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Date : 20161104


Dossier : T-2173-15

Référence : 2016 CF 1236

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

VANYA PETKOVA ANDONOVA

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La demanderesse, Vanya Petkova Andonova, sollicite le contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, d’une décision rendue le 4 décembre 2015 par la Direction générale des enquêtes de la Commission de la fonction publique (la Commission). La Commission n’a pas accédé à la demande d’enquête que Mme Andonova a déposée, conformément à l’article 66 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22 (la Loi), à l’égard d’un processus de nomination externe de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Mme Andonova allègue que la décision de CIC de l’éliminer du processus de nomination n’était pas fondée sur le mérite.

[2]  Comme il sera expliqué ci-dessous, la présente demande est rejetée parce que la décision de la Commission était raisonnable. La Commission a jugé que l’enquête réclamée par Mme Andonova n’était pas justifiée après avoir conclu que l’évaluation de sa candidature au regard des qualifications exigées pour le poste et au moyen d’outils appropriés avait révélé qu’il lui manquait une qualification essentielle. J’estime que cette conclusion appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

II.  Contexte

[3]  Actuellement, Mme Andonova travaille dans le secteur privé à titre de coordonnatrice administrative dans le domaine de la fiscalité. Cependant, elle aimerait beaucoup trouver un poste dans la fonction publique et c’est ce qui l’a amenée à postuler pour un poste de commis à CIC dans le cadre d’un processus de nomination externe. Le 3 juin 2015, CIC a envoyé un courriel à Mme Andonova pour l’informer que sa candidature avait été retenue en sélection finale aux fins d’examen pour un poste de commis de soutien général. Dans le cadre du processus de sélection, elle a fait un examen écrit en ligne le 25 juin 2015, puis elle a passé une entrevue en personne le 16 juillet 2015.

[4]  Le 19 octobre 2015, Mme Andonova a fait un suivi auprès de CIC et elle a été informée que sa candidature n’avait pas été retenue pour la prochaine étape du processus de nomination parce que, selon le comité d’évaluation, il n’avait pas démontré une aptitude suffisante pour la communication interactive efficace, une qualification essentielle du poste. Le 22 octobre 2015, Mme Andonova a demandé à la Direction générale des enquêtes de la Commission d’examiner le processus de nomination externe en cause. Dans sa demande, elle expliquait le processus suivi pour présenter sa candidature et elle faisait valoir que la décision à son égard n’était pas fondée sur le mérite.

[5]  Le 4 décembre 2015, le directeur de la Direction générale des enquêtes de la Commission a informé Mme Andonova de sa décision comme quoi une enquête n’était pas justifiée. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III.  Questions de preuve

[6]  Avant d’examiner le bien-fondé de la demande de Mme Andonova, la Cour doit trancher les questions soulevées par les parties relativement à la preuve. Mme Andonova a déposé une requête écrite, conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales (les Règles), pour ajouter au dossier de la Cour un affidavit auquel sont joints notamment les courriels échangés entre CIC et l’une de ses références. Le défendeur soutient que la Cour ne doit pas admettre ces documents en preuve aux motifs qu’ils n’étaient pas à la disposition de la Commission quand elle a rendu sa décision et qu’ils sont présentés après que les parties ont déposé leurs dossiers de demande respectifs. Le 24 mai 2016, le juge Hughes a ordonné que la requête soit instruite par le juge saisi de la demande de contrôle judiciaire.

[7]  Le défendeur demande également à la Cour de n’accorder aucun poids à ceux des documents du dossier de la demande de Mme Andonova que la Commission n’avait pas à sa disposition lorsqu’elle a décidé de ne pas mener d’enquête. Ces documents ont été joints à l’affidavit de Mme Andonova et semblent avoir pour but de démontrer certaines de ses compétences, les formations suivies et ses réalisations.

[8]  À l’audition de la présente demande, j’ai proposé aux parties d’intégrer leurs observations sur les questions relatives à la preuve dans leurs observations sur la demande afin d’aider la Cour à apprécier la pertinence des éléments de preuve à la lumière des questions soulevées dans la demande elle-même.

[9]  Je me pencherai d’abord sur éléments de preuve figurant aux pages 36 à 52 du dossier de demande de Mme Andonova (les éléments de preuve contestés), qui comprennent des certificats, des résultats d’examen et d’autres documents faisant état de ses réalisations. Il ressort de la jurisprudence invoquée par le défendeur que les demandes de contrôle judiciaire doivent être tranchées en fonction des documents dont disposait le décideur initial, sous réserve d’exceptions limitées visant des éléments de preuve généraux qui sont utiles à la Cour; qui sont liés au manquement à l’équité procédurale allégué et qui ne ressortent pas clairement du dossier dont disposait le décideur, ou qui démontrent l’absence totale de preuve à la disposition du décideur lorsqu’il a tiré une conclusion contestée (Love c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2015 CAF 198 [Love], au paragraphe 17).

[10]  Je souscris aux déclarations du défendeur concernant le principe pertinent en l’espèce. Rien dans le dossier de preuve soumis à la Cour n’indique que la Commission disposait des éléments de preuve contestés lorsqu’elle a rendu sa décision. Mme Andonova a fait valoir que le dossier certifié du tribunal est incomplet et que CIC avait en main les éléments de preuve contestés puisqu’elle les avait fournis aux fins du processus de nomination. Cependant, la Cour ne dispose pas de ces éléments de preuve. L’affidavit de Mme Andonova, auquel sont joints les éléments de preuve contestés, contient seulement des renvois à ces documents à l’appui des déclarations formulées au début de l’affidavit. Il n’y est pas mentionné que les documents ont été fournis à CIC.

[11]  En conséquence, même si l’argument de Mme Andonova pouvait être considéré comme une allégation de vice de procédure (découlant d’une enquête déficiente de la Commission, par exemple) qui pourrait peut-être faire jouer une exception au principe selon lequel le contrôle judiciaire doit se restreindre aux documents dont disposait la Commission, rien dans le dossier devant la Cour ne permet de conclure que CIC avait en main les éléments de preuve contestés et aurait dû le savoir. En outre, comme je l’exposerai en détail ci-dessous dans mon analyse du bien-fondé de la présente demande, les réalisations professionnelles qui pourraient avoir été attestées par les éléments de preuve contestés n’entraient pas en ligne de compte dans la décision de CIC de ne pas retenir la candidature de Mme Andonova à un certain stade du processus de nomination et dans celle de la Commission de ne pas mener une enquête sur cette décision. Ces décisions découlent plutôt de la conclusion de CIC au sujet de l’une des qualifications essentielles du poste convoité, laquelle a été tirée au vu de l’examen écrit et de l’entrevue de Mme Andonova.

[12]  Je suis donc d’accord avec le défendeur qu’il ne faut accorder aucun poids aux éléments de preuve contestés. J’ajouterai que puisqu’ils n’ont eu aucune incidence sur l’élimination de la candidature de Mme Andonova à un certain stade du processus de nomination, ces éléments de preuve n’auraient rien changé à ma décision même si j’en avais tenu compte.

[13]  En ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve que Mme Andonova cherche à ajouter au dossier soumis à la Cour, j’observe que son avis de requête est fondé sur le paragraphe 226(1) des Règles, selon lequel la partie qui se rend compte que son affidavit de documents est inexact ou insuffisant doit signifier un affidavit supplémentaire. Le défendeur soutient que cette disposition ne s’applique pas en l’espèce. Cependant, comme Mme Andonova se représente elle-même, j’ai examiné sa requête sous le régime de l’article 312 des Règles, qui permet à une partie, si la Cour l’y autorise, de déposer un affidavit et un dossier complémentaires. Dans l’arrêt Forest Ethics Advocacy Assn c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88, aux paragraphes 4 à 6, le juge Stratas énonce les critères d’admissibilité d’une demande visée à l’article 312 des Règles, que je résume comme suit :

  1. La preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire.

  2. L’élément de preuve doit être pertinent à une question que la cour de révision est appelée à trancher.

  3. Si ces deux exigences préliminaires sont respectées, la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les questions suivantes :

    1. Est-ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits ou aurait-elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

    2. Est-ce que la valeur probante des éléments de preuve est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

    3. Est-ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

[14]  Mme Andonova cherche à faire admettre des courriels échangés entre CIC et Melanie Laskaris, l’une de ses références (les nouveaux éléments de preuve). Dans l’affidavit auquel sont joints ces éléments de preuve, Mme Andonova explique qu’elle a réalisé que son dossier était incomplet parce qu’il ne comportait aucune preuve étayant l’affirmation formulée dans la présente demande de contrôle judiciaire selon laquelle ses références ont été vérifiées après son entrevue. Les nouveaux éléments de preuve visent à corroborer cette affirmation.

[15]  Le défendeur s’oppose à l’admission des nouveaux éléments de preuve au motif que la Commission ne les avait pas à sa disposition quand elle a rendu sa décision et que Mme Andonova a cherché à les déposer à un moment inopportun. Comme Mme Andonova soutient, là encore, que le dossier certifié du tribunal est incomplet en l’absence des nouveaux éléments de preuve, j’ai vérifié s’ils étaient visés par l’une des exceptions énoncées dans l’arrêt Love. Selon elle, puisqu’il s’agit de courriels échangés avec CIC, ces nouveaux éléments de preuve auraient dû être en sa possession. À l’instar des éléments de preuve contestés dont il a été question ci-dessus, cet argument pourrait être considéré comme une allégation de vice de procédure dans l’enquête de la Commission faisant jouer une exception applicable et, partant, étayer une conclusion selon laquelle les nouveaux éléments de preuve pourraient être pertinents et admissibles. Toutefois, même si j’examinais l’argument de Mme Andonova sous cet angle, ma conclusion serait qu’au vu des facteurs pertinents à l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour par l’article 312 des Règles, l’admission des éléments de preuve ne serait pas justifiée.

[16]  Deux facteurs pourraient me convaincre de faire droit aux nouveaux éléments de preuve : l’absence de préjudice important pour le défendeur et la confirmation selon la date qui y figure que Mme Andonova les a obtenus le 14 avril 2016, soit après le dépôt de l’affidavit original dans son dossier de demande, soit le 24 mars 2016. En revanche, rien ne me permet de savoir si, moyennant une diligence raisonnable, Mme Andonova aurait pu obtenir les nouveaux éléments de preuve avant de déposer le dossier de la demande. Plus important encore, la valeur probante des nouveaux éléments de preuve me semble assez négligeable pour ce qui concerne les questions que la Cour doit trancher. Le défendeur reconnaît que les références de Mme Andonova ont été vérifiées après son entrevue (et même, selon la preuve au dossier certifié du tribunal, que CIC ne les a jamais vérifiées). Mme Andonova allègue que les nouveaux éléments de preuve confirment que ses références ont été vérifiées, tel qu’elle le fait valoir. Cela dit, il s’agit d’un point qui n’a pas été contesté, de sorte que les nouveaux éléments de preuve ne recèlent pas un intérêt particulier pour trancher les questions dont la Cour est saisie, et je ne crois pas que les facteurs visés à l’article 312 des Règles militent pour leur admission.

[17]  La requête visant à faire admettre de nouveaux éléments de preuve est donc rejetée. J’examinerai plus loin dans les présents motifs les arguments de Mme Andonova à l’égard du fait incontesté que ses références ont été vérifiées après son entrevue.

IV.  Questions en litige et norme de contrôle

[18]  Mme Andonova n’énonce pas expressément les questions que la Cour doit trancher. Quant au défendeur, il demande à la Cour de se prononcer sur la norme de contrôle applicable et sur la question de savoir si la décision de la Commission de ne pas mener une enquête était raisonnable (il fait valoir que la norme applicable est celle de la décision raisonnable).

[19]  Je suis d’accord avec la manière dont le défendeur formule les questions en litige. Je conviens également avec le défendeur qu’il est de jurisprudence constante que les décisions de la Commission de ne pas mener l’enquête visée à l’article 66 de la Loi s’examinent selon la norme de la décision raisonnable (Moglica c Canada (Procureur général), 2010 CAF 34, au paragraphe 5, autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada refusée, 2010 CarswellNat 1315).

V.  Discussion

[20]  Avant d’examiner le bien-fondé de la présente demande, il me semble indiqué de passer en revue les dispositions pertinentes de la Loi. La partie 2 de la Loi porte sur le processus de nomination au sein de la fonction publique canadienne. Sous le titre « Modalités de nomination », l’article 30 prévoit que les nominations doivent être fondées sur le mérite et indique en quoi consiste cette exigence :

Principes

Appointment on basis of merit

30 (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

30 (1) Appointments by the Commission to or from within the public service shall be made on the basis of merit and must be free from political influence.

Définition du mérite

Meaning of merit

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

2) An appointment is made on the basis of merit when

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

a) the Commission is satisfied that the person to be appointed meets the essential qualifications for the work to be performed, as established by the deputy head, including official language proficiency; and

(b) la Commission prend en compte :

(b) the Commission has regard to

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(i) any additional qualifications that the deputy head may consider to be an asset for the work to be performed, or for the organization, currently or in the future,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(ii) any current or future operational requirements of the organization that may be identified by the deputy head, and

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

(iii)  any current or future needs of the organization that may be identified by the deputy head.

Besoins

Needs of public service

(3) Les besoins actuels et futurs de l’administration visés au sous-alinéa (2)b)(iii) peuvent comprendre les besoins actuels et futurs de la fonction publique précisés par l’employeur et que l’administrateur général considère comme pertinents pour l’administration.

(3) The current and future needs of the organization referred to in subparagraph (2)(b)(iii) may include current and future needs of the public service, as identified by the employer, that the deputy head determines to be relevant to the organization.

Précision

Interpretation

(4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

(4) The Commission is not required to consider more than one person in order for an appointment to be made on the basis of merit.

[21]  Le paragraphe 31(1) de la Loi confère à l’employeur le pouvoir de fixer les normes de qualification pour un poste :

Normes de qualification

Qualification standards

31 (1) L’employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière d’instruction, de connaissances, d’expérience, d’attestation professionnelle ou de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.

31(1) The employer may establish qualification standards, in relation to education, knowledge, experience, occupational certification, language or other qualifications, that the employer considers necessary or desirable having regard to the nature of the work to be performed and the present and future needs of the public service.

[22]  L’article 36 lui confère le pouvoir de recourir à des méthodes d’évaluation pour décider si une personne possède les qualifications requises :

Méthode d’évaluation

Assessment methods

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

36 In making an appointment, the Commission may use any assessment method, such as a review of past performance and  accomplishments, interviews and examinations, that it considers appropriate to determine whether a person meets the qualifications referred to in paragraph 30(2)(a) and subparagraph 30(2)(b)(i).

[23]  La partie 5 de la Loi porte sur les enquêtes et les plaintes liées aux nominations. L’article 66 traite expressément des enquêtes de la Commission sur les nominations externes :

Nominations externes

External Appointments

66 La Commission peut mener une enquête sur tout processus de nomination externe; si elle est convaincue que la nomination ou la proposition de nomination n’a pas été fondée sur le mérite ou qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, la Commission peut :

66 The Commission may investigate any external appointment process and, if it is satisfied that the appointment was not made or proposed to be made on the basis of merit, or that there was an error, an omission or improper conduct that affected the selection of the person appointed or proposed for appointment, the Commission may

a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas;

(a) revoke the appointment or not make the appointment, as the case may be; and

b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

(b) take any corrective action that it considers appropriate.

[24]  Dans sa demande d’examen d’un processus de nomination externe auquel elle a participé, Mme Andonova demande à la Commission d’exercer un pouvoir qui lui est conféré par l’article 66 de la Loi puisqu’elle affirme que CIC a rendu une décision sur sa candidature qui n’était pas fondée sur le mérite. Dans sa demande à la Commission, Mme Andonova mentionne que CIC l’avait informée qu’il lui manquait la qualification essentielle liée à la communication interactive efficace, et elle fait état de ses compétences, de sa formation et de son expérience dans le domaine visé. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, elle explique qu’elle a terminé l’examen écrit en ligne dans le temps imparti et qu’elle a été très satisfaite de son entrevue. Elle soutient qu’elle a de fortes aptitudes pour la communication efficace, donnant pour preuve qu’elle est coordonnatrice administrative dans le domaine de la fiscalité depuis presque neuf ans et qu’elle n’aurait pas pu remplir ses fonctions sans ces aptitudes.

[25]  Mme Andonova a également expliqué à la Cour que la perspective d’un poste dans la fonction publique canadienne l’enthousiasmait au plus haut point, qu’elle adhérait entièrement à ses valeurs et que le poste postulé à CIC correspondait tout à fait à ses ambitions professionnelles. Elle a ajouté que l’élimination de sa candidature au cours du processus de nomination, qui s’est produit après que CIC a vérifié ses références, y compris auprès de son gestionnaire actuel, l’avait rendue vulnérable dans son milieu de travail actuel.

[26]  Essentiellement, Mme Andonova a plaidé devant la Commission et à nouveau devant la Cour que la décision de l’éliminer du processus de nomination ne pouvait être fondée sur le mérite puisqu’elle est certaine d’avoir réussi l’examen écrit, d’avoir passé une bonne entrevue et de posséder les compétences en communication requises pour le poste. Tel qu’il est expliqué dans la décision communiquée à Mme Andonova et dans le document d’examen de dossier dans lequel elle expose en détail les motifs de sa décision, la Commission a posé des questions à CIC après avoir reçu la demande. Selon les renseignements obtenus de CIC, Mme Andonova ne possède pas l’une des qualifications essentielles du poste, soit la communication interactive efficace. Conformément au Guide des critères d’évaluation appliqué à la demande de Mme Andonova, cette qualification est évaluée en fonction de l’examen écrit et de l’entrevue, pour lesquels elle a obtenu 2 sur 5, alors que la note de passage est 3 sur 5. Le Guide des critères d’évaluation explique aussi l’analyse effectuée par CIC pour parvenir à cette note.

[27]  Dans sa décision, la Commission indique que les documents fournis suggèrent que des outils appropriés ont été utilisés pour évaluer les qualifications exigées pour le poste et que la candidature de Mme Andonova a été évaluée conformément aux critères décrits dans le Guide. Au vu des renseignements obtenus, la Commission a jugé qu’une enquête n’était pas justifiée puisque la Loi ainsi que les règlements et les politiques qui en découlent ont été rigoureusement appliqués.

[28]  Même si l’intérêt que porte Mme Andonova à la fonction publique est louable, la Cour ne relève aucune erreur susceptible de révision dans la décision de la Commission de ne pas mener une enquête sur le processus de nomination en cause. La Commission a constaté d’une part que sa candidature avait été rejetée parce qu’elle ne possédait pas une qualification essentielle et, d’autre part, que l’évaluation de cette qualification avait été faite avec les outils appropriés, soit un examen et une entrevue. La Commission n’a pas procédé à une analyse législative formelle, certes, mais il découle des dispositions examinées précédemment qu’une nomination fondée sur le mérite exige l’évaluation des qualifications essentielles liées à un poste, et que la Loi autorise l’employeur à établir ses propres normes de qualification et les outils utilisés pour les évaluer. Plus particulièrement, selon la norme de contrôle de la raisonnabilité, une décision doit appartenir aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47), et celle de la Commission ne justifie aucunement une intervention de la Cour.

[29]  En ce qui concerne la vérification des références après l’entrevue, Mme Andonova a relevé dans le document d’examen de dossier sur lequel repose la décision de la Commission que CIC ne semble pas avoir communiqué avec ses références après avoir établi qu’elle ne possédait pas l’une des qualifications évaluées lors de l’entrevue. Le défendeur a reconnu dans sa plaidoirie que ce n’était pas exact : CIC a communiqué avec les références de Mme Andonova, mais elles n’ont pas été évaluées. Le défendeur a renvoyé la Cour à un message que CIC a adressé à la Commission, dans lequel il est expliqué que puisque Mme Andonova n’a pas obtenu la note de passage au critère de la communication interactive efficace, la vérification des références prévue pour l’évaluation de trois autres qualifications (adaptabilité et flexibilité, valeurs et éthique, accent sur la qualité et les détails) n’a pas été faite.

[30]  Cette explication est corroborée par le Guide des critères d’évaluation qui a été utilisé pour mesurer le rendement de Mme Andonova, qui explique la méthode d’évaluation suivie pour chacune des qualifications. Par exemple, dans la section du Guide portant sur la communication interactive efficace, il est indiqué que cette qualification est évaluée au moyen d’une entrevue et d’un examen écrit. La section sur l’adaptabilité et la flexibilité indique que cette qualification est évaluée au moyen d’une entrevue, d’un examen écrit et d’une vérification des références. Dans l’évaluation de Mme Andonova, il est écrit dans cette section que [traduction] « les références n’ont pas été évaluées parce que le critère 3 n’a pas été rempli ».

[31]  La preuve indique, et cela vient confirmer les déclarations du défendeur, qu’on a communiqué avec les références de Mme Andonova, mais que celles-ci n’ont pas été évaluées parce qu’il est ressorti de son examen écrit et de son entrevue qu’elle ne possédait pas la qualification essentielle liée à la communication interactive efficace. Apparemment, la Commission a interprété la déclaration de CIC selon laquelle les références n’avaient pas été évaluées comme voulant dire qu’elles n’avaient pas été jointes par CIC. Il s’agit d’une erreur de fait qui n’est ni importante ni susceptible de révision, et qui par conséquent ne permet pas de qualifier la décision de la Commission de déraisonnable. Il est indiqué dans le dossier dont disposait la Commission que les références de Mme Andonova n’ont pas été évaluées parce qu’elle ne possédait pas une qualification essentielle. À mon avis, sa décision n’aurait pas été différente si elle avait bien compris que CIC avait communiqué avec ces personnes, mais n’avait pas fait d’évaluation par la suite.

[32]  Je comprends l’argument de Mme Andonova comme quoi la vérification de ses références après son entrevue confirme qu’elle a franchi avec succès l’étape de l’entrevue du processus de nomination. Cependant, aucun élément de preuve au dossier ne me permet de tirer une telle conclusion. La preuve examinée ci-dessus confirme expressément l’argument contraire du défendeur, qui affirme que les références de Mme Andonova n’ont pas été évaluées parce qu’il a été établi à l’issue de l’examen écrit et de l’entrevue qu’elle ne possédait pas l’une des qualifications essentielles.

[33]  Je mentionne en terminant que Mme Andonova a fait remarquer que dans le document certifié du tribunal, plusieurs copies du guide de cotation de son évaluation sont datées du 16 juillet 2015 en bas de page (la date de l’entrevue), mais qu’une seule copie a été signée et estampillée le 4 août 2015. Toutefois, je ne saurais conclure à partir de cet élément de preuve que la décision de la Commission de ne pas mener une enquête sur le processus de nomination était déraisonnable.

VI.  Dépens

[34]  Le défendeur demande des dépens relativement à la présente demande. Il n’a pas suggéré de montant, mais il a concédé que des dépens symboliques pourraient être adjugés.

[35]  Étant donné qu’il a obtenu gain de cause et qu’il en a fait la demande, je suis d’avis qu’il y a lieu d’adjuger les dépens au défendeur. À cet escient, je m’inspirerai de la décision Mabrouk c Canada (Commission de la fonction publique), 2014 CF 66, dans laquelle la juge McVeigh a adjugé des dépens de 250 $ à l’encontre d’un demandeur non représenté s’étant vu refuser une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un enquêteur de la Commission au terme d’une enquête visée à l’article 66 de la Loi. Compte tenu de ce précédent et de la mention expresse du défendeur quant au caractère symbolique des dépens accordés, je fixe leur montant à 150 $.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La requête de la demanderesse visant l’admission de nouveaux éléments de preuve aux termes de l’article 369 des Règles est rejetée.

  2. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Des dépens de 150 $ sont adjugés au défendeur.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de décembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2173-15

INTITULÉ :

VANYA PETKOVA ANDONOVA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 4 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Petkova Andonova

Pour la demanderesse

(Pour son propre compte)

Gillian Patterson

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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