SAR est raisonnable et elle appartient aux issues possibles acceptables. L’intervention de notre Cour n’est pas justifiée.

(3)               Conclusion sur la protection de l’État

[52]           Lorsqu’elle effectue un examen selon la norme de la décision raisonnable des conclusions de fait, la Cour n’a pas pour mission d’apprécier de nouveau les éléments de preuve ou l’importance relative accordée par le décideur à tout facteur pertinent (Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 99). Selon la norme de la décision raisonnable, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, et si la décision est étayée par une preuve acceptable qui peut être justifiée en fait et en droit, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable (Newfoundland Nurses, au paragraphe 17).

[53]           Dans l’arrêt Majlat, la question n’est ni celle de savoir si la cour de justice serait arrivée à la même conclusion que le tribunal, ni celle de savoir si la conclusion que le tribunal a tirée est correcte (Majlat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 965 [Majlat] aux paragraphes 24 et 25). La retenue exige plutôt que l’on accorde aux tribunaux administratifs tels que la SAR une certaine latitude pour rendre leurs décisions dans leurs champs d’expertise « lorsqu’elles sont compréhensibles et rationnelles et qu’elles correspondent à l’un des résultats possibles que l’on pourrait légitimement envisager au vu des faits et du droit applicables » (Majlat, au paragraphe 24). Le rôle de la Cour lors d’un contrôle judiciaire est « d’évaluer la qualité de la décision et les motifs exposés eu égard à la situation particulière du demandeur » (Bakos, au paragraphe 34).

[54]           En l’espèce, la SAR a conclu que M. Galamb et Mme Ganyi n’ont fourni aucune preuve fiable de leur persécution possible ou de la raison pour laquelle la protection de l’État serait inexistante, devaient-ils la solliciter. La preuve documentaire concernant le caractère adéquat de la protection des Roms de Hongrie était mitigée, et M. Galamb et Mme Ganyi se sont fondés uniquement sur leur conviction subjective que la police refuserait de les aider. La SAR a conclu que les éléments de preuve démontraient le contraire. Ainsi, la SPR a conclu que M. Galamb et Mme Ganyi n’ont pas fourni les éléments de preuve clairs et convaincants nécessaires établissant, selon la prépondérance des probabilités, que la protection de l’État est insuffisante. Je ne suis pas convaincu que cette évaluation de la SAR était déraisonnable. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les demandeurs sont tenus d’épuiser tous les moyens dont ils peuvent disposer (Hinzman, aux paragraphes 56 et 57). En l’espèce, cela n’a pas été fait par M. Galamb et Mme Ganyi.

D.                Le critère établi dans l’arrêt Huruglica

[55]           Finalement, selon M. Galamb et Mme Ganyi, la SAR n’a pas appliqué la bonne norme de contrôle à la décision de la SPR. Ils soutiennent que la SAR a appliqué la norme de caractère raisonnable à son examen de la décision de la SPR, au lieu d’applique la norme de décision correcte et d’instruire un appel complet. Ils soutiennent que la SAR doit effectuer sa propre analyse afin de respecter la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Huruglica CAF. M. Galamb et Mme Ganyi soutiennent qu’il n’est pas suffisant pour la SAR de simplement déclarer qu’elle effectuera sa propre analyse indépendante sans qu’il y ait un débat minimal concernant les motifs de la SAR quant aux erreurs soulevées par un appelant (Ali c. Canada (Citoyenneyé et Immigration), 2016 CF 396, au paragraphe 4).

[56]           Je suis en désaccord cette interprétation de la décision de la SAR. J’estime plutôt que les motifs fournis par la SAR en l’espèce démontrent amplement que la SAR a respecté les normes établies dans Huruglica CAF. Je dois d’abord souligner que la SAR a spécifiquement indiqué qu’elle examinait « tous les aspects de la décision de la SPR » et procédait à une « évaluation indépendante » pour déterminer si M. Galamb et Mme Ganyi étaient des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger. C’est effectivement ce qu’a fait la SAR. Lorsque la décision est lue dans son ensemble, la suggestion formulée par M. Galamb et Mme Ganyi que la SAR a, en quelque sorte, formulé deux normes de contrôle différentes est entièrement sans fondement. Seule une interprétation littérale de certaines parties de la décision, isolées du reste des motifs de la SAR, pourrait mener à cette conclusion.

[57]           La SAR s’est fondée sur la décision dans Huruglica CF et a indiqué qu’elle respecte « les conclusions de la SPR sur des questions comme la crédibilité ou d’autres questions, lorsque la SPR jouit d’un avantage particulier pour tirer ses conclusions », tout en procédant à « une évaluation indépendante pour déterminer si M. Galamb et Mme Ganyi sont des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger ». C’est exactement ce que le critère établi dans Huruglica CAF prescrit (Huruglica CAF, au paragraphe 103). M. Galamb et Mme Ganyi n’invoquent aucun élément de preuve qui n’a pas été examiné et analysé par la SAR. En outre, l’application du critère établi dans Huruglica CF ne constitue pas une erreur susceptible de révision « dans la mesure où la SAR mène, sur le fond, une révision approfondie, complète et indépendante telle celle entérinée dans Huruglica CAF » (Shala c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 573, au paragraphe 9).

[58]           Compte tenu de la norme de la décision raisonnable que notre Cour doit appliquer à cette question, il ne fait aucun doute que la décision de la SAR relativement à la conclusion de la SPR appartient aux issues possibles acceptables. Les motifs montrent clairement que la SAR a procédé à sa propre analyse et sa propre évaluation des éléments de preuve. Par conséquent, la SAR s’est acquittée correctement de son rôle en matière d’appel, conformément à la décision dans Huruglica CAF.

IV.             Conclusion

[59]           La décision de la SAR de refuser la demande de réfugié soumise par M. Galamb et Mme Ganyi représente un résultat raisonnable au regard du droit et des éléments de preuve dont elle dispose. À mon avis, le tribunal a raisonnablement conclu que la discrimination subie par M. Galamb et Mme Ganyi ne pouvait être qualifiée de persécution sur une base cumulative et qu’ils bénéficiaient de la protection de l’État en Hongrie. Selon la norme de la décision raisonnable, il suffit que la décision faisant l’objet d’un contrôle judiciaire soit justifiée, transparente et intelligible. Or, c’est le cas en l’espèce. Par conséquent, je ne peux infirmer la décision de la SAR et je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[60]           Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification. Je conviens qu’il n’y a pas de question de cette nature.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.    La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

2.    Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1243-16

INTITULÉ:

KAROLY MARK GALAMB, KRISZTINA GANYI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

Le 3 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Jack Davis

Pour le demandeur

 

Neeta Logsetty

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Avocat

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour les défendeurs

 

 

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